6B_386/2023 28.03.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_386/2023  
 
 
Arrêt du 28 mars 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et MM. le Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys, Muschietti, 
van de Graaf et von Felten 
Greffière : Mme Corti. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Robert Assaël, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Tentative de violence ou menace contre les autorités 
et les fonctionnaires, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 27 janvier 2023 
(AARP/31/2023 P/21080/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 20 juin 2022, le Tribunal de police genevois a acquitté A.________ de tentative de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 al. 1 CP cum art. 22 CP) et condamné l'État à lui verser 10'837 fr. 50 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).  
 
B.  
Par arrêt du 27 janvier 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a admis l'appel du Ministère public de la République et canton de Genève contre le jugement du 20 juin 2022. Elle l'a réformé en ce sens que A.________ est reconnu coupable de tentative de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et qu'il est renoncé à lui infliger une peine (art. 53 CP). 
Il en ressort les faits suivants: 
 
B.a. Au début de l'année 2020, les gardiens de la prison de B.________ ont été informés de l'uniformisation à venir de leurs horaires, modification prévue dans le projet " Ambition " porté par le directeur de l'établissement, C.________.  
Selon les dires de A.________, alors gardien sous-chef, cette annonce l'avait beaucoup perturbé, dans la mesure où le nouvel horaire compromettait grandement l'exercice de la garde alternée sur sa fille. Il avait essayé d'en parler au directeur, lequel avait coupé court. 
 
B.b. Le 24 octobre 2020 aux alentours de 12h19, A.________, droitier, a déposé une lettre écrite de la main gauche, non signée, dans la boîte aux lettres de la direction de la prison de B.________ dans une enveloppe avec l'inscription: à "C.________ ex-Directeur". Le contenu de la lettre était le suivant: "C.________, Ton projet on n'en veut pas. Tu veux voir qui est le plus fort...Mets la en fonction ton AMBITION...Tu verras...ABE".  
Vers 13h30, A.________ est revenu à la boîte aux lettres et a cassé un cure-dent dans la serrure dans l'espoir qu'elle ne puisse pas être ouverte. 
 
B.c. À la lecture du courrier, le lundi suivant, C.________ a immédiatement compris qu'il provenait d'un collaborateur. Il a été interpellé par l'enveloppe qui le qualifiait d'ex-directeur et heurté par la menace de la perte de sa fonction, alors que sa période d'essai était en cours. Il ne s'est pas senti menacé dans son intégrité physique et n'a pas réellement craint de perdre sa fonction, mais a redouté d'autres actes de sabotage du projet.  
 
B.d. Les images de la caméra de surveillance ont permis d'identifier A.________ comme l'auteur de la lettre querellée. On le voit quitter sa place de travail vers 12h17, prendre l'ascenseur avec des collègues pour se déplacer jusqu'au couloir des boîtes aux lettres administratives et user de précautions pour dissimuler ses agissements (se cacher derrière une armoire, regarder derrière lui à plusieurs reprises et saisir une enveloppe à l'aide de papier ménage).  
 
B.e. À une date indéterminée (avant ou après les faits reprochés), A.________ a intégré un groupe de travail pour la mise en place du projet " Ambition ". Il s'est excusé à plusieurs reprises pendant la procédure et a écrit une lettre en ce sens à C.________ lui proposant un entretien. Il a été suspendu entre février et novembre 2021 et, à titre de sanction administrative, a effectué 80 heures supplémentaires sans rémunération.  
 
B.f. Au mois de septembre 2021, C.________ a quitté ses fonctions "afin de créer des conditions favorables à la poursuite de la réorganisation de la prison".  
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 27 janvier 2023. Il conclut, avec suite de dépens sur le plan cantonal, principalement, à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté du chef d'accusation de tentative de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt précité et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant conteste s'être rendu coupable de tentative de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires. Dans ce contexte, il se plaint également d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves. 
 
1.1. L'art. 285 ch. 1 CP punit celui qui, en usant de violence ou de menace, aura empêché une autorité, un membre d'une autorité ou un fonctionnaire de faire un acte entrant dans ses fonctions, les aura contraints à faire un tel acte ou se sera livré à des voies de fait sur eux pendant qu'ils y procédaient.  
 
1.1.1. Selon la jurisprudence, l'acte officiel au sens de l'art. 285 CP est celui qui est entrepris par l'autorité compétente dans le cadre de ses attributions (arrêts 6B_366/2021 du 26 janvier 2022 consid. 3.1.3; 6B_1431/2020 du 8 juillet 2021 consid. 3.1 et les arrêts cités).  
 
1.1.2. L'art. 285 ch. 1 CP réprime deux infractions différentes: la contrainte contre les autorités ou les fonctionnaires et les voies de fait contre ceux-ci (arrêts 6B_847/2022 du 27 avril 2023 consid. 5.2; 6B_182/2022 du 25 janvier 2023 consid. 2.1.1; 6B_366/2021 précité consid. 3.1).  
Selon la première variante de l'art. 285 ch. 1 CP, il n'est pas nécessaire que l'acte du fonctionnaire soit rendu totalement impossible: il suffit qu'il soit entravé de telle manière qu'il ne puisse être accompli comme prévu ou qu'il soit rendu plus difficile (ATF 133 IV 97 consid. 4.2 et 5.2; 120 IV 136 consid. 2a; arrêts 6B_871/2014 du 24 août 2015 consid. 3.1; 6B_1009/2014 du 2 avril 2015 consid. 5.1.1; 6B_659/2013 du 4 novembre 2013 consid. 1.1). 
 
1.1.3. Selon la jurisprudence, la menace au sens de l'art. 285 ch. 1 CP correspond à la menace d'un dommage sérieux au sens de l'art. 181 CP (arrêts 6B_1424/2021 du 5 octobre 2023 consid. 8.3; 6B_780/2021 du 16 décembre 2021 consid. 4.1 non publié in ATF 148 IV 145; 6B_1216/2019 du 28 novembre 2019 consid. 2.1). Elle doit donc, comme pour la contrainte, être suffisamment grave pour faire plier une personne raisonnable se trouvant dans la situation de l'intéressé. L'intensité requise doit être déterminée au cas par cas et selon des critères objectifs (arrêts 6B_1424/2021 précité consid. 8.3; 6B_1262/2021 du 23 mars 2022 consid. 2; 6B_780/2021 précité consid. 4.1).  
La menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b; 106 IV 125 consid. 2a; arrêt 6B_1254/2022 du 16 juin 2023 consid. 5.1) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 122 IV 322 consid. 1a; 105 IV 120 consid. 2a; arrêt 6B_1254/2022 précité consid. 5.1). Il y a menace d'un dommage sérieux lorsqu'il apparaît que la perspective de l'inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l'auteur est propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action (ATF 120 IV 17 consid. 2a/aa; arrêts 6B_386/2022 du 20 décembre 2022 consid. 3.1; 6B_1183/2021 du 6 décembre 2021 consid. 4.1; 6B_1253/2019 du 18 février 2020 consid. 4.2). La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, en se plaçant du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne (ATF 122 IV 322 consid. 1a; 120 IV 17 consid. 2a/aa; arrêts 6B_ 386/2022 précité consid. 3.1; 6B_366/2021 précité consid. 3.1; 6B_1431/2020 précité consid. 3.1). 
La question de savoir si une déclaration doit être considérée comme une menace s'apprécie en fonction de l'ensemble des circonstances dans lesquelles elle a été faite (arrêts 6B_363/2017 du 21 mars 2018 consid. 1.3; 6B_302/2017 du 25 octobre 2017 consid. 2.3; 6B_934/2015 du 5 avril 2016 consid. 3.3.1). La menace d'un dommage sérieux au sens juridique n'implique pas que l'auteur l'annonce expressément, pour autant qu'il soit suffisamment clair pour le lésé en quoi il consiste (arrêts 6B_780/2021 précité consid. 3.1 et les arrêts cités; 6B_149/2017 du 16 février 2018 consid. 6.3; 6B_934/2015 précité consid. 3.3.1). 
 
1.1.4. Il y a tentative lorsque l'auteur a réalisé tous les éléments subjectifs de l'infraction et manifesté sa décision de la commettre, alors que les éléments objectifs font, en tout ou en partie, défaut (art. 22 al. 1 CP; ATF 140 IV 150 consid. 3.4; 137 IV 113 consid. 1.4.2; 131 IV 100 consid. 7.2.1; arrêts 6B_1431/2020 précité consid. 3.2; 6B_1035/2020 du 20 mai 2021 consid. 2.1.1). La tentative suppose toujours un comportement intentionnel, le dol éventuel étant toutefois suffisant (arrêts 6B_1431/2020 précité consid. 3.2; 6B_995/2020 du 5 mai 2021 consid. 2.1).  
Selon l'art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà avec intention, sous la forme du dol éventuel, lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte pour le cas où celle-ci se produirait (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2; 133 IV 9 consid. 4.1; arrêts 6B_182/2022 précité consid. 2.1.3; 6B_1465/2020 du 18 novembre 2021 consid. 3.1). 
 
1.2. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 241 consid. 2.3.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 143 IV 500 consid. 1.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1).  
 
1.3. Il n'est pas contesté que le recourant était l'auteur du courrier déposé dans la boîte aux lettres de la direction le 24 octobre 2020. Il en va de même du fait que C.________ revêtait la qualité de fonctionnaire et que la mise en oeuvre du projet "Ambition" entrait dans ses fonctions.  
 
1.4. La cour cantonale a tout d'abord retenu que l'indication sur l'enveloppe ("C.________ ex-Directeur") se comprenait objectivement comme la menace de la perte prochaine de cette fonction. Elle a relevé que, si un lecteur moyen, dont la fonction était visée, pouvait imaginer plusieurs scenarii (licenciement, démission forcée, suspension, mutation, voire incapacité temporaire/définitive d'exercer), leur issue, soit le fait d'être privé de la position de directeur, était claire. L'autorité précédente a ensuite considéré que l'expression "C.________, Ton projet on en veut pas. Tu veux voir qui est le plus fort..." sous-entendait objectivement un futur rapport de force entre le directeur, destinataire, et une/plusieurs personne (s) opposée (s) au projet ("on"), susceptible (s) de se mobiliser pour l'acculer à terme à quitter sa position, voire la perdre. Enfin, la cour cantonale a estimé que l'expression "Mets la en fonction ton AMBITION. Tu verras...ABE" laissait entendre des conséquences négatives en cas de poursuite de l'action du directeur, sans pour autant que celles-ci soient concrètement déterminables. Il s'agissait, considérée seule, d'une forme de menace diffuse permettant au lecteur d'imaginer lesdites conséquences. Le "ABE" final dénotait une certaine volonté de l'auteur d'être pris au sérieux. L'autorité précédente a également relevé que si cette phrase était examinée de manière indépendante, hors contexte, il était vrai que la condition de clarté exigée par la jurisprudence pourrait faire défaut. Il convenait toutefois de la lire en lien avec l'ensemble du courrier et en particulier, vu le temps verbal utilisé, avec la désignation sur l'enveloppe du destinataire comme "ex-Directeur", qui était suffisamment explicite. La cour cantonale a par conséquent considéré que le courrier était bien constitutif d'une menace d'un dommage sérieux au sens de l'art. 285 ch. 1 CP. Après avoir souligné que le but principal du recourant était vraisemblablement que le projet, tel que prévu initialement, ne soit pas mis en oeuvre ou du moins qu'il soit entravé, la cour cantonale a retenu l'infraction sous la forme de la tentative, étant donné que si tel avait finalement été le cas, aucun lien de causalité ne saurait être retenu entre le courrier et le résultat intervenu plus de 2 ans après les faits.  
 
2.  
 
2.1. Le recourant soutient qu'il n'y aurait eu aucune menace de dommage sérieux, de surcroît suffisamment claire et déterminable, au sens de la doctrine et de la jurisprudence.  
En l'occurrence, contrairement à ce que fait valoir le recourant, la menace envers l'ancien directeur de la perte de son emploi est suffisamment claire. En effet, la mention "C.________ ex-Directeur", cumulée avec la menace d'un futur rapport de force entre l'ancien directeur et une/plusieurs personne (s) opposée (s) au projet et d'autres éventuelles conséquences négatives sous-entendues par les termes "Mets la en fonction ton AMBITION. Tu verras...ABE", ne peut être interprétée que comme la menace de faire perdre son emploi à l'ancien directeur en cas de poursuite par celui-ci de la mise en place du projet "Ambition". Dans ce cadre, comme relevé par la cour cantonale, il faut également souligner que ce dernier se trouvait dans sa période d'essai. Au demeurant, le recourant ne démontre pas en quoi l'appréciation de la cour cantonale selon laquelle l'indication sur l'enveloppe ("C.________ ex-Directeur") se comprenait objectivement comme la menace de la perte prochaine de sa fonction serait arbitraire et tel n'apparaît pas être le cas. 
 
2.2. Il importe peu que le directeur n'ait pas été effrayé ou n'ait pas réellement craint de perdre son emploi, l'art. 285 CP ne l'exigeant pas. La notion de menace est identique à celle de l'art. 180 CP, mais contrairement à ce que prévoit cette disposition, la menace évoquée à l'art. 285 CP - qui, comme susmentionné, correspond à celle de l'art. 181 CP (cf. supra consid. 1.1.3) - n'a pas à être grave ni objectivement de nature à alarmer ou effrayer la victime. Il n'est donc pas nécessaire qu'elle suscite la peur chez son destinataire et il suffit qu'elle soit propre à l'entraver dans sa liberté d'action (cf. AT F 122 IV 322 consid. 1a; 96 IV 58 consid. 3; CHRISTIAN FAVRE, in Commentaire romand, Code pénal II, 2017, n° 15 ad art. 181 CP; Basler Kommentar n° 26 ad art. 181 CP; TRECHSEL/MONA, in TRECHSEL/PIETH [édit.], Praxiskommentar, Schweizerisches Strafgesetzbuch, 4e éd. 2021, n° 5 ad art. 181 CP; MICHEL DUPUIS ET AL., Petit commentaire du Code pénal, 2e éd. 2017, n° 13 ad art. 181 CP; BERNARD CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 2010, n° 10 ad art. 181 CP).  
Ainsi, le recourant ne peut rien tirer des jurisprudences citées dans son recours (arrêts 6B_508/2021 du 14 janvier 2022 consid. 2.1 et 6B_135/2021 du 27 septembre 2021 consid. 3.1), lesquelles concernent l'application de l'art. 180 CP
Au demeurant, s'il est vrai que l'art. 180 CP présuppose que la personne ait été alarmée ou effrayée par la menace de l'auteur, une condamnation pour tentative reste néanmoins envisageable (cf. arrêt 6B_555/2021 du 29 juin 2022 consid. 3.3; cf. aussi ATF 99 IV 212 consid. 1a). Cela est valable, à plus forte raison, dans le cadre de l'application de l'art. 181 CP ou, comme en l'espèce, de l'art. 285 ch. 1 CP (cf. à ce sujet arrêt 6B_1424/2021 du 5 octobre 2023 consid. 8.4). 
 
2.3. Pour ce qui est de la doctrine alléguée par le recourant - selon laquelle une menace qui n'est pas prise au sérieux n'est pas couverte par l'art. 285 CP - celle-ci fait référence à l'ATF 94 IV 111 consid. 3. Dans cette jurisprudence très ancienne, le Tribunal fédéral avait jugé que le fait de menacer un juge instructeur de porter plainte contre lui s'il ne classait pas, dans un délai donné, une poursuite pénale prétendument téméraire, ne tombait pas sous le coup de l'art. 285 CP. Il ne ressort pas de cet arrêt que l'élément déterminant pour acquitter le prévenu de l'infraction de tentative de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires aurait été le fait que le juge d'instruction n'avait pas été alarmé ou effrayé par cette menace ni que le Tribunal fédéral ait considéré que la gravité du dommage dépendait du résultat effectif de la pression exercée sur celui-ci. Après avoir relevé que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le prévenu - qui se croyait poursuivi à tort - avait le droit de se plaindre contre des actes de procédures arbitraires ou inopportuns accomplis par les organes chargés de l'instruction dans l'exercice de leur fonction, le Tribunal fédéral a considéré que la lettre du prévenu était davantage une exigence rageuse qu'une menace sérieuse au sens de l'art. 285 CP; en conséquence, il a retenu que le courrier en question n'était pas de nature à impressionner un juge d'instruction et à porter sérieusement atteinte à sa liberté d'action, critère déterminant pour l'application de cette disposition. En effet, il sied de rappeler que le caractère sérieux du dommage doit être évalué en fonction de critères objectifs et non pas d'après les réactions du destinataire d'espèce (cf. supra consid. 1.1.3; ATF 120 IV 17 consid. 2a; 106 IV 125 consid. 2b; 96 IV 58 consid. 3; cf. aussi ATF 122 IV 322 consid. 1a).  
 
2.4. Comme susmentionné, la menace doit toutefois atteindre une intensité suffisante pour être propre à amener un destinataire raisonnable à adopter un comportement qu'il n'aurait pas eu s'il avait eu toute sa liberté d'action (cf. supra consid. 1.1.3), ce qui est le cas en l'espèce.  
Outre la menace de la perte de son emploi, le courrier litigieux sous-entend également, en cas de poursuite de son action par l'ancien directeur, la menace d'une forte résistance du personnel au projet "Ambition", comme le recourant l'admet lui-même. En effet, comme relevé par la cour cantonale, vu l'utilisation du pronom indéterminé et l'anonymat, rien ne permettait au lecteur moyen d'identifier à première vue que le courrier était l'oeuvre d'un seul homme, ce dernier pouvant avoir été celui qui s'exprimait pour un groupe. Ainsi, en lisant le courrier dans son ensemble, celui-ci évoque une vraisemblable opposition généralisée des collaborateurs au projet "Ambition" (" C.________, ton projet on en veut pas "), potentiellement malveillante (" Tu veux voir qui est le plus fort...Mets la en fonction ton AMBITION...Tu verras...ABE "), ou un sabotage du projet. Or, dans le milieu carcéral, les conséquences d'une opposition de plusieurs gardiens, en lien par ailleurs avec un projet concernant leurs horaires de travail, pourrait avoir des conséquences néfastes sur la sûreté de l'établissement pénitentiaire, ces derniers ayant notamment comme mission d'encadrer et de surveiller les détenus. À cela s'ajoute, comme relevé à juste titre par la cour cantonale, que l'ancien directeur risquait de perdre en crédibilité auprès de sa hiérarchie et/ou du public en cas d'incidents dans le cadre de sa fonction, entraînant inévitablement des répercussions négatives pour sa carrière pouvant aller jusqu'à son licenciement ou sa démission forcée. Cela était d'autant plus vrai que ce dernier se trouvait en sa période d'essai.  
Ainsi, les termes de la lettre écrite par le recourant et les menaces qu'elle évoque sont objectivement suffisamment graves pour faire plier une personne raisonnable, de sensibilité moyenne, se trouvant dans la situation de l'intéressé, et propres ainsi à l'entraver dans sa liberté d'action. Du reste, il sied de préciser que l'ancien directeur a été heurté par les propos du recourant et a effectivement redouté des actes de sabotage du projet (cf. supra consid. B.c en fait).  
 
2.5. Enfin, il n'est pas nécessaire que le recourant ait été en état de réaliser sa menace ou qu'il ait eu l'intention de la mettre à exécution. Il suffit que, d'après ses déclarations, la réalisation de ce dommage apparaisse comme dépendant de sa volonté (cf. supra consid. 1.1.3).  
S'il est vrai que ni la perte de la fonction de directeur ni la mise en place d'une opposition généralisée au projet "Ambition", n'étaient formellement dans le pouvoir d'un seul gardien, il fallait garder à l'esprit, comme relevé plus haut, que l'ancien directeur ne pouvait pas savoir que la lettre provenait d'un seul collaborateur. Par conséquent, et compte tenu des considérations évoquées au consid. 2.4, la réalisation du dommage apparaissait comme dépendante de la volonté des potentiels collaborateurs opposés au projet, voire même d'un seul collaborateur susceptible de fédérer les autres. 
 
2.6. En définitive, la menace, pour l'ancien directeur, d'une perte de son emploi cumulée avec la menace, dans les circonstances particulières du milieu carcéral, d'une possible opposition de plusieurs gardiens au projet, potentiellement malveillante, constituent bel et bien la menace d'un dommage sérieux au sens de l'art. 285 ch. 1 CP.  
 
2.7. Ainsi, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral ni versé dans l'arbitraire en considérant que le recourant s'était rendu coupable de tentative de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires.  
 
 
3.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (ar t. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 28 mars 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Corti