1C_521/2022 28.07.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_521/2022  
 
 
Arrêt du 28 juillet 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Merz. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
A.________ Sàrl, représentée par Me Stefano Fabbro, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
C.________, 
D.________, 
tous les trois représentés par Me Emilie Kalbermatter, avocate, 
intimés, 
 
Commune de Saxon, Administration communale, route du Village 42, 1907 Saxon, 
Conseil d'Etat du canton du Valais, place de la Planta, Palais du Gouvernement, 1950 Sion. 
 
Objet 
Autorisation de construire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais du 30 août 2022 (A1 21 270). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ Sàrl est propriétaire de la parcelle no 3842, plan no 26, du cadastre de la Commune de Saxon. Ce bien-fonds présente une surface de quelque 3'800 m². Il est classé en zone de forte densité, selon le plan d'affectation des zones et le règlement communal des constructions (ci-après: RCC) adoptés par l'Assemblée primaire de Saxon les 24 juin 2010 et 13 décembre 2017, et approuvés par le Conseil d'Etat du Valais les 20 novembre 2013 et 30 mai 2018. 
Le 21 janvier 2019, A.________ Sàrl a demandé une autorisation pour y construire un immeuble résidentiel comprenant notamment 27 appartements. Le projet vise à ériger deux corps de bâtiment de six niveaux chacun placés perpendiculairement l'un à l'autre (en forme de "L"), avec un décrochement d'environ 5,50 m. 
Publié au Bulletin officiel du canton du Valais (B.O) du 22 février 2019, le projet a suscité plusieurs oppositions, dont celles de E.________ (parcelle no 3844, à l'ouest) et B.________ (no 3814, au nord-ouest); C.________ et D.________ (no 8036, en limite est) s'y sont également opposés. Après consultation des services cantonaux concernés, le conseil communal a, par décision communiquée le 16 janvier 2020, écarté les oppositions et délivré l'autorisation requise. 
Les opposants prénommés ont vainement contesté cette décision devant le Conseil d'Etat; puis, par acte conjoint du 15 décembre 2021, ils ont recouru à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais. Par arrêt du 30 août 2022, la cour cantonale a admis le recours, annulé la décision du Conseil d'Etat, mis les frais, arrêtés à 2'000 fr., à la charge de la constructrice; il l'a également condamnée aux dépens, à hauteur de 5'000 fr. Après avoir écarté les différents griefs d'ordre formel, le Tribunal cantonal a, sur le fond, estimé que le projet ne pouvait être considéré comme un unique bâtiment, si bien qu'il ne respectait pas l'ordre dispersé prévu par le RCC pour la zone; le recours devait pour ce motif être admis, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs de fond. 
 
B.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ Sàrl demande principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt attaqué en ce sens que le recours cantonal est rejeté, les décisions respectives de la commune et du Conseil d'Etat étant confirmées. 
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer sur le recours. Il en est de même du Conseil d'Etat. Sans prendre de conclusions formelles, la Commune de Saxon se réfère à ses prises de positions antérieures. Les intimés concluent principalement au rejet du recours et subsidiairement, s'il était admis, au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. La recourante réplique et confirme l'entier de ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. Elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué qui annule l'autorisation de construire qui lui a été délivrée; elle peut ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à son annulation. Elle jouit dès lors de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
La recourante estime qu'en niant que le projet était composé d'un unique bâtiment et en ayant, pour ce motif, jugé que l'ordre dispersé n'était pas respecté, la cour cantonale aurait non seulement violé l'autonomie communale (art. 50 al. 1 Cst.) (consid. 3 ci-après), mais également appliqué arbitrairement l'art. 64 RCC; en lien avec ce dernier grief, avec lequel ils se confondent au demeurant, elle se plaint également d'un établissement manifestement inexact des faits et d'une appréciation arbitraire des preuves (consid. 4 ci-dessous). 
 
3.  
 
3.1. Selon l'art. 50 al. 1 Cst., l'autonomie communale est garantie dans les limites fixées par le droit cantonal. Une commune bénéficie de la protection de son autonomie dans les domaines que le droit cantonal ne règle pas de façon exhaustive, mais qu'il laisse en tout ou partie dans la sphère communale, conférant par là aux autorités municipales une liberté de décision relativement importante. L'existence et l'étendue de l'autonomie communale dans une matière concrète sont déterminées essentiellement par la constitution et la législation cantonales (ATF 147 I 136 consid. 2.1; 146 I 83 consid. 2.1; 144 I 193 consid. 7.4.1).  
Dans le canton du Valais, l'art. 69 de la constitution cantonale du 8 mars 1907 (RS/VS 101.1) et l'art. 2 al. 1 de la loi cantonale du 5 février 2004 sur les communes (LCo; RS/VS 175.1) prévoient que les communes sont autonomes dans le cadre de la constitution et des lois. A teneur de l'art. 6 let. c LCo, les communes ont notamment pour attribution l'aménagement local et la police des constructions; la disposition précise que cette attribution de compétences est faite sous réserve des législations cantonale et fédérale (cf. arrêts 1C_549/2012 du 2 octobre 2013 consid. 5.1.1, publié in RDAF 2014 I 30). L'aménagement du territoire communal incombe aux communes, lesquelles établissent un plan d'affectation des zones pour l'ensemble du territoire communal (art. 3 al. 1 et 11 al. 1 de la loi d'application valaisanne de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 23 janvier 1987 [LcAT/VS; RS/VS 701.1]). Les communes définissent les possibilités d'utilisation des différentes zones d'affectation dans un règlement des zones et des constructions (art. 13 al. 1 LcAT/VS) (arrêt 1C_419/2019 du 14 septembre 2020 consid. 2.1). 
Le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal (art. 95 LTF). Il examine en revanche sous l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation et l'application des autres règles du droit cantonal ou communal (ATF 141 I 36 consid. 5.4; 138 V 67 consid. 2.2; 134 II 349 consid. 3). 
 
3.2. Dans le cadre de l'exercice de la compétence en matière de planification que la législation valaisanne confère aux communes, l'art. 3 al. 1 de la loi cantonale sur les constructions du 15 décembre 2016 (LC; RS/VS 705.1) leur impose de prévoir dans leurs règlements des constructions et des zones (RCCZ) notamment l'ordre des constructions, ceci dans le respect du droit supérieur. Le droit cantonal leur concède en revanche un important pouvoir d'appréciation quant à la détermination et au choix de l'ordre des constructions applicable à chacun des secteurs du territoire communal (cf. art. 22 al. 1 let. a LC). Au mépris des exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF applicable au grief constitutionnel de violation de l'autonomie communale (cf. arrêt 1C_373/2016 du 7 novembre 2016 consid. 6), la recourante ne démontre cependant pas que le droit cantonal attribuerait à la commune une marge d'appréciation plus étendue en la matière, qui s'étendrait au-delà de ce seul choix, ni, le cas échéant, que cette latitude de jugement aurait été lésée par le Tribunal cantonal. La Commune de Saxon n'a au demeurant pas recouru contre l'arrêt cantonal ni ne se prévaut céans d'une violation de son autonomie, pas plus qu'elle ne s'en était plainte dans ses écritures cantonales, auxquelles elle renvoie. Rien ne permet dès lors de conclure que la définition de l'ordre des constructions, qu'il s'agisse de l'ordre contigu, non contigu, ou encore dispersé, échapperait au droit cantonal et ressortirait au droit communal (cf. arrêts 1C_92/2015 du 18 novembre 2015 consid. 3.1.2 et 1C_502/2017 du 5 juin 2018 consid. 1.1.1 s. a contrario); d'ailleurs, comme le souligne la cour cantonale, le glossaire annexé à l'ancienne ordonnance cantonale sur les constructions du 2 octobre 1996 (aOC; RO/VS 1996 p. 342 ss), en vigueur lors de l'adoption par la commune du RCC, prévoit une telle définition, contrairement au règlement communal, muet sur ce point.  
Il n'y a ainsi pas lieu de s'écarter de l'appréciation de la cour cantonale quand elle retient que la marge d'appréciation de l'autorité communale est fortement réduite par la jurisprudence fixant les critères pour résoudre la question, en lien avec l'ordre des constructions, de l'existence d'un ou d'une pluralité de bâtiments (cf. ZEN-RUFFINEN/GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, n. 886, p. 387; voir également consid. 4.2 ci-dessous et les références). 
Le grief de violation de l'autonomie communale apparaît ainsi mal fondé et doit être écarté. La motivation développée à ce propos se confond du reste dans une large mesure avec le grief d'arbitraire examiné ci-après. 
 
4.  
Intitulé "Zones à bâtir", l'art. 64 RCC renvoie, pour la réglementation des constructions dans les différentes zones prévues par le plan au tableau des zones annexé au règlement; ce dernier soumet la zone de forte densité à l'ordre dispersé, sans toutefois le définir. 
Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF - et comme déjà indiqué ci-dessus (consid. 3.1 in fine) - le recours devant le Tribunal fédéral ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel; en revanche, il est possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 143 I 321 consid. 6.1). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable (ATF 144 I 170 consid. 7.3; 138 I 305 consid. 4.3). Dans ce contexte, la partie recourante est soumise aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 146 I 62 consid. 3). La partie recourante doit alors citer les dispositions du droit cantonal ou communal dont elle se prévaut et démontrer en quoi ces dispositions auraient été appliquées arbitrairement ou d'une autre manière contraire au droit (ATF 141 IV 369 consid. 6.3; 136 II 489 consid. 2.8).  
 
4.1. La cour cantonale a rappelé ce qu'il fallait entendre par constructions en ordre dispersé. Faute de définition expresse dans l'Accord intercantonal du 25 septembre 2005 harmonisant la terminologie dans le domaine des constructions (AIHC; RS/VS 705.101), elle s'est - comme déjà évoqué - référée à l'aOC, en vigueur au moment de l'adoption du RCC. Le glossaire annexé à ce texte indique que l'ordre dispersé est une "règle prévoyant l'implantation des bâtiments en respectant, au droit de chaque façade, un dégagement correspondant au minimum à la distance règlementaire". La recourante conteste cette définition au motif qu'elle repose sur un texte abrogé. Cela étant, il n'est en l'espèce pas nécessaire de définir dans le détail ce qu'il faut comprendre par un ordre dispersé des constructions en droit valaisan. En effet, la recourante reproche uniquement à la cour cantonale d'avoir considéré que son projet était composé de deux bâtiments accolés et non d'une seule bâtisse. Au-delà de cette discussion, elle ne prétend pas qu'après avoir retenu la présence de deux bâtiments distincts et indépendants, le Tribunal cantonal aurait versé dans l'arbitraire en jugeant qu'une telle configuration était contraire à l'ordre dispersé exigé par l'art. 64 RCC. Seul reste dès lors à examiner si c'est arbitrairement que la cour cantonale a considéré que le projet litigieux était formé de deux bâtiments contigus et non d'un seul, comme le soutient la recourante.  
 
4.2. Afin de déterminer si et à quelles conditions l'ordre dispersé permet la construction d'éléments accolés, le Tribunal cantonal s'est référé en particulier aux critères développés par la jurisprudence cantonale vaudoise servant à distinguer la présence d'un seul bâtiment de celle de plusieurs bâtiments juxtaposés, jumelés ou mitoyens. Dans son arrêt, il précise que cette jurisprudence se base sur un faisceau d'indices comprenant la destination respective des constructions et leur liaison fonctionnelle avec les éventuels locaux communs, leurs dimensions, la surface de plancher respective de chaque construction, la conception architecturale et les matériaux des revêtements extérieurs, l'apparence extérieure, en particulier l'impression donnée à un observateur, ainsi que les objectifs de la planification cantonale, régionale et communale dans le domaine concerné. Ces critères sont appliqués en fonction des caractéristiques propres de chaque cas particulier, en tenant compte de l'ensemble des circonstances. L'instance précédente s'est également basée sur la jurisprudence cantonale zurichoise, laquelle prévoit des critères peu ou prou similaires, comme l'indépendance sur le plan constructif ( baulich-funktionale Selbständigkeit) ou encore une certaine indépendance sur le plan architectural ( optisch-architektonische Selbständigkeit).  
A la lumière de ces différents critères - dont l'application n'est pas discutée par la recourante -, la cour cantonale a estimé que, malgré une construction d'un seul tenant, le projet litigieux devait être considéré comme étant composé de deux bâtiments juxtaposés, contrevenant en cela à l'exigence de l'ordre dispersé prévu par l'art. 64 RCC pour la zone de forte densité. 
 
4.3. En ce qui concerne les critères extérieurs, la cour cantonale a en particulier retenu l'absence d'éléments communs ou continus sur les façades du projet. La recourante affirme au contraire que les aménagements architecturaux visibles de l'extérieur seraient communs à chaque partie du projet, ce qui conférait à l'ensemble une homogénéité confirmant l'existence d'un unique bâtiment; les mêmes balcons seraient projetés pour chaque volume, les distances entre les fenêtres seraient proportionnelles et plusieurs d'entre elles seraient de mêmes dimensions. Ce faisant, la recourante propose sa propre lecture des plans sans toutefois expliquer ni démontrer en quoi la cour cantonale se serait livrée à un établissement inexact des faits ou encore à une appréciation arbitraire des preuves (cf. ATF 148 I 127 consid. 4.3; 143 IV 241 consid. 2.3.1; 142 II 433 consid. 4.4). Quoi qu'il en soit, en soutenant qu'à la lumière des plans, les deux parties de bâtiment présenteraient des éléments communs, de mêmes dimensions et aux proportions similaires, pour conclure à l'homogénéité du projet, la recourante se trompe de cible. Ce n'est en effet pas l'absence d'éléments communs aux deux corps de bâtiment qu'a pointé le Tribunal cantonal, mais l'absence d'éléments de continuité entre ces différentes parties pouvant, le cas échéant, être constatés depuis le point de vue d'un observateur extérieur, à l'instar de balcons courant le long d'une même façade ou encore de fenêtres aux dimensions similaires, indépendamment du fait de se situer sur une partie de la construction rattachée à l'un ou l'autre corps de bâtiment; l'examen des plans de façade ne le dément au demeurant pas (cf. en particulier plans EN.08 et EN.09 du 6 février 2019).  
Cet aspect est encore renforcé par le décalage (à la base du "L") entre la base horizontale, au sud, et la partie verticale, au nord, occasionnant un décrochement de 5,58 m, respectivement de 8,28 m en comptant les balcons. Il en va d'ailleurs de même des attiques et leurs terrasses qui ne sauraient, en raison du décrochement qu'ils présentent en toiture - et contrairement à ce que prétend la recourante - nécessairement constituer un "élément central indissociable [...] permettant précisément de constater, d'un point de vue extérieur, une continuité cohérente des parties du bâtiment projeté et l'existence «d'un seul bloc» consacré par la mitoyenneté des deux parties de l'attique". 
Enfin, l'existence d'aménagements extérieurs communs, outre qu'il ne s'agit pas d'un critère identifié par la jurisprudence, ne démontre pas immanquablement la présence d'un unique bâtiment, de telles infrastructures pouvant à l'évidence être partagées par différentes bâtisses au sein, notamment, d'un même quartier. 
 
4.4. Sous l'angle constructif et fonctionnel, la cour cantonale a également estimé que la configuration du projet conduisait à reconnaître l'existence de deux bâtiments distincts.  
L'arrêt cantonal retient que les deux corps sont d'un volume identique, pouvant être celui d'un bâtiment individuel (21x12 m pour une hauteur d'environ 17 m), ce qui plaide également en faveur de l'existence de deux bâtiments distincts. A cela s'ajoute qu'à l'intérieur, la conception architecturale peut être assimilée à celle de deux immeubles distincts et séparés: chaque corps de bâtiment dispose de sa propre entrée et de son propre ascenseur; il n'y a pas non plus de liaisons internes dans les étages et au niveau des attiques. Que cette séparation stricte découlerait, comme l'affirme la recourante, de la "volonté de permettre une exposition au soleil Sud-Est à Sud-Ouest pour tous les appartements" ou encore que la conception choisie permettrait de faciliter l'aménagement intérieur des bâtiments, dès lors qu'il conviendrait de "réfléchir en termes géométriques simples, en l'occurrence en plusieurs rectangles se trouvant dans deux plus grands rectangles" n'enlève rien à la stricte séparation intérieure objectivement constatée par l'instance précédente. Or le seul confort des futurs résidents ou encore des motifs liés à des facilités de construction n'apparaissent pas comme étant des critères pertinents pour déterminer la présence d'un ou de deux bâtiments en lien avec la question de l'ordre des constructions. 
Toujours en lien avec l'aspect fonctionnel, la recourante soutient encore qu'il conviendrait de donner une portée prépondérante au critère des locaux en commun et de l'aspect technique de ceux-ci; et de souligner dans ce cadre la présence d'un unique local technique, d'une seule conciergerie et d'un local à vélos et poussette au rez-de-chaussée, autant d'éléments qui démontreraient l'interdépendance des deux parties du bâtiment. Ces explications ne mettent cependant pas en échec l'appréciation de l'instance précédente. Ces différents locaux communs au rez-de-chaussée sont en effet distribués dans l'un ou l'autre des corps de bâtiment: le local à vélo se situe intégralement dans la partie sud, qui n'est reliée à l'autre partie, où se trouve le local technique, que par une porte coupe-feu; la conciergerie est située dans la partie nord, son accès est très éloigné de la partie sud et ses dimensions modestes (8,5 m²). On peut avec le Tribunal cantonal déduire sans arbitraire de cette situation que ces différents locaux n'apparaissent pas comme des éléments de liaison entre les deux parties du projet, lesquelles ne se trouvent ainsi que dans un rapport fonctionnel tenu et artificiel. 
 
4.5. La recourante se prévaut encore du concept de protection contre l'incendie, au sein duquel le projet est traité comme un unique bâtiment. Outre qu'il n'apparaît pas que ce concept ait été discuté devant l'instance précédente - sans que pour autant la recourante ne se plaigne d'un éventuel déni de justice -, celui-ci n'est pas déterminant pour la question litigieuse: les règles en matière de protection contre les incendies, notamment en ce qu'elles concernent l'accès aux personnes et aux biens, sont manifestement dictées par d'autres impératifs que ceux ayant présidé à la détermination des critères pour distinguer la présence d'un ou de deux bâtiments en lien avec le respect de l'ordre des constructions. En imposant une certaine distance entre les bâtiments, l'ordre dispersé a aussi pour but la protection contre les incendies (cf. arrêts 1C_133/2018 du 3 décembre 2018 consid. 4.2; 1P.352/2005 du 25 août 2005 consid. 1.7 et la référence à ZEN-RUFFINEN/GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, n. 886, p. 387; voir également arrêt 1C_694/2021 du 3 mai 2023 consid. 8.1 en matière de distance à la forêt).  
 
4.6. La recourante soutient enfin que le Tribunal cantonal aurait versé dans l'arbitraire en excluant de la balance pour l'examen du respect de l'art. 64 RCC le critère des objectifs de la planification communale.  
Il faut concéder à la recourante qu'il peut paraître contradictoire d'avoir jugé, comme l'a fait le Tribunal cantonal, que ce critère n'était d'aucune aide pour répondre à la question litigieuse, après avoir pourtant retenu que le projet - que celui-ci soit considéré comme un ou deux bâtiments -, était totalement en phase avec les objectifs de densification de l'habitat poursuivis au sein de la zone de forte densité. Il eût en effet appartenu à la cour cantonale d'évaluer si cet objectif de concentration de l'habitat constituait, comme le sous-entend la recourante, un élément favorisant la thèse d'un bâtiment unique ou, au contraire, celle d'unités distinctes. Quoi qu'il en soit, ce critère ne saurait en l'espèce et à lui seul justifier de revenir sur la présence de deux bâtiments distincts et mitoyens retenue par la cour cantonale, au terme d'une analyse circonstanciée et exempte d'arbitraire des différents autres critères définis par la jurisprudence discutés aux considérants qui précèdent. 
 
4.7. Sur le vu de ce qui précède, l'appréciation du Tribunal cantonal résiste au grief d'arbitraire, à tout le moins dans son résultat, et le grief doit être rejeté.  
 
5.  
La recourante se plaint enfin d'une application arbitraire des art. 89 al. 1 et 91 de la loi cantonale sur la procédure et la juridiction administratives du 6 octobre 1976 (LPJA; RS/VS 172.6). 
 
5.1. Aux termes de l'art. 89 al. 1 LPJA, en règle générale, la partie qui succombe en cas de recours supporte les frais. Si elle n'est que partiellement déboutée, les frais sont réduits. Quant à l'art. 91 al. 1 LPJA, il prévoit que, sauf les cas dans lesquels l'article 88 al. 5 de la loi est applicable, l'autorité de recours allouera, sur requête, à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause le remboursement des frais nécessaires qui lui ont été occasionnés (dépens).  
 
5.2. La Cour cantonale avait certes admis le recours des propriétaires riverains, mais sur la base d'un seul de leurs griefs matériels, leurs nombreuses autres critiques ayant été rejetées ou ignorées. Aussi les voisins n'auraient-ils, selon la recourante, obtenu que partiellement gain de cause, si bien que le Tribunal cantonal ne pouvait - au vu de ce succès "très partiel" - lui faire supporter l'ensemble des frais de la cause et des dépens. La recourante ne saurait toutefois être suivie. En effet, l'arrêt attaqué fait intégralement droit aux conclusions des voisins recourants dans la mesure où il annule la décision du Conseil d'Etat et, par voie de conséquence, le permis de construire litigieux. La solution adoptée par la cour cantonale correspond au demeurant à la pratique du Tribunal fédéral dans le cadre de l'application de la LTF (cf. arrêt 1F_56/2019 du 13 janvier 2020 consid. 3.4). La recourante n'avance au surplus aucun autre motif pour étayer son propos ni ne conteste les montants fixés par l'instance précédente. Il n'y dès lors pas lieu de revenir sur la répartition des frais et dépens opérée par la cour cantonale.  
Le grief est rejeté. 
 
6.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité, aux frais de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera en outre des dépens aux intimés, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 2 et 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais de justice, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Une indemnité de 3'000 fr. est allouée solidairement aux intimés à titre de dépens, à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Commune de Saxon, au Conseil d'Etat du canton du Valais ainsi qu'à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais. 
 
 
Lausanne, le 28 juillet 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Alvarez