1D_6/2023 04.03.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1D_6/2023  
 
 
Arrêt du 4 mars 2024  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Haag et Merz. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Romain Jordan, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Commandante de la Police du canton de Genève, Nouvel Hôtel de police, chemin de la Gravière 5, 1227 Les Acacias, 
intimée. 
 
Objet 
Droit de la fonction publique; blâme, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, du 6 juin 2023 (A/1900/2022-FPUBL - ATA/591/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, né en 1990, a commencé son stage de policier en 2015. Le 4 février 2017 à 00h37, le prénommé, toujours stagiaire, a circulé, au volant d'un véhicule de service de la police, sirène et feux bleus enclenchés, sur la route d'Annecy en direction de la Croix-de-Rozon, à la vitesse de 126 km/h, alors que la vitesse y était limitée à 50 km/h. A bord du véhicule se trouvait son maître de stage. 
A l'issue de la procédure pénale ouverte le 23 mars 2017, A.________ a été condamné pour infraction à l'art. 90 al. 3 et 4 LCR (RS 741.01) à une peine de 360 heures de travail d'intérêt général (avec sursis pendant 20 mois), confirmée par le Tribunal fédéral par arrêt 6B_1231/2020 du 12 mai 2021. 
 
B.  
Le 5 mars 2019, la Commandante de la police du canton de Genève a été informée que le Tribunal de police du canton de Genève avait rendu un jugement, le 29 janvier 2019, condamnant A.________. Par décision du 23 avril 2019, elle a ouvert une procédure simplifiée à l'encontre de A.________, au motif que le comportement de celui-ci constituait un manquement susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire. Le prénommé a été entendu le 4 avril 2022. 
Par décision du 6 mai 2022, la Commandante de la police a infligé un blâme au prénommé. 
 
C.  
Par arrêt du 6 juin 2023, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours formé par A.________ contre la décision du 6 mai 2022. 
 
D.  
Agissant par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du 6 juin 2023 en ce sens que la décision du 6 mai 2022 est annulée. Il conclut subsidiairement au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. 
La Cour de justice s'en rapporte à justice s'agissant de la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. La Commandante de la police conclut au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) en matière de rapports de travail de droit public. La cause relève du droit public, de sorte qu'en principe, la voie ordinaire de recours est celle du recours en matière de droit public (art. 82 let. a LTF). Cependant, en ce qui concerne les rapports de travail de droit public (et lorsqu'ils ne se rapportent pas à l'égalité des sexes), le recours en matière de droit public est subordonné à la double condition que la décision attaquée concerne une contestation pécuniaire et que - à moins de soulever une question juridique de principe - la valeur litigieuse atteigne au moins 15'000 fr. (art. 83 let. g LTF en corrélation avec l'art. 85 al. 1 let. b et 2 LTF). 
En l'occurrence, la décision attaquée porte sur un blâme infligé à un employé de la police en application de l'art. 36 al. 1 let. a de la loi genevoise sur la police du 9 septembre 2014 (LPol; RSG F 1 05). Il ne s'agit donc pas d'une contestation de nature pécuniaire, de sorte que seule la voie du recours constitutionnel subsidiaire (cf. art. 113 ss LTF) est ouverte. 
Les autres conditions de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recours constitutionnel subsidiaire ne peut être formé que pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). En vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, applicable par renvoi de l'art. 117 LTF, les griefs y relatifs doivent être invoqués et motivés de façon détaillée en précisant en quoi consiste la violation, sous peine d'irrecevabilité (ATF 138 I 232 consid. 3). 
 
3.  
Dans un premier grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant reproche à la Cour de justice d'avoir refusé de donner suite à sa demande tendant à ce qu'une audience publique soit tenue. Il se plaint d'une violation de son droit d'être entendu et du droit à une audience publique au sens des art. 29 al. 2 Cst. et 6 § 1 CEDH
 
3.1. L'art. 6 § 1 CEDH donne à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Sauf exceptions - non réalisées en l'espèce -, cette disposition conventionnelle s'applique dans les contestations relatives aux employés publics, notamment lorsqu'elles portent sur un salaire, une indemnité ou d'autres droits de ce type (arrêt de la CourEDH Vilho Eskelinen et autres contre Finlande du 19 avril 2007, Recueil CourEDH 2007-II p. 1 § 62, confirmé récemment par l'arrêt Grzeda contre Pologne du 15 mars 2022 § 261; arrêt 8D_3/2023 du 11 octobre 2023 consid. 3.2).  
La tenue de débats publics doit, sauf circonstances exceptionnelles, avoir lieu devant les instances judiciaires précédant le Tribunal fédéral. Il appartient à ce titre au recourant, sous peine de forclusion, de présenter une demande formulée de manière claire et indiscutable. Saisi d'une telle demande, le juge doit en principe y donner suite. Il peut cependant s'en abstenir dans les cas prévus par l'art. 6 par. 1, deuxième phrase, CEDH, lorsque la demande est abusive, chicanière, ou dilatoire, lorsqu'il apparaît clairement que le recours est infondé, irrecevable ou, au contraire, manifestement bien fondé ou encore lorsque l'objet du litige porte sur des questions hautement techniques (ATF 141 I 97 consid. 5.1; 136 I 279 consid. 1; 134 I 331 consid. 2.3). 
La CourEDH a rappelé que l'art. 6 CEDH - en dehors des limitations expressément prévues par cette disposition - n'exige certes pas nécessairement la tenue d'une audience dans toutes les procédures. Cela est notamment le cas pour les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d'autres pièces. Partant, on ne saurait conclure, même dans l'hypothèse d'une juridiction investie de la plénitude de juridiction, que la disposition conventionnelle implique toujours le droit à une audience publique, indépendamment de la nature des questions à trancher. D'autres considérations, dont le droit à un jugement dans un délai raisonnable et la nécessité en découlant d'un traitement rapide des affaires inscrites au rôle, entrent en ligne de compte pour déterminer si des débats publics sont nécessaires. La CourEDH a ainsi déjà considéré que des procédures consacrées exclusivement à des points de droit ou hautement techniques pouvaient remplir les conditions de l'art. 6 même en l'absence de débats publics (arrêt de la CourEDH Mutu et Pechstein contre Suisse du 2 octobre 2018 § 177).  
 
3.2. La cour cantonale a estimé que l'art. 6 CEDH ne s'appliquait pas a priori à un conflit portant sur une sanction disciplinaire non pécuniaire infligée à un détenteur de la puissance publique. Elle a par ailleurs considéré que l'objet du litige portait sur une question juridique, qui n'apparaissait pas particulièrement complexe, dans une affaire ne soulevant pas de question de crédibilité et ne suscitant pas de controverse sur les faits. Elle a aussi rappelé que le recourant avait eu l'occasion, au cours de la procédure cantonale, de faire valoir ses arguments et de produire des pièces tant dans le cadre de son recours que de ses deux répliques, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de procéder à son audition, dont il n'expliquait pas ce qu'elle apporterait de plus. Elle a encore relevé que le recourant ne sollicitait pas la production d'un document particulier et que le dossier lui paraissait complet. Les juges cantonaux ont dès lors estimé que le litige n'exigeait pas la tenue d'une audience publique et qu'ils pouvaient se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et les pièces.  
 
3.3. Le recourant allègue, sans le démontrer, que la présente affaire aurait suscité de manière notoire un débat public dans le canton de Genève notamment, mais également au niveau fédéral, de sorte que la question méritait d'être plaidée en public. L'autorité intimée fait valoir quant à elle qu'il est parfaitement erroné que la présente affaire ait suscité un débat public au niveau cantonal, voire fédéral. Elle relève que le recourant semble confondre la procédure administrative relative à la sanction disciplinaire avec la procédure pénale à son encontre qui a donné lieu à des arrêts du Tribunal fédéral.  
 
3.4. En l'espèce, le litige dont était saisi la Cour de justice portait sur la question de savoir si la décision du 6 mai 2022 infligeant un blâme au recourant était fondée. Les faits n'étaient pas contestés. Les griefs soulevés par le recourant avaient trait à la violation de son droit d'être entendu et du principe de la bonne foi, la prescription de l'action disciplinaire ainsi que la question du principe et de la quotité de la sanction disciplinaire prononcée. Il s'agit de questions de droit ne suscitant pas de controverse quant aux faits de nature à requérir une audience; la juridiction cantonale pouvait ainsi se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et des pièces du dossier. Par ailleurs, le recourant a déjà pu se prononcer sur les mêmes faits et reproches en application de l'art. 6 CEDH dans le cadre de la procédure pénale qui a précédé la procédure disciplinaire. Dans ces circonstances particulières, le prononcé de l'arrêt attaqué sans tenue d'une audience publique ne viole pas l'art. 6 § 1 CEDH.  
 
4.  
Dans une second grief formel, le recourant fait valoir qu'en ne donnant pas suite à sa demande d'ordonner la tenue d'une audience de comparution personnelle répondant aux réquisits de l'art. 6 CEDH, la cour cantonale aurait appliqué arbitrairement l'art. 32 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC; RSG B 5 05). Il soutient que cette disposition serait applicable en l'espèce par renvoi de l'art. 18 al. 1 LPol et en l'absence de mention contraire. 
 
4.1. Selon l'art. 32 al. 3 LPAC, la Chambre administrative de la Cour de justice ordonne d'entrée de cause et à bref délai la comparution personnelle des parties. Elle peut ordonner préalablement la production de pièces.  
L'art. 18 al. 1 LPol prévoit que le personnel de la police est soumis à la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux, du 4 décembre 1997, et à ses dispositions d'application, sous réserve des dispositions particulières de la présente loi. 
 
4.2. Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - même préférable - paraît possible (ATF 148 I 145 consid. 6.1; 147 I 241 consid. 6.2.1).  
 
4.3. L'intimée fait valoir que l'art. 32 al. 3 LPAC ainsi que les autres dispositions figurant dans la section 2 " Contentieux " de la LPAC ne s'appliquent pas aux procédures disciplinaires dirigées à l'encontre des membres de la police, pour lesquels des dispositions spécifiques sont prévues dans la LPol et ses règlements d'application, en particulier l'art. 19 du règlement général genevois du 16 mars 2016 sur le personnel de la police (RGPPol; RSG F 1 05.07), lequel prévoit que les sanctions disciplinaires peuvent faire l'objet d'un recours à la chambre administrative de la Cour de justice. La décision attaquée du 6 mai 2022 mentionnait précisément l'art. 19 RGPPol et non les art. 30 ss LPAC dans les voies de recours. La Cour de justice n'avait donc pas l'obligation d'ordonner la comparution personnelle des parties conformément à l'art. 32 al. 3 LPAC, cette disposition n'étant pas applicable. L'autorité intimée ajoute que l'art. 36 al. 4 LPol précise uniquement que l'art. 29 LPAC n'est pas applicable, sans pour autant affirmer qu'il s'agit de la seule disposition de la LPAC qui ne s'applique pas au personnel de la police. On ne saurait dès lors en déduire que les art. 30 ss LPAC sont applicables aux procédures disciplinaires dirigées contre des membres de la police.  
 
4.4. Les premiers juges ne se sont pas déterminés sur la portée de l'art. 19 RGPPol, en relation avec les art. 30 ss LPAC. Sur ce point, l'argumentation de l'intimée ne convainc pas. En effet, conformément à l'art. 18 al. 1 LPol, le personnel de la police est soumis à la LPAC sous réserve de dispositions contraires de la loi. L'art. 19 RGPPol prévoit que les sanctions disciplinaires peuvent faire l'objet d'un recours à la chambre administrative de la Cour de justice. Il ne dit rien de la procédure applicable devant cette autorité de recours et paraît en réalité un simple rappel de la voie de recours prévue par l'art. 30 al. 2 LPAC (arrêt 8D_3/2023 du 11 octobre 2023 consid. 4.3).  
Pour autant, le recourant n'établit pas qu'une application non arbitraire de l'art. 32 al. 3 LPAC aurait nécessairement dû conduire la juridiction cantonale à le convoquer pour une audience de comparution personnelle. En effet, la procédure de l'art. 32 LPAC est conçue comme une procédure simplifiée, par rapport à la procédure administrative ordinaire prévue par les art. 57 ss de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative (LPA; RSG E 5 10), en particulier les art. 66 ss LPA. Au lieu d'un échange d'écritures systématique, voire d'un double échange d'écritures (art. 73 ss. LPA), l'art. 32 al. 2 et 3 LPAC privilégie une convocation immédiate des parties à une audience de comparution, un échange d'écritures constituant l'exception. En l'espèce, toutefois, un double échange d'écritures (suivi d'un troisième) a été ordonné, sans que cela soulève d'objection du recourant. Vu ce triple échange d'écriture, il n'était pas arbitraire de considérer qu'il avait pu se déterminer de manière suffisante et que l'art. 32 al. 3 LPAC n'imposait pas sa comparution personnelle. 
 
5.  
Sur le fond, le recourant fait valoir une application arbitraire de l'art. 36 al. 3 LPol ainsi qu'une violation du principe in dubio pro reo (art. 6 § 2 CEDH et 32 al. 1 Cst.).  
 
5.1. Aux termes de l'art. 36 al. 1 LPol, selon la gravité de la faute, diverses sanctions disciplinaires peuvent être infligées au personnel de la police dont le blâme (let. a) ou les services hors tour (let. b).  
Le chef du service concerné, au sens de l'art. 6 LPol, est compétent pour prononcer le blâme; le commandant inflige les services hors tour (art. 37 al. 1 LPol). 
La responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la connaissance de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue pendant la durée de l'enquête administrative, ou de l'éventuelle procédure pénale portant sur les mêmes faits (art. 36 al. 3 LPol). 
Après l'échéance du délai de prescription, la sanction d'une faute professionnelle n'est plus possible, même lorsqu'elle serait utile à la sauvegarde de l'intérêt général (arrêt 8D_7/2021 du 5 septembre 2022 consid. 3.1; GABRIEL BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse romande, in RJJ 1998 p. 1 ss, n. 48 p. 26). 
L'art. 29 al. 2 LPAC prévoit que lorsque les faits reprochés à un membre du personnel peuvent faire l'objet d'une sanction civile ou pénale, l'autorité disciplinaire administrative applique, dans les meilleurs délais, les dispositions des art. 16, 21 et 27 LPAC, sans préjudice de la décision de l'autorité judiciaire civile ou pénale saisie. 
L'art. 36 al. 4 LPol précise que l'art. 29 LPAC n'est pas applicable. 
 
5.2. En l'espèce, la cour cantonale a retenu que bien que selon l'art. 37 al. 1 LPol en lien avec l'art. 6 let. b ch. 8 LPol, c'était en principe le chef de la police de proximité qui était compétent pour prononcer un blâme, la Commandante de la police pouvait prononcer une telle sanction puisque même s'il existait des échelons de hiérarchie supplémentaires entre elle et le recourant, elle n'en était pas moins sa supérieure hiérarchique. La connaissance des faits par celle-ci était par conséquent déterminante pour fixer le dies a quo de l'action disciplinaire. Selon les premiers juges, il s'agissait du mois de mars 2019. Par ailleurs, la prescription avait été suspendue à partir du 23 mars 2017 (date de l'ouverture de la procédure pénale) jusqu'au 12 mai 2021 (date de l'arrêt du Tribunal fédéral). Selon les juges cantonaux, la responsabilité disciplinaire de la recourante n'était donc pas prescrite au moment du prononcé de la sanction le 6 mai 2022, moins d'un an s'étant écoulé entre la connaissance des faits reprochés par la Commandante de la police et la suspension de la prescription en raison de l'ouverture de la procédure pénale. Quant à la prescription quinquennale, elle était aussi respectée au moment de la décision du 6 mai 2022, compte tenu de la suspension liée à la procédure pénale entre le 23 mars 2017 et le 12 mai 2021.  
 
5.3. Le recourant fait d'abord valoir que le dies a quo du délai de prescription relatif ne serait pas le jour où la Commandante de la police aurait eu connaissance des faits comme retenu dans l'arrêt attaqué, mais serait le jour où le chef de la police de proximité, compétent en vertu de l'art. 36 al. 2 LPol pour prononcer un blâme, aurait pris connaissance des faits, soit en mars 2017, de sorte que le délai d'un an était écoulé au moment du prononcé de la décision litigieuse du 6 mai 2022. En ce qui concerne la suspension du délai de prescription pendant la procédure pénale, le recourant fait valoir qu'il est arbitraire de retenir que le délai de prescription aurait été interrompu (recte: suspendu) jusqu'au moment de l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 mai 2021 car la procédure pénale n'était nullement nécessaire pour établir les faits reprochés. De même, il était arbitraire de considérer que le délai quinquennal, bien qu'absolu, puisse être interrompu.  
 
5.4. S'agissant de la compétence pour prononcer un blâme, la Cour de justice a constaté celle de la Commandante de la police sans arbitraire, en faisant application de sa jurisprudence selon laquelle un blâme est en principe prononcé par le supérieur hiérarchique direct (en l'occurrence le chef du service concerné au sens de l'art. 6 LPol), étant admis qu'un supérieur hiérarchique "plus élevé" était également compétent selon le principe "qui peut le plus peut le moins". Elle a cité trois arrêts cantonaux desquels il ressort que quand bien même la personne ayant prononcé un blâme à l'encontre de la personne n'était pas son supérieur direct (car il existait un échelon de hiérarchie supplémentaire entre eux), il n'en restait pas moins un supérieur hiérarchique de ce dernier: il en découlait que le blâme prononcé l'avait a fortiori été par une autorité compétente.  
Le recourant ne critique pas vraiment la compétence de la Commandante de la police pour prononcer un blâme à son encontre, en application de son pouvoir d'évocation. Il conteste en revanche que le dies a quo du délai de la prescription relative n'ait commencé à courir qu'à partir du moment où elle avait été informée des faits, et non au moment où l'autorité immédiatement compétente - le chef de la police de proximité - en avait eu connaissance. Il soutient que cela permettrait à une autorité d'évoquer un dossier pour échapper au délai de prescription.  
Sur ce point, l'argumentation des premiers juges paraît effectivement discutable, car elle fait peu de cas de la compétence primaire conférée au chef de la police de proximité pour prononcer un blâme et permettrait aux autorités de repousser indéfiniment le point de départ du délai de prescription relatif (arrêt 8D_3/2023 du 11 octobre 2023 consid. 5.4.1). La question peut toutefois demeurer indécise, dans la mesure où le délai de la prescription relative n'était quoi qu'il en soit pas échu au moment de la décision du 6 mai 2022. En effet, même s'il devait être retenu que le dies a quo du délai de la prescription relative avait commencé à courir dès la connaissance des faits par le chef de de la police de proximité, à savoir en mars 2017, la prescription relative n'était pas acquise puisque celle-ci avait été suspendue du 23 mars 2017 au 12 mai 2021 en raison de la procédure pénale.  
 
5.5. Le recourant soutient encore que le délai de prescription absolue de 5 ans ne peut être suspendu par l'existence d'une procédure pénale.  
 
5.5.1. Examinant le point de savoir si et dans quelle mesure la procédure pénale suspendait la prescription de l'action disciplinaire, la cour cantonale a relevé que lors des travaux législatifs visant la modification de la LPol, le législateur avait clairement exprimé sa volonté de simplifier la pratique en cours, afin d'éviter qu'une enquête administrative soit ouverte uniquement pour suspendre le délai de prescription dans l'attente du résultat de la procédure pénale; l'exclusion de l'application de l'art. 29 LPAC à l'art. 36 al. 4 LPol confirmait cette volonté d'attendre le résultat de l'éventuelle procédure pénale diligentée avant l'ouverture d'une enquête administrative; le terme "éventuelle" de l'art. 36 al. 3 LPol ne signifiait pas que la suspension ne courrait pas jusqu'au terme de la procédure pénale dans l'hypothèse où une cause de responsabilité disciplinaire apparaissait avant son terme; ledit mot faisait davantage référence au fait qu'une action disciplinaire n'impliquait pas nécessairement l'ouverture d'une procédure pénale, dès lors qu'une violation des devoirs de service ne présupposait pas la réalisation d'une infraction pénale.  
 
5.5.2. Le raisonnement de l'instance précédente, fondé sur une interprétation historique et littérale, n'est pas insoutenable. Il n'est pas arbitraire de considérer que le délai de prescription absolue de cinq ans a été suspendu pendant toute la durée de la procédure pénale (cf. ATF 119 IV 330 consid. 2c concernant l'art. 11 al. 3 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif [DPA; RS 313.0] qui prévoit qu'en matière de crimes, de délits et de contraventions, la prescription [relative et absolue] est suspendue pendant la durée d'une procédure de réclamation, de recours [...]; 112 Ib 576 consid. 13b; arrêt 8D_3/2023 du 11 octobre 2023 consid. 5.4.3). La Cour de justice n'a ainsi pas versé dans l'arbitraire en fixant la reprise du délai de prescription à la date de la dernière décision prononcée dans la procédure pénale, à savoir l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 mai 2021. En effet, ce n'est qu'à ce moment que le prononcé pénal à l'encontre du recourant est devenu exécutoire (force de chose jugée formelle) et qu'il empêchait toute nouvelle poursuite pénale contre le recourant pour les mêmes faits (force de chose jugée matérielle). Ayant commencé à courir le 4 février 2017, soit au moment de la violation des devoirs de service, et suspendu du 23 mars 2017 au 12 mai 2021, le délai de prescription absolue n'était donc pas échu au moment du prononcé de la sanction disciplinaire le 6 mai 2022.  
Par ailleurs, le recourant ne peut rien tirer de l'arrêt 8D_7/2021 du 5 septembre 2022, lequel retient simplement que le dies a quo du délai de la prescription relative ne peut être le jour de la réception de l'intégralité du dossier relatif à l'intéressé par la direction juridique du département lorsque l'autorité compétente avait déjà eu connaissance de la violation des devoirs de service et des motifs de la condamnation pénale depuis plus d'un mois (consid. 3.4).  
Mal fondé, le grief d'application arbitraire de l'art. 36 al. 3 LPol doit être écarté. 
 
6. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.  
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'intimée et à la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 4 mars 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Tornay Schaller