1P.594/2003 11.02.2004
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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.594/2003/col 
 
Séance du 11 février 2004 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Aeschlimann, Reeb, Fonjallaz et Eusebio. 
Greffier: M. Parmelin. 
 
Parties 
Association A.________ et quarante-quatre consorts, recourants, tous représentés par Me Olivier Jornot, avocat, 
 
contre 
 
Département de l'aménagement, de l'équipement 
et du logement du canton de Genève, rue David-Dufour 5, case postale 22, 1211 Genève 8, 
Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, case postale 1956, 1211 Genève 1, 
 
Ville de Carouge, 1227 Carouge, représentée par Me Alain Veuillet, avocat, 
 
Objet 
autorisation de construire des logements provisoires pour des requérants d'asile en zone à bâtir, 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 26 août 2003. 
 
Faits: 
A. 
L'Université de Genève est propriétaire de la parcelle n° 1708 de la commune de Carouge, à l'angle du chemin de Pinchat et du chemin Vert. Cette parcelle, partiellement bâtie, de 53'185 mètres carrés, est classée en cinquième zone, réservée aux villas en vertu de l'art. 19 al. 3 de la loi genevoise d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LaLAT). 
Le 31 mai 2002, la Direction des bâtiments du Département cantonal de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après: le Département) a déposé une demande d'autorisation de construire par voie de procédure accélérée visant à ériger sur cette parcelle quatre pavillons modulaires provisoires de deux niveaux chacun, destinés à accueillir quelque 200 requérants d'asile, avec un parking de 26 places le long du chemin Vert. Ce projet devait permettre de répondre aux besoins urgents du canton de Genève en matière d'hébergement des requérants d'asile. 
Par décision du 2 décembre 2002, publiée dans la Feuille d'avis officielle du 6 décembre 2002, le Département a accordé l'autorisation de construire requise à la condition posée sous chiffre 5 que les constructions autorisées soient limitées à une durée de dix ans. L'Association A.________ et consorts ont recouru contre cette décision le 6 janvier 2003, en invoquant l'utilisation injustifiée de la procédure accélérée, l'absence d'enquête publique, la non-conformité du projet à l'affectation de la zone, le nombre excessif de logements, le risque d'insécurité lié à la concentration dans un même lieu de quelque 200 requérants d'asile, la mauvaise intégration des constructions dans le site et la non-conformité du projet avec les travaux d'aménagement du chemin Vert. 
Par décision du 21 mars 2003, la Commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après: la Commission cantonale de recours) a admis le recours, annulé l'autorisation de construire du 2 décembre 2002 et retourné le dossier au Département pour qu'il instruise la cause dans le sens des considérants. Elle a retenu en substance que le projet litigieux n'était pas conforme à l'affectation de la cinquième zone et qu'il ne pouvait faire l'objet d'une dérogation au sens de l'art. 26 al. 1 LaLAT, sans une enquête publique préalable. 
Au terme d'un arrêt rendu le 26 août 2003, le Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif ou la cour cantonale) a admis partiellement le recours formé par le Département contre cette décision et a rétabli l'autorisation de construire du 2 décembre 2002, dont il a modifié la condition posée sous chiffre 5 en ce sens que les quatre pavillons autorisés le sont pour une durée de trois ans, dès la fin des travaux. Il a tenu pour admissible le recours à la procédure accélérée instaurée à l'art. 3 al. 7 de la loi genevoise sur les constructions et les installations diverses (LCI) pour le traitement des demandes d'autorisation de construire des logements provisoires et estimé que seul un délai de trois ans au maximum était compatible avec la notion de provisoire, en se référant à un arrêt rendu le 13 mai 2003. Il a admis que l'octroi de la dérogation prévue à l'art. 75 al. 3 LCI au nombre de logements fixé pour toute construction édifiée en cinquième zone n'allait pas à l'encontre du but de la loi et permettait de prendre en considération une situation exceptionnelle, dont la réalité n'était remise en cause par aucune des parties opposantes. 
B. 
Agissant par la voie du recours de droit public, l'Association A.________ et consorts demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Invoquant les art. 9 et 29 al. 2 Cst., ils se plaignent à divers titres d'une application arbitraire du droit cantonal et de la violation de leur droit d'être entendus. 
Le Tribunal administratif persiste dans les termes et les conclusions de son arrêt. Le Département conclut au rejet du recours. La Ville de Carouge s'en rapporte à l'appréciation du Tribunal fédéral. 
C. 
Par ordonnance du 5 novembre 2003, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la demande d'effet suspensif présentée par les recourants. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 129 I 185 consid. 1 p. 188; 129 II 225 consid. 1 p. 227 et la jurisprudence citée). 
1.1 En vertu de l'art. 34 al. 1 et 3 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700), seule la voie du recours de droit public est ouverte contre l'octroi d'un permis de construire en zone à bâtir dans la mesure où les recourants font essentiellement valoir des griefs tirés d'une application arbitraire de normes cantonales de procédure et de police des constructions ainsi que de la violation de leur droit d'être entendus garanti par le droit constitutionnel fédéral (cf. ATF 123 II 88 consid. 1a/cc p. 92 et les arrêts cités). 
1.2 La vocation pour agir par la voie du recours de droit public se détermine exclusivement selon l'art. 88 OJ; il importe peu à cet égard que la qualité de parties ait été reconnue aux recourants en procédure cantonale. En matière d'autorisation de construire, le Tribunal fédéral reconnaît la qualité pour recourir aux voisins s'ils invoquent la violation de dispositions du droit des constructions qui sont destinées à les protéger ou qui ont été édictées à la fois dans l'intérêt public et dans celui des voisins (ATF 127 I 44 consid. 2c p. 46). Ils doivent en outre se trouver dans le champ de protection des dispositions dont ils allèguent la violation et être touchés par les effets prétendument illicites de la construction ou de l'installation litigieuse (ATF 121 I 267 consid. 2 p. 268). Les normes du droit cantonal qui définissent le type et les caractéristiques des constructions susceptibles d'être érigées dans une zone déterminée et qui, partant, tendent à déterminer et à sauvegarder le caractère de cette zone, ont aussi pour objet de protéger les voisins dont les immeubles sont situés dans le périmètre même de la zone ou à proximité immédiate de celui-ci (cf. ATF 118 Ia 112 consid. 1b p. 115). Tel est manifestement le cas des recourants qui sont propriétaires de villas le long du chemin Vert; à ce titre, ils sont habilités à se plaindre d'une application arbitraire des art. 19 al. 3 LaLAT et 75 al. 3 LCI, qui définissent les constructions admissibles en cinquième zone et les conditions auxquelles peut être accordée une dérogation au nombre de logements admis pour toute construction édifiée dans cette zone, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la qualité pour agir des autres recourants et, en particulier, des associations (cf. ATF 125 I 369 consid. 1a p. 372). 
2. 
Les recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir admis la qualité pour recourir du Département devant elle au terme d'une application arbitraire du droit cantonal de procédure et sans motiver sa décision sur ce point, en violation des art. 9 et 29 al. 2 Cst. 
Selon la jurisprudence, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par cette dernière disposition si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102; 125 III 440 consid. 2a p. 441; 117 Ia 116 consid. 3a p. 117 et les arrêts cités). En l'occurrence, on peut admettre qu'en entrant en matière sur le recours du Département, la cour cantonale a implicitement admis la qualité pour agir de celui-ci, s'agissant d'une question qu'elle devait examiner d'office, et qu'elle n'a pas violé l'art. 29 al. 2 Cst. Au surplus, l'arrêt attaqué n'est nullement arbitraire sur ce point. En droit genevois, la qualité pour recourir des entités publiques devant le Tribunal administratif est soumise à l'exigence d'un intérêt direct et personnel digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, selon l'art. 60 let. b de la loi genevoise sur la procédure administrative (LPA). Les recourants admettent que l'autorité agissant en tant que requérante d'une autorisation de construire puisse recourir contre une décision de refus de la Commission cantonale de recours, dans la mesure où elle est touchée de la même manière qu'un particulier. Le fait que le recours n'émane pas formellement de la Direction des bâtiments du Département, qui a déposé la demande d'autorisation de construire, mais du chef de la Division juridique de la police des constructions du Département ne remet pas en cause la qualité pour agir de celui-ci en application de l'art. 60 let. b LPA. Rien n'indique en effet que la Direction des bâtiments dispose d'un service juridique propre. Il n'était donc pas arbitraire d'admettre que le recours déposé par la division juridique du Département avait été formé pour le compte de la requérante. Le recours est dès lors mal fondé sur ce point. 
3. 
Le Tribunal administratif a considéré que les demandes d'autorisation de construire des logements provisoires pour requérants d'asile pouvaient être traitées par la voie de la procédure accélérée de l'art. 3 al. 7 LCI, à la condition qu'un terme de trois ans soit fixé à la présence des bâtiments projetés, et qu'une enquête publique n'était de ce fait pas nécessaire. Il s'est référé en cela à un arrêt non publié rendu le 13 mai 2003 concernant des constructions similaires sises dans une zone de développement destinée à des équipements publics. La question de savoir si le renvoi à une jurisprudence non librement accessible au public constitue une motivation suffisante au regard du droit du justiciable à une décision motivée garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. peut demeurer indécise; en effet, les recourants se sont procuré l'arrêt concerné et ont pu en attaquer la motivation en conséquence dans le délai de recours de l'art. 89 al. 1 OJ, de sorte qu'ils n'ont subi aucun préjudice du vice qu'ils dénoncent. Sur le fond, ils voient une application arbitraire du droit cantonal dans l'usage abusif fait en l'occurrence de la procédure accélérée instaurée à l'art. 3 al. 7 LCI. Selon eux, les bâtiments litigieux ne constituent pas des constructions provisoires susceptibles d'être autorisées par cette voie; la procédure ordinaire de l'art. 3 al. 1 et 2 LCI, qui prévoit une mise à l'enquête publique du projet avec la possibilité pour chacun de déposer des observations écrites pendant un délai de trente jours, aurait au contraire dû être empruntée dès l'instant où l'octroi d'une dérogation au nombre de logements maximum admis pour toute construction édifiée en cinquième zone était nécessaire. 
3.1 Le Tribunal fédéral revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal sous l'angle de l'arbitraire (ATF 128 II 311 consid. 2.1 p. 315 et les arrêts cités). Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'interprétation défendue par la cour cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît aussi concevable, voire même préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêts cités). En outre, l'annulation de la décision attaquée ne se justifie que si celle-ci est arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 173 consid. 3 p. 178). 
3.2 Selon l'art. 3 al. 7 LCI, le département peut traiter par une procédure accélérée les demandes d'autorisation relatives à des travaux portant sur la modification intérieure d'un bâtiment existant ou ne modifiant pas l'aspect général de celui-ci. La procédure accélérée peut également être retenue pour des constructions nouvelles de peu d'importance ou provisoires. A titre exceptionnel, cette procédure peut enfin être adoptée pour des travaux de reconstruction présentant un caractère d'urgence. Dans ces cas, la demande n'est pas publiée dans la Feuille d'avis officielle et le département peut renoncer à solliciter le préavis communal. L'autorisation est, par contre, publiée et son bénéficiaire est tenu, avant l'ouverture du chantier, d'informer par écrit les locataires et, le cas échéant, les copropriétaires de l'immeuble concerné des travaux qu'il va entreprendre. Une copie de l'autorisation est envoyée à la commune intéressée. 
3.3 Le Tribunal administratif a considéré que le recours à la procédure accélérée était admissible afin de traiter la demande d'autorisation de construire des logements provisoires pour requérants d'asile, à la condition qu'un terme soit défini à l'existence des bâtiments projetés, terme qu'il a fixé à trois ans dès l'échéance des travaux. Il s'est référé à un arrêt non publié rendu le 13 mai 2003 dans lequel il a admis, sur la base d'une analyse détaillée des travaux préparatoires, qu'une construction soit qualifiée de provisoire pour autant qu'elle revête un caractère urgent, qu'elle puisse être enlevée facilement et qu'un terme à son existence soit prévu. Il n'y a pas lieu d'examiner si les critères ainsi dégagés sont ou non pertinents, car l'application que le Tribunal administratif en a faite dans le cas particulier est de toute manière arbitraire. Il est douteux que des constructions de l'ampleur de celles prévues puissent, de manière générale, être traitées par la voie de la procédure accélérée, en raison des nuisances qu'elles comportent et des infrastructures qu'elles nécessitent, fussent-elles limitées dans le temps. Peu importe en définitive. Une situation d'urgence imposant le recours à la procédure accélérée ne pourrait de toute manière être envisagée que si la procédure ordinaire ne permettait pas de prescrire suffisamment tôt les mesures commandées par les circonstances (cf. ATF 103 Ia 152 consid. 3a p. 156). La situation du logement des requérants d'asile dans le canton de Genève est certes préoccupante, avec un déficit chronique en places d'hébergement. Il n'est toutefois pas établi qu'elle revêtirait un degré d'urgence tel qu'il serait impossible d'ériger des constructions affectées à cette fin en respectant les délais liés à une procédure ordinaire d'autorisation de construire définie aux art. 3 al. 1 et 2 LCI, avec les garanties de procédure qu'elle comporte pour les tiers. Pour cette raison déjà, la cour cantonale ne pouvait entériner la voie de la procédure accélérée suivie par le Département. En outre, le recours à cette procédure ne se conçoit que pour des constructions nouvelles provisoires compatibles avec les normes de la zone dans laquelle elles sont projetées (cf. en ce sens, Mémorial des séances du Grand Conseil du 8 novembre 1991, p. 4868). Or, de l'aveu même du Tribunal administratif, les pavillons litigieux ne sont pas conformes à l'art. 75 al. 3 LCI en tant qu'ils comportent un nombre de logements supérieur à celui admis en zone de villa, et nécessitent l'octroi d'une dérogation. 
Dans ces conditions, il n'était pas possible de traiter le projet litigieux par la voie de la procédure accélérée de l'art. 3 al. 7 LCI. Le recours est dès lors bien fondé sur ce point. 
3.4 La réparation d'un vice de procédure n'est en principe pas exclue; elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 consid. 2 p. 72 et les arrêts cités). La jurisprudence du Tribunal fédéral admet, à certaines conditions, que le vice tiré de l'absence d'enquête publique préalable à l'octroi d'une autorisation de construire à la suite d'un recours erroné à la procédure simplifiée puisse être guéri (cf. arrêt non publié 1P.146/1990 du 12 juillet 1991, consid. 2d); encore faut-il que la pratique des autorités cantonales ne l'exclue pas. Or, le Tribunal administratif considère comme nulle l'autorisation délivrée à la suite d'une procédure accélérée en lieu et place de la procédure ordinaire, dans la mesure où elle est de nature à empêcher toute opposition émanant des voisins, des tiers intéressés et des associations de sauvegarde du patrimoine (cf. arrêt du 16 mai 2000 résumé à la SJ 2001 II p. 208). Force est dès lors d'admettre qu'il n'aurait pas pu corriger cette informalité, s'il l'avait constatée. Pour cette raison déjà, une éventuelle réparation du vice tiré de l'absence d'enquête publique n'entre pas en considération. L'annulation de l'arrêt attaqué s'impose d'autant plus que le projet litigieux émane d'un organe de l'Etat qui doit se montrer exempt de tout reproche dans le choix des procédures qu'il initie. Enfin, la guérison d'un vice de procédure n'a de sens que dans la mesure où elle permettrait de mettre un terme à la procédure. Or, il y a lieu de constater que sur le fond également, l'arrêt attaqué n'est pas exempt de reproches, dès lors que le Tribunal administratif n'a pas examiné la conformité des constructions projetées avec la destination de la zone et qu'il a failli à son devoir de motiver ses décisions en admettant qu'une dérogation à l'art. 75 al. 3 LCI pouvait être accordée sans avoir procédé à une pesée des intérêts en présence. 
Dans ces circonstances, une réparation du vice consécutif au recours injustifié à la procédure accélérée prévue à l'art. 3 al. 7 LCI n'entre pas en considération. Il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué pour ce motif et de renvoyer la cause au Tribunal administratif pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
4. 
Le recours doit par conséquent être admis, dans la mesure où il est recevable. Le canton de Genève, qui succombe, est dispensé des frais judiciaires (art. 156 al. 2 OJ). Il versera en revanche une indemnité de dépens aux recourants, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'accorder des dépens à la Ville de Carouge qui s'en est remise à justice. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis, dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
3. 
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée aux recourants, solidairement entre eux, à titre de dépens, à la charge du canton de Genève. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, au Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et au Tribunal administratif du canton de Genève ainsi qu'au mandataire de la Ville de Carouge. 
Lausanne, le 11 février 2004 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: