8D_6/2023 27.10.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8D_6/2023  
 
 
Arrêt du 27 octobre 2023  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Maillard et Métral. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par M e Romain Jordan, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse de la République et canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville, 1204 Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Droit de la fonction publique (condition de recevabilité), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 14 mars 2023 (A/2351/2022-FPUBL ATA/242/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ (ci-après aussi: l'employé) est depuis 2016 directeur d'établissement secondaire I au collège B.________ (ci-après: CO) auprès de la direction générale de l'enseignement obligatoire (DGEO). Le 28 avril 2021, le Département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP) du canton de Genève a convoqué le prénommé à un entretien de service. Le DIP souhaitait l'entendre au sujet d'une situation délétère au sein du conseil de direction du CO, en lien avec des propos et attitudes inadéquats de sa part, des dénigrements et des pressions qu'il aurait exercées, ainsi que des problèmes de consommation d'alcool; s'ils étaient avérés, ces faits étaient susceptibles de conduire à une résiliation des rapports de service, à une saisine du groupe de confiance et du service de santé, ainsi qu'à une libération de l'obligation de travailler.  
 
A.b. Le 16 septembre 2021, la conseillère d'Etat en charge du DIP a sollicité du groupe de confiance l'ouverture d'une investigation, aux fins de déterminer s'il y avait eu atteinte à la personnalité, voire harcèlement de l'un ou l'autre des membres du CO qui avaient été entendus préalablement. Le 1 er décembre 2021, le groupe de confiance a ouvert une nouvelle procédure à l'encontre de l'employé, qu'il a jointe à la précédente. Le 9 mai 2022, il a rendu son rapport.  
 
A.c. Par décision du 7 juillet 2022, la conseillère d'Etat en charge du DIP a, sur la base des conclusions du groupe de confiance, constaté l'existence d'un harcèlement sexuel de la part de l'employé, sous la forme d'un climat hostile imposé par celui-ci à l'encontre d'un ancien doyen. Elle invitait en outre le Conseil d'Etat à examiner la question d'une éventuelle libération de l'obligation de travailler, ensuite de quoi elle allait se déterminer sur la suite de la procédure administrative intentée avant l'ouverture de la procédure d'investigation.  
Le 4 août 2022, l'employé a été convoqué par le DIP à un entretien de service prévu le 30 août 2022. Il était informé de la libération provisoire de son obligation de travailler et qu'en lieu et place d'une résiliation des rapports de service, le prononcé d'une sanction disciplinaire assorti d'un changement d'affectation était envisagé. Par arrêté du Conseil d'Etat du 24 août 2022, l'intéressé a été libéré de son obligation de travailler jusqu'à nouvel avis. 
 
B.  
Saisie d'un recours contre la décision du 7 juillet 2022, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève l'a rejeté par arrêt du 14 mars 2023. 
 
C.  
A.________ interjette un recours constitutionnel subsidiaire contre cet arrêt, en concluant à sa réforme dans le sens de l'annulation de la décision du 7 juillet 2022 et de la constatation de l'inexistence de tout harcèlement sexuel de sa part. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
L'intimé conclut au rejet du recours. La juridiction cantonale s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1; 146 IV 185 consid. 2; 144 II 184 consid. 1). 
 
1.1. Le recours en matière de droit public est recevable contre les décisions finales, soit celles qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), et contre les décisions partielles, soit celles qui statuent sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (art. 91 let. a LTF) ou qui mettent fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (art. 91 let. b LTF). Les décisions préjudicielles et incidentes autres que celles concernant la compétence ou les demandes de récusation (cf. art. 92 LTF) ne peuvent faire l'objet d'un recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). Ces dispositions sont applicables par analogie au recours constitutionnel subsidiaire (art. 117 LTF).  
En l'espèce, l'arrêt entrepris confirme la décision du 7 juillet 2022, par laquelle la conseillère d'Etat en charge du DIP, après avoir ouvert une procédure disciplinaire et confié une enquête au groupe de confiance, a constaté l'existence d'un harcèlement sexuel de la part du recourant, en réservant la suite de la procédure. En août 2022, le recourant a été libéré de son obligation de travailler et informé que le prononcé d'une sanction disciplinaire assorti d'un changement d'affectation était envisagé. Une sanction disciplinaire devant encore intervenir, l'arrêt cantonal du 14 mars 2023, qui confirme l'existence d'un harcèlement sexuel motivant ladite sanction, ne met donc pas fin à la procédure. Il s'agit d'une décision incidente, et non pas d'une décision finale, comme le soutient le recourant. 
 
1.2. Lorsqu'il n'est pas manifeste que l'une des conditions (alternatives) d'entrée en matière prévues à l'art. 93 al. 1 let. a et b LTF est remplie, il appartient au recourant d'alléguer mais aussi d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice irréparable ou que l'admission du recours conduise immédiatement à une décision finale permettant d'éviter une procédure longue et coûteuse, faute de quoi le recours est déclaré irrecevable (ATF 142 V 26 consid. 1.2; 142 III 178 consid. 2.2).  
Selon la jurisprudence, un préjudice irréparable est un dommage de nature juridique qui ne peut pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable à la partie recourante; un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 142 III 178 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2). 
 
1.3. En l'occurrence, le recourant se plaint d'une violation de l'art. 110 LTF, d'une violation de son droit d'être entendu ainsi que d'un déni de justice formel. Il reproche aux juges cantonaux de s'être, comme l'intimé, limités à reprendre les faits établis par le groupe de confiance pour examiner si son comportement était constitutif d'un harcèlement sexuel, et de s'être fiés à l'analyse de ce groupe, sans avoir examiné certains arguments du recourant. Le tribunal cantonal ne se serait notamment pas prononcé sur certains de ses griefs concernant notamment l'appréciation des preuves, en particulier des déclarations de témoins entendus par le groupe de confiance.  
Le recourant n'aborde toutefois pas la question de la recevabilité de son recours au regard de l'art. 93 al. 1 LTF. En particulier, il n'établit pas - ni même n'allègue - que la décision incidente entreprise lui causerait un préjudice irréparable au sens de la jurisprudence précitée. Un tel préjudice n'est par ailleurs pas manifeste, bien au contraire. Une fois la décision sur la sanction disciplinaire rendue par l'intimé, le recourant pourra l'attaquer auprès de la cour cantonale. S'il n'obtient pas entièrement gain de cause devant l'instance cantonale, il pourra porter l'affaire au Tribunal fédéral. Dans ce cadre, il lui sera loisible d'attaquer également l'arrêt du 23 mars 2023, dans la mesure où celui-ci influera sur le contenu du nouvel arrêt cantonal, conformément à l'art. 93 al. 3 LTF
Pour le reste, le recourant n'allègue pas, et on ne voit pas, que l'admission du recours pourrait conduire immédiatement à une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). 
 
2.  
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être déclaré irrecevable. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lucerne, le 27 octobre 2023 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny