1C_474/2018 11.05.2021
Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_474/2018  
 
 
Arrêt du 11 mai 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Hofmann, Juge suppléant. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Anne-Rebecca Bula, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Municipalité d'Aigle, 
Hôtel de Ville, place du Marché 1, 1860 Aigle, représentée par Me Marc-Olivier Buffat, avocat, 
Direction générale de la mobilité et des routes du canton de Vaud, Section juridique, place de la Riponne 10, 1014 Lausanne Adm cant VD. 
 
Objet 
restriction de circulation, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton 
de Vaud, Cour de droit administratif et public, (GE.2015.0182 du 16 mai 2017 et décision 
de la Municipalité d'Aigle parue le 17 août 2018). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________ est propriétaire des parcelles nos 211 et 415 de la commune d'Aigle, sises au débouché de la rue de Jérusalem sur la place du Centre et sur lesquelles se trouvent deux immeubles. Il exploite une pharmacie dans le bâtiment se trouvant sur la première de ces parcelles. La rue de Jérusalem, située dans le vieux Bourg du centre-ville d'Aigle, s'étend sur environ 100 m entre la place du Centre, au sud, et la ruelle du Grenier, au nord. Elle est actuellement à sens unique, l'accès en véhicule s'effectuant par la place du Centre, et limitée aux riverains. 
Le 18 juillet 2013, le Conseil communal d'Aigle avait adopté un crédit pour des travaux de renouvellement des infrastructures souterraines et de surface, et de réaménagement des espaces publics en ville, appelé "Aigle Centre 2020". Ce projet prévoyait notamment l'adoption de nouvelles zones piétonnes. Le référendum communal lancé contre cet acte ayant abouti dans le délai utile, une votation a eu lieu le 24 novembre 2013 sur cet objet, qui a été accepté par 1'624 voix contre 1'532. Après une procédure de recours au niveau cantonal, cette votation a finalement été annulée par le Tribunal fédéral le 1er octobre 2015 (ATF 141 I 221). Cet objet n'a pas été soumis en votation depuis. 
 
B.   
Le 11 mai 2015, la Municipalité d'Aigle a approuvé le plan des zones piétonnes du centre-ville d'Aigle, qui crée notamment une nouvelle zone piétonne comprenant la rue de Jérusalem. La signalisation routière accompagnant cette mesure consiste en la pose de signaux de l'annexe 2 de l'ordonnance du 5 septembre 1979 sur la signalisation routière (OSR; RS 741.21) 2.59.3/2.59.4 "début/fin zone piétonne" et d'une plaque complémentaire autorisant l'accès aux cycles, aux handicapés, aux taxis et aux livraisons entre 6h et 9h. 
Saisie d'un recours de A.________ contre ce plan, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (CDAP), l'a réformé en ce sens qu'il doit être accordé un accès à la rue de Jérusalem d'au minimum deux heures supplémentaires par jour pour les livraisons. Le recours immédiat de A.________ contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral a été déclaré irrecevable par arrêt 1C_335/2017 du 18 juillet 2017, faute d'être dirigé contre une décision finale au sens de l'art. 90 LTF
Le 17 août 2018, la municipalité a publié la création d'une zone piétonne notamment dans la rue de Jérusalem au moyen des signaux OSR 2.59.3/2.59.4 "début/fin zone piétonne" et d'une plaque complémentaire autorisant l'accès aux cycles, aux handicapés, aux taxis et aux livraisons de 6h à 9h30 et de 17h à 19h. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public à l'encontre tant de l'arrêt incident du 16 mai 2017 du Tribunal cantonal que de la décision de la municipalité publiée le 17 août 2018, A.________ demande au Tribunal fédéral, préalablement, d'octroyer l'effet suspensif au recours, principalement, d'annuler l'arrêt et la décision attaqués, l'accès actuel à la rue de Jérusalem et à la ruelle du Grenier étant maintenu en faveur des riverains. Subsidiairement, le recourant conclut à l'annulation de l'arrêt et de la décision attaqués et au renvoie de la cause à l'autorité judiciaire cantonale, respectivement à l'autorité communale, pour nouvelle décision au sens des considérants. 
Par ordonnance du 3 octobre 2018, le Président de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté la requête d'effet suspensif déposée par A.________. Il a par ailleurs suspendu la procédure 1C_474/2018 jusqu'à droit jugé sur le recours déposé en parallèle par A.________ et d'autres consorts auprès du Tribunal cantonal contre la décision publiée le 17 août 2018. 
Statuant sur recours de A.________ et consorts, le Tribunal cantonal a confirmé la décision du 17 août 2018 de la municipalité par arrêt du 12 mai 2020 (GE.2018.0200). Cet arrêt est entré en force de chose jugée. 
Par ordonnance du 29 juillet 2020, le Président de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a ordonné la reprise de la procédure 1C_474/2020 et rejeté la nouvelle requête d'effet suspensif déposée par A.________. 
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer, se référant aux considérants de l'arrêt attaqué. La municipalité conclut au rejet du recours, en soulevant également le grief d'irrecevabilité. La Direction générale de la mobilité et des routes du canton de Vaud renonce à se déterminer. Le recourant et la municipalité s'expriment encore dans le cadre d'un second échange d'écritures et maintiennent leurs conclusions respectives. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 141 II 113 consid. 1 p. 116; arrêt 1C_369/2020 du 29 décembre 2020). 
 
1.1. La municipalité conteste la recevabilité du recours, en tant qu'il est dirigé contre un arrêt du Tribunal cantonal rendu en mai 2017 et contre une décision d'exécution à son sens inattaquable.  
Le recours en matière de droit public au Tribunal fédéral est recevable lorsque, en application de l'art. 93 al. 3 LTF, il est dirigé contre une décision incidente et une décision finale dans la mesure où celle-là influe sur le contenu de celle-ci (cf. l'arrêt 1C_335/2017 du 18 juillet 2017 consid. 2, rendu dans la présente cause dans le cadre du recours dirigé contre l'arrêt cantonal incident du 16 mai 2017 du Tribunal cantonal; également ATF 117 Ia 251 consid. 1b; 106 Ia 229 consid. 4). 
En tant qu'il est conjointement dirigé contre l'arrêt cantonal incident du 16 mai 2017 du Tribunal cantonal et la décision finale du 17 août 2018 de la municipalité et qu'il est incontesté et manifeste que celui-là ait influé sur celle-ci, le recours est donc sur le principe ouvert. 
 
1.2. La voie du recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF est en principe ouverte contre les décisions prises en matière de circulation routière (art. 82 let. a LTF; cf. Message du Conseil fédéral du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 ch. 4.3.6 p. 4248), aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.  
 
1.3. Enfin, à teneur de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour recourir quiconque a pris part à la procédure devant I'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision attaquée (let. b) et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de celle-ci (let. c). Selon la jurisprudence, la partie recourante doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation. Elle doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'elle est touchée dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général, de manière à exclure l'action populaire (ATF 139 ll 499 consid. 2.2;137 ll 30 consid.2.2.3 et 2-3).  
En matière de circulation routière, la qualité pour recourir doit être reconnue lorsque la mesure de circulation gêne considérablement l'usage de l'immeuble ou rend son accès considérablement plus difficile pour les riverains propriétaires ou la clientèle (arrêts 2A.115/2007 du 14 août 2007 consid. 3 et 2A.70/2007 du 9 novembre 2007 consid. 2.2). 
Le recourant est un propriétaire et un commerçant riverain de la rue de Jérusalem; sa parcelle n° 415, accessible exclusivement depuis cette rue, dispose d'une entrée de garage, qui ne serait plus accessible en voiture si la mesure d'interdiction de circuler devait être confirmée. Il a donc qualité pour recourir contre l'arrêt cantonal incident et la décision finale attaqués. 
 
1.4. Les autres conditions de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.  
 
2.   
Par l'arrêt incident attaqué, le Tribunal cantonal a réformé la décision initiale de la municipalité en ce qui concerne la rue de Jérusalem, en exigeant une dérogation pour les livraisons de deux heures supplémentaires au minimum par jour entre 6h et 19h du lundi au samedi. Par la décision finale attaquée, la municipalité a ensuite fixé les heures dérogatoires pour les livraisons aux créneaux 6h-9h30 et 17h-19h. La question des horaires a fait l'objet d'une procédure indépendante devant le Tribunal cantonal, qui a, par arrêt du 12 mai 2020 (GE.2018.0200), rejeté dans la mesure de sa recevabilité le recours interjeté conjointement par le recourant et ses consorts et confirmé la décision attaquée. Le recourant n'a pas spécifiquement attaqué cet acte, précisant s'en prendre au principe de la zone piétonne. 
En outre, le recours porte sur la restriction de la circulation prévue pour la seule rue de Jérusalem, le recourant ne disposant pas d'un intérêt à recourir s'agissant des autres rues concernées par la mesure, ainsi que l'ont constaté les premiers juges. 
Demeure ainsi litigieuse la question du principe même de la création d'une zone piétonne à la rue de Jérusalem. 
 
3.   
Le recourant fait valoir une constatation manifestement inexacte des faits (art. 97 al. 1 LTF). 
 
3.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, la partie recourante ne peut critiquer la constatation de faits que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte - en particulier en violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire - et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. Les faits et les critiques invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (ATF 141 IV 369 consid. 6.3).  
 
3.2. Selon le recourant, la cour cantonale aurait constaté à tort que le préavis que la municipalité avait présenté au Conseil communal en 2013 avait pour seul objectif d'adopter une demande de crédit pour des travaux et n'aurait pas exposé en quoi consistait le projet "Aigle Centre 2020". La cour cantonale aurait par ailleurs retenu à tort que la municipalité avait, au cours de sa séance du 11 mai 2015, approuvé le plan des zones piétonnes du centre-ville dans son ensemble, alors que les mesures concernant certaines rues faisaient en réalité partie d'une étude globale ultérieure. En bref, ces faits seraient nécessaires à la démonstration que la mesure querellée ne pouvait être examinée indépendamment du projet "Aigle Centre 2020", que cette manière de faire, constituerait un "saucissonnage" prohibé par le principe de la coordination, et qu'adopter une telle mesure alors que le sort de la votation était encore pendant violerait le droit d'être entendu du recourant et le principe de l'interdiction de l'arbitraire.  
Contrairement à ce que soutient le recourant, tous les faits dont il déplore l'absence ressortent en réalité de l'arrêt attaqué: le Tribunal cantonal a développé dans le détail le contenu du projet "Aigle Centre 2020"et notamment clairement exposé en quoi consistaient les travaux qu'il impliquait; l'arrêt attaqué indique ensuite expressément que les zones piétonnes prévues en "phase 2" feront l'objet d'une procédure ultérieure et que la municipalité a précisé en audience qu'un tronçon avait été indiqué par erreur dans le plan litigieux, cette mesure étant également prévue dans le cadre de l'étude d'ensemble ultérieure. Aussi, les faits ressortant de l'arrêt attaqué correspondent à ce qu'expose le recourant. L'appréciation qui en est faite est une question qui relève du droit et qui sera examinée ci-après. Le grief portant sur l'établissement inexact des faits est ainsi mal fondé et doit être rejeté. 
 
4.   
Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sous réserve de l'art. 106 al. 2 LTF. Il n'est ainsi lié ni par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente. Toutefois, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF (cf. ATF 140 III 86 consid. 2), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués pour autant que les vices juridiques ne soient pas manifestes; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui. 
Aux termes de l'art. 106 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante. L'acte de recours doit ainsi, sous peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation. Le Tribunal fédéral n'a pas à vérifier de lui-même si l'acte entrepris est en tous points conforme au droit et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans le mémoire de recours. La partie recourante ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF 143 IV 500 consid. 1.1). 
 
5.   
Le recourant dénonce une violation du principe de coordination dans la planification. Il fait, sous cet intitulé, valoir que les mesures prises en matière de circulation font partie des activités qui doivent être coordonnées dans le cadre des plans d'aménagement au sens de l'art. 2 LAT (RS 700) et qu'un plan directeur communal, ayant notamment pour objet le réaménagement des espaces publics en ville, aurait dû être établi. Le recourant considère par ailleurs que les juges cantonaux, en validant isolément la mesure de restriction de la circulation, ont violé le plan directeur cantonal, qui prévoit la coordination des espaces publics avec les réseaux de cheminement piétonnier et des équipements publics. 
 
5.1. Intitulé "Obligation d'aménager le territoire", l'art. 2 al. 1 LAT prévoit que, pour celles de leurs tâches dont l'accomplissement a des effets sur l'organisation du territoire, la Confédération, les cantons et les communes établissent des plans d'aménagement en veillant à les faire concorder.  
Selon la jurisprudence, le droit fédéral exige que, lors de l'accomplissement de tâches d'aménagement, l'instrument de planification ou de décision adéquat soit utilisé (ATF 140 II 262 consid. 2.3.1 p. 266; arrêt 1C_15/2014 du 8 octobre 2014 consid. 6, in SJ 2015 I p. 97). Les plans directeurs doivent montrer comment il faut faire concorder les activités qui influent sur l'organisation du territoire, au niveau national, régional et cantonal. Ils traitent des questions d'importance cantonale ou supracommunale ou qui nécessitent une coordination importante. Relèvent notamment du plan directeur les conflits importants entre différents intérêts relatifs à l'utilisation du sol et les projets déployant des effets considérables sur l'occupation du territoire, l'utilisation du sol ou l'environnement ou nécessitant un effort de coordination. La planification directrice a ainsi pour objet la coordination globale de toutes les activités à incidence spatiale et elle seule est en mesure de traiter de tâches d'aménagement qui s'étendent au-delà du niveau local et concernent plusieurs domaines (ATF 137 II 254 consid. 3.1-3.2). L'élément décisif à prendre en considération est de savoir si le projet nécessite un examen global et complet qui ne peut être garanti que par un processus d'élaboration du plan directeur (ATF 137 II 254 consid. 3.3). Le droit fédéral impose l'adoption d'une planification directrice aux cantons (art. 8 LAT), mais non aux communes. 
 
5.2. Le recourant n'expose pas en quoi les critères définis par la jurisprudence consacrant l'obligation de planifier seraient en l'occurrence réalisés. Il échoue ainsi à démontrer que l'établissement d'un plan directeur communal aurait été nécessaire et n'explique concrètement pas en quoi le plan directeur cantonal aurait été violé.  
La situation est notamment différente de celle de l'arrêt 1C_558/2008 du 28 juillet 2009, où il a été reconnu que, vu la teneur expresse du plan d'affectation communal désignant les rues litigieuses comme étant des rues piétonnes, d'éventuelles autorisations de circuler à vélo devaient être intégrées au plan. En effet, comme le relève le recourant, le plan d'affectation communal ne contient en l'occurrence pas de telles indications de sorte qu'il ne lie pas les autorités sur la question de la piétonnisation d'un simple tronçon de rue. 
Pour peu qu'il soit recevable sous l'angle des exigences de motivation du recours fédéral (art. 42 al. 1 LTF), ce grief doit ainsi être rejeté. 
 
6.   
Au fil de son recours, en particulier dans son grief relatif à la constatation des faits, le recourant fait également valoir que les mesures litigieuses faisaient partie du projet "Aigle Centre 2020", si bien que les autorités ne pouvaient les adopter isolément, sans attendre le sort de la votation sur le crédit dudit projet. 
 
6.1. En matière d'autorisation de construire, l'art. 25a LAT énonce des principes en matière de coordination lorsque l'implantation ou la transformation d'une construction ou d'une installation nécessite des décisions émanant de plusieurs autorités. Les décisions ne doivent notamment pas être contradictoires (art. 25a al. 3 LAT). Ces principes sont applicables par analogie à la procédure des plans d'affectation (art. 25a al. 4 LAT). Le principe de l'unité de l'autorisation de construire ne tolère la délivrance d'une autorisation partielle de construire un bâtiment ou un lotissement que lorsque la décision peut être prise concernant la partie autorisée indépendamment du sort de la partie non encore autorisée. Il y a lieu d'examiner les effets globaux d'un projet, ce également dans le cas du fractionnement du projet en différentes parties et procédures d'autorisations de construire (ATF 124 II 293 consid. 26b). Par conséquent, le fractionnement d'une autorisation de construire en plusieurs décisions partielles peut enfreindre le principe de la coordination matérielle de l'art. 25a LAT ainsi que le principe de la pesée globale des intérêts lorsqu'il est dénué de sens de statuer sur un aspect ou une partie d'installation de façon isolée (arrêts 1C_658/2017 du 18 septembre 2018 consid. 3.3; 1C_150/2009 du 8 septembre 2009 consid. 2.2). A l'inverse, il n'y a pas lieu d'assurer la coordination entre des décisions qui, bien qu'elles concernent des projets en relation étroite l'un avec l'autre, n'ont pas d'incidence directe sur la réalisation de l'autre projet (arrêts1C_272/2010 du 16 mars 2011 consid. 4.1; 1C_414/2013 du 30 avril 2014 consid. 3.1; 1C_621/2012 du 14 janvier 2014 consid. 4.2).  
 
6.2. La cour cantonale a considéré que, dans la mesure où le projet d'étendre la zone piétonne à la rue de Jérusalem n'impliquait pas de grands travaux pour lesquels une demande de crédit dont l'acceptation en votation populaire était contestée, la municipalité pouvait aller à ce sujet de l'avant sans devoir attendre le sort du recours déposé auprès du Tribunal fédéral à ce propos. Le changement de signalisation entrepris était en effet de la compétence de la municipalité, sur délégation des autorités cantonales compétentes.  
Le recourant se limite dans son argumentaire à quelques assertions d'ordre général. En particulier, il n'expose pas pourquoi les mesures litigieuses ne pourraient pas être considérées et prises indépendamment du sort de la votation relative au projet "Aigle Centre 2020". Il s'obstine à affirmer que la mesure faisait partie de ce projet, ce qui a effectivement été constaté par la cour cantonale. Il se borne pour le surplus à alléguer de façon appellatoire qu'il s'agit d'un "saucissonnage" inacceptable. Or, si l'on transpose à la mesure litigieuse la jurisprudence relative au principe de la coordination telle qu'elle a été développée en matière d'autorisations de construire, il n'apparaît pas qu'il soit dénué de sens de statuer uniquement sur le sort des quelques rues concernées par la signalisation litigieuse. A aucun moment le recourant n'indique concrètement quels problèmes de coordination cela pourrait poser avec d'autres secteurs ou voies de circulation du centre d'Aigle. Rien ne permet de supposer que, si les réformes en matière d'aménagement du centre ville devaient s'arrêter là, la décision de rendre piétonne la rue de Jérusalem serait problématique faute d'avoir adopté d'autres réformes en matière de circulation routière ou d'aménagements urbains. 
Enfin, le recourant ne fait pas valoir le risque de décisions contradictoires. 
Il s'ensuit que, également à la limite de la recevabilité s'agissant des exigences de motivation de l'art. 42 al. 1 LTF, le grief doit quoi qu'il en soit être rejeté. 
 
7.   
Il reste à examiner si la mesure litigieuse prise sur la base de l'art. 3 al. 4 LCR, soit la création d'une zone piétonne à la rue de Jérusalem notamment, est proportionnée au but visé, comme le commandent l'art. 107 al. 5 et l'art. 36 al. 3 Cst., en lien avec la garantie de la propriété (art. 26 Cst.) et la liberté économique (art. 27 Cst.), dont se prévaut le recourant. 
 
7.1.  
 
7.1.1. Les limitations fonctionnelles du trafic, au sens de l'art. 3 al. 4 LCR, peuvent être édictées lorsqu'elles sont nécessaires pour protéger les habitants ou d'autres personnes touchées de manière comparable contre le bruit et la pollution de l'air, pour éliminer les inégalités frappant les personnes handicapées, pour assurer la sécurité, faciliter ou régler la circulation, pour préserver la structure de la route, ou pour satisfaire à d'autres exigences imposées par les conditions locales. Pour de telles raisons, la circulation peut être restreinte et le parcage réglementé de façon spéciale, notamment dans les quartiers d'habitation.  
Le Tribunal fédéral examine avec un plein pouvoir de cognition si une décision fondée sur l'art. 3 al. 4 LCR obéit à un intérêt public et est conforme au principe de proportionnalité. Il fait toutefois preuve de retenue dans la mesure où cette appréciation dépend des circonstances locales, dont les autorités cantonales ont une meilleure connaissance que lui (arrêts 1C_540/2016 du 25 août 2017 consid. 2.2, in JdT 2017 I p. 302; 1C_90/2011 du 20 juillet 2011 consid. 4.1, in JdT 2011 I p. 297; 1C_150/2019 24 février 2020 consid. 3.1). 
 
7.1.2. Selon l'art. 36 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit reposer sur une base légale qui doit être de rang législatif en cas de restriction grave (al. 1); elle doit en outre être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3), sans violer l'essence du droit en question (al. 4). Pour être conforme au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), la restriction à un droit fondamental doit être apte à atteindre le but visé (règle de l'aptitude), lequel ne peut pas être obtenu par une mesure moins incisive (règle de la nécessité); il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; cf. ATF 146 I 157 consid. 5.4; 146 I 70 consid. 6.4; 143 I 403 consid. 5.6.3).  
En matière de signalisation routière, le principe de la proportionnalité est exprimé à l'art. 107 al. 5 OSR (cf. BUSSY/RUSCONI/JEANNERET/KUHN/MIZEL/MÜLLER, Code suisse de la circulation routière, 4e éd. 2015, n° 3.1  ad art. 107 OSR) qui dispose que s'il est nécessaire d'ordonner une réglementation locale du trafic, on optera pour la mesure qui atteint son but en restreignant le moins possible la circulation. Lorsque les circonstances qui ont déterminé une réglementation locale du trafic se modifient, cette réglementation sera réexaminée et, le cas échéant, abrogée par l'autorité. Dans ce contexte, les recourants demeurent soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (arrêt 1C_442/2020 du 4 mars 2021 consid. 6.1).  
 
7.2.  
 
7.2.1. Le Tribunal cantonal a considéré que la décision litigieuse, spécifiquement la création d'une zone piétonne à la rue de Jérusalem, répondait aux objectifs du plan directeur cantonal, en particulier à celui de "stimuler la construction de quartiers attractifs", soit d'améliorer l'attractivité des espaces publics en misant sur la qualité, la vitalité et la sécurité. La cour cantonale a encore précisé que, dans son rapport d'examen du 26 février 2014, l'Office fédéral du développement territorial avait critiqué le fait que le projet d'agglomération concerné n'intégrait pas suffisamment la problématique piétonne au concept de la mobilité douce. Les juges cantonaux ont par ailleurs noté que les buts poursuivis par la municipalité étaient de permettre à des rez-de-chaussée de se développer (échoppes, cafés, etc.), de valoriser le milieu bâti au centre-ville, d'augmenter l'attractivité du logement dans ce lieu et à proximité des transports, et de préserver les riverains et limiter les nuisances dues à la circulation: les rues concernées sont des ruelles étroites, exiguës, dans lesquels la circulation est particulièrement malaisée, voire très difficile; la rue de Jérusalem n'est pas une rue typique commerçante ou marchande, il n'y a que très peu de commerces avec des vitrines. La cour cantonale s'est certes demandée, vu que la rue concernée n'est que peu empruntée par des véhicules (en moyenne 25 véhicules par jour), si le prononcé d'une interdiction générale du trafic motorisé se justifiait; elle a toutefois considéré qu'il ne lui appartenait pas de procéder elle-même à un examen d'opportunité de la mesure attaquée et que la municipalité n'a en tous les cas pas abusé ou excédé son pouvoir d'appréciation.  
Le recourant expose, s'agissant de son droit de propriété, que la mesure litigieuse restreint clairement son accès à ses parcelles et notamment à la parcelle n° 415, qui dispose d'une entrée de garage pour véhicule. Il ajoute, en ce qui concerne la liberté de commerce, que, contrairement à une boutique de vêtements ou à un magasin d'alimentation, sa pharmacie doit nécessairement pouvoir bénéficier d'un accès en véhicule en tout temps dans la journée. Au regard du principe de la proportionnalité, il fait en substance valoir qu'aucune vitrine ne figure dans la rue de Jérusalem et que, dans cette mesure, il ne saurait y avoir d'intérêt public à valoriser le milieu bâti du centre-ville et permettre à des rez-de-chaussée de se développer. Il estime ainsi que ses libertés fondamentales l'emportent. 
 
7.2.2. Force est de reconnaître que l'atteinte à la propriété dont se prévaut le recourant ne saurait être qualifiée de grave, lors même qu'il perd l'accès en véhicule au garage se trouvant sur la parcelle n° 415. En effet, le Tribunal cantonal a constaté, lors de l'inspection locale, que cette possibilité de stationnement n'existait plus, puisque le recourant avait loué la surface de garage à une entreprise qui l'exploitait comme espace de représentation ou de travail. Au demeurant et surtout, des places de stationnement se trouvent à quelques minutes et des espaces de stationnement pour livreurs à quelques mètres de la pharmacie, ce qui apparaît largement suffisant (cf. ATF 131 I 12 consid. 1.3). Le recourant ne prétend d'ailleurs pas que l'atteinte dont il se prévaut devrait être qualifiée de grave. Quant à la violation de la liberté économique, le recourant se contente d'affirmer que sa pharmacie doit nécessairement pouvoir bénéficier en tout temps durant la journée d'un accès en véhicule, sans étayer plus avant cette assertion.  
Compte tenu des circonstances du cas d'espèce - notamment du fait que le recourant n'utilise plus le garage pour véhicule dont il pourrait disposer, du fait que la rue de Jérusalem n'offrait aucune possibilité de se parquer, du fait que diverses places de stationnement se trouvent à proximité immédiate et du fait que les livraisons à la pharmacie peuvent très bien s'opérer depuis d'autres accès (notamment depuis la rue de Colomb, de la rue de la Gare ou de la place du Centre, distante d'environ 15 mètres) -, on ne voit pas en quoi un accès par la rue de Jérusalem serait indispensable. 
Dans ces conditions, on ne saurait reprocher à l'instance précédente d'avoir confirmé la décision litigieuse. En effet, la mesure repose sur les divers intérêts publics listés par la cour cantonale, notamment sur celui tendant à permettre à des rez-de-chaussée de se développer (échoppes, cafés, etc.); le fait que la rue de Jérusalem ne comporte à l'heure actuelle aucune vitrine n'enlève rien à la volonté de la municipalité de les favoriser pour l'avenir ni à l'intérêt public qui la sous-tend. 
 
7.2.3. A titre de mesure d'instruction, le recourant a, dans sa réplique du 17 novembre 2020, requis la production de la liste des rues de la Ville d'Aigle dans lesquelles le port du masque est obligatoire; à son sens, le fait qu'aucun panneau obligeant le port du masque n'a été posé aux extrémités de la rue de Jérusalem démontre qu'il n'y a que peu de piétons dans la rue de Jérusalem et que l'intérêt public tendant à la protection des piétons ne serait donc pas avéré.  
Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF). En tout état, le fait qu'il n'y a que peu de piétons n'aurait pas vocation à modifier l'appréciation qui précède. Au même titre que le développement des vitrines doit être favorisé par la mesure querellée, tel est également le cas du passage des piétons. 
 
7.2.4. Sur le vu de ce qui précède, la cour cantonale pouvait, sans que cela ne soit critiquable ni contraire au droit fédéral, faire prévaloir les intérêts publics poursuivis par la mesure litigieuse sur les intérêts privés allégués par le recourant. La pesée des intérêts opérée par le Tribunal cantonal doit par conséquent être confirmée et le grief rejeté.  
 
8.   
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, aux frais du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 et 5 LTF). La commune, qui agit dans l'exercice de ses attributions officielles, n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais de justice, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant et de la Municipalité d'Aigle, à la Direction générale de la mobilité et des routes du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public. 
 
 
Lausanne, le 11 mai 2021 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Sidi-Ali