1C_449/2020 26.08.2021
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_449/2020  
 
 
Arrêt du 26 août 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Haag et Merz. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Guillaume Fauconnet, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me Pierre Banna, avocat, 
intimée, 
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
Permis de construire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 23 juin 2020 
(ATA/615/2020 - A/3561/2018-LCI). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 22 juin 2018, la société B.________ SA a déposé auprès du Département genevois de l'aménagement, du logement et de l'énergie (devenu le 1er juin 2018 le Département du territoire) une demande d'autorisation de construire sur la parcelle n° 12'991, feuille 35 de la commune de Meyrin. D'une surface de 3'380 m², propriété de la C.________, cette parcelle est affectée en zone de développement industriel et artisanal au sens du droit cantonal. 
Le projet prévoit la construction d'un bâtiment à vocation industrielle et artisanale, d'un parking en sous-sol et d'un parking automatique. 
 
B.  
Le Département cantonal du territoire a délivré l'autorisation requise par décision du 11 septembre 2018. Par arrêté du même jour, le Conseil d'État a autorisé l'application au bâtiment à construire, aux conditions énoncées dans les considérants, des normes de la zone industrielle et artisanale, soit les normes de la "deuxième" zone à bâtir au sens du droit cantonal, en réservant les conditions particulières de l'autorisation de construire. 
A.________ SA, propriétaire de la parcelle voisine n° 12'990, a recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (TAPI). Cette instance a rejeté le recours par jugement du 10 octobre 2019. 
Saisie à son tour d'un recours de la société voisine, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève a confirmé ce jugement par arrêt du 23 juin 2020. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué et les décisions attaquées, subsidiairement de renvoyer la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La cour cantonale renonce à se déterminer, se référant aux considérants et dispositif de son arrêt. Le Département du territoire et la constructrice intimée B.________ SA concluent au rejet du recours. 
Les parties se déterminent dans un second échange d'écritures et persistent dans leurs conclusions. 
Par ordonnance du 22 septembre 2020, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif présentée par la recourante. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause relevant du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante est propriétaire d'une parcelle directement adjacente au projet, de sorte qu'elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué qui confirme l'octroi de l'autorisation de construire; elle a en outre un intérêt digne de protection à l'annulation ou la modification de l'arrêt cantonal (art. 89 al. 1 LTF). 
Les autres conditions de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.  
Dans un premier grief, la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue. Elle se prévaut de l'art. 29 al. 2 Cst. ainsi que des art. 20 et 37 de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative (LPA/GE; RS/GE E 5 10). Elle reproche aux instances précédentes d'avoir jugé qu'il n'était pas nécessaire de procéder à une audience de comparution personnelle et à un transport sur place pour apprécier la situation. 
 
2.1.  
 
2.1.1. Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit de faire administrer les preuves, pour autant que celles-ci soient requises dans les formes prévues par le droit cantonal et qu'elles apparaissent utiles à l'établissement des faits pertinents (ATF 139 II 489 consid. 3.3; 129 II 497 consid. 2.2). Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, l'autorité a la certitude que celles-ci ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références).  
 
2.1.2. A teneur de l'art. 20 LPA/GE, l'autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision et apprécie les moyens de preuve des parties (al. 1); elle recourt s'il y a lieu aux moyens de preuve suivants: documents, interrogatoires et renseignements des parties, témoignages et renseignements de tiers, examen par l'autorité, expertise (al. 2). L'art. 37 LPA/GE prévoit que, afin de constater un fait par elle-même, l'autorité peut ordonner la comparution d'une personne, l'apport d'une chose, le transport sur place.  
 
2.1.3. Le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal (art. 95 LTF). Il examine en revanche sous l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation et l'application des autres règles du droit cantonal ou communal (ATF 141 I 36 consid. 5.4; 138 V 67 consid. 2.2; 134 II 349 consid. 3). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 144 IV 136 consid. 5.8; 144 I 170 consid. 7.3).  
Les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit alors mentionner les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés; de même, elle doit citer les dispositions du droit cantonal ou communal dont elle se prévaut et démontrer en quoi ces dispositions auraient été appliquées arbitrairement ou d'une autre manière contraire au droit (ATF 141 IV 369 consid. 6.3; 136 II 489 consid. 2.8). 
 
2.2. La cour cantonale a considéré que le système d'information sur le territoire genevois et les plans figurant au dossier permettaient de se rendre compte de la situation de fait. La recourante affirme au contraire que le transport sur place permettrait aux autorités de "contextualiser la zone dans laquelle s'insère le projet querellé" et de "mettre en perspective les activités actuelles de la zone à celles envisagées dans le bâtiment" projeté. Elle n'expose toutefois pas en quoi les informations auxquelles se sont référés les premiers juges - système d'information sur le territoire et plans au dossier - ne permettent pas d'atteindre ces objectifs. Elle se contente d'expliquer que le transport sur place n'est pas une mesure disproportionnée pour un projet dérogatoire à la planification en vigueur, sans réellement discuter les motifs qui ont conduit les juges cantonaux à juger que cette mesure n'était pas nécessaire. La recourante reste encore plus muette au sujet d'une audience de comparution personnelle des parties.  
Elle ne donne pas plus d'explications sous l'angle de la disposition du droit cantonal dont elle se prévaut. 
Appellatoire, le grief doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
3.  
La recourante se plaint ensuite d'arbitraire dans l'application des art. 19 et 20 LPA/GE au motif que le TAPI a requis un préavis de la Commission cantonale d'urbanisme, manquant au dossier du département, et statué sur la base de ce préavis. Or le préavis, rendu après que l'autorisation de construire a été délivrée et contestée, n'aurait ainsi pas été établi "dans des conditions propices à un examen plein et objectif du projet" par son auteur. 
 
3.1. L'art. 19 LPA/GE instaure la maxime d'office. L'art. 20 LPA/GE, exposé ci-dessus (consid. 2.1), précise les moyens de preuves auxquels l'autorité peut recourir.  
 
3.2. La cour cantonale a constaté deux choses: d'une part, le TAPI peut demander toutes précisions écrites à une instance de préavis en vertu des art. 19 et 20 LPA/GE; d'autre part, le préavis ayant été requis par le TAPI avant qu'il statue, le droit d'être entendu et le principe du double degré de juridiction ont été respectés, ce en dépit de l'omission du département.  
La recourante considère que l'interprétation que la cour cantonale a faite des art. 19 et 20 LPA/GE est insoutenable. Elle ne met toutefois pas les dispositions du droit cantonal directement en rapport avec la solution retenue par les précédents juges. Elle se borne à indiquer que la jurisprudence cantonale mentionnée par la Cour de justice - qui a jugé que, sur la base des art. 19 et 20 LPA/GE, le TAPI pouvait demander des précisions complémentaires à une instance de préavis - n'est pas transposable à la configuration de la présente procédure. Il est certes question ici de la sollicitation, pour la première fois, du préavis et non de seules précisions complémentaires. Cela étant, relevant cette seule différence dans les deux situations, la recourante ne développe pas plus amplement son propos et ne démontre ainsi aucune application arbitraire des articles précités. 
Pour reprendre les termes de sa critique, la situation de la commission appelée à procéder à un "examen plein et objectif du projet" est la même que si une instance judiciaire (que ce soit le TAPI ou, ultérieurement, la Cour de justice) avait annulé la décision en raison de l'absence de préavis et renvoyé le dossier au Département pour nouvelle décision après consultation de la commission. Dite commission devrait alors rendre un préavis tout en connaissant les intentions de l'autorité et on ne voit pas en quoi cette situation violerait les dispositions de la loi cantonale. 
Le grief est par conséquent mal fondé. 
 
4.  
Sur le fond, la recourante se plaint d'une application arbitraire de l'art. 4 de la loi cantonale générale du 13 décembre 1984 sur les zones de développement industriel ou d'activités mixtes (LZIAM; RS/GE L 1 45). 
 
4.1. L'art. 4 LZIAM a la teneur suivante:  
 
1 Dans les zones de développement industriel et les zones de développement d'activités mixtes, le Conseil d'État peut, en vue de la délivrance de l'autorisation de construire, autoriser l'application des normes de la zone industrielle ou de la zone de développement d'activités mixtes au sens de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987. Cette décision est subordonnée à l'approbation préalable: 
a) des plans et règlements directeurs au sens des articles 2 et 3 ou, le cas échéant, d'un plan localisé de quartier fixant tout ou partie des éléments énoncés dans l'article 3 de la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957; 
b) des conditions particulières applicables au projet présenté, notamment: les loyers et les prix des locaux industriels ou artisanaux répondant à un besoin d'intérêt général, qui doivent respecter les montants maximums fixés pour chaque zone de développement d'activités mixtes par le Conseil d'État (ch. 2), les loyers et les prix des locaux destinés à des activités tertiaires dans les zones de développement d'activités mixtes, dont les montants doivent être comparables aux prix du marché (ch. 3). 
 
-..] 
 
3 En dérogation à l'alinéa 1, lettre a, le Conseil d'État peut, après consultation du Conseil administratif ou du maire de la commune, renoncer à l'établissement d'un plan et règlement directeur ou d'un plan localisé de quartier au sens de l'alinéa 1, lettre a: (a) dans les secteurs de développement déjà fortement bâtis; (b) pour des projets de constructions ou installations conformes à des plans directeurs de quartier indiquant l'aménagement souhaité; (c) pour des projets de constructions ou installations conformes au 1er prix d'un concours d'urbanisme et d'architecture réalisé en application de la norme SIA applicable, sur la base d'un cahier des charges accepté par le département. 
 
-..] 
 
 
4.2. La cour cantonale a considéré que le Conseil d'État pouvait se fonder tant sur l'al. 1 que sur l'al. 3 de l'art. 4 LZIAM pour autoriser l'application des normes de la zone industrielle et artisanale à titre dérogatoire à la zone de développement en cause. Le fait qu'il existait déjà une planification directrice n'empêchait pas le Conseil d'État de se fonder, comme il l'a fait, sur l'art. 4 al. 3 let. a LZIAM plutôt que sur l'art. 4 al. 1 LZIAM.  
La recourante le conteste. Se référant à la lettre de la loi, elle fait valoir qu'en présence d'un plan et d'un règlement directeur, l'art. 4 al. 1 LZIAM doit être appliqué, à l'exclusion de l'art. 4 al. 3 LZIAM, expressément réservé aux cas où il n'existe aucun plan et règlement directeur. Au surplus, la Cour de justice, à l'instar du TAPI, se serait abstenue de procéder à une analyse circonstanciée du secteur pour contrôler si celui-ci est effectivement fortement urbanisé au sens de la disposition litigieuse. 
L'art. 4 LZIAM est effectivement ainsi formulé que l'alinéa premier est prévu pour les situations dans lesquelles il n'existe aucune planification directrice, puisque l'adoption de celle-ci est précisément une condition à l'application des normes de la zone industrielle. De même, avec la recourante, on constate que l'art. 4 al. 3 LZIAM est effectivement une disposition dérogatoire à l'art. 4 al. 1 LZIAM, prévoyant les cas dans lesquels il peut être "renonc[é] à l'établissement d'un plan et règlement directeur ou d'un plan localisé de quartier au sens de l'alinéa 1". Cela étant, la recourante ne démontre pas l'arbitraire de la solution retenue par les instances précédentes. En effet, la lecture de l'alinéa 3 indique que, dans les cas énumérés sous lettres a à c, en particulier dans les secteurs de développement déjà fortement bâtis, il est possible de se passer d'un plan directeur. Cette disposition ne dit en revanche pas expressément l'inverse, savoir que, dans l'une de ces circonstances - en l'occurrence un secteur déjà fortement bâti -, la préexistence d'un plan directeur proscrirait l'application des normes de la zone industrielle à titre dérogatoire. En d'autres termes, il n'est pas exclu, à la seule lecture de cette disposition, que a majore minus, soit dans le sens de l'adage "qui peut le plus peut le moins", lorsque l'une des circonstances des lettres a à c de l'art. 4 al. 3 LZIAM est réalisée, les règles de la zone industrielle puissent être appliquées quand bien même il existerait un plan directeur. Or la recourante ne démontre pas que tel ne peut être le cas. Elle n'indique aucun élément, que ce soit dans la lettre de la loi ou dans son contexte, qui permette, par l'une des multiples méthodes d'interprétation reconnue (cf. ATF 145 I 108 consid. 4.4.2 et les arrêts cités), d'imposer le sens qu'elle défend de cette disposition.  
Pour le surplus, la recourante affirme de manière appellatoire qu'il est arbitraire de retenir que le secteur est fortement urbanisé au sens de cette disposition, reprochant à la cour cantonale de ne pas avoir procédé à une analyse circonstanciée dudit secteur. Or la cour cantonale a précisément exposé qu'elle observait une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celles de commissions de préavis suivies par l'autorité inférieure, ce qui n'est pas contestable. La recourante n'exposant aucun élément à l'appui de sa contestation du caractère fortement urbanisé du secteur, la seule critique dirigée contre l'absence d'examen approfondi de la situation doit être rejetée. 
Il s'ensuit que l'interprétation que la cour cantonale a faite de l'art. 4 al. 3 LZIAM n'est pas arbitraire. 
 
5.  
La recourante fait ensuite valoir une violation de l'art. 22 LAT (RS 700) ainsi qu'une application arbitraire du plan et du règlement directeur applicables s'agissant des dispositions régissant la hauteur du gabarit maximal du bâtiment, l'indice d'utilisation du sol, l'affectation du bâtiment et l'emplacement de la voie de circulation. 
 
5.1. A teneur de l'art. 22 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (al. 1); l'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone et le terrain est équipé (al. 2); le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (al. 3). Le droit fédéral définit la zone à bâtir (art. 15 LAT), la zone agricole (art. 16 LAT), la zone à protéger (art. 17 LAT) et prévoit que le droit cantonal peut prévoir d'autres zones d'affectation (art. 18 LAT).  
Le secteur litigieux est régi par les plans directeurs nos 28'460 et 28'461 adoptés par le Conseil d'État le 6 décembre 1993, ainsi que le règlement directeur concernant l'aménagement de la zone de développement industriel du 3 décembre 1993. Le plan fixe notamment le gabarit maximal des constructions ainsi que l'indice d'utilisation du sol. A teneur de l'art. 14 du règlement, si les circonstances le justifient et que cette mesure ne porte pas atteinte au but général visé, le département peut déroger, après consultation de la commune et de la Commission d'urbanisme, aux dispositions du plan et du règlement directeur. 
 
5.2.  
 
5.2.1. En l'occurrence, il n'est pas contesté que la zone dans laquelle se développe le projet litigieux est constructible au sens du droit fédéral. Pour le surplus, alors que la législation fédérale ne définit pas ce qu'est une zone artisanale ou industrielle, ainsi qu'on le verra ci-après, la recourante échoue à démontrer qu'il serait dérogé en l'espèce à ces affectations prévues par le plan directeur en vigueur. Il n'y a donc pas de violation de l'art. 22 LAT.  
 
5.2.2. S'agissant du grief d'arbitraire dans l'application du droit cantonal, il est constant que le projet déroge tant à la hauteur légale maximale du gabarit qu'à l'indice d'utilisation du sol prévu dans la réglementation directrice. La cour cantonale a retenu les mêmes arguments en faveur de ces deux dérogations en se référant à l'art. 14 du règlement directeur applicable. Elle a premièrement observé que le projet et les dérogations qu'il prévoit avaient reçu un avis favorable des services cantonaux et de la commune. Deuxièmement, ces autorités avaient considéré que le projet répondait aux principes d'aménagement de la zone actuelle ainsi qu'aux objectifs du plan directeur, et que le secteur était appelé à muter, si bien qu'il ne portait pas atteinte au but général visé par le plan. Troisièmement, la dérogation avait également été octroyée sur la base du plan directeur cantonal 2030 promouvant une densification dans le périmètre en cause, de sorte qu'il y avait lieu de retenir que les circonstances justifiaient la dérogation. Quant à l'affectation prévue, la cour cantonale a considéré que la recourante n'avait pas démontré à satisfaction de droit que le projet ne la respectait pas.  
Comme on l'a vu ci-dessus (consid. 3), le préavis de la Commission d'urbanisme, même remis tardivement, est valable, de sorte que la condition y relative prévue par l'art. 14 du règlement est remplie. 
S'agissant ensuite de la hauteur et de l'indice d'utilisation, la recourante ne revient pas sur le détail de ces dérogations. Elle ne discute en particulier pas la référence de la cour cantonale au respect de l'harmonie urbanistique et à la prise en compte des gabarits des immeubles voisins. La recourante ne fait qu'affirmer que la dérogation est utilisée de façon arbitraire et abusive, dès lors qu'elle aurait pour but de mettre en oeuvre par voie de décision la planification directrice en cours d'élaboration, non encore entrée en vigueur. Or si cette façon de faire peut effectivement être discutable, le seul fait que les autorités se soient inspirées du nouveau projet de planification directrice, en particulier la densification du secteur - objectif au demeurant consacré par le droit fédéral (art. 1 al. 2 let. b LAT) -, ne saurait suffire à constater l'arbitraire dans la solution de l'arrêt attaqué. 
Pour ce qui est de l'affectation des locaux, la recourante ne parvient pas non plus à démontrer avec suffisamment de vraisemblance une vocation tertiaire en lieu et place des activités industrielles, artisanales et de distribution en gros que prévoit le règlement. En effet, les constatations de la cour cantonale à teneur desquelles la hauteur sous plafond n'empêche pas les activités industrielles ou artisanales sont soutenables. Il n'y a en outre pas lieu de douter que, selon ce qu'ont retenu les juges cantonaux, l'affectation des locaux serait vérifiée lors de la délivrance des autorisations par procédure accélérée visant leur aménagement. Avec la recourante, on peut s'étonner que la plaquette de vente du promoteur immobilier mentionne, outre une affectation en ateliers, une affectation en bureaux. Cela étant, le seul fait de ne pas pouvoir exclure que ces locaux se prêtent à une affectation en bureaux ne permet pas de retenir qu'une telle affectation sera forcément concrétisée. De même, que l'architecte ait souligné la versatilité des locaux ne démontre pas que ceux-ci seront nécessairement affectés à une activité tertiaire. Cela confirme au contraire que ceux-ci se prêtent également à des activités artisanales, comme le prévoit l'autorisation de construire. La recourante n'apporte pas d'argument supplémentaire à ce sujet. Le Tribunal fédéral ne constate par conséquent aucun arbitraire dans l'appréciation de la cour cantonale. 
En ce qui concerne la voie de circulation, la recourante s'inquiète de ce que les plans feraient apparaître une voie de circulation de 14,5 m de large se trouvant en totalité sur sa parcelle, ce qui serait contraire au plan directeur en vigueur. A cet égard, la cour cantonale a constaté que l'autorisation de construire ne porte pas sur la parcelle de la recourante et ne prévoit ainsi pas d'aménagements extérieurs sur son actuel espace de stockage. Elle a par conséquent jugé le grief irrecevable, faute de ressortir à la présente procédure. Le Tribunal fédéral constate qu'en effet, l'autorisation ne porte pas sur une éventuelle voie de circulation. Cela étant, un tel grief peut avoir une certaine pertinence dans la présente procédure, notamment s'il est reproché aux autorités de ne pas avoir statué sur des éléments nécessaires au projet au point qu'ils ne puissent être dissociés du projet principal. Tel est le cas en l'espèce, la recourante faisant valoir, dans un grief distinct qui sera examiné ci-après (consid. 6), que la délivrance de l'autorisation querellée viole le principe de la coordination. 
Sous cette réserve, le grief de violation de l'art. 22 LAT et d'application arbitraire du droit cantonal, en particulier de l'art. 14 du règlement du plan directeur, doit être rejeté. 
 
6.  
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 25a LAT. Elle déduit de l'indication, dans les plans du projet, d'une voie de circulation sur sa parcelle uniquement à l'exclusion de toute voie de circulation sur la parcelle litigieuse que la configuration prévue par le plan directeur actuellement en vigueur (une voie de circulation de 3 m de largeur, répartie entre les deux parcelles) ne pourra plus être concrétisée, ce à son détriment. L'autorisation de construire litigieuse empêcherait ainsi toute alternative d'aménagement de la voie de circulation sur la parcelle de la constructrice. 
 
6.1. L'art. 25a LAT énonce des principes en matière de coordination lorsque l'implantation ou la transformation d'une construction ou d'une installation nécessite des décisions émanant de plusieurs autorités. Une autorité chargée de la coordination doit en particulier veiller à ce que toutes les pièces du dossier de demande d'autorisation soient mises simultanément à l'enquête publique (art. 25a al. 2 let. b LAT) et à ce qu'il y ait une concordance matérielle des décisions ainsi que, en règle générale, une notification commune ou simultanée (art. 25a al. 2 let. d LAT); ces décisions ne doivent pas être contradictoires (art. 25a al. 3 LAT). La loi ne tend pas à une coordination maximale, mais doit assurer une coordination suffisante, ce que précisent les textes allemand et italien de l'art. 25a al. 1 LAT (cf. arrêts 1C_67/2018 du 4 mars 2019 consid. 5.1; 1C_309/2013 du 4 juillet 2013 consid. 3.3.1; ARNOLD MARTI, Commentaire pratique LAT : Autorisations de construire, protection juridique et procédure, 2020, n. 35ad art. 25a LAT). Le contenu ou l'ampleur d'une coordination "suffisante" ressort des principes généraux (notamment de la nécessité d'effectuer une pesée globale des intérêts, dans la mesure où elle est exigée dans le droit de la construction et de l'aménagement) ou de prescriptions spéciales (MARTI, ibidem; arrêt 1C_242/2019 du 7 avril 2020 consid. 2.1).  
Le principe de l'unité de l'autorisation de construire ne tolère la délivrance d'une autorisation partielle de construire un bâtiment ou un lotissement que lorsque la décision peut être prise concernant la partie autorisée indépendamment du sort de la partie non encore autorisée. Il y a lieu d'examiner les effets globaux d'un projet, ce également dans le cas du fractionnement du projet en différentes parties et procédures d'autorisations de construire (cf. ATF 124 II 293 consid. 26b). Par conséquent, le fractionnement d'une autorisation de construire en plusieurs décisions partielles peut enfreindre le principe de la coordination matérielle de l'art. 25a LAT ainsi que le principe de la pesée globale des intérêts lorsqu'il est dénué de sens de statuer sur un aspect ou une partie d'installation de façon isolée (arrêts 1C_242/2019 du 7 avril 2020 consid. 2.1; 1C_658/2017 du 18 septembre 2018 consid. 3.3). A l'inverse, il n'y a pas lieu d'assurer la coordination entre des décisions qui, bien qu'elles concernent des projets en relation étroite l'un avec l'autre, n'ont pas d'incidence directe sur la réalisation de l'autre projet. Il en va de même si, pour des motifs objectifs, des décisions connexes et de moindre importance (comme la teinte des finitions par exemple) sont prises une fois le projet principal réalisé (arrêts 1C_272/2010 du 16 mars 2011 consid. 4.1; 1C_414/2013 du 30 avril 2014 consid. 3.1; 1C_621/2012 du 14 janvier 2014 consid. 4.2). 
 
6.2. L'autorisation concerne en l'occurrence un projet fait d'un seul bâtiment. Le projet litigieux prévoit une zone verte jusqu'en limite de parcelle, de sorte qu'il ne laisse place à aucune voie de circulation. La problématique de la coordination se pose ainsi à l'égard d'une éventuelle voie à créer ultérieurement. La recourante expose que le plan directeur en vigueur prévoit une voie de circulation piétonne répartie entre les deux parcelles et d'une largeur de trois mètres. Elle se réfère également aux indications figurant sur les plans mis à l'enquête publique dans le cadre de la présente procédure, qui prévoiraient la création d'une voie de circulation de 14,5 m de largeur comprenant une voie de circulation en véhicule, à cycle et à pied. Le Tribunal fédéral constate effectivement (art. 105 al. 2 LTF) que figure au dossier d'enquête publique un plan "voirie selon projet PDZDAM en cours d'étude" qui prévoit, sous l'intitulé "aménagement futur", une "zone piétonne", une "route voitures" et une "zone piétonne et vélos" sur la parcelle de la recourante.  
Avec les instances précédentes, on constate que ces aménagements ne font pas l'objet de la présente procédure. Le projet n'a la vocation ni de créer une ou plusieurs voies de circulation sur la parcelle de la recourante, ni de sceller le sort d'éventuels aménagements futurs qui dépendraient de la planification directrice à adopter. La configuration présentée dans le plan "voirie" mentionné ci-dessus, dont il est effectivement surprenant qu'il figure au dossier, n'a ainsi aucune valeur juridique. 
Le département se défend d'avoir appliqué de façon anticipée une planification en cours d'élaboration. On aurait pu - plus que s'agissant de règles de constructions comme la hauteur du bâtiment - imaginer que l'autorité de délivrance du permis de construire collabore avec la constructrice pour s'assurer d'une compatibilité du projet avec une éventuelle nouvelle planification prévoyant plusieurs voies de circulation parallèles. Il n'apparaît toutefois pas contraire au principe de la coordination de ne pas l'avoir fait, dite planification demeurant hypothétique en l'état et la recourante n'alléguant aucune règle de droit cantonal qui prévoirait à certaines conditions un effet anticipé des plans en cours d'adoption. En tout état, à supposer que la nouvelle planification prévoie véritablement de faire passer ces différentes voies de circulation entre les deux parcelles, aucune inégalité de traitement ne résulterait du permis de construire. Un rapide coup d'oeil au plan d'ensemble permet en effet de constater que le bâtiment litigieux ne sera pas plus près de la limite parcellaire que le bâtiment de la recourante, de sorte que la situation autorisée dans la présente procédure ne la défavorise pas de ce point de vue. 
En outre, la coordination requise par le droit fédéral ferait défaut si la création de voie (s) de circulation était impérative, parce qu'indispensable au projet, par exemple en vertu des exigences en matière d'équipement pour assurer un accès suffisant au sens de l'art. 22 al. 2 LAT. Or la recourante ne fait pas valoir que tel serait le cas et rien, dans la configuration du projet, ne permet de penser que l'accès serait insuffisant. Il n'apparaît ainsi pas que des aménagements supplémentaires, forcément nécessaires, auraient dû être prévus dans la présente procédure en vertu du principe de coordination. 
Quant à la voie de circulation piétonne prévue dans le plan directeur en vigueur, les autorités semblent avoir fait le choix d'y renoncer - en l'état à tout le moins. La recourante ne dénonce à ce titre aucune lacune dans la mise en oeuvre de la planification actuelle par l'absence de réalisation de cette voie. Quoi qu'il en soit, les aménagements prévus par la constructrice dans le périmètre d'implantation de cette voie de circulation ne sont à priori pas de nature strictement irréversibles. Par conséquent, ici encore, si la voie de circulation piétonne devait être ultérieurement réalisée, la recourante ne pâtirait pas de l'autorisation litigieuse. 
Le grief de violation du principe de coordination est ainsi infondé. 
 
7.  
Dans un dernier grief, la recourante fait valoir une violation des art. 9, 26 et 27 Cst. et du principe de la légalité. Ce faisant, elle se réfère en substance à l'application anticipée d'une nouvelle planification. Or, ainsi qu'on l'a constaté ci-dessus, même examiné sous l'angle de la seule planification en vigueur, la délivrance de l'autorisation de construire n'est pas critiquable. Le droit applicable prévoit au demeurant la possibilité d'accorder des dérogations à certaines règles. En l'espèce, aucune de ces dérogations n'est arbitraire. Dans ces circonstances, on ne peut suivre la recourante lorsqu'elle affirme que le projet ne respecte pas le principe de la légalité. 
 
 
8.  
Mal fondé, le recours doit être rejeté, aux frais de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). La constructrice, qui a agi par l'intermédiaire d'un avocat, a droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais de justice, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Une indemnité de dépens de 3'000 fr. est allouée à l'intimée B.________ SA, à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Département du territoire de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 26 août 2021 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Sidi-Ali