43908/16
Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
Urteilskopf

43908/16


E.G. c. Suisse
Décision no. 43908/16, 30 janvier 2024

Regeste

Diese Zusammenfassung existiert nur auf Französisch.

DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
SUISSE: Art. 14 combiné avec l'art. 6 et/ou l'art. 8 CEDH. Application de la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité ayant entraîné une perte partielle de la rente de l'assurance-invalidité.
Dans le cas d'espèce, la Cour estime que les prestations de l'assurance-invalidité ne visent pas à favoriser la vie familiale et n'ont pas nécessairement une incidence sur l'organisation de celle-ci. Les faits ne relèvent pas du champ d'application de la vie familiale au sens de l'art. 8 CEDH. Par conséquent, l'art. 14 CEDH n'est pas applicable sous cet angle-là.
Par ailleurs, la Cour ne voit pas en quoi la réduction d'un quart de la rente d'assurance-invalidité a pu avoir des répercussions significatives sur le développement et l'autonomie personnels de la requérante. Les conséquences de la réduction sont avant tout de nature financière, aspect qui n'est a priori pas couvert par la notion de vie privée. L'art. 8 CEDH n'entre pas en jeu sous cet angle-là non plus.
Enfin, aucun examen séparé du grief sur le terrain de l'art. 6 à l'appui de l'art. 14 CEDH ne s'impose.
La requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la CEDH (ch. 8-20).
Conclusion: requête déclarée irrecevable.



Sachverhalt

TROISIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 43908/16
E.G.
contre la Suisse
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant le 30 janvier 2024 en un comité composé de :
Yonko Grozev , président ,
Ioannis Ktistakis,
Andreas Zünd , juges ,
et de Olga Chernishova, greffière adjointe de section ,
Vu :
la requête no 43908/16 dirigée contre la Confédération suisse et dont une ressortissante de cet État, Mme E.G. (« la requérante ») née en 1985 et résidant à Volketswil, représentée par Me Stolkin, avocat à Zürich, a saisi la Cour le 18 juillet 2016 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),
la décision de porter à la connaissance du gouvernement suisse (« le Gouvernement »), représenté par son agent, M. A. Chablais, de l'Office fédéral de la justice, le grief concernant l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 6 et/ou l'article 8 de celle-ci, et de déclarer la requête irrecevable pour le surplus,
la décision d'octroyer d'office l'anonymat à la requérante (article 47 § 4 du règlement),
les observations des parties,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
OBJET DE l'AFFAIRE
1. La requérante souffre, depuis sa naissance, de troubles moteurs cérébraux, de tétraparésie spastique résiduelle, d'hallux valgus aux deux pieds et de macrocéphalie. À partir du 1er octobre 2005, elle bénéficia d'une rente entière de l'assurance-invalidité. À la suite de la naissance du fils de la requérante en 2013, l'office d'assurance-invalidité du canton de Zurich (ci-après l'« OAI »), par une décision du 6 novembre 2013, décida de réduire la rente en question d'un quart en application de la « méthode mixte » du calcul du taux d'invalidité (paragraphe 10 ci-dessous).
2. Par un jugement du 13 mars 2015, le tribunal d'assurances sociales du canton de Zurich rejeta la demande formée par la requérante contre la réduction de sa rente.
3. Par un arrêt du 22 décembre 2015, notifié à l'intéressée le 19 janvier 2016, le Tribunal fédéral rejeta le recours exercé par la requérante contre ce jugement au motif que celle-ci n'avait pas subi un traitement discriminatoire fondé sur l'application de la « méthode mixte ».
4. Le 2 février 2016, la Cour a rendu l'arrêt Di Trizio c. Suisse (no 7186/09), dans lequel elle avait conclu à une violation de l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 8, estimant que l'application de la méthode mixte constituait un traitement discriminatoire fondé sur le sexe (ibid, §§ 101-103).
5. À la suite de cet arrêt et d'un changement dans l'application de la méthode mixte, le 6 décembre 2018, l'OAI adressa à la requérante un préavis par lequel il l'informa qu'il entendait lui allouer une rente entière à compter du 1er septembre 2018 (au moment où son fils entamerait sa scolarité).
6. Par une lettre du 25 janvier 2019, la requérante s'opposa au préavis, demandant à pouvoir bénéficier d'une rente entière avec effet rétroactif à partir de 2014.
7. Par une décision du 27 février 2019, l'OAI confirma le préavis du 6 décembre 2018.


Erwägungen

APPRÉCIATION DE LA COUR
8. La requérante se dit victime d'une discrimination contraire à l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 6 et/ou l'article 8 de celle-ci en conséquence de l'application à son égard de la méthode mixte, laquelle, explique-t-elle, a entraîné une perte partielle de sa rente de l'assurance-invalidité.
9. Le Gouvernement soutient que la requérante n'a pas épuisé les voies de recours internes et, subsidiairement, invite la Cour à rayer la présente requête du rôle dès lors qu'il ne serait plus justifié d'en poursuivre l'examen (article 37 § 1 c) de la Convention). La Cour ne s'estime pas tenue de répondre à ces arguments dans la mesure où la présente requête s'avère de toute façon irrecevable pour les motifs qui suivent.
10. Dans son arrêt Di Trizio, précité, § 33, et dans l'affaire Bladt c. Suisse ((déc.) [comité], no 37946/13, § 19, 18 septembre 2018), la Cour a expliqué la méthode mixte du calcul du taux d'invalidité dans les termes suivants :
« [La méthode mixte] s'applique aux personnes qui, parallèlement à une activité lucrative à temps partiel, exercent aussi une autre activité, non lucrative (par exemple, s'occuper du foyer). Le taux d'invalidité sera déterminé par comparaison des revenus pour la part d'activité lucrative, et par comparaison des champs d'activité pour les activités d'ordre ménager. »
11. Dans l'affaire Beeler c. Suisse ([GC], no 78630/12, 11 octobre 2022), la Grande Chambre de la Cour a eu l'occasion de clarifier les principes régissant la question de savoir si et dans quelle mesure les allocations sociales relèvent du domaine de la « vie familiale » tel que garanti par l'article 8 de la Convention et peuvent, dès lors, faire entrer en jeu l'article 14 de la Convention. Elle a élaboré à ce sujet les principes qui suivent :
« 72. Dès lors, pour que l'article 14 de la Convention entre en jeu dans ce contexte spécifique, la matière sur laquelle porte le désavantage allégué doit compter parmi les modalités d'exercice du droit au respect de la vie familiale tel que garanti par l'article 8 de la Convention, en ce sens que les mesures visent à favoriser la vie familiale et qu'elles ont nécessairement une incidence sur l'organisation de celle-ci. La Cour estime qu'un éventail d'éléments sont pertinents pour déterminer la nature de l'allocation en question et qu'il convient de les examiner dans leur ensemble. Figureront parmi ces éléments, notamment : le but de l'allocation tel que déterminé par la Cour à la lumière de la législation concernée ; les conditions de l'octroi, du calcul et de l'extinction de l'allocation prévues par les dispositions légales ; les effets sur l'organisation de la vie familiale tels qu'envisagés par la législation ; les incidences réelles de l'allocation, compte tenu du cas individuel du requérant et de sa vie familiale pendant toute la période de versement de l'allocation. »
12. En ce qui concerne le cas d'espèce, la Cour doit donc examiner si la prestation litigieuse, à savoir les prestations de l'assurance-invalidité, vise à favoriser la vie familiale et si elle a nécessairement une incidence sur l'organisation de celle-ci. Elle doit prendre en compte, à cette fin, l'ensemble des éléments pertinents permettant de déterminer la nature de cette prestation (voir, mutatis mutandis, Berisha c. Suisse (déc.), no 4723/13, § 40, 24 janvier 2023).
13. Dans cette dernière décision, la Cour a noté que l'assurance-invalidité est une assurance obligatoire visant à garantir des moyens d'existence aux personnes assurées, devenues invalides. L'assurance-invalidité octroie différentes prestations dont la rente d'invalidité, qui est régie par les articles 28 et suivants de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19juin 1959 (LAI). Ainsi, les assurés ont droit à une rente lorsque, en raison d'une atteinte à leur santé, ils sont limités partiellement ou totalement dans leur capacité de gain ou dans l'accomplissement de leurs travaux habituels, à condition que cette atteinte à leur santé présente un caractère durable (ibidem, §§ 13-14).
14. La Cour estime qu'à la lumière de ces explications, le but de la rente d'invalidité n'est pas de favoriser la vie familiale des bénéficiaires. Par ailleurs, et ce contrairement à la rente de veuf, le versement de celle-ci ne dépend pas de l'existence des enfants ou d'un couple marié (voir, a contrario, Beeler, précité, § 74 et suivants).
15. Enfin, quant aux conséquences réelles de la mesure litigieuse sur la vie familiale, force est de constater qu'à partir de 2014, la réduction de la rente de l'assurance-invalidité ne concernait qu'un quart de la rente. La requérante ne démontre par ailleurs pas suffisamment que cette réduction l'a touchée de manière significative et concrète dans la jouissance de sa vie familiale. Par ailleurs, par un préavis daté du 6 décembre 2018, l'OAI a annoncé à la requérante que celle-ci pourrait bénéficier d'une rente entière à partir du 1er septembre 2018 (date à laquelle son fils a été scolarisé). Ainsi, les inconvénients découlant de la réduction de la rente étaient également limités dans le temps.
16. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que la prestation en cause ne vise pas à favoriser la vie familiale et qu'elle n'a pas nécessairement une incidence sur l'organisation de celle-ci. Elle en conclut que les faits de l'espèce ne relèvent pas du champ d'application de la « vie familiale » au sens de l'article 8 de la Convention et que, par conséquent, l'article 14 n'est pas applicable au cas d'espèce sous cet angle-là.
17. Il appartient à la Cour d'examiner si le grief allégué par la requérante relève du domaine de la « vie privée ». À cet égard, la Cour rappelle que la notion de « vie privée » au regard de l'article 8 de la Convention est une notion large qui ne peut faire l'objet d'une définition exhaustive. Elle a considéré que le droit au développement personnel et l'autonomie personnelle (Di Trizio, précité, § 64) justifiaient la mise en jeu de l'article 8 au titre de la protection de la « vie privée ».
18. Dans le cas d'espèce, la Cour ne voit pas en quoi la réduction d'un quart de la rente d'assurance-invalidité a pu avoir des répercussions significatives sur le développement et l'autonomie personnels de la requérante (voir, a contrario, Bladt, décision précitée, § 37, dans laquelle la Cour a admis que la requérante était touchée dans son « autonomie personnelle », car sa rente avait subi une réduction en raison du choix que l'intéressée avait fait de travailler à temps partiel). Les conséquences de ladite réduction sont avant tout de nature financière, aspect qui n'est a priori pas couvert par la notion de « vie privée ». Dès lors, l'article 8 n'entre pas en jeu sous cet angle-là non plus.
19. Enfin, la requérante se réfère à l'article 6 de la Convention à l'appui de l'article 14. Or, dûment représentée par un avocat, elle n'a pas distingué suffisamment ce grief de celui formulé sur le terrain de l'article 14, combiné avec l'article 8, ni devant le Tribunal fédéral ni devant la Cour. Dès lors, aucun examen séparé du grief ne s'impose sous cet angle-là.
20. Compte tenu de ce qui précède, la présente requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l'article 35 § 3 a) et doit être rejetée en application de l'article 35 § 4.


Entscheid

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 22 février 2024.
Olga Chernishova Yonko Grozev
Greffière adjointe Président

Referenzen

Artikel: art. 8 CEDH, art. 14 CEDH