9C_624/2023 13.11.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_624/2023  
 
 
Arrêt du 13 novembre 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________ et B.A.________, 
représentés par C.________, 
recourants, 
 
contre  
 
Administration fiscale cantonale du canton de Genève, 
rue du Stand 26, 1204 Genève, 
intimée. 
 
Objet 
Impôts cantonaux et communaux du canton de Genève et impôt fédéral direct, périodes fiscales 2008 à 2010, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 22 août 2023 (A/3383/2021-ICCIFD ATA/897/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Les 20 février et 17 avril 2015, les époux A.A.________ et B.A.________ (ci-après: les contribuables) ont procédé à une dénonciation spontanée pour les années fiscales 2005 à 2013 auprès de l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale). Cette dénonciation spontanée portait sur des honoraires, des rendements de comptes et de titres et la fortune y relative que le contribuable indiquait avoir réalisés à travers la société D.________ LLC (ci-après: la LLC), dont le siège se situait dans l'Etat de E.________ (Etats-Unis d'Amérique) et qui a cessé son activité en 2009.  
Par courrier du 15 décembre 2015, l'Administration fiscale a informé les contribuables de l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt pour l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD) et les impôts cantonaux et communaux (ci-après: ICC) des années "2005 et suivantes". 
 
A.b. Le 11 octobre 2019, l'Administration fiscale a notifié aux contribuables des bordereaux de rappel d'impôt pour l'IFD et les ICC des années 2008 à 2010, le montant du rappel d'impôt pour l'IFD 2010 étant toutefois nul. En substance, l'Administration fiscale a tenu compte dans ses reprises d'éléments non déclarés en lien avec de la fortune, des revenus bruts, des frais bancaires et des honoraires encaissés liés à la LLC. Elle n'a toutefois pas tenu compte des bénéfices et pertes en capital figurant dans les bilans et comptes de résultat, tels que revendiqués par les contribuables le 1er mai 2017.  
 
A.c. Par décision sur réclamation du 3 septembre 2021, l'Administration fiscale a maintenu ses reprises des années 2005 à 2010, tant pour l'IFD que pour les ICC. En bref, elle a considéré que les pertes de la LLC ne pouvaient pas être déduites en Suisse car il s'agissait de pertes privées en capital sur une participation.  
 
B.  
 
B.a. Par jugement du 3 novembre 2022, le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le TAPI) a partiellement admis le recours des contribuables, donné acte à l'Administration fiscale qu'elle acceptait la déduction de frais administratifs ressortant d'une annexe qu'elle avait produite et a renvoyé le dossier à cette dernière pour nouvelle décision de taxation conforme aux considérants. Dans les motifs de son jugement, le TAPI a constaté qu'en raison de la prescription, le rappel d'impôt ne pouvait plus que porter sur les années 2007 à 2010 et qu'hormis la modification admise par l'Administration fiscale, le recours devait être rejeté.  
 
B.b. Par arrêt du 22 août 2023, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours, qui ne portait que sur les années 2008 à 2010 des contribuables.  
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________ et B.B.________ demandent au Tribunal fédéral de "confirmer sa jurisprudence et d'admettre l'imposition, respectivement la déductibilité, des bénéfices en capital, respectivement des pertes en capital, réalisées sur une fortune commerciale dans le cadre d'une activité professionnelle de gestion de fortune". Ils sollicitent également que l'effet suspensif soit accordé à leur recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours porte sur une décision finale (art. 90 LTF; sur le caractère final d'un arrêt de renvoi pour nouveau calcul, cf. arrêt 2C_151/2017 du 16 décembre 2019 consid. 1.3, non publié in ATF 146 II 111), rendue par une autorité judiciaire supérieure ayant statué en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) et dans une cause de droit public qui ne tombe pas sous le coup d'une clause d'exception de l'art. 83 LTF. Le recours en matière de droit public est par conséquent ouvert (cf. aussi art. 146 LIFD [RS 642.11] et art. 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]).  
 
1.2. L'instance précédente a traité dans un seul arrêt de l'IFD et des ICC, ce qui est admissible (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1). Partant, le dépôt d'un seul acte de recours est aussi autorisé, dans la mesure où les recourants s'en prennent, certes de manière très implicite, aux deux catégories d'impôts (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.2). Il y a lieu d'entrer en matière sur le recours, sous réserve de ce qui suit.  
 
1.3. S elon un principe général de procédure, les conclusions en constatation de droit ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues. Sauf situations particulières, les conclusions constatatoires ont donc un caractère subsidiaire (ATF 141 II 113 consid. 1.7; 135 I 119 consid. 4). Par conséquent, le pan des conclusions relatif à la confirmation par le Tribunal fédéral de sa jurisprudence relève de la motivation juridique pouvant conduire à l'annulation, respectivement la réforme de l'arrêt entrepris et n'a dès lors pas de portée propre. Il est donc irrecevable.  
Par ailleurs, les recourants ne s'en prennent pas au dispositif de l'arrêt cantonal, pas plus qu'ils n'en demandent la réforme. Leurs conclusions sont donc en principe irrecevables. On comprend toutefois à la lecture de leur mémoire que les recourants demandent à ce que l'arrêt du 22 août 2023 soit modifié en ce sens qu'une déduction des pertes 2008 et 2010 soit admise, ainsi qu'un report de la perte de l'année 2008(sur l'interprétation des conclusions à la lumière de la motivation du recours, cf. ATF 133 II 409 consid. 1.4.1; arrêt 9C_684/2022 du 8 mars 2023 consid. 1.4 et les références). Le recours est recevable sous cet angle. 
 
2.  
 
2.1. D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Il examine en principe librement l'application du droit fédéral, ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de sa mise en pratique par les instances cantonales aux dispositions de la LHID lorsque les dispositions de cette loi ne laissent pas de marge de manoeuvre aux cantons. Tel est le cas en l'espèce, puisqu'est en cause la question de l'attribution d'actifs à la fortune privée ou à la fortune commerciale (arrêt 2C_1083/2018 du 23 avril 2019 consid. 5) et celle de savoir si, le cas échéant, le recourant a exercé une activité lucrative indépendante accessoire de commerce de titres (arrêt 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 11).  
 
2.2.  
 
2.2.1. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3). La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 145 V 188 consid. 2; 137 II 353 consid. 5.1).  
 
2.2.2. En instance fédérale, les recourants présentent un tableau "mettant en évidence les transactions titres dans les comptes" et qui mettrait selon eux en exergue la fréquence et le volume des transactions qui "ressortent des comptabilités". Ils infèrent de ce tableau que "le dossier titre a tourné dans les années 2005-2007 0,66 fois par année" ce qui donnerait une durée de détention des titres en question de 18 mois. Ce faisant, les recourants présentent librement leur conception de l'état de fait par de simples allégations, sans démontrer que les constatations cantonales seraient entachées d'arbitraire. Ils se réfèrent à des pièces comptables que la juridiction cantonale a qualifiées comme ne pouvant être déterminantes car elles avaient été préparées pour les besoins de la cause. Les recourants ne contestent pas cette appréciation. Le Tribunal fédéral se fondera dès lors uniquement sur les faits constatés par la Cour de justice.  
 
3.  
Le litige porte sur la question de savoir si c'est à bon droit que la cour cantonale a refusé la prise en compte de pertes en capital et d'un report de perte en lien avec un portefeuille de titres pour l'IFD et les ICC 2008 et 2009, ainsi que pour l'ICC 2010. En particulier, est litigieux le point de savoir si ce portefeuille de titres fait partie de la fortune commerciale de la LLC et, si tel n'est pas le cas, si le recourant a exercé une activité lucrative indépendante accessoire de commerçant professionnel de titres à laquelle ce portefeuille devrait être rattaché. 
 
4.  
 
4.1.  
 
4.1.1. Après avoir retenu que la LLC devait être considérée comme une société de personnes suisse et traitée de manière transparente sur le plan fiscal, la juridiction cantonale a conclu que le portefeuille de titres litigieux ne faisait pas partie de la fortune commerciale de la LLC, pour les motifs suivants. Les documents bancaires relatifs aux comptes ouverts auprès d'une banque suisse démontraient en effet que le titulaire était la société C.________ SA et que les ayants droit économiques de ces comptes étaient les recourants et leurs enfants, qui avaient tous un pouvoir de signature. De plus, une demande de carte bancaire en lien avec ces comptes avait été faite en faveur du recourant. En revanche, la LLC ne disposait d'aucun pouvoir de signature.  
 
4.1.2. Hormis des considérations sans pertinence en lien avec des rappels sur certaines notions juridiques effectués par la Cour de justice, les recourants font valoir que le contribuable avait organisé ses activités en deux zones géographiques (la Suisse et les Etats-Unis) et que "les liens économiques de cette activité avec la Suisse se limitaient au trafic de paiement". De plus, ce trafic de paiement se déroulait à travers des comptes fonds de clients que la fiduciaire de la LLC [soit la société C.________ SA] mettait à sa disposition; il en découlerait que "face à la banque, le rapport fiduciaire de ces comptes fonds de clients était totalement transparent, ce qui ne permet évidemment pas de conclure que ces avoirs font partie de la fortune privée des ayants[...]droit[...] économiques".  
 
4.1.3. Cette argumentation - dont on peut douter qu'elle réponde aux exigences de motivation d'un recours devant le Tribunal fédéral (cf. art. 42 al. 1 et 2 LTF; ATF 142 I 99 consid. 1.7.1 et les références) -, n'est absolument pas claire et il n'est pas possible d'en déduire un grief pertinent en relation avec l'arrêt cantonal. Partant, il n'y a pas lieu de s'écarter du raisonnement de la cour cantonale en tant qu'elle a considéré que les titres litigieux appartenaient à la fortune du recourant et non à la fortune commerciale de la LLC. A cet égard, il n'y a rien à ajouter aux constatations cantonales et il peut dès lors être renvoyé au raisonnement complet de la cour cantonale sur cet aspect du litige (cf. art. 109 al. 3 LTF).  
 
4.2.  
 
4.2.1. La Cour de justice a ensuite considéré que sous réserve de la nouvelle constitution et de la liquidation de certains placements à terme, les relevés bancaires ne démontraient pas une courte durée de possession des titres, ni des transactions d'une fréquence élevée pour les années 2008 à 2010. De plus, la gestion du portefeuille de titres avait été confiée à un tiers avec pour objectif de constituer un avoir de retraite, de sorte que le recourant ne souhaitait pas en tirer un revenu immédiat et les contribuables n'avaient pas allégué que des fonds étrangers importants avaient été engagés. La juridiction cantonale a également retenu que le montant des pertes alléguées par les contribuables n'avait pas pu être établi en l'absence d'une comptabilité permettant de les chiffrer avec précision. Partant, le recourant n'avait pas exercé d'activité professionnelle de commerce de titres, et le portefeuille litigieux ne pouvait pas faire partie de la fortune commerciale du contribuable.  
 
4.2.2. En se limitant à affirmer que le recourant a exercé une "activité professionnelle" en se référant de manière implicite au critère du volume et du nombre de transactions réalisées, les contribuables ne démontrent pas de violation du droit fédéral par la Cour de justice. Le renvoi aux "pièces comptables" ne leur est d'aucun secours (supra consid. 2.2.2). Il n'y a dès lors rien à ajouter aux constatations cantonales et aux déductions qui en ont été tirées, la Cour de justice ayant analysé de manière pertinente et de manière conforme au droit les critères fixés par la jurisprudence en matière de commerce professionnel de titres (cf. arrêt 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 7.3). Il peut y être dès lors renvoyé, le grief étant manifestement mal fondé (cf. art. 109 al. 3 LTF).  
 
5.  
Le raisonnement de la cour cantonale en matière d'IFD peut être appliqué mutatis mutandis aux ICC des périodes fiscales sous examen (supra consid. 2.1).  
 
6.  
 
6.1. Dans la mesure où il est recevable, le recours est rejeté tant en matière d'IFD que d'ICC conformément à la procédure prévue à l'art. 109 al. 2 let. a LTF.  
Vu l'issue du litige, la demande d'effet suspensif est sans objet. Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais judiciaires, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (68 al. 1 et 3 LTF). 
 
6.2. Le présent arrêt met fin à la prescription absolue de 15 ans tant en ce qui concerne l'IFD (art. 120 al. 4 LIFD) que les ICC (art. 47 al. 1 LHID). Le fait que l'Administration fiscale doive émettre de nouveaux bordereaux n'y change rien, car le renvoi ne porte que sur le calcul (cf. arrêts 2C_700/2022 du 25 novembre 2022 consid. 16.2; 2C_138/2020 du 3 décembre 2020 consid. 8; cf. ATF 138 I 143 consid. 1.2).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable, en tant qu'il porte sur l'IFD 2008 et 2009. 
 
2.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable, en tant qu'il porte sur les ICC 2008 à 2010. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4 ème section, et à l'Administration fédérale des contributions.  
 
 
Lucerne, le 13 novembre 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bürgisser