7B_32/2023 06.09.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_32/2023  
 
 
Arrêt du 6 septembre 2023  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Hurni et Hofmann. 
Greffière : Mme Rubin. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, en liquidation, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de classement; irrecevabilité, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 26 janvier 2023 (ACPR/68/2023 P/24470/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 20 décembre 2022, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: Ministère public) a classé la procédure pénale P/24470/2020 diligentée à la su ite des plaintes pénales déposées notamment par la société A.________ SA désormais en liquidation (ci-après: A.________ SA). 
 
B.  
A.________ SA a formé le 3 janvier 2023 un recours contre cette ordonnance auprès de la Chambre pénale de recours de la Cour de Justice de la République et canton de Genève (ci-après: Chambre pénale ou cour cantonale). Cette dernière a déclaré le recours irrecevable par arrêt du 26 janvier 2023, dans la mesure où il n'était pas établi que le recours avait été formé dans le délai légal, soit, au plus tard, le 2 janvier 2023. 
 
C.  
Par acte du 1er mars 2023, A.________ SA forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal susmentionné et conclut, avec suite de frais et dépens, à son annulation suivie du renvoi de la cause à la Chambre pénale pour nouvelle décision. 
Par courrier du 20 mars 2023, A.________ SA a fourni de plus amples explications au sujet de son recours, respectivement produit diverses annexes, dont un arrêt rendu le 14 février 2023 par la Chambre pénale de recours rejetant sa demande de restitution de délai. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2). 
 
1.1. L'arrêt querellé est un jugement final (art. 90 LTF) rendu dans une cause de droit pénal. Il est donc susceptible de faire l'objet d'un recours en matière pénale (art. 78 ss LTF), qui peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF).  
 
 
1.2.  
 
1.2.1. Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 LTF, la partie plaignante est habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent pas être séparés du fond (ATF 146 IV 76 consid. 2; 141 IV 1 consid. 1.1).  
 
1.2.2. En l'espèce, la recourante fait grief à l'autorité précédente d'avoir déclaré son recours dirigé contre l'ordonnance de classement irrecevable car tardif, ce en violation du CPP, et soulève l'interdiction du formalisme excessif. Autrement dit, elle se plaint d'avoir été privée indûment d'une voie de droit et se prévaut d'un déni de justice formel, ce qui revient à invoquer une violation de ses droits de partie. En ce sens, la recourante a en principe qualité pour former un recours en matière pénale au Tribunal fédéral.  
 
1.2.3. Cela étant, il ressort de l'extrait du Registre du commerce du canton de Genève (fait notoire pouvant être pris en compte; cf. ATF 143 IV 380 consid. 1.2) que la faillite de la recourante a été prononcée le 16 mai 2022. Se pose dès lors la question de savoir si cette dernière devait faire valoir ses droits en lien avec l'action pénale par l'intermédiaire de ses organes ou, via la masse en faillite, par l'administration de la faillite qui la représente (cf. art. 121 al. 2 CPP en lien avec l'art. 197 LP et 240 LP; cf. ATF 145 IV 351 consid. 4.2; arrêt 1B_418/2022 du 17 janvier 2023 consid. 3.1). A cela s'ajoute que le recours a été signé par un seul administrateur, alors que les trois administrateurs de la recourante disposent de la signature collective à deux. Les questions de savoir qui pouvait signer le recours et valablement représenter la recourante auprès du Tribunal fédéral peuvent toutefois souffrir de demeurer indécises, le recours devant de toute manière être rejeté sur le fond.  
 
2.  
Le courrier de la recourante déposé le 20 mars 2023, qui consiste en un complément au recours, est tardif (art. 100 al. 1 LTF), partant irrecevable. Il en va de même de l'arrêt du 14 février 2023 de la Chambre pénale de recours qui est joint à la correspondance précitée, car postérieur à l'arrêt querellé (art. 99 al. 1 LTF). Ils n'ont quoi qu'il en soit aucune incidence sur l'issue de la cause, de même que les autres pièces produites. 
 
3.  
Dans son mémoire, la recourante présente tout d'abord un "bref rappel des faits". Une telle manière de procéder, dans la mesure où les faits exposés s'écartent des constatations de l'instance précédente ou les complètent sans qu'il soit indiqué que ceux-ci seraient manifestement inexacts ou arbitraires, est irrecevable, le Tribunal fédéral n'étant pas une instance d'appel (cf. ATF 140 III 115 consid. 2; 139 II 404 consid. 10.1). 
 
4.  
La recourante fait valoir une violation de l'art. 90 al. 2 CPP
 
4.1. Les ordonnances de classement peuvent être contestées devant l'autorité de recours dans les dix jours suivant leur notification (art. 322 al. 2 et 396 al. 1 CPP). Selon l'art. 90 al. 1 CPP, les délais fixés en jours commencent à courir le jour qui suit leur notification ou l'évènement qui les déclenche. Si le dernier jour du délai est un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal, le délai expire le premier jour ouvrable qui suit. Le droit cantonal déterminant est celui du canton où la partie ou son mandataire a son domicile ou son siège (art. 90 al. 2 CPP).  
Mis à part le 1er août, jour férié prévu par le droit fédéral (cf. ordonnance du 30 mai 1994 sur la fête nationale; RS 116), ne sont considérés comme jours fériés officiels que ceux qui trouvent leur fondement dans le droit cantonal (ATF 115 IV 266; plus récemment arrêt 4A_113/2023 du 28 février 2023 consid. 6.2). 
Le délai est réputé observé si l'acte de procédure est accompli auprès de l'autorité compétente au plus tard le dernier jour du délai (art. 91 al. 1 CPP). Les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l'autorité pénale, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP). 
 
4.2. En l'espèce, la cour cantonale a retenu que l'ordonnance de classement avait été notifiée à la recourante le 23 décembre 2022, de sorte que le délai de recours de dix jours arrivait à échéance le 2 janvier 2023. Le recours ayant été expédié le 3 janvier 2023, il était tardif et, par conséquent, irrecevable.  
 
4.3. La recourante, dont le siège social est à Genève, ne conteste pas que l'ordonnance litigieuse lui a été notifiée le 23 décembre 2022 et que le délai pour recourir contre celle-ci était de dix jours. Elle considère toutefois que selon le droit cantonal genevois, le 2 janvier 2023 devait être considéré comme un jour férié, de sorte que le délai pour former recours était arrivé à échéance le lendemain, conformément à l'art. 90 al. 2 CPP. Son recours devait ainsi être déclaré recevable.  
 
4.3.1. La recourante invoque à l'appui de son argumentation l'art. 1 al. 2 de la loi genevoise du 3 novembre 1951 sur les jours fériés (LJF; rs/GE J 1 45), lequel prévoit que "pour les entreprises non soumises à la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, du 13 mars 1964, lorsqu'un jour férié tombe un dimanche, le lendemain de ce jour est déclaré férié". Elle ajoute que l'art. 32 al. 1 let. a du règlement cantonal du 24 février 1999 d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux (RPAC; rs/GE B 5 05.01) ainsi que l'art. 60 al. 1 let. a du règlement genevois du 5 novembre 2020 du personnel du pouvoir judiciaire (RPPJ; rs/GE E 2 05.50) prévoient un principe similaire, soit que les jours de congés officiels, respectivement ordinaires, sont: "le 1er janvier ou le 2 janvier, si le 1er janvier tombe un dimanche". Elle en déduit que la volonté du législateur genevois aurait été de soumettre le pouvoir judiciaire à l'art. 1 al. 2 LJF et qu'il fallait reconnaître que si le 1er janvier tombait un dimanche, comme cela était le cas lors de l'année 2023, le 2 janvier devait être considéré comme un jour férié; preuve en était selon la recourante que les greffes étaient fermés le lundi 2 janvier 2023. Par ailleurs, la recourante se prévaut de la jurisprudence de la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral appliquant un raisonnement allant dans ce sens.  
Par cette argumentation, la recourante se limite, sans même soulever le grief d'arbitraire, à une libre interprétation du droit cantonal genevois, sans démontrer en quoi l'application qui en a été faite serait manifestement insoutenable, contrairement aux exigences de motivation qualifiées posées par l'art. 106 al. 2 LTF
Il est en effet rappelé qu'en matière d'interprétation et d'application du droit cantonal, y compris du droit fédéral appliqué à titre de droit cantonal supplétif, il ne faut pas confondre arbitraire et violation de la loi. Une violation doit être manifeste et reconnue d'emblée pour être considérée comme arbitraire. Le Tribunal fédéral n'a pas à examiner quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement se prononcer sur le caractère défendable de l'application ou de l'interprétation du droit cantonal qui a été faite. Il n'y a pas arbitraire du fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 133 III 462 consid. 4.4.1; 132 I 13 consid. 5.1; cf. également ATF 144 III 145 consid 2). 
 
4.3.2. Quoi qu'il en soit, on ne discerne in casu aucune violation de l'art. 90 al. 2 CPP, respectivement aucun arbitraire dans l'application du droit cantonal genevois. Conformément à l'art. 20a al. 1 de la loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce (LTr; RS 822.11), le jour de la fête nationale est assimilé au dimanche. Les cantons peuvent assimiler au dimanche huit autres jours fériés par an au plus et les fixer différemment selon les régions. À Genève, l'art. 1 al. 1 LJF énumère exhaustivement les jours fériés désignés en tant que tels dans le canton et force est de constater que le 2 janvier n'en fait pas partie. Certes, l'alinéa 2 de cette disposition prévoit que lorsqu'un jour férié tombe un dimanche, comme ce fut le cas le 1er janvier 2023, le lendemain de ce jour, soit le lundi 2 janvier 2023, "est déclaré férié". Contrairement à ce que soutient la recourante, il ne s'agit toutefois pas d'un jour férié officiel prévu par le droit cantonal genevois, puisque seules les entreprises non soumises à la LTr y ont droit, soit en particulier les administrations fédérales, cantonales et communales (art. 2 al. 1 let. a LTr), et, de surcroît, ce jour n'est pas assimilé à un dimanche, mais peut être ouvrable. Les art. 32 al. 1 RPAC et 60 al. 1 RPPJ dont se prévaut la recourante ne disent pas autre chose. Ces dispositions légales prévoient que le 2 janvier, le 2 août et le 26 décembre sont des "jours de congés officiels", respectivement "ordinaires" lorsque le 1er janvier, le 1er août et/ou le 25 décembre tombent un dimanche. Il n'est ainsi pas insoutenable de considérer que le 2 janvier, tout comme le lendemain de n'importe quel jour férié défini par l'art. 1 al. 1 LFJ tombant un dimanche, ne constitue qu'un jour de congé accordé aux employés de certaines entreprises établies dans le canton de Genève. La recourante ne développe d'ailleurs aucune argumentation propre à démontrer le contraire. Quant à la jurisprudence de la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral à laquelle la recourante se réfère (décision CR.2021.23 du 6 décembre 2021), on ne perçoit pas concrètement, faute de motivation suffisante à cet égard, ce qu'elle entend en déduire en sa faveur. Ledit arrêt concerne du reste le canton de Vaud.  
 
4.4. Il s'ensuit que la cour cantonale n'est pas tombée dans l'arbitraire en retenant que le délai de recours de dix jours (art. 322 al. 2 CPP; art. 396 al 1 CPP), qui avait commencé à courir dès le 23 décembre 2022, était arrivé à échéance le lundi 2 janvier 2023 (cf. art. 90 al. 2 CPP), de sorte que le recours interjeté le 3 janvier 2023 contre l'ordonnance de classement était tardif.  
 
5.  
Subsidiairement, la recourante invoque une violation de l'interdiction du formalisme excessif déduite de l'art. 29 al. 1 Cst. 
 
5.1. Selon la jurisprudence, il y a formalisme excessif, constitutif d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (cf. ATF 148 I 271 consid. 2.3; 145 I 201 consid. 4.2.1).  
 
5.2. En l'espèce, la circonstance invoquée par la recourante selon laquelle les guichets postaux et le greffe de la Chambre pénale étaient fermés le 2 janvier 2023 n'est pas pertinente. Dans la mesure où la cour cantonale n'a pas fait preuve d'arbitraire en retenant que le 2 janvier n'était pas un jour férié dans le canton de Genève au sens de l'art. 90 al. 2 CPP, elle pouvait en déduire que le délai de recours avait bien expiré ce jour-là. La fermeture concomitante des guichets postaux et du greffe de la Chambre pénale n'est pas propre, en soi, à reporter un délai légal. Il aurait été parfaitement loisible à la recourante de déposer, le 2 janvier 2023, son mémoire de recours signé dans une boîte aux lettres de la Poste suisse, en faisant attester la date et l'heure de l'envoi par un ou plusieurs témoins (cf. ATF 142 V 389 consid. 2.2 et les références citées; arrêt 6B_569/2023 du 31 juillet 2023 consid. 1.1), ou dans un automate postal "Mypost24", lequel permet notamment d'expédier des envois en suivi 24/24h et est assimilé à un bureau de poste suisse par la jurisprudence, à l'instar d'une boîte postale (cf. ATF 142 V 389 consid. 2.2; arrêt 6B_569/2023 du 31 juillet 2023 consid. 1.1). La sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est d'ailleurs pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 149 IV 97 consid. 2.1). Ce grief doit dès lors être rejeté.  
 
6.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Les frais judiciaires seront mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 6 septembre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
La Greffière : Rubin