9C_430/2022 16.11.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_430/2022  
 
 
Arrêt du 16 novembre 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann, Moser-Szeless, Beusch et Scherrer Reber. 
Greffière : Mme Perrenoud. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
tous les deux représentés par M e Alexia Raetzo et M e Céline Moullet, avocates, 
recourants, 
 
contre  
 
Fondation institution supplétive LPP, 
rue Elias-Canetti 2, 8050 Zurich, 
représentée par Me Erich Peter et Me Matthias Langenegger, avocats, Pfingstweidstrasse 31, 8005 Zurich, 
intimée. 
 
Objet 
Prévoyance professionnelle, 
 
recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Berne du 6 juillet 2022 (200.2019.82.LPP). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La Société Suisse des Entrepreneurs (SSE), d'une part, et les syndicats SIB (Syndicat Industrie & Bâtiment; aujourd'hui: UNIA) et SYNA, d'autre part, ont conclu le 12 novembre 2002 la Convention collective de travail pour la retraite anticipée dans le secteur principal de la construction (ci-après: la CCT RA). Cette convention, dont l'entrée en vigueur a été fixée au 1er juillet 2003 et qui est applicable à l'ensemble du territoire suisse (à l'exception du Valais), a pour but de permettre aux travailleurs du secteur principal de la construction de prendre une retraite anticipée dès l'âge de 60 ans révolus et d'en atténuer les conséquences financières.  
Afin d'assurer l'application de la convention, les parties contractantes ont constitué le 19 mars 2003 la Fondation pour la retraite anticipée dans le secteur principal de la construction (ci-après: la Fondation FAR). Celle-ci a conclu un accord avec la Fondation institution supplétive LPP (ci-après: l'institution supplétive) afin, notamment, que cette institution reçoive la prestation de sortie acquise à la date de départ à la retraite anticipée des travailleurs affiliés et les bonifications de vieillesse jusqu'à l'âge ordinaire de la retraite AVS, dans les cas où l'institution de prévoyance de l'employeur ne le proposait pas; en outre, une fois l'âge de la retraite AVS atteint, l'institution supplétive était tenue de verser une rente de vieillesse (ou un capital; accord du 16 juin 2003, puis du 15 mars 2005). Le 2 mai 2018, l'institution supplétive a résilié l'accord conclu avec la Fondation FAR, avec effet au 31 décembre 2018. 
 
A.b. A.________, né en janvier 1959, et B.________, né en février 1959, ont perçu des prestations de la Fondation FAR dès le 1er février 2019 (s'agissant du premier), respectivement le 1er mars 2019 (concernant le second), soit au moment où ils ont atteint l'âge de 60 ans et mis un terme à l'activité professionnelle qu'ils déployaient pour des entreprises assujetties à la CCT RA. Ayant tous deux été affiliés, dans le cadre de leur activité professionnelle respective, auprès d'une institution de prévoyance pour la couverture des risques de vieillesse, d'invalidité et de décès qui ne proposait pas la continuation du rapport d'assurance après la résiliation du contrat de travail, ils ont présenté une demande de maintien de la prévoyance professionnelle sans assurance de risque auprès de l'institution supplétive (plan de prévoyance maintien facultatif de la prévoyance vieillesse dans le cadre de la LPP [WO]). Après que celle-ci a rejeté les demandes, les 26 mars et 19 juin 2019, l'avoir de vieillesse acquis par chacun des prénommés a été transféré sur un compte de libre passage.  
 
B.  
Le 28 janvier 2019, A.________ et B.________ ont ouvert action devant le Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française. Dans leur réplique du 4 juillet 2019, ils ont requis que l'institution supplétive soit condamnée, d'une part, à les assurer au "plan de prévoyance WO" depuis le 1er février 2019 (concernant A.________), respectivement le 1er mars 2019 (s'agissant de B.________), en application de l'art. 47 LPP, et d'autre part, à recevoir, depuis le 1er février 2019 (pour A.________), respectivement le 1er mars 2019 (pour B.________), les bonifications de vieillesse versées par la Fondation FAR en leur faveur et à les allouer à la poursuite du financement de l'avoir de vieillesse LPP jusqu'à l'âge de la retraite selon l'art. 13 LPP. Statuant le 6 juillet 2022, la juridiction cantonale a rejeté les actions. 
 
C.  
A.________ et B.________ interjettent un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont ils demandent l'annulation. A titre principal, ils reprennent les mêmes conclusions que devant l'instance cantonale. Subsidiairement, ils requièrent le renvoi de la cause à la juridiction précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
L'institution supplétive conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération. 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si l'institution supplétive a l'obligation légale d'assurer, en application de l'art. 47 al. 1 LPP, le maintien de la prévoyance professionnelle des recourants, bénéficiaires de la Fondation FAR, dès l'âge de 60 ans et jusqu'à l'âge légal de la retraite.  
 
2.2.  
 
2.2.1. Selon l'art. 47 LPP, avec le titre marginal "Interruption de l'assurance obligatoire", l'assuré qui cesse d'être assujetti à l'assurance obligatoire peut maintenir sa prévoyance professionnelle ou sa seule prévoyance vieillesse, dans la même mesure que précédemment, soit auprès de la même institution de prévoyance, si les dispositions réglementaires le permettent, soit auprès de l'institution supplétive (al. 1).  
 
2.2.2. Conformément à l'art. 33a LPP, relatif au "Maintien de la prévoyance au niveau du dernier gain assuré", l'institution de prévoyance peut prévoir dans son règlement la possibilité, pour les assurés ayant atteint l'âge de 58 ans et dont le salaire diminue de la moitié au plus, de demander le maintien de leur prévoyance au niveau du dernier gain assuré (al. 1). La prévoyance peut être maintenue au niveau du dernier gain assuré au plus tard jusqu'à l'âge réglementaire ordinaire de la retraite (al. 2).  
 
2.2.3. L'art. 47a LPP, avec le titre marginal "Interruption de l'assurance obligatoire à partir de 58 ans", est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Il prévoit que l'assuré qui, après avoir atteint l'âge de 58 ans, cesse d'être assujetti à l'assurance obligatoire en raison de la dissolution des rapports de travail par l'employeur peut maintenir son assurance en vertu de l'art. 47, ou exiger que son assurance soit maintenue dans la même mesure que précédemment auprès de la même institution de prévoyance en vertu des al. 2 à 7 du présent article (al. 1).  
 
2.2.4. L'art. 1 al. 2 LPP, qui porte le titre marginal "But", prévoit que le salaire assuré dans la prévoyance professionnelle ou le revenu assuré des travailleurs indépendants ne doit pas dépasser le revenu soumis à la cotisation AVS.  
 
3.  
 
3.1. Les recourants se prévalent, à titre principal, d'une violation de l'art. 47 LPP, ainsi que des principes de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.) et de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Ils reprochent en substance à la juridiction cantonale d'avoir interprété l'art. 47 LPP en ce sens qu'il ne s'applique pas aux assurés ayant atteint l'âge de 58 ans et, dans tous les cas, qu'il ne s'applique que pour une durée de deux ans au plus. Selon les recourants, l'interprétation qu'ont faites les premiers juges de l'art. 47 LPP introduirait une "inégalité de traitement arbitraire" avec les assurés qui peuvent exiger, en vertu de l'art. 47a al. 1 LPP, le maintien de leur assurance auprès de leur ancienne institution de prévoyance.  
Les recourants ne s'en prennent pas aux constatations cantonales selon lesquelles ils n'avaient plus de revenus soumis à la cotisation AVS au sens de l'art. 1 al. 2 LPP, dès lors qu'ils n'exerçaient plus d'activité lucrative, et qu'ils ne souhaitaient pas en exercer une à nouveau, ni ne contestent que l'art. 47a LPP n'est pas applicable à leur situation respective, dès lors déjà que la dissolution des rapports de travail n'a pas été le fait de l'employeur. Ils ne prétendent pas non plus que l'art. 33a LPP serait applicable à leur cas. 
 
3.2. L'intimée allègue pour sa part qu'un droit légal au maintien de l'assurance auprès d'elle doit être nié car "la retraite anticipée [...] ne retrouve aucune base légale dans les dispositions existantes". Selon elle, un "droit légal fondé sur l'art. 47 LPP" est exclu. Elle fait valoir en substance à cet égard que le maintien de l'assurance après la cessation définitive de l'activité lucrative ne correspondrait pas au sens et au but de l'art. 47 LPP et que la reconnaissance d'un tel droit serait contraire à la pratique constante et établie des autorités de surveillance LPP et des autorités fiscales, selon laquelle le maintien de l'assurance selon l'art. 47 LPP est admis uniquement pour une durée de deux ans au maximum.  
 
4.  
 
4.1. A la suite des premiers juges, on rappellera que la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 148 II 299 consid. 7.1 et les arrêts citées).  
 
4.2. Pour parvenir à la conclusion que l'art. 47 al. 1 LPP ne peut pas s'appliquer à un assuré qui a déjà atteint l'âge de 58 ans et que son application est dans tous les cas limitée à une période de deux ans, la juridiction de première instance s'est avant tout fondée sur des éléments d'interprétation systématique et téléologique de la disposition en cause.  
Elle a déduit de l'interprétation systématique que l'art. 47 al. 1 LPP est en contradiction avec l'art. 1 al. 2 LPP, qui subordonne l'affiliation à la prévoyance professionnelle à l'existence d'un revenu soumis à la cotisation AVS. L'art. 47 al. 1 LPP devait donc être interprété en tenant aussi compte des art. 33a et 47a LPP, qui sont entrés en vigueur postérieurement et pour lesquels le législateur a, au contraire de l'art. 47 LPP, thématisé la contradiction précitée. Compte tenu en particulier des délibérations parlementaires liées à l'art. 33a LPP et de l'avis exprimé tant par la Conférence suisse des impôts que par l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), les premiers juges ont considéré qu'il se justifie d'interpréter restrictivement l'art. 47 al. 1 LPP et donc, d'en limiter la portée temporelle, en ce sens qu'en cas de cessation d'une activité lucrative, l'application de cette norme ne s'avère possible que pendant deux ans et seulement à des assurés n'ayant pas atteint l'âge de 58 ans. Selon eux, une dérogation pleine et entière à l'art. 1 al. 2 LPP serait inadmissible et ne s'inscrirait pas non plus dans la systématique globale de la loi, telle que l'a voulue le législateur lors de l'introduction de l'art. 33a LPP. Ils ont précisé à cet égard que le maintien de l'assurance au-delà de la durée de deux ans ou de l'âge de 58 ans n'est possible qu'en application d'une autre disposition légale, à savoir aux conditions de l'art. 33a LPP ou de l'art. 47a LPP
Sur le plan de l'interprétation téléologique, l'instance cantonale a considéré que la volonté actuelle du législateur, au regard des différentes réformes de la LPP, consiste à réduire la rigidité du système de retraite pour les personnes souhaitant diminuer progressivement leur taux d'occupation professionnelle ou perdant leur emploi, mais qu'elle ne va en revanche pas dans le sens d'un blanc-seing donné à toute personne désireuse de maintenir sa prévoyance professionnelle pour la période précédant directement l'âge de la retraite AVS. 
 
4.3. Certes, à la suite des premiers juges, on constate que l'interprétation systématique révèle l'existence d'une contradiction entre l'art. 47 LPP et l'art. 1 al. 2 LPP, dès lors que cette dernière norme prévoit que seul un salaire (art. 7 LPP) ne dépassant pas le revenu soumis à la cotisation AVS est assuré, alors que dans les hypothèses visées par l'art. 47 al. 1 LPP, un tel salaire est en principe inexistant. Cela étant, à l'inverse de l'instance précédente, on ne saurait en déduire que l'application de l'art. 47 al. 1 LPP, en cas de cessation d'une activité lucrative, s'avère possible uniquement pendant deux ans et seulement à des assurés n'ayant pas atteint l'âge de 58 ans. En particulier, l'interprétation tant littérale qu'historique de la disposition en cause ne permet pas de parvenir à ce résultat.  
 
4.3.1. Sur le plan de l'interprétation littérale de l'art. 47 LPP, il ressort du texte légal que l'application de la disposition suppose un assujettissement antérieur à l'assurance obligatoire, ainsi que la cessation de cet assujettissement. Le texte de la norme ne fait en revanche pas mention d'une durée maximale du maintien de la prévoyance professionnelle, ni d'un âge maximal de l'assuré.  
 
4.3.2. Il ressort de l'interprétation historique de l'art. 47 al. 1 LPP - à laquelle l'instance précédente a pourtant également dûment procédé -, que la continuation de l'assurance ne devait pas être réservée aux cas d'interruption passagère de l'assujettissement à l'assurance obligatoire. Dans le cadre des débats parlementaires relatifs à la LPP, la discussion a porté sur le maintien de l'assurance et il a été mis en évidence que la continuation de l'assurance ne doit pas être limitée dans le temps (cf. BO 1977 N 1349 ss, en particulier l'intervention du rapporteur de la commission du Conseil national Anton Muheim [BO 1977 N 1350]). En effet, le maintien de l'assurance est financé par l'assuré et non par son ancien employeur (cf. intervention Muheim, précitée). En outre, la question de la volonté de l'assuré de retrouver à terme une activité lucrative conduisant à nouveau à un assujettissement à l'assurance obligatoire n'a pas été abordée. D'ailleurs, le Tribunal fédéral avait déjà relevé que l'ancien art. 47 LPP s'appliquait indépendamment des motifs de la sortie de l'assurance obligatoire et sans exiger que cette sortie fût passagère (arrêt B 1/91 du 4 septembre 1992 consid. 4a, in RSAS 1995, p. 295).  
 
4.3.3. L'interprétation systématique fait certes apparaître une contradiction entre l'art. 47 LPP et l'art. 1 al. 2 LPP. Cette dernière disposition a cependant été introduite dans le cadre de la première révision de la LPP, le 1er janvier 2006 (RO 2004 1677), soit postérieurement à l'adoption de l'art. 47 al. 1 LPP (entré en vigueur le 1er janvier 1985, puis modifié avec effet au 1er janvier 1997 [RO 1996 273]). Lors de l'adoption de l'art. 1 al. 2 LPP, il a été mentionné qu'il fallait lutter contre les abus liés à l'utilisation du deuxième pilier à des fins fiscales (en admettant par exemple des déductions fiscales qui ne correspondent pas au salaire proprement dit; cf. BO 2002 E 1036, intervention de la Conseillère fédérale Ruth Dreifuss). Toutefois, la question de la relation entre cette disposition et l'art. 47 LPP n'a pas été examinée dans le cadre des débats parlementaires (BO 2002 N 504 s.; BO 2002 E 1035 s.; BO 2003 N 618 ss; BO 2003 E 444), comme l'a également constaté la juridiction cantonale. La contradiction entre les art. 1 al. 2 et 47 al. 1 LPP n'a pas non plus été abordée lors des débats parlementaires dans le cadre de l'adoption de l'art. 33a LPP, entré en vigueur le 1er janvier 2011 (RO 2010 4427), puis de celle de l'art. 47a LPP, entré en vigueur le 1er janvier 2021 (RO 2020 585), ni du reste la question des rapports entre ces nouvelles dispositions et l'art. 47 al. 1 LPP (cf. BO 2008 E 583; BO 2009 N 1593 ss; BO 2009 E 1237; BO 2018 N 451 ss et 465; BO 2018 E 323), comme l'ont également retenu les premiers juges.  
Partant si le législateur entendait restreindre la portée temporelle de l'art. 47 LPP lors de l'adoption de l'art. 1 al. 2 LPP (ou celle postérieure des art. 33a et 47a LPP), il lui eût appartenu de mentionner clairement sa volonté, par exemple en incluant expressément une condition d'âge à l'art. 47 al. 1 LPP et/ou en prévoyant que seule une cessation temporaire de l'activité lucrative en permet l'application. Cette considération s'impose au regard de l'interprétation tant littérale qu'historique de l'art. 47 al. 1 LPP (consid. 4.3.1 et 4.3.2). On ajoutera que comme le font valoir les recourants, les art. 33a et 47 LPP règlent des situations différentes: alors que l'art. 33a LPP figure dans le titre 1 de la partie 2 de la LPP, relatif à l'"Assurance obligatoire des salariés", l'art. 47 LPP prend place dans le titre 3 de la partie 2 de la LPP, qui porte sur l'"Assurance facultative". Quant à l'art. 47a LPP, il est entré en vigueur le 1er janvier 2021 (RO 2020 585), soit postérieurement aux faits juridiquement déterminants pour le présent litige (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références). A cet égard, on constate du reste, à la lecture du texte clair de l'art. 47a al. 1 LPP, que cette norme autorise expressément l'application de l'art. 47 LPP à des assurés âgés de plus de 58 ans, dans la situation qu'elle régit. 
 
4.3.4. L'intimée ne saurait rien non plus déduire en sa faveur des avis de la Conférence suisse des impôts et de l'OFAS, dont il ressort que les déductions fiscales des cotisations versées par des assurés en application de l'art. 47 LPP (cf. également art. 81 al. 2 LPP) ne sont possibles que pendant une durée de deux ans au maximum (Conférence suisse des impôts, Prévoyance et impôts: cas d'application de prévoyance professionnelle et de prévoyance individuelle, 2022, A.2.4.1), respectivement que s'il est possible que le salaire assuré au sens de l'art. 47 LPP dépasse le salaire assuré auprès de l'AVS, un tel dépassement doit être provisoire ou transitoire et ne peut durer plus de deux ans, à moins qu'une base légale expresse ne précise le contraire, à l'exemple de l'art. 33a LPP (prise de position de l'OFAS "Assurance externe et maintien de l'assurance en cas de réduction du taux d'occupation", Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 110 du 15 janvier 2009, ch. 677). Ces avis ne permettent en effet pas de restreindre l'application temporelle de l'art. 47 LPP dans le sens retenu par les premiers juges, dès lors déjà qu'il s'agit de directives et circulaires administratives qui, même si elles ne sont pas dépourvues d'importance sous l'angle de l'égalité de traitement des assurés, ne créent pas de nouvelles règles de droit et ne lient pas le juge (cf. ATF 148 V 102 consid. 4.2 et les arrêts cités).  
 
4.3.5. Sur le plan finalement de l'interprétation téléologique, l'intention du législateur de restreindre les droits des travailleurs proches de l'âge de la retraite, en supprimant la possibilité jusqu'alors conférée par l'art. 47 al. 1 LPP pour ceux qui cesseraient leur activité lucrative sans être licenciés, ne ressort pas des travaux préparatoires des différentes réformes de la LPP. L'introduction des art. 33a et 47a LPP visait en effet à réduire la rigidité du système de retraite pour les personnes souhaitant diminuer progressivement leur taux d'occupation professionnelle ou perdant leur emploi (cf., notamment, Message concernant la révision de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité [Réforme structurelle] du 15 juin 2007, FF 2007 5381 [5433 s.]), comme l'ont constaté les premiers juges (consid. 4.2 supra). A cet égard, si le législateur entendait introduire une différence de traitement entre les travailleurs proches de l'âge de la retraite, en fonction de la nature de la dissolution des rapports de travail (licenciement par l'employeur, d'une part, démission du travailleur ou accord de résiliation entre le travailleur et son employeur, d'autre part) lorsqu'il a introduit l'art. 47a LPP, en réservant dorénavant l'application de l'art. 47 LPP, après l'âge de 58 ans, aux seuls travailleurs dont la dissolution des rapports de travail est le fait de l'employeur, il lui eût appartenu de le préciser clairement à l'art. 47 LPP. On ajoutera du reste que l'art. 47a LPP confère des droits plus étendus que l'art. 47 LPP, puisqu'il permet à l'assuré licencié après avoir atteint l'âge de 58 ans, non seulement de maintenir son assurance en vertu de l'art. 47, mais également d'exiger que son assurance soit maintenue dans la même mesure que précédemment auprès de la même institution de prévoyance (conformément aux al. 2 à 7 de l'art. 47a LPP).  
 
4.4. En définitive les considérations de la juridiction cantonale selon lesquelles l'art. 47 al. 1 LPP ne peut pas s'appliquer à un assuré qui a déjà atteint l'âge de 58 ans et l'application de cette norme est dans tous les cas limitée à une période de deux ans, ne peuvent pas être suivies. L'assuré qui, après avoir atteint l'âge de 58 ans, cesse d'être assujetti à l'assurance obligatoire en raison de la dissolution des rapports de travail par lui-même peut maintenir son assurance aux conditions fixées par l'art. 47 LPP, même s'il s'agit d'une cessation d'activité définitive.  
 
5.  
 
5.1. Il convient ensuite d'examiner si malgré le fait que l'art. 47 LPP peut s'appliquer en cas de cessation définitive de l'activité professionnelle et aux assurés âgés de plus de 58 ans, c'est à bon droit que l'instance précédente a considéré que les recourants ne pouvaient pas se prévaloir de l'application de cette disposition à leur situation respective afin de requérir le maintien de leur prévoyance vieillesse auprès de l'intimée.  
Alors que l'intimée admet qu'un cas de prévoyance vieillesse s'est réalisé tant pour B.________ que pour A.________, ceux-ci considèrent qu'un cas de prévoyance n'est survenu ni pour l'un ni pour l'autre. 
 
5.2. On rappellera, à la suite de la juridiction de première instance, que l'application de l'art. 47 LPP exige un assujettissement antérieur à l'assurance obligatoire, ainsi que la cessation de cet assujettissement (consid. 4.3.1 supra). Pour que l'institution supplétive puisse maintenir la prévoyance professionnelle ou la prévoyance vieillesse d'un assuré, il est par ailleurs nécessaire qu'une prestation de sortie lui soit versée. La prestation de sortie versée à l'institution de prévoyance tenue de fournir la couverture d'assurance permet en effet le financement des prestations futures. Or à cet égard, conformément à l'art. 2 al. 1 LFLP, la prestation de sortie ne peut être versée par l'ancienne institution de prévoyance de l'assuré que s'il la quitte avant la survenance d'un cas de prévoyance (cas de libre passage; consid. 5.3.1.2 infra).  
Lorsqu'une institution de prévoyance accorde la possibilité d'une retraite anticipée (cf. art. 13 al. 2 LPP, en relation avec l'art. 1i OPP 2) - comme c'est le cas des institutions de prévoyance auprès desquelles les recourants étaient affiliés par leur ancien employeur respectif, selon les constatations cantonales non contestées par les parties -, la survenance du cas de prévoyance "vieillesse" a lieu non seulement lorsque l'assuré atteint l'âge légal de la retraite selon l'art. 13 al. 1 LPP, mais aussi lorsqu'il atteint l'âge auquel le règlement lui donne droit à une retraite anticipée. Si la résiliation du rapport de travail intervient à un âge auquel l'assuré peut, en vertu des dispositions du règlement de l'institution de prévoyance, prétendre des prestations de vieillesse au titre de la retraite anticipée, le droit à des prestations de vieillesse prévues par le règlement naît indépendamment de l'intention de l'assuré d'exercer une activité lucrative ailleurs. Il en va autrement lorsque le règlement subordonne l'octroi de prestations à titre de retraite anticipée à une déclaration de volonté de l'assuré: dans ce cas, l'événement vieillesse excluant le droit à une prestation de sortie n'intervient que si l'assuré a fait valoir ses prétentions (ATF 138 V 227 consid. 5.2.1 et les arrêts cités). Le point de savoir si un cas de libre passage ou un cas de prévoyance vieillesse survient avec l'abandon de l'activité lucrative avant l'accession à l'âge ordinaire de la retraite doit ainsi être examiné - sous réserve de l'art. 2 al. 1bis LFLP - à la lumière du règlement de la dernière institution de prévoyance à laquelle l'assuré a été affilié, étant précisé que la perception d'une rente transitoire de la part de la Fondation FAR n'est pas déterminante (ATF 141 V 162 consid. 4.3), comme l'ont dûment rappelé les premiers juges. La perception d'une telle rente ne constitue en effet pas un cas d'assurance. A cet égard, l'art. 18 al. 3 du règlement de la Fondation FAR, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 mars 2019, prévoit que les rentes transitoires peuvent être cumulées avec des rentes de l'AVS et de la prévoyance professionnelle lorsque celles-ci sont réduites en raison de la retraite anticipée (cf. ATF 141 V 162 consid. 4.3.2 et 4.3.3). 
 
5.3. En l'espèce, dans la mesure où les recourants avaient été affiliés par leur employeur respectif, chacun auprès d'une institution de prévoyance différente, leur situation doit être distinguée, comme cela ressort de l'arrêt entrepris. La question de savoir si un cas de libre passage ou un cas de prévoyance vieillesse est survenu pour B.________ et A.________ doit en effet être tranchée à la lumière du règlement de la dernière institution de prévoyance à laquelle chacun d'eux avait été affilié.  
 
5.3.1.  
 
5.3.1.1. Selon les constatations cantonales, non contestées par les recourants, B.________ avait été affilié par son ancien employeur à la Fondation C.________. Il avait atteint l'âge de 60 ans en février 2019 et avait commencé à percevoir des prestations de la Fondation FAR dès mars 2019. A la demande du prénommé, la Fondation C.________ lui avait versé une prestation de sortie, en contradiction avec son propre règlement de prévoyance, qui prévoit qu'une personne assurée qui quitte l'institution de prévoyance entre l'âge minimal de retraite anticipée (en l'occurrence, 58 ans) et l'âge réglementaire ordinaire de la retraite peut seulement prétendre une prestation de sortie si elle continue à exercer une activité lucrative ou est déclarée au chômage. Dans la mesure où B.________ n'avait plus exercé d'activité lucrative et ne s'était pas retrouvé au chômage postérieurement à la fin de son dernier emploi (art. 2 al. 1bis LFLP a contrario), l'instance précédente a considéré qu'il n'avait d'autre choix que de prendre une retraite anticipée et que c'était donc à tort que la Fondation C.________ lui avait versé une prestation de sortie.  
 
5.3.1.2. Dans ces circonstances, c'est à bon droit que les premiers juges ont admis que l'institution supplétive était fondée à refuser le maintien de la prévoyance vieillesse au sens de l'art. 47 al. 1 LPP, compte tenu qu'un cas de prévoyance était déjà survenu, conformément au règlement de prévoyance. En effet, l'ancienne institution de prévoyance de l'assuré ne peut verser une prestation de sortie à l'institution de prévoyance tenue de maintenir la prévoyance professionnelle ou la prévoyance vieillesse que si l'assuré la quitte avant la survenance d'un cas de prévoyance (art. 2 al. 1 LFLP), ce qui s'explique par le fait que la prestation de sortie est destinée à financer les prestations qui seront allouées ultérieurement à l'assuré par la nouvelle institution de prévoyance (consid. 5.2 supra). Lorsque le cas de prévoyance est survenu, un transfert de la prestation de sortie n'est à l'inverse plus possible, dès lors que le capital acquis par l'assuré est utilisé pour financer les prestations qui lui sont allouées par l'institution de prévoyance à laquelle il était alors affilié. Dans une jurisprudence publiée récemment, le Tribunal fédéral avait déjà relevé la problématique liée au fait que l'art. 47 LPP permet le maintien de la prévoyance dans la même mesure que précédemment, bien que ni un salaire minimum selon l'art. 7 LPP ne soit atteint ni les conditions de l'art. 2 al. 1bis LFLP ne soient remplies (ATF 141 V 162 consid. 4.3.4). Compte tenu du caractère d'exception de l'art. 47 LPP, qui permet de déroger au principe général selon lequel seul est possible un assujettissement si un salaire minimum est versé (art. 7 LPP), il se justifie de réserver l'application de la possibilité offerte par l'art. 47 LPP aux situations dans lesquelles le cas de prévoyance vieillesse n'est pas encore survenu selon le règlement de prévoyance. Cette possibilité est en effet offerte indépendamment du fait que les assurés remplissent les conditions générales de l'accès à la prévoyance professionnelle (voir aussi GEISER/SENTI, in Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, no 5 ad art. 47 LPP), mais cela ne signifie pas que l'on puisse faire abstraction de la survenance d'un cas d'assurance. Le recours est mal fondé sur ce point.  
 
5.3.2. Concernant ensuite A.________, il ressort du jugement entrepris qu'il avait été affilié par son ancien employeur auprès de la Fondation D.________, qu'il avait atteint l'âge de 60 ans en janvier 2019 et commencé à percevoir des prestations de la Fondation FAR en février 2019, ce que les parties ne contestent pas. Sa prestation de sortie lui avait été versée, à sa demande, par la Fondation D.________, conformément au règlement de prévoyance de celle-ci, selon lequel si les rapports de travail cessent entre l'âge permettant de prendre une retraite anticipée (en l'espèce, 58 ans) et l'âge ordinaire de la retraite, une prestation de sortie est versée à la personne assurée qui ne souhaite pas une retraite anticipée. A cet égard, A.________ n'avait pas perçu de prestations à titre de retraite anticipée ni demandé à en percevoir. Quoi qu'en dise l'intimée, le cas de prévoyance n'était dès lors pas survenu pour le prénommé. Dans la mesure où l'application de l'art. 47 al. 1 LPP n'est pas réservée aux assurés qui n'ont pas déjà atteint l'âge de 58 ans ni limitée à une période de deux ans (consid. 4 supra), et dès lors que A.________ remplit les conditions de l'art. 47 al. 1 LPP (supra consid. 5.2), l'intimée doit recevoir sa prestation de sortie et maintenir sa couverture d'assurance. Le recours est bien fondé sur ce point.  
 
6.  
 
6.1. Dans une argumentation subsidiaire, les recourants invoquent une violation des dispositions étendues et déclarées de force obligatoire de la CCT RA concernant le maintien de la prévoyance au sens de l'art. 47 LPP. Ils font valoir à cet égard que dans l'hypothèse où le Tribunal fédéral devrait admettre qu'il se justifie de réserver l'art. 47 LPP aux assurés n'ayant pas encore atteint l'âge de 58 ans et d'en limiter l'application pour une durée de deux ans au plus, les clauses normatives - étendues et déclarées de force obligatoire - de la CCT RA mettant en oeuvre le régime de retraite anticipée "créent un régime quasi-légal de maintien de la prévoyance, analogue et parallèle à celui de l'art. 47 LPP", qui leur permet de maintenir leur prévoyance auprès de l'institution supplétive en vertu de l'art. 47 LPP entre l'âge de 60 et 65 ans, afin de percevoir une "rente de retraite" non réduite à l'âge ordinaire de la retraite.  
 
6.2. Il n'y a pas lieu d'examiner plus avant cette argumentation s'agissant de A.________, dès lors qu'il a droit au maintien de la prévoyance en application de l'art. 47 LPP (consid. 5.3.2 supra). Quant à B.________, il ne saurait rien en déduire en sa faveur, dès lors déjà que la CCT RA ne prévoit pas un droit au maintien de la prévoyance auprès de l'institution supplétive en vertu de l'art. 47 LPP. On rappellera à cet égard que la CCT RA règle exclusivement les relations entre l'employeur, le travailleur et la Fondation FAR, si bien que l'institution supplétive n'entre pas dans son champ d'application (cf. ATF 141 V 162 consid. 4.3.1).  
 
7.  
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires seront répartis entre les parties (art. 66 al. 1 LTF). En outre, les recourants ont droit à des dépens réduits (art. 68 al. 1 LTF). La cause est renvoyée à la juridiction cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure (art. 67 et 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. Le jugement du Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, du 6 juillet 2022 est annulé. La demande de A.________ est admise en ce sens que la Fondation institution supplétive LPP est tenue de l'assurer en application de l'art. 47 al. 1 LPP à partir du 1er février 2019. La demande de B.________ est rejetée. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis pour 250 fr. à la charge des recourants et pour 250 fr. à la charge de l'intimée. 
 
3.  
L'intimée versera aux recourants la somme de 1'400 fr. à titre de dépens réduits pour la procédure devant le Tribunal fédéral concernant A.________. 
 
4.  
La cause est renvoyée au Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, à l'Autorité bernoise de surveillance des institutions de prévoyance et des fondations (ABSPF) et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 16 novembre 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
La Greffière : Perrenoud