1C_475/2022 17.02.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_475/2022  
 
 
Arrêt du 17 février 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Haag et Merz. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
Association A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Municipalité de Moudon, place de l'Hôtel-de-Ville 1, 1510 Moudon, représentée par Me Sophie Girardet, avocate, 
Direction générale de l'environnement du canton de Vaud, Unité droit et études d'impact, avenue de Valmont 30b, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
Ordre d'évacuation et/ou de destruction, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton 
de Vaud, Cour de droit administratif et public, 
du 30 juin 2022 (AC.2022.0170). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Selon l'art. 2 de ses statuts du 30 mai 2015, l'association A.________ (ci-après: A.________) a pour but de "préserver, rénover et exploiter du matériel roulant présentant un intérêt historique, culturel et patrimonial, en principe des trolleybus et autobus, ayant circulé à Lausanne et essentiellement en Suisse. Elle s'attelle à la réalisation de ses objectifs, notamment par l'organisation d'un musée vivant permettant l'exploitation des véhicules placés sous sa gestion et sa responsabilité, sur les trois réseaux de trolleybus de l'Arc lémanique". 
A.________ est propriétaire notamment des parcelles n os 1375, 1395 et 1523 de la Commune de Moudon. Sis en zone industrielle, ces biens-fonds supportent chacun un bâtiment industriel (halle). Sur ces parcelles, lA.________ a entreposé au fil des ans environ trois cents bus, remorques, tramways dont une grande partie est parquée à l'air libre, faute d'avoir pu trouver une place suffisante dans les différentes halles construites pour les abriter. En mars 2016, A.________ a encore acquis la parcelle n o 1835. Celle-ci supporte une halle d'une surface de 3'205 m 2, autorisée le 18 mars 2019; l'autorisation précisait qu'aucun stationnement de bus n'était autorisé à l'extérieur de la halle. Ces parcelles, dispersées en différents endroits du territoire communal, sont toutes situées à proximité de la rivière La Broye.  
 
B.  
Par arrêt du 5 juillet 2021, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud a confirmé l'ordre intimé par la Municipalité de Moudon à A.________ d'évacuer tous les bus à l'extérieur des bâtiments construits sur les parcelles n os 1375, 1395 et 1523 dans un délai prolongé au 31 janvier 2022; l'exécution par substitution décidée par la commune le 11 septembre 2019 et confiant l'évacuation à l'entreprise B.________ SA a également été confirmée (cause cantonale AC.2019.0326). Cet arrêt cantonal n'a pas fait l'objet de recours. Le 8 mars 2022, après avoir constaté que le délai au 31 janvier 2022 n'avait pas été observé, la municipalité a rendu une nouvelle décision d'exécution par substitution. Cette décision a été confirmée par le Tribunal cantonal par arrêt du 28 mars 2022 (cause cantonale AC.2022.0096).  
 
C.  
L'évacuation des véhicules a débuté le 29 mars 2022. Cependant, A.________ a déplacé certains véhicules de sa collection en les transférant des parcelles n os 1375, 1395 et 1523 sur la parcelle n o 1835. Les véhicules ont été parqués non seulement à l'extérieur de la halle sise sur cette parcelle - déjà pleine -, mais encore à l'extérieur de la parcelle elle-même, en particulier sur la voie publique et sur des parcelles appartenant à des tiers. La municipalité a enjoint A.________ de respecter les conditions du permis de construire (interdiction de parcage à l'extérieur; cf. let. A ci-dessus). Sans réaction de A.________, pour garantir l'accès aux services du feu et de premiers secours, tout comme le transit de poids lourds vers la zone industrielle, la municipalité a, le 11 avril 2022, ordonné l'évacuation en urgence de sept véhicules; A.________ a été dénoncée à la Préfecture du district de La Broye-Vully.  
Par décision du 25 avril 2022, la municipalité a ordonné à A.________ d'évacuer et/ou de détruire, dans un délai de 30 jours, tous les "bus et véhicules assimilés" encore ou à nouveau garés à l'extérieur des bâtiments construits sur la parcelle n° 1835. Un délai de 10 jours lui était par ailleurs imparti pour évacuer et/ou détruire tous les "bus et véhicules assimilés" encore ou à nouveau garés à l'extérieur de la parcelle n° 1835 aux abords de La Broye ou sur la voie publique. A défaut d'exécution dans les délais impartis, l'exécution par substitution serait confiée à l'entreprise B.________ SA, à charge de A.________. 
Sur recours de A.________, le Tribunal cantonal a, par arrêt du 30 juin 2022, confirmé la décision du 25 avril 2022. Il a en substance considéré qu'il n'y avait pas lieu de revenir sur l'interdiction de stationner des véhicules - et non seulement des bus - en dehors des halles prévues à cet effet. 
 
D.  
Par acte du 8 septembre 2022, A.________ recourt contre cet arrêt cantonal et demande en substance au Tribunal fédéral de l'annuler, d'ordonner au Tribunal cantonal de procéder à une inspection locale et de lever les interdictions notamment de stationner des véhicules immatriculés. Elle sollicite également l'octroi de l'effet suspensif. Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de son arrêt. La Municipalité de Moudon conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. La recourante réplique et confirme ses conclusions. La Direction cantonale générale de l'environnement (DGE) s'est encore brièvement expliquée par acte du 10 janvier 2023, soulignant que l'entreprise B.________ SA n'était pas partie à la procédure. 
Par ordonnance du 20 octobre 2022, le Président de la Ire Cour de droit public a partiellement admis la requête d'effet suspensif et l'a octroyé pour les seuls véhicules assimilés aux bus et immatriculés sis sur la parcelle n o 1835 à l'extérieur des bâtiments construits sur celle-ci.  
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 89 consid. 1). 
 
1.1. Aux termes de son mémoire, la recourante conclut à la levée des "interdictions notamment de stationner des véhicules immatriculés"; de ses explications formulées en réplique, on comprend que cette conclusion porte aussi sur les procédures antérieures menées au sujet du parcage de véhicules sur ses autres parcelles. Dans cette mesure, ce chef de conclusion excède l'objet du litige et est irrecevable (cf. arrêt 1C_125/2018 du 8 mai 2019 consid. 3.1 non publié in ATF 145 II 218). La présente cause se limite à la décision communale du 25 avril 2022 - confirmée par l'arrêt attaqué du 30 juin 2022 - ordonnant l'évacuation et/ou la destruction de véhicules présents sur la parcelle n o 1835, et à l'extérieur de celle-ci, au besoin son exécution par substitution. Que la cour cantonale ait rappelé les procédures antérieures et qu'elle ait considéré que l'ordre donné en l'espèce avait une portée identique aux ordres précédents prononcés quant au type de véhicules concernés, malgré une formulation légèrement différente, n'a pas pour effet d'étendre l'objet du litige à ces premières procédures.  
 
1.2. L'art. 89 al. 1 LTF exige notamment que la partie recourante ait un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (let. c). Selon la jurisprudence tirée de cette disposition, cet intérêt consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à la partie recourante en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 138 III 537 consid. 1.2.2; arrêt 2C_863/2019 du 14 avril 2020 consid. 3.2). Cet intérêt doit être direct et concret (ATF 143 II 506 consid. 5.1). Par ailleurs, la qualité pour recourir suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation ou la modification de la décision attaquée et cet intérêt doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'au moment où l'arrêt est rendu (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; arrêt 2C_429/2021 du 16 décembre 2021 consid. 1.2). Si l'intérêt actuel n'existe plus au moment du dépôt du recours, celui-ci est déclaré irrecevable. Lorsque cet intérêt disparaît durant la procédure, la cause est rayée du rôle comme devenue sans objet (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.3.1). Il y a lieu de faire exceptionnellement abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel, lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (cf. ATF 146 II 335 consid. 1.3; arrêt 2C_793/2020 du 8 juillet 2021 consid. 1.4, non publié in ATF 147 I 393).  
 
1.2.1. En l'occurrence, dans sa réponse au recours, la commune indique que "si la décision du 25 avril 2022 a peut-être été exécutée depuis lors par la recourante, en ce sens que la parcelle 1835 a enfin été remise en état, il aura fallu plusieurs mises en demeure, une décision communale et un arrêt cantonal pour y arriver". Elle rappelle ensuite que la situation n'est en revanche toujours pas régularisée sur les autres parcelles. Et de conclure que, "dans ce contexte, [elle] ne peut se contenter du fait qu'en date du 8 septembre 2022, la parcelle 1835 est aménagée de façon licite". Il a déjà été rappelé que la régularisation de la situation sur les autres propriétés de la recourante excède l'objet du litige. En revanche, s'agissant de la parcelle n° 1835, on comprend des déclarations de la commune que l'ordre de remise en état du 25 avril 2022 a été exécuté. Cela confirme les déclarations de la recourante et règle ainsi également le sort du grief de violation de l'art. 29 al. 2 Cst. en lien avec le refus d'une inspection locale pour en attester. Sous cet angle, la recourante n'a plus d'intérêt au recours, celui-ci apparaissant sans objet.  
 
1.2.2. Cela étant, sur le fond, la recourante conteste que l'ordre d'évacuation litigieux s'étende également à des véhicules immatriculés, comme l'a retenu la cour cantonale dans l'arrêt attaqué. Dans cette mesure, on peut se demander si l'on ne se trouve pas dans le cas de figure exceptionnel admis par la jurisprudence. Au stade de la recevabilité, au mépris des exigences de motivation du recours fédéral (cf. ATF 141 IV 1 consid. 1.1 et les arrêts cités), la recourante ne fournit à cet égard cependant aucune explication; elle ne démontre en particulier pas que la contestation pourrait se reproduire en tout temps ni qu'un intérêt public suffisamment important commanderait de trancher ce point. Cette question peut toutefois demeurer indécise. Le recours doit en effet et en tout état de cause être déclaré irrecevable pour les motifs qui suivent, singulièrement le défaut de motivation dont est affecté son unique grief de fond.  
 
1.3. En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires de recours doivent être motivés. A teneur de l'art. 42 al. 2 LTF, les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Pour satisfaire à cette exigence, le recourant doit discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse et expliquer en quoi ceux-ci seraient contraires au droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1). Les griefs de violation des droits fondamentaux - dont l'application arbitraire du droit cantonal - sont en outre soumis à des exigences de motivation accrues au sens de l'art. 106 al. 2 LTF, le recourant devant alors citer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 146 I 62 consid. 3). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les griefs insuffisamment motivés ou sur les critiques de nature appellatoire (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1).  
 
1.3.1. La cour cantonale a en substance rappelé que la recourante ne conservait pas uniquement des bus, respectivement des trolleybus, mais également des remorques, des minibus, des tramways. Toutefois la question de savoir précisément quel type de véhicule était stationné illicitement n'était pas déterminante, ce qui importait était la situation de risque créée et maintenue par la propriétaire qui ne pouvait être tolérée. Aucun véhicule, quel qu'il soit, muni ou non d'une plaque de contrôle, ne pouvait être garé en dehors des places expressément prévues à cet effet, à savoir en particulier la halle érigée sur la parcelle no 1835. L'art. 68 al. 1 let. i du règlement cantonal du 19 septembre 1986 d'application de la loi du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du territoire et les constructions (RLATC; RS/VD 700.11.1) soumettait expressément à autorisation municipale les dépôts de tous genres, notamment de machines, d'épaves de véhicules à moteur et d'autres objets encombrants. La cour cantonale a encore expliqué que le risque de fuites d'huile ou d'hydrocarbures (pollution des eaux souterraines, inflammabilité du pétrole, etc.) n'était pas le seul motif pour soumettre ces amas d'engins à autorisation; il y avait aussi des motifs ordinaires d'aménagement du territoire (esthétique, garantie des espaces libres entre les halles industrielles, etc.). Si bien qu'en exigeant l'évacuation des bus et véhicules assimilés, la décision du 25 avril 2022 était pleinement justifiée.  
 
1.3.2. La recourante affirme que cette définition n'engloberait pas les véhicules immatriculés. Elle se contente cependant d'affirmer appellatoirement qu'un véhicule immatriculé serait par définition "sans risque pour l'environnement". Outre que rien ne permet de confirmer une telle assertion, la recourante perd de vue que la cour cantonale a également justifié la décision de la municipalité par d'autres motifs d'aménagement du territoire, que la recourante ne prend toutefois pas la peine de discuter. Elle ne prétend en particulier pas ni a fortiori ne démontre qu'il en découlerait une application arbitraire de l'art. 68 al. 1 let. i RLATC, ce qu'il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner d'office (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 I 62 consid. 3; voir également ATF 145 I 108 consid. 4.4.1). L'appréciation de l'instance précédente ne contredit au demeurant pas l'autorisation de construire du 18 mars 2019, qui prévoit que le stationnement de bus n'est pas autorisé à l'extérieur de la halle, point que la recourante ne discute pas non plus. Enfin, les arguments encore développés sur ce point en réplique sont tardifs (cf. ATF 143 II 283 consid. 1.2.3). Cet unique grief de fond est ainsi insuffisamment motivé et doit pour ce motif être déclaré irrecevable.  
 
1.4. Cela conduit à l'irrecevabilité du recours, aux frais de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). La commune, qui agit dans le cadre de ses attributions officielles, n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais de justice, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à la mandataire de la Municipalité de Moudon, à la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public. 
 
 
Lausanne, le 17 février 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Alvarez