15625/09
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Urteilskopf

15625/09


Zoppi Alberto c. Svizzera
Decisione d'irricevibilità no. 15625/09, 11 septembre 2018

Regeste

Diese Zusammenfassung existiert nur auf Französisch.

  DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:

SUISSE: Art. 6 par. 1 CEDH. Droit à un tribunal impartial et durée des procédures pénale et administrative.

  En ne demandant pas la récusation du juge dans son recours interjeté auprès du Tribunal fédéral, le requérant n'a pas respecté les formes prescrites par le droit interne. Son grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes (ch. 37-43).
  La violation du principe de célérité en lien avec la procédure pénale a été reconnue par les autorités internes et a été réparée de manière suffisante et adéquate (ch. 45-52).
  S'agissant de la procédure administrative, la Cour s'est livrée à une appréciation globale de la complexité de l'affaire et du comportement des parties et a estimé que la durée totale ne s'est pas prolongée au-delà de ce qui peut passer pour raisonnable au vu des circonstances particulières de la cause (ch. 53-60).
  Conclusion: requête déclarée irrecevable.





Sachverhalt

 
TROISIÈME SECTION
DÉCISION
Requêtes nos 15625/09 et 56889/10
Alberto ZOPPI
contre la Suisse
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant le 11 septembre 2018 en un comité composé de :
    Pere Pastor Vilanova, président,
    Helen Keller,
    María Elósegui, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,
Vu les requêtes susmentionnées introduites respectivement le 10 mars 2009 et le 30 août 2010,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
 
EN FAIT
1.  Le requérant, M. Alberto Zoppi, est un ressortissant suisse né en 1955 et résidant à Agno. Il a été représenté devant la Cour par Mme V. Zoppi-Agustoni, résidant à Agno.
2.  Le gouvernement suisse (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Schürmann, de l'Office fédéral de la justice.
A.  Les circonstances de l'espèce
3.  Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
4.  Une procédure pénale et une procédure administrative furent ouvertes à l'encontre du requérant, employé au sein de l'administration cantonale tessinoise en tant que juriste depuis le 1er avril 1981. Elles débouchèrent sur sa condamnation pénale pour dénonciation calomnieuse et violation répétée du secret de fonction et sa destitution.
1. La requête no 15625/09
a) La phase initiale
5.  Le 24 août 2000, le requérant fut arrêté dans le cadre d'une affaire de corruption impliquant, entre autres, le président de la Cour d'assises cantonale et un commerçant de tabac italien. Il lui était reproché d'avoir envoyé, pendant l'hiver 1999, à deux magistrats italiens et au Ministère public (Ministero pubblico) du canton du Tessin (« Ministère public »), une lettre anonyme qui dénonçait l'amitié entre le juge et le commerçant de tabac, de même que d'avoir adressé, durant l'été 2000, à différentes personnalités suisses, d'autres lettres anonymes révélant des prétendus dysfonctionnements au sein des services cantonaux chargés de l'octroi des permis de séjour. Neuf chefs d'accusation furent envisagés par le procureur général : tentative de fraude et d'extorsion, diffamation, calomnie, menace, violation du secret de fonction, corruption active et passive et dénonciation calomnieuse. Un mois après son arrestation, le requérant fut remis en liberté alors que le Ministère public poursuivait son enquête.
b) Début et suspension de la procédure administrative
6.  Toujours le 24 août 2000, le Conseil d'État (Consiglio di Stato) du Canton du Tessin (« Conseil d'État ») ouvrit une procédure administrative à l'encontre du requérant, ordonnant une enquête disciplinaire, et le suspendit de ses fonctions avec une réduction de moitié de son salaire. L'enquête disciplinaire fut tout de suite suspendue dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.
7.  Le 20 décembre 2000, le Conseil d'État décida de reprendre la procédure administrative.
8.  Le 12 janvier 2001, le requérant forma un recours contre cette décision et demanda son annulation, faisant valoir qu'en principe, l'autorité administrative devait suspendre sa décision jusqu'au jugement pénal définitif.
9.  Par arrêt du 17 janvier 2001, le Tribunal cantonal administratif déclara le recours irrecevable.
10.  Par la suite, le 29 janvier 2001, le requérant demanda la suspension de la procédure administrative auprès du Conseil d'État. Cette demande fut rejetée par le Conseil d'État par décision du 15 mai 2001.
11.  Le 4 septembre 2001, sur la base de nouvelles informations transmises par le procureur général, le Conseil d'État prononça la destitution avec effet immédiat du requérant pour violation grave de ses devoirs de fidélité et de loyauté vis-à-vis de l'administration.
12.  Le 12 septembre 2001, le requérant recourut contre cette décision au tribunal cantonal administratif (Tribunale cantonale amministrativo) du canton du Tessin (« tribunal cantonal administratif »), exigeant un licenciement avec compensation à la place de la destitution. À l'appui de son recours, le requérant produisit une copie d'un mémoire de 94 pages qu'il avait adressé en octobre 2001 à une commission administrative chargée d'investiguer sur le fonctionnement de certains secteurs de l'administration cantonale. Dans ce document, parmi les nombreux cas de mauvais fonctionnement allégués, le requérant formulait des allégations à l'encontre d'un juge ayant officié dans le canton du Tessin, le juge X.
13.  Il ressort du dossier que la procédure devant le tribunal cantonal administratif fut suspendue dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.
c) La procédure pénale
14.  Dans le cadre de la procédure pénale, le requérant forma, le 27 septembre 2004, un recours pour déni de justice. Le 3 novembre 2004, le juge de l'instruction et de la détention (giudice dell'istruzione e dell'arresto) admit partiellement le recours, considérant que le principe de célérité avait été violé à l'égard d'une partie de la procédure.
15.  Le 24 mai 2005, le procureur général renvoya le requérant devant le tribunal pénal de première instance (Pretura penale).
16.  Le 6 octobre 2005, le tribunal pénal de première instance reconnut le requérant coupable de violation répétée du secret de fonction et le condamna à cinq jours de détention avec un délai d'épreuve de deux ans. Il précisait que la violation du principe de célérité ne justifiait pas, par son intensité, l'abandon de la procédure pénale ou l'exemption de toute peine, mais plutôt une réduction de celle-ci.
17.  Le 12 décembre 2006, la cour de cassation et de révision pénale du Tribunal d'appel (Corte di cassazione e di revisione penale del Tribunale d'appello) du canton du Tessin (« cour de cassation du Tribunal d'appel ») reconnut le requérant coupable de dénonciation calomnieuse et le condamna à dix jours de prison avec un délai d'épreuve de deux ans. Elle  relevait notamment que le temps passé dès l'ouverture de l'enquête pénale était excessif et que, si le jugement pour dénonciation calomnieuse avait été prononcé rapidement, la peine eût pu être bien supérieure.
18.  Par un arrêt du 21 août 2007, la cour de cassation pénale du Tribunal fédéral annula le jugement de la cour de cassation du Tribunal d'appel et lui renvoya la cause.
19.  Le 20 septembre 2007, la cour de cassation du Tribunal d'appel  reconnut le requérant coupable de dénonciation calomnieuse et de violation répétée du secret de fonction et renvoya le dossier au tribunal pénal de première instance en vue de la fixation définitive de la peine.
20.  Le 12 février 2008, le Président du tribunal pénal de première instance condamna le requérant à une peine pécuniaire de dix jours-amende à 30 francs suisses (CHF) (soit environ 25 euros [EUR]) avec sursis, avec une période d'essai de deux ans. Il précisait que la peine avait été fixée après déduction de la détention avant jugement de 30 jours et qu'aucune des parties n'avait demandé la motivation écrite de cette décision ni formulé de déclaration de recours.
d) Reprise et conclusion de la procédure administrative
21.  Le 11 juillet 2008, le tribunal cantonal administratif rejeta le recours du requérant du 12 septembre 2001 (paragraphe 12 ci-dessus) et confirma sa destitution.
22.  Le 18 août 2008, le requérant contesta cette décision et demanda son annulation. Parmi ses griefs, il faisait notamment valoir une violation du principe de célérité, alléguant que les autorités appelées à se prononcer avaient relevé à plusieurs reprises que le principe de célérité avait été violé dans le cadre de la procédure pénale et que le Président du Tribunal pénal de première instance en avait tenu compte lors de la fixation de la peine. Il alléguait que le problème ne tenait pas au fait que le tribunal cantonal eût attendu l'issue de la procédure pénale, mais à son interprétation de la condamnation pénale. Par ailleurs, le requérant ne formulait aucune demande de récusation dans son recours.
23.  Par un arrêt du 12 février 2009, la première cour de droit public du Tribunal fédéral, statuant à trois juges, rejeta ce recours, tout en abordant la question de la longueur de la procédure en ces termes (traduction par la Cour) :
« La violation du principe de célérité a été dûment considérée dans le cadre de la procédure pénale, notamment lors de la fixation de la peine, mais la question ne fait pas l'objet du présent jugement. Quant à la durée de la procédure administrative, [le recourant] admet avoir sollicité, certes pas par écrit, sa continuation seulement après le jugement définitif de condamnation du 12 février 2008. Il a partant, à tout le moins implicitement, accepté la suspension de la procédure de recours, suspension qui n'a pas été établie, il est vrai, par une décision formelle, et ce jusqu'à la conclusion du procès pénal. Après le jugement pénal du 12 février 2008, la procédure administrative s'est déroulée sans retard : à la suite de l'audience du 14 avril 2008, l'arrêt a été rendu le 11 juillet 2008. Au vu de ces circonstances et, en premier lieu, du consentement du recourant à attendre la fin du procès pénal, il ne peut pas être reproché à l'autorité précédente d'avoir décidé avec retard du recours contre la décision de destitution ».
Un des membres du collège du Tribunal fédéral ayant statué en l'espèce était le juge X.
2.  La requête no 56889/10
24.  Le 3 décembre 2009, la chambre des recours pénaux du Tribunal d'appel (Camera dei ricorsi penali del Tribunale d'appello) du canton du Tessin rejeta une demande d'indemnisation d'un montant de 869 914 CHF (soit environ 726 552 EUR) présentée par le requérant à l'encontre du Canton du Tessin pour avoir subi un procès injuste. Elle relevait que le requérant n'avait pas été acquitté de toutes les charges.
25.  Par un recours du 22 janvier 2010, le requérant contesta cette décision. Il demandait la récusation du président de la chambre des recours pénaux du Tribunal d'appel et, le cas échéant, celle du juge X.
26.  Par un arrêt du 22 avril 2010 la cour de droit pénal du Tribunal fédéral rejeta le recours, précisant que la demande de récusation relative au président de la chambre des recours pénaux du Tribunal d'appel était tardive et que celle concernant le juge du Tribunal fédéral était sans objet, puisque le juge intéressé n'était pas membre du collège.
27.  Le 31 mai 2010, le requérant présenta au Tribunal fédéral une demande de révision de l'arrêt du 22 avril 2010, alléguant que ce tribunal n'avait pas statué sur certaines de ses conclusions et qu'il n'avait pas pris certains faits en considération.
28.  Par un arrêt du 10 juin 2010, la cour de droit pénal du Tribunal fédéral rejeta la demande de révision. Le Tribunal fédéral considérait qu'elle n'était pas suffisamment motivée, essentiellement du fait de l'absence de toute argumentation relative aux prétendues insuffisances de l'arrêt du 22 avril 2010.
B.  Le droit et la pratique internes pertinents
1.  Le droit interne pertinent
29.  Les dispositions pertinentes de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (« Cst. », RS 101) prévoient ce qui suit :
Article 29 : Garanties générales de procédure
« Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
(...)
Article 30 : Garanties de procédure judiciaire
Toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Les tribunaux d'exception sont interdits.
(...) »
30.  Les articles pertinents de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (« LTF », RS 173.110) prévoient ce qui suit :
Article 34 : Motifs de récusation
« Les juges et les greffiers se récusent :
a. s'ils ont un intérêt personnel dans la cause ;
b. s'ils ont agi dans la même cause à un autre titre, notamment comme membre d'une autorité, comme conseil d'une partie, comme expert ou comme témoin ;
c. s'ils sont liés par les liens du mariage ou du partenariat enregistré ou font durablement ménage commun avec une partie, son mandataire ou une personne qui a agi dans la même cause comme membre de l'autorité précédente ;
d. s'ils sont parents ou alliés en ligne directe ou, jusqu'au troisième degré inclus, en ligne collatérale avec une partie, son mandataire ou une personne qui a agi dans la même cause comme membre de l'autorité précédente ;
e. s'ils pouvaient être prévenus de toute autre manière, notamment en raison d'une amitié étroite ou d'une inimitié personnelle avec une partie ou son mandataire.
La participation à une procédure antérieure devant le Tribunal fédéral ne constitue pas à elle seule un motif de récusation.
Article 36 : Demande de récusation
La partie qui sollicite la récusation d'un juge ou d'un greffier doit présenter une demande écrite au Tribunal fédéral dès qu'elle a connaissance du motif de récusation. Elle doit rendre vraisemblables les faits qui motivent sa demande.
(...)
Article 37 : Décision
Si le motif de récusation est contesté par le juge ou le greffier visé, ou par un autre membre de la cour, celle-ci statue en l'absence du juge ou du greffier visé.
(...)
Article 38 : Violation des dispositions sur la récusation
Les opérations auxquelles a participé une personne tenue de se récuser sont annulées si une partie le demande au plus tard cinq jours après avoir eu connaissance du motif de récusation.
Les mesures probatoires non renouvelables peuvent être prises en considération par l'autorité de décision.
Si un motif de récusation n'est découvert qu'après la clôture de la procédure, les dispositions sur la révision sont applicables.
Article 121 : Violation de règles de procédure
La révision d'un arrêt du Tribunal fédéral peut être demandée :
a. si les dispositions concernant la composition du tribunal ou la récusation n'ont pas été observées ;
(...)
Article 124 : Délai
La demande de révision doit être déposée devant le Tribunal fédéral :
a. pour violation des dispositions sur la récusation, dans les 30 jours qui suivent la découverte du motif de récusation ;
(...)
Article 128 : Arrêt
Si le Tribunal fédéral admet le motif de révision invoqué, il annule l'arrêt et statue à nouveau.
(...) »
31.  L'article 69 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (« CP », RS), dans sa version en vigueur au moment des faits litigieux, prévoit ce qui suit :
Article 69 : Imputation de la détention préventive
« Le juge déduira la détention préventive de la peine privative de liberté dans la mesure où le condamné n'aura pas, par sa conduite après l'infraction, provoqué lui-même sa détention préventive ou la prolongation de celle-ci. S'il ne condamne qu'à l'amende, il pourra tenir compte de cette détention dans une mesure équitable ».
2.  La pratique interne pertinente
32.  S'agissant du moment auquel une demande de récusation doit être formulée, le Tribunal fédéral, dans son arrêt 4A_425/2012 du 26 février 2013 publié au recueil des arrêts principaux du Tribunal fédéral (« ATF » 139 III 120), indiquait ce qui suit :
« 3.2.1 (...) Selon un principe général, la partie qui a connaissance d'un motif de récusation doit l'invoquer aussitôt, sous peine d'être déchue du droit de s'en prévaloir ultérieurement. Il est, en effet, contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière du tribunal pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable de la procédure. »
33. Le Tribunal fédéral précisait ce qui suit à propos de la possibilité d'avoir accès aux noms des juges dans son arrêt 6F_8/2015 du 30 avril 2015 :
« 4.1.1. (...) Lorsqu'elle est invoquée à l'appui d'une demande de récusation, la méconnaissance du nom des juges du Tribunal fédéral ne constitue pas un motif de révision. L'Annuaire fédéral ou le site internet des autorités fédérales constituent des sources d'information suffisantes pour le justiciable, même non assisté d'un avocat. La situation se présente différemment lorsqu'un juge suppléant est appelé à siéger, car le justiciable peut partir de l'idée que le tribunal va statuer dans sa composition ordinaire. Dans ce cas, le motif de récusation ne sera connu qu'aux débats ou à réception de l'arrêt et l'on se trouve alors dans l'hypothèse visée par l'art. 38 al. 3 LTF. »
GRIEFS
34.  Invoquant l'article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint d'une violation de son droit à un tribunal impartial compte tenu de la présence du juge X dans la formation du Tribunal fédéral ayant rendu l'arrêt du 12 février 2009 concernant la procédure administrative ayant abouti à la destitution du requérant.
35.  Invoquant l'article 6 § 1 de la Convention, le requérant allègue que la durée des procédures pénale et administrative a méconnu le principe du « délai raisonnable ».
 


Erwägungen

EN DROIT
A.  Sur la jonction des requêtes
36.  Compte tenu de la connexité des requêtes quant aux faits et aux questions de fond qu'elles posent, la Cour juge approprié de les joindre en application de l'article 42 § 1 de son règlement.
B.  Grief tiré du droit à un tribunal impartial
37.  Le requérant, sous l'angle du droit à un tribunal impartial, se plaint de la présence du juge X dans la formation du Tribunal fédéral ayant rendu l'arrêt du 12 février 2009.
38.  Le Gouvernement soutient que le requérant n'a pas épuisé les voies de recours internes. Rappelant que selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le motif de récusation devait être invoqué aussitôt que l'intéressé en avait eu connaissance, le Gouvernement allègue que le requérant, qui aurait eu connaissance des motifs de récusation allégués bien avant le prononcé de l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 février 2009, aurait pu faire valoir ces motifs de récusation à temps. Il expose par ailleurs qu'il était vraisemblable que le Tribunal fédéral rendît cet arrêt en composition ordinaire, et donc avec la participation possible du juge X, et que les parties pouvaient prendre connaissance de la composition ordinaire des organes juridictionnels du Tribunal fédéral publiée sur le site internet du Tribunal fédéral, dans l'annuaire fédéral ainsi que dans l'annuaire du canton du Tessin.
39.  Le requérant rejette la thèse du Gouvernement. Il fait valoir qu'il serait contraire au principe de la bonne foi de juger tardive sa demande de récusation du juge X.
40.  La Cour rappelle tout d'abord qu'aux termes de l'article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu'après épuisement de toutes les voies de recours internes. Tout requérant doit avoir donné aux juridictions internes l'occasion que cette disposition a pour finalité de ménager en principe aux États contractants, à savoir éviter ou redresser les violations alléguées contre eux (voir, parmi beaucoup d'autres, McFarlane c. Irlande [GC], no 31333/06, § 107, 10 septembre 2010, Parrillo c. Italie [GC], no 46470/11, § 87, CEDH 2015, et Karácsony et autres c. Hongrie [GC], nos 42461/13 et 44357/13, § 76, 17 mai 2016).
41.  En l'espèce, la Cour relève que le requérant avait connaissance du motif de récusation qu'il fait valoir à l'encontre du juge X lorsqu'il a interjeté son recours du 18 août 2008 auprès du Tribunal fédéral. D'une part, le requérant avait formulé des allégations à l'encontre du juge X en 2001 déjà, soit sept années auparavant. D'autre part, le requérant pouvait aisément se renseigner, au moyen de diverses sources publiquement accessibles, tels l'annuaire fédéral et le site internet du Tribunal fédéral, sur la composition possible du collège du Tribunal fédéral appelé à juger son affaire. Or, il n'a formulé aucune demande de récusation à l'encontre du juge X dans son recours. Ce faisant, il ne s'est pas conformé aux règles clairement établies à ce sujet (paragraphes 30, 32 et 33 ci-dessus). La Cour souligne encore qu'il pouvait être exigé du requérant, un juriste, qu'il se renseigne sur les règles en vigueur s'agissant de la procédure auprès du Tribunal fédéral.
42.  La Cour considère dès lors que le requérant, en ne demandant pas la récusation du juge X dans son recours du 18 août 2008 interjeté auprès du Tribunal fédéral, n'a pas respecté les formes prescrites par le droit interne (Gäfgen c. Allemagne [GC], no 22978/05, § 142, CEDH 2010, Ankerl c. Suisse, 23 octobre 1996, § 34, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, et Carlson c. Suisse, no 49492/06, § 45, 6 novembre 2008).
43.  Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
C.  Grief tiré du droit d'être jugé dans un délai raisonnable
44.  Le requérant se plaint de la durée des procédures pénale et administrative ayant abouti à sa condamnation pour dénonciation calomnieuse et violation répétée du secret de fonction et à sa destitution.
1.  Sur la procédure pénale
45.  Concernant la procédure pénale ayant abouti à la condamnation du requérant, le Gouvernement avance que le requérant n'est plus « victime » de la violation alléguée de l'article 6 § 1. Il fait valoir que la violation du principe de célérité a été reconnue et réparée par les autorités suisses.
46.  Le requérant rejette la thèse du Gouvernement.
47.  La Cour rappelle qu'une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de « victime » que si les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention (Eckle c. Allemagne, 15 juillet 1982, § 66, série A no 51, Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, §§ 180-181, CEDH 2006-V, et Helmut Blum c. Autriche, no 33060/10, § 82, 5 avril 2016). En ce qui concerne la réparation adéquate et suffisante pour remédier au niveau interne à la violation du droit garanti par la Convention, la Cour considère généralement qu'elle dépend de l'ensemble des circonstances de la cause, eu égard en particulier à la nature de la violation de la Convention qui se trouve en jeu (Gäfgen, précité, § 116). Par ailleurs, la prise en compte de la durée de la procédure pour octroyer une réduction de la peine de façon expresse et mesurable peut constituer un redressement approprié de la violation (Scordino, précité, § 186).
48.  La période à considérer a débuté le 24 août 2000, avec l'arrestation du requérant, et s'est terminée le 12 février 2008, avec la décision du Président du Tribunal pénal de première instance fixant la peine infligée au requérant. Elle a donc duré approximativement 7 ans et 6 mois.
49.  La Cour note que le juge de l'instruction et de la détention a, dans sa décision du 3 novembre 2004, explicitement reconnu une violation du principe de célérité et que la cour de cassation du Tribunal d'appel a, dans son arrêt du 20 septembre 2007, précisé que le juge compétent devrait, dans le cadre de la fixation de la peine, tenir compte en faveur du requérant de la longue durée écoulée depuis les faits en cause. Par la suite, le Président du Tribunal pénal de première instance a fixé la peine du requérant à dix jours-amende à 30 CHF avec sursis, avec un délai d'épreuve de deux ans.
50.  La Cour relève encore que le requérant n'a ni demandé la motivation écrite de la décision du Président du tribunal pénal de première instance ni formulé de déclaration de recours. Elle est d'avis que si le requérant entendait se prévaloir d'une violation du principe de célérité en lien avec la procédure pénale, il lui appartenait de contester la décision de fixation de la peine devant l'autorité de recours. Elle souligne en outre que le requérant a lui-même reconnu - dans le cadre de son recours en matière de droit public du 18 août 2008 (paragraphe 22 ci-dessus) ainsi que durant la procédure auprès de la Cour (paragraphe 54 ci-dessous) - que la violation du principe de célérité en lien avec la procédure pénale avait été constatée et réparée.
51.  Partant, la Cour considère que la violation du principe de célérité en lien avec la procédure pénale a été reconnue par les autorités internes et qu'elle a été réparée de manière suffisante et adéquate.
52.  Il s'ensuit que le grief tiré d'une violation du principe de célérité concernant la procédure pénale, manifestement mal fondé, doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
2. Sur la procédure administrative
53.  Concernant la procédure administrative ayant abouti à la destitution du requérant, le Gouvernement soutient que le grief du requérant est manifestement dénué de fondement. Le Gouvernement fait valoir que le requérant a lui-même demandé la suspension de la procédure administrative et qu'il ressort de l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 février 2009 que le requérant avait admis, bien que cela ne fût pas consigné par écrit, qu'il avait sollicité la continuation de la procédure seulement après le prononcé du jugement de condamnation définitif. Le Gouvernement soutient que le requérant a au moins implicitement soutenu la suspension de la procédure administrative dans l'attente du jugement pénal définitif du 12 février 2008. Il expose par ailleurs que la suspension d'une procédure administrative vise à éviter des doublons lors de l'établissement des faits ainsi qu'à éviter le risque d'aboutir à des décisions contradictoires et affirme qu'une action immédiate des autorités administratives n'était pas obligatoire en l'espèce compte tenu de la nature de l'affaire. Enfin, le Gouvernement souligne que, après le prononcé du jugement pénal du 12 février 2008, la procédure administrative avait été menée sans retard.
54.  Le requérant conteste la thèse du Gouvernement. Il expose que les autorités suisses ont relevé à plusieurs reprises que le principe de célérité avait été violé dans le cadre de la procédure pénale et que ce manquement a conduit le Président du Tribunal pénal de première instance à prononcer la peine pécuniaire de dix jours-amende à 30 CHF. Il affirme que le problème relatif à la violation du principe de célérité a cependant été sous-évalué par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 12 février 2009. Il souligne que la durée de la procédure pénale n'était pas raisonnable et allègue avoir subi une différence de traitement par rapport à d'autres fonctionnaires accusés de crimes plus graves. S'agissant de la procédure administrative en tant que telle, le requérant fait valoir que le Tribunal fédéral a toléré des retards injustifiables de la part du tribunal cantonal administratif, qui, après avoir suspendu la procédure, ne s'est prononcé qu'après 6 ans et 10 mois. Il fait enfin valoir qu'il a rencontré de grandes difficultés suite à la perte de son emploi.
55.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d'autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII). Elle rappelle également qu'une diligence particulière s'impose pour le contentieux du travail (Ruotolo c. Italie, arrêt du 27 février 1992, série A no 230-D, p. 39, § 17, et Roduit c. Suisse, no 6586/06, § 41, 3 septembre 2013).
56.  La période à considérer a débuté le 24 août 2000, avec l'ouverture de l'enquête disciplinaire et la suspension du requérant, et s'est terminée le 12 février 2009, avec l'arrêt du Tribunal fédéral. Elle a donc duré approximativement huit ans et six mois, pour trois instances.
57.  La Cour précise d'emblée qu'il est ici uniquement question de la durée de la procédure administrative et que, en conséquence, les arguments du requérant se rapportant à la durée de la procédure pénale ne sont pas pertinents.
58.  La Cour constate que l'affaire revêtait une certaine complexité du fait de la superposition des procédures pénale et administrative ouvertes à l'encontre du requérant. Elle note que le requérant a demandé à plusieurs reprises la suspension de la procédure administrative lorsqu'elle était encore pendante devant le Conseil d'État. À cet égard, elle relève que le requérant pouvait à tout moment se plaindre de la durée de procédure devant le tribunal cantonal administratif, à l'instar de ce qu'il a fait dans le cadre de la procédure pénale (paragraphe 14 ci-dessus), ce dont il s'est pourtant abstenu en l'espèce. La Cour souligne que le requérant a lui-même précisé, dans son recours du 18 août 2008 auprès du Tribunal fédéral, que la suspension de la procédure par le tribunal cantonal administratif dans l'attente de l'issue de la procédure pénale n'était pas problématique. En outre, si la Cour est d'avis que la suspension de la procédure administrative se justifiait par la nécessité de coordonner les procédures pénale et administrative, elle considère toutefois qu'il eût été souhaitable que le tribunal cantonal administratif informe le requérant de la suspension. La Cour relève enfin que, une fois la procédure pénale terminée, le 12 février 2008, la procédure administrative a été menée avec célérité. En effet, le tribunal cantonal administratif, le 11 juillet 2008, et le Tribunal fédéral, le 12 février 2009, se sont tous deux prononcés en l'espace d'exactement une année.
59.  Se livrant à une appréciation globale de la complexité de l'affaire et du comportement des parties, la Cour estime que la durée totale de la procédure ne s'est pas prolongée au-delà de ce qui peut passer pour raisonnable au vu des circonstances particulières de la cause.
60.  Il s'ensuit que le grief tiré d'une violation du principe de célérité concernant la procédure administrative, manifestement mal fondé, doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
 


Entscheid

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Décide de joindre les requêtes ;
Déclare les requêtes irrecevables.
Fait en français puis communiqué par écrit le 4 octobre 2018.
    Stephen Phillips    Pere Pastor Vilanova
    Greffier    Président
 

Referenzen

Artikel: Art. 6 par. 1 CEDH, art. 38 al. 3 LTF