7B_1014/2023 08.03.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_1014/2023  
 
 
Arrêt du 8 mars 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Kölz et Hofmann. 
Greffier: M. Magnin. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Maîtres Olivier Weniger et 
Benedetta S. Galetti, 
recourante, 
 
contre  
 
Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières, Domaine de direction Poursuite pénale, Taubenstrasse 16, 3003 Berne. 
 
Objet 
Séquestre, 
 
recours contre la décision rendue le 14 novembre 2023 par la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (BV.2023.15). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 24 juin 2022, l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (ci-après: l'OFDF) a demandé à A.________ SA (ci-après: A.________ SA) - société active dans la production et la commercialisation de produits de boulangerie, qui procède à des importations de produits provenant de l'étranger et dispose du statut d'expéditeur et de destinataire agréé -, par l'intermédiaire de son service F.________, 28 dossiers de dédouanement pour procéder à des contrôles a posteriori relatifs à des importations ayant eu lieu entre le 7 août 2017 et le 10 mars 2022.  
Le 13 juillet 2022, la personne responsable des autorisations (ci-après: la responsable des autorisations) auprès de A.________ SA a transmis les dossiers sollicités à l'OFDF. Sur les 28 dossiers, deux présentaient un vice de forme, à savoir que pour les envois des 7 mai 2018 (n° de déclaration xxx) et 6 septembre 2021 (n° de déclaration yyy), les certificats de circulation des marchandises EUR n'avaient pas été authentifiés par les douanes irlandaises au moment de l'exportation des marchandises. Dans les deux cas, le taux préférentiel avait en outre été revendiqué à tort. 
 
A.b. Le 21 septembre 2022, le service F.________ a décidé d'ouvrir une enquête pénale contre des collaboratrices de A.________ SA, dont la responsable des autorisations.  
Le 15 décembre 2022, le service Antifraude G.________ (ci-après: l'Antifraude) a adressé à A.________ SA un courrier par lequel elle a résumé les faits qui ont conduit à l'ouverture de l'enquête contre les précitées. Elle lui a également notifié l'ouverture d'une enquête pénale douanière et lui a demandé son accord pour que les dossiers remis par la responsable des autorisations soient utilisés dans le cadre de la procédure pénale. 
Le 4 janvier 2023, l'inspecteur de l'Antifraude a confirmé à A.________ SA que le dossier pénal relatif à l'enquête ouverte contre la société était constitué par les mêmes documents que ceux de l'enquête en cours contre la responsable des autorisations. Le 6 janvier 2023, A.________ SA a indiqué à l'Antifraude qu'elle refusait de donner son accord à l'utilisation des 28 dossiers transmis par la responsable des autorisations. 
 
B.  
 
B.a. Par ordonnance datée du 3 février 2023, notifiée à A.________ SA le 6 février 2023, l'Antifraude a ordonné le séquestre des déclarations de douane susmentionnées en qualité de pièces à conviction.  
 
B.b. Le 9 février 2023, A.________ SA a déposé une plainte contre cette ordonnance de séquestre auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (ci-après: la Cour des plaintes).  
 
B.c. Par décision du 14 novembre 2023, la Cour des plaintes a rejeté cette plainte et a mis l'émolument, arrêté à 2'000 fr., à la charge de A.________ SA.  
 
C.  
Par acte du 15 décembre 2023, A.________ SA (ci-après: la recourante) forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cette décision, en concluant à son annulation, ainsi qu'à celle de l'ordonnance de séquestre rendue le 3 février 2023 par l'Antifraude. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. L'autorité précédente a produit le dossier de la cause. 
 
 
Considérant en droit:  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2). 
 
1.1. Le recours est dirigé contre une décision de la Cour des plaintes relative à un séquestre au sens de l'art. 46 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0). La décision attaquée porte ainsi sur une mesure de contrainte au sens de l'art. 79 LTF, de sorte que le recours en matière pénale au Tribunal fédéral est en principe ouvert (cf. ATF 143 IV 85 consid. 1.2; 139 IV 246 consid. 1.3; cf. arrêt 1B_392/2021 du 4 février 2022 consid. 1.1 et les arrêts cités; cf. CHRISTIAN DENYS, in Commentaire de la LTF, 3 e éd. 2022 n. 10 ad art. 79 LTF). Dans la décision querellée, la Cour des plaintes a en outre rejeté le moyen de la recourante visant à faire constater l'inexploitabilité des déclarations de douanes séquestrées (cf. décision querellée, pp. 5-10).  
 
1.2.  
 
1.2.1. La décision concernant un séquestre fondé sur le droit pénal administratif constitue une décision incidente, de sorte que la recevabilité du recours dépend également des exigences posées par l'art. 93 LTF (ATF 128 I 129 consid. 1; 126 I 97 consid. 1b; arrêt 1B_554/2017 du 19 avril 2018 consid. 1.1; cf. CHRISTIAN DENYS, op. cit., n. 14 ad art. 79 LTF; cf. également, sur le séquestre pénal, ATF 140 IV 57 consid. 2.3). Le recours n'est donc recevable qu'aux conditions restrictives de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, à savoir en présence d'un risque de préjudice irréparable, l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'étant généralement pas applicable en matière pénale (ATF 141 IV 284 consid. 2). Le préjudice irréparable se rapporte à un dommage de nature juridique qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable à la partie recourante (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1). Selon la jurisprudence, le séquestre de valeurs patrimoniales cause en principe un dommage irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, car le détenteur se trouve privé temporairement de la libre disposition des biens saisis (ATF 128 I 129 consid. 1; 126 I 97 consid. 1b; arrêt 6B_253/2023 du 16 mars 2023 consid. 1.1 et les arrêts cités).  
 
1.2.2. Une décision relative à l'exploitation de moyens de preuve (art. 140 et 141 CPP) ne met pas fin à la procédure pénale et revêt également un caractère incident, de sorte que la recevabilité du recours est soumises aux conditions de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Le seul fait qu'un moyen de preuve dont la validité est contestée demeure au dossier ne constitue en principe pas un préjudice irréparable, dès lors qu'il est possible de renouveler ce grief jusqu'à la clôture définitive de la procédure. En particulier, la question de la légalité des moyens de preuve peut être soumise au juge du fond (art. 339 al. 2 let. d CPP), autorité dont il peut être attendu qu'elle soit en mesure de faire la distinction entre les moyens de preuve licites et ceux qui ne le seraient pas, puis de fonder son appréciation en conséquence. Les motifs retenus par le juge de première instance peuvent ensuite être contestés dans le cadre d'un appel (cf. art. 398 ss CPP) et, en dernier ressort, le prévenu peut remettre en cause ce jugement devant le Tribunal fédéral (art. 78 ss LTF; ATF 144 IV 90 consid. 1.1.3; 143 IV 387 consid. 4.4; arrêt 7B_815/2023 du 18 décembre 2023 consid. 1.1). Cette règle comporte toutefois des exceptions. Tel est le cas lorsque la loi prévoit expressément la restitution immédiate, respectivement la destruction immédiate, des preuves illicites (cf. notamment art. 248, 271 al. 3, 277 et 289 al. 6 CPP). Il en va de même quand, en vertu de la loi ou de circonstances spécifiques liées au cas d'espèce, le caractère illicite des moyens de preuve s'impose d'emblée. De telles circonstances ne peuvent être admises que dans la situation où l'intéressé fait valoir un intérêt juridiquement protégé particulièrement important à un constat immédiat du caractère inexploitable de la preuve (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1; cf. ATF 148 IV 82 consid. 5.4; arrêt 7B_815/2023 du 18 décembre 2023 consid. 1.1).  
 
1.2.3. Selon l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits permettant de démontrer l'existence d'un risque de préjudice irréparable lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (ATF 148 IV 155 consid. 1.1; arrêt 7B_906/2023 du 1 er février 2024 consid. 1.1).  
 
1.3. Dans son recours, en particulier au chapitre relatif à la recevabilité (cf. recours, p. 3), la recourante ne consacre aucun développement au sujet de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Contrairement à ce qu'il lui appartient de faire, elle ne fournit en effet aucune explication permettant de déterminer dans quelle mesure le séquestre des documents douaniers litigieux pourrait lui causer un préjudice irréparable. Par ailleurs, l'existence d'un risque de préjudice irréparable n'est pas d'emblée évidente. Le séquestre porte en effet sur des déclarations de douane confisquées afin d'être utilisées à titre de pièces à conviction, et non sur des valeurs patrimoniales dont le recourante pourrait avoir besoin. De plus, les documents litigieux sont versés au dossier de la procédure et l'intéressée pourrait en prélever des copies. Leur séquestre n'apparaît dès lors pas de nature à lui causer un dommage.  
Pour le surplus, la recourante conteste le rejet de son grief visant à faire constater l'inexploitabilité des déclarations de douanes litigieuses, au motif que ces documents auraient été recueillis en violation de dispositions conventionnelles et constitutionnelles, en particulier du droit de ne pas s'auto-incriminer (cf. notamment art. 6 CEDH et 32 al. 2 Cst.; cf. recours, pp. 9-17). Sur ce point également, elle ne fournit aucune explication en lien avec l'existence d'un éventuel préjudice irréparable. Or cette problématique relève de l'administration des preuves et ne lui cause aucun préjudice, puisque la recourante pourra soulever son grief devant le juge du fond et jusqu'à la clôture définitive de la procédure, les exceptions prévues par la jurisprudence n'entrant pas en ligne de compte. Ce renvoi à un stade ultérieur de la procédure fait d'autant plus sens s'agissant du droit de ne pas s'auto-incriminer, puisque celui-ci vise à empêcher que des éléments de preuve obtenus en violation de ce principe servent à fonder l'accusation, respectivement une condamnation (cf. arrêt 7B_44/2023 du 24 août 2023 consid. 1.2.2 et les références citées). 
Ainsi, la recourante ne démontre pas, conformément aux exigences d'allégation et de motivation prévues par l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, que la décision incidente querellée serait susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF
 
2.  
Le recours doit donc être déclaré irrecevable. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). ll ne sera pas alloué de dépens (cf. art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières, Domaine de direction Poursuite pénale, et à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. 
 
 
Lausanne, le 8 mars 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Abrecht 
 
Le Greffier: Magnin