9C_283/2022 19.06.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_283/2022  
 
 
Arrêt du 19 juin 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Cretton. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par M e Jean-Michel Duc, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Fondation collective LPP Swiss Life, c/o Swiss Life SA, General-Guisan-Quai 40, 8002 Zurich, 
2. Fondation institution supplétive LPP, 
Elias-Canetti-Strasse 2, 8050 Zurich, 
intimées. 
 
Objet 
Prévoyance professionnelle (rente d'invalidité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 11 mai 2022 (608 2021 145). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ a exercé l'activité de chauffeur/livreur, en dernier lieu pour B.________ SA, jusqu'à son licenciement pour des raisons économiques le 30 avril 2016. Il était à ce titre assuré par la Fondation collective LPP Swiss Life (ci-après: Swiss Life) pour la prévoyance professionnelle. Il a bénéficié par la suite d'indemnités de chômage. En tant que chômeur, il était affilié pour la prévoyance professionnelle à la Fondation institution supplétive LPP (ci-après: l'institution supplétive) jusqu'au 6 février 2018.  
Alléguant des difficultés de réinsertion professionnelle en lien avec son quotient intellectuel, l'assuré a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité le 4 avril 2019. A la fin de cette procédure, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) lui a octroyé une rente entière dès le 1er octobre 2019 (décision du 23 juin 2021). 
 
A.b. Sollicitée par A.________ le 19 mai 2021, l'institution supplétive a nié le droit de celui-ci à des prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle, par lettre du 18 juin 2021.  
 
B.  
Par acte du 25 août 2021, A.________ a simultanément actionné les institutions de prévoyance auprès desquelles il avait en dernier lieu été assuré devant le Tribunal cantonal du canton de Fribourg, II e Cour des assurances sociales. Il a conclu à la condamnation, à titre principal, de Swiss Life et, à titre subsidiaire, de l'institution supplétive à lui octroyer une rente d'invalidité, avec intérêts à 5 % à partir de la date d'ouverture de l'action. 
Le tribunal cantonal a rejeté l'action (arrêt du 11 mai 2022). 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public contre l'arrêt cantonal, A.________ en demande la réforme en ce sens que Swiss Life, à titre principal, ou l'institution supplétive, à titre subsidiaire, est condamnée à lui octroyer une rente d'invalidité dès le 1er octobre 2019, avec intérêts à 5 % à partir de la date d'ouverture de l'action. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
 
2.  
Est en l'espèce litigieux le droit du recourant à une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle. Compte tenu des motifs et des conclusions du recours, il convient en particulier de déterminer si - et, le cas échéant, à quelle institution de prévoyance - celui-ci était affilié lors de la survenance de l'incapacité de travail, dont la cause est à l'origine de l'invalidité. 
 
3.  
L'arrêt attaqué expose les normes et la jurisprudence indispensables à la résolution du litige, dont celles concernant le droit à des prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire (art. 23 let. a LPP) pour des bénéficiaires d'indemnités de l'assurance-chômage (art. 2 al. 3 et 10 al. 1 seconde phrase LPP), le caractère contraignant des décisions des offices AI (art. 26 al. 1 LPP; ATF 144 V 72 consid. 4.1; 138 V 409 consid. 3.1 et les références), l'événement assuré au sens de l'art. 23 LPP (survenance de l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité), ainsi que la double condition de la connexité matérielle et temporelle nécessaire pour fonder l'obligation de prester d'une institution de prévoyance (ATF 138 V 58 consid. 4; 409 consid. 6.1-6.3; 134 V 20 consid. 3.2.1 et 5.3 et les références). Il suffit d'y renvoyer. 
 
4.  
Les premiers juges ont d'abord considéré que l'évaluation de l'office AI ne liait pas les institutions de prévoyance intimées, dès lors que celles-ci n'avaient pas été intégrées à la procédure, que la décision octroyant la rente d'invalidité ne leur avait pas été notifiée et que, la demande de prestations de l'assurance-invalidité étant tardive, la date retenue pour la survenance de l'incapacité de travail n'était pas déterminante. Ils ont donc examiné librement à partir de quel moment le recourant avait présenté une incapacité de travail au sens de l'art. 23 let. a LPP
A cet égard, le tribunal cantonal a retenu que l'incapacité de travail présentée par le recourant - dont la cause est l'origine de son invalidité - était survenue après les périodes d'affiliation aux institutions de prévoyance intimées. D'une part, il a exclu que la survenance de l'incapacité de travail puisse s'être produite durant les rapports de travail avec B.________ SA, dès lors qu'aucun des documents médicaux disponibles ne permettait d'accréditer cette hypothèse: selon lui, le docteur C.________, médecin traitant (rapport du 19 septembre 2019), le psychologue D.________ (rapport du 2 juillet 2019), ainsi que la doctoresse E.________, experte mandatée par l'office AI, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (rapport du 21 avril 2021), faisaient remonter l'effet incapacitant des pathologies retenues à une date ultérieure au licenciement. Il a en outre relevé que la fin des rapports de travail était imputable à des motifs économiques et que les troubles cognitifs probablement présents depuis toujours n'avaient pas empêché l'assuré de travailler à satisfaction de ses employeurs durant une vingtaine d'années. D'autre part, il a exclu que l'incapacité de travail déterminante se soit produite avant le terme (le 6 février 2018) de la couverture d'assurance par l'institution supplétive. Il a constaté qu'excepté une période d'incapacité de travail en novembre et décembre 2017 à cause d'un doigt cassé, l'assuré avait toujours été apte au placement. Il a encore relevé que ses médecin et psychologue traitants avaient situé l'apparition d'un trouble du sommeil à la fin 2018 (les autres troubles retenus étant apparus plus tard) et que l'incapacité totale de travail attestée par la doctoresse E.________ remontait à 2018, sans autre précision (l'experte ayant cependant indiqué que des ruminations anxieuses et le trouble du sommeil s'étaient développés dès avril 2018 en lien avec la fin du droit aux indemnités de chômage). Il a enfin constaté que le recourant avait accompli un stage du 26 février au 25 mai 2018 dans le secteur de la récolte de textile sans qu'il ne manque un jour ni que la qualité de son travail et son rendement n'aient été mis en doute. 
 
5.  
Le recourant fait grief à la juridiction cantonale d'avoir établi les faits et apprécié les preuves de façon arbitraire. Il soutient en substance qu'il ressort du rapport d'expertise de la doctoresse E.________ que l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de son invalidité est survenue durant la période de couverture, dès lors que son état de santé s'est progressivement péjoré, à tout le moins, depuis la perte de son emploi en 2016. Il reproche singulièrement aux premiers juges d'avoir oublié de tenir compte du fait que le docteur F.________, médecin du Service médical régional de l'office AI (ci-après: le SMR), avait attesté que le licenciement pour des raisons économiques en 2016 paraissait avoir épuisé ses capacités adaptatives (rapport du 29 avril 2020) et que le stage effectué du 26 février au 25 mai 2018 dans le cadre du chômage aurait révélé des difficultés relationnelles, ainsi qu'un manque de confiance en soi. Il fait valoir que le tribunal cantonal ne pouvait écarter les conclusions de l'office AI, dans la mesure où le rapport de la doctoresse E.________ - sur lequel se fondait la décision du 23 juin 2021 - montrait que son état de santé actuel était le résultat d'un processus progressif de détérioration (lié à sa personnalité et au déficit cognitif présents depuis l'enfance) et qu'il était aggravé par les problèmes psychiques développés depuis la perte de son emploi. Il fait en outre valoir que, contrairement à ce qu'a retenu l'autorité judiciaire, l'experte faisait coïncider la survenance des troubles invalidants avec la perte de l'emploi et non avec la fin du droit aux indemnités de l'assurance-chômage. Il en déduit que l'incapacité de travail déterminante était forcément survenue pendant la couverture d'assurance. 
 
6.  
Cette argumentation n'est pas fondée. La juridiction cantonale a en effet procédé à une appréciation circonstanciée et soigneuse des preuves. Elle a apprécié l'ensemble du dossier constitué, principalement le dossier de l'office AI. Elle a ainsi notamment pris en considération l'avis des médecin et psychologue traitants (dont elle a déduit l'apparition de troubles incapacitants à la fin de l'année 2018 seulement), les raisons de la fin des rapports de travail (économiques et non médicales) ou la capacité de l'assuré à travailler à l'entière satisfaction de ses différents employeurs successifs durant une vingtaine d'années. Le recourant ne conteste pas ces points. Il se contente pour l'essentiel de faire grief aux premiers juges d'avoir ignoré l'avis du docteur F.________ et les conclusions du stage réalisé dans le cadre du chômage ou d'avoir mal interprété le rapport de la doctoresse E.________. Ce faisant, il ne critique pas l'ensemble des éléments d'appréciation analysés par le tribunal cantonal mais se limite à procéder à sa propre appréciation de quelques éléments particuliers, que l'autorité judiciaire n'a pas ignorés. Pour ce motif déjà, son argumentation n'est pas de nature à mettre en évidence une appréciation arbitraire des preuves. 
On ajoutera que, contrairement à ce que veut faire accroire l'assuré, le docteur F.________ n'a pas attesté l'épuisement des capacités adaptatives à la suite de la perte de l'emploi en 2016 mais a seulement fait état de l'hypothèse des conseillers en réadaptation de l'office AI, raison pour laquelle il a suggéré d'interroger le médecin traitant avant de proposer la réalisation d'une expertise psychiatrique (avis des 29 avril et 14 juillet 2020). Ensuite, le certificat de travail, délivré le 25 mai 2018 au terme du stage qui s'était déroulé du 26 février au 25 mai 2018, indique que le recourant, rapide et précis, avait donné entière satisfaction pour la quantité et la qualité des tâches confiées, qu'il avait atteint les objectifs fixés et que, bien que réservé, il avait entretenu des relations correctes avec ses collègues et ses supérieurs, ainsi que l'a constaté la juridiction cantonale. Enfin, quoi qu'en dise l'assuré de manière appellatoire, la doctoresse E.________ est bien restée floue quant au début exact de l'incapacité de travail qu'elle a fixée à "depuis 2018" et a clairement lié le début des ruminations anxieuses et des troubles du sommeil à la fin du mois d'avril 2018 "en fin de droit (chômage) " et à la perte de l'autonomie financière subséquente (rapport du 21 avril 2021 p. 6 et 17), ainsi que l'ont relevé les premiers juges. 
Dans ces circonstances, on ne peut valablement reprocher au tribunal cantonal d'avoir fait preuve d'arbitraire, en excluant que l'incapacité de travail, dont la cause est à l'origine de l'invalidité, soit survenue à une époque où le recourant était assuré auprès de l'une des institutions de prévoyance intimées. 
 
7.  
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires sont mis à la charge de l'assuré (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, II e Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 19 juin 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Cretton