2C_329/2008 15.10.2008
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
2C_329/2008 
{T 0/2} 
 
Arrêt du 15 octobre 2008 
IIe Cour de droit public 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Merkli, Président, 
Hungerbühler, Karlen, Aubry Girardin et Donzallaz. 
Greffier: M. Vianin. 
 
Parties 
X.________, recourant, 
représenté par Me Alain Maunoir, avocat, 
 
contre 
 
Département des constructions et des technologies de l'information du canton de Genève, Service de maintenance des routes cantonales, rue David-Dufour 5, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
Perception d'une taxe fixe pour empiétement sous le domaine public cantonal, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 18 mars 2008. 
 
Faits: 
 
A. 
X.________ est propriétaire de plusieurs parcelles sises sur le territoire de la commune de A.________, situées aux nos *** à *** de la route de Z.________. 
 
Le 30 août 2006, le Département du territoire du canton de Genève a délivré au prénommé une autorisation de construire quatre immeubles de logements ainsi qu'un garage souterrain sur les parcelles en question. Par décision séparée du même jour, le Département du territoire lui a facturé une taxe d'évacuation des eaux usées de 137'518 fr. 
 
Ouvert en janvier 2007, le chantier a nécessité la pose de plusieurs conduites sous la route de Z.________, en vue de raccorder les immeubles aux réseaux d'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales ainsi qu'aux réseaux d'alimentation en eau potable et en gaz. Le 20 février 2007, X.________ a déposé à cet effet une "requête de permission pour fouille sous le domaine public cantonal". 
 
B. 
Par décision du 6 mars 2007, le Service de la maintenance des routes cantonales du Département des constructions et des technologies de l'information du canton de Genève (ci-après: le Département) a accordé l'autorisation sollicitée. La décision en question disposait notamment ce qui suit (ch. 10): 
"En vertu des articles 5 et 14 du règlement fixant le tarif des empiétements sur ou sous le domaine public, une taxe fixe est due par le bénéficiaire selon le calcul suivant: 
- fouille: 
sur chaussée 
 
Fr. 45.-- le m2 
 
sur trottoir 
 
Fr. 13.-- le m2 
 
- conduites: 
tubes et autres installations analogues 
 
Fr. 1'000.-- le ml 
Le montant exact sera calculé et facturé à la fin des travaux." 
X.________ a recouru au Tribunal administratif du canton de Genève à l'encontre de cette décision, dans la mesure où elle mettait à sa charge des taxes. 
 
Invité à se déterminer sur le point de savoir s'il y avait eu un changement de pratique, comme le recourant le prétendait, le Département a répondu, dans une écriture du 13 juillet 2007, que jusqu'en 2005, la gestion du domaine public incombait au Service des amarrages et du domaine public. En 2005, ce service avait été supprimé et la gestion du domaine public terrestre avait été confiée au Département. S'agissant des permissions d'occuper le domaine public, il était "possible que, par le passé, l'administration n'ait pas taxé tous les travaux ou empiétements effectués par des tiers, certains n'étant tout simplement pas portés à la connaissance du service chargé de délivrer les permissions". On ne pouvait reprocher au Département "d'avoir amélioré ses procédures et de faire une application plus conforme du règlement". 
 
Le 18 mars 2008, le Tribunal administratif a rejeté le recours. Il a repoussé le grief d'inégalité de traitement tiré du fait que la ville de Genève aurait une pratique différente de celle du canton et ne percevrait pas de taxe dans des cas similaires. En outre, il a considéré que l'art. 59 al. 7 lettre e de la loi genevoise sur les routes, du 28 avril 1967 (LRoutes, RS/GE L 1 10), qui exonère de toute taxe fixe ou redevance les aménagements imposés par la loi, n'était pas applicable en l'occurrence. Le Tribunal administratif a également rejeté le grief selon lequel la taxe litigieuse serait disproportionnée et non conforme au principe d'équivalence. 
 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif du 19 mars 2008 ainsi que le chiffre 10 de la décision du Département du 6 mars 2007 et de dire qu'il ne doit aucune taxe ni redevance. A titre préalable, il demande que son recours soit doté de l'effet suspensif. Il dénonce une violation des principes de la légalité, de l'égalité, de la proportionnalité et de l'équivalence ainsi que des règles régissant les changements de pratique administrative. 
 
L'autorité intimée s'en remet à justice quant à la recevabilité du recours; sur le fond, elle persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens (détermination du 5 juin 2008). 
 
Par ordonnance du 6 mai 2008, le Président de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a partiellement admis la demande d'effet suspensif. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 La décision du 6 mars 2007 porte sur l'octroi d'une permission de fouille sous le domaine public, assortie de l'obligation de payer des taxes respectivement pour la fouille et pour la pose de conduites, dont "le montant exact sera calculé et facturé à la fin des travaux". Aussi dans la mesure où il concerne les taxes en question, ce prononcé - de même que l'arrêt du Tribunal administratif qui s'est substitué à lui - met fin à l'instance et constitue ainsi une décision finale au sens de l'art. 90 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), quand bien même il ne fixe pas encore leur montant. Il ne s'agit pas d'une décision préjudicielle ou incidente qui préluderait à une décision finale à rendre dans le cadre d'une autre procédure portant spécifiquement sur la perception des taxes en cause. 
 
1.2 La conclusion du recourant tendant à l'annulation du chiffre 10 de de la décision du Département du 6 mars 2007 est irrecevable, étant donné l'effet dévolutif du recours au Tribunal administratif (cf. ATF 126 II 300 consid. 2a p. 302 s.), dont la décision - de dernière instance cantonale - peut seule être attaquée devant le Tribunal fédéral (art. 86 al. 1 lettre d LTF). 
 
1.3 Au surplus, interjeté par une partie directement touchée par la décision et qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification (cf. art. 89 al. 1 LTF), le recours, dirigé contre un jugement final (cf. art. 90 LTF et ci-dessus consid. 1.1) rendu dans une cause de droit public (cf. art. 82 lettre a LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (cf. art. 86 al. 1 lettre d LTF), est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (cf. art. 100 al. 1 LTF) et la forme (cf. art. 42 LTF) prévus par la loi et que l'on ne se trouve pas dans l'un des cas d'exceptions mentionnés par l'art. 83 LTF
 
1.4 Selon l'art. 95 LTF, le recours (ordinaire) au Tribunal fédéral peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (lettre a). Le droit fédéral au sens de cette disposition comprend notamment les normes de la Constitution fédérale, au nombre desquelles figure la protection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.). Par conséquent, une application arbitraire du droit cantonal est contraire au droit fédéral et constitue un motif de recours (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.2.1 p. 251/252). 
 
2. 
La loi sur les routes s'applique aux voies du domaine public, c'est-à-dire aux voies publiques cantonales et communales affectées par l'autorité compétente à l'usage commun (art. 1). 
 
Selon l'art. 56 al. 1 LRoutes, toute utilisation des voies publiques qui excède l'usage commun doit faire l'objet d'une permission ou d'une concession préalable. 
 
Intitulé "Emoluments, redevances et taxes", l'art. 59 LRoutes dispose que les permissions ne sont délivrées que contre paiement d'un émolument administratif et d'une taxe fixe ou d'une redevance annuelle (al. 1). Selon l'art. 59 al. 2 LRoutes, les taxes fixes ne sont perçues qu'une fois, lors de la délivrance de la permission; elles sont, toutefois, exigibles à nouveau lorsque les objets donnant lieu à taxation sont remplacés, reconstruits ou modifiés. Les redevances annuelles, en revanche, sont dues chaque année pendant toute la durée d'occupation de la voie publique (art. 59 al. 3 LRoutes). D'après l'art. 59 al. 5 LRoutes, les montants des taxes fixes et des redevances annuelles varient entre 10 fr. et 1'000 fr. au m2 ou ml pour les empiétements ou occupations temporaires ou permanents du domaine public, tels que les travaux sur ou sous les voies publiques, dont cette disposition fait une énumération exemplative. Parmi les travaux cités figurent les fouilles. Les montants susmentionnés peuvent d'ailleurs être augmentés pour des fouilles dans une chaussée neuve exécutée depuis moins de 5 ans, selon la nature de la chaussée. Selon l'art. 59 al. 6 LRoutes, le règlement d'application fixe le détail des taxes et redevances pour empiétement sur la voie publique dans le cadre des montants prévus à l'alinéa 5, en prévoyant trois "tarifs maximums" correspondant à trois secteurs: le secteur 1 qui représente le centre urbain communal, le secteur 2 qui comprend les quartiers adjacents et le secteur 3 qui regroupe les autres quartiers; ces secteurs sont délimités par l'autorité communale, d'entente avec l'Etat de Genève; sur leur domaine public respectif, l'Etat et les communes "déterminent librement les modalités d'application de la taxation". L'art. 59 al. 7 LRoutes dispose ce qui suit: 
"Les aménagements suivants sont toutefois exonérés de toute taxe fixe ou redevance: 
a) empiétements pour faciliter l'accès aux personnes handicapées, aux voitures d'enfants et aux personnes âgées; 
b) empiétements mineurs (n'excédant pas 10 centimètres); 
c) empiétements visant à améliorer l'esthétique des bâtiments (tels que fresques, pilastres, colonnes, bow-windows, etc.); 
d) décorations florales et végétales, drapeaux et oriflammes; 
e) tout aménagement imposé par la loi (tels que: sorties de secours exi- gées par la protection civile); 
f) autres cas d'exonération prévus par les communes." 
Les éléments de calcul des taxes fixes sont précisés aux art. 3 et suivants du règlement fixant le tarif des empiétements sur ou sous le domaine public, du 21 décembre 1988 (RS/GE L 1 10.15; ci-après: le règlement). 
 
Les taxes fixes pour fouilles sont réglées à l'art. 5 du règlement. Selon l'alinéa 1er de cette disposition, la taxe pour fouille dans la chaussée se monte à 45 fr. le m2 si la chaussée date de plus de 5 ans et à 78 fr. le m2 dans le cas contraire. D'après l'alinéa 2, la taxe pour fouille dans un trottoir est de 13 fr. le m2 si celui-ci a été exécuté depuis plus de 5 ans et de 32 fr. le m2 dans le cas contraire. Intitulé "Conduites", l'art. 14 du règlement prévoit la perception d'une taxe fixe de 1'000 fr. par ml pour la pose de tubes ou d'installations analogues. Les tarifs des art. 5 et 14 du règlement valent indifféremment pour chacun des trois secteurs prévus à l'art. 59 al. 6 LRoutes. 
 
3. 
3.1 Le recourant fait valoir que le raccordement de ses immeubles aux réseaux d'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales ainsi qu'aux réseaux d'alimentation en eau potable et en gaz est imposé par la loi, de sorte que les conduites posées sous la route de Z.________ constitueraient des "aménagements imposés par la loi", au sens de l'art. 59 al. 7 lettre e LRoutes. En refusant de le mettre au bénéfice de cette disposition, l'autorité intimée aurait violé la loi sur les routes et le principe de l'interdiction de l'arbitraire. Ce refus serait également contraire au principe d'égalité, car la ville de Genève aurait pour pratique constante, dans un cas comme le sien, de ne pas percevoir la taxe fixe de 1'000 fr. le ml prévue par l'art. 14 du règlement, en considérant que le motif d'exonération de l'art. 59 al. 7 lettre e LRoutes est réalisé. D'ailleurs, "pendant des décennies", le canton de Genève n'aurait lui-même pas perçu de taxe pour la pose de conduites imposées par une loi ou un règlement. Il aurait modifié sa pratique durant l'année 2006, sans toutefois observer les conditions auxquelles un tel revirement est admissible. 
 
3.2 Dans la décision attaquée, l'autorité intimée a exclu l'application de l'art. 59 al. 7 lettre e LRoutes au motif que les fouilles ne feraient pas partie des exemptions prévues par le droit cantonal. Elle s'est référée ce faisant à l'un de ses arrêts (ATA/322/2001 du 15 mai 2001, consid. 4a) ainsi qu'à un article de doctrine (Ph. Thélin, La jurisprudence récente en matière de domaine public, in: Bellanger/Tanquerel, Le domaine public, Zurich 2004, p. 144). 
 
Dans l'affaire ayant fait l'objet de l'arrêt du 15 mai 2001, il s'agissait de taxes fixes réclamées à une entreprise au bénéfice d'une concession de fourniture de services de télécommunication pour l'ouverture de fouilles servant à établir des liaisons par fibres optiques. Le Tribunal administratif a considéré que les fouilles en question ne tombaient pas sous le coup de l'art. 59 al. 7 lettres b, c et e LRoutes. Or, il faut convenir avec le recourant que la loi n'impose pas la création d'un réseau de liaisons par fibres optiques, de sorte que ces installations ne sauraient tomber, en particulier, sous le coup de l'art. 59 al. 7 lettre e LRoutes. En revanche, la loi prescrit de raccorder les immeubles au réseau d'évacuation des eaux usées (cf. art. 65 al. 1 de la loi genevoise sur les eaux, du 5 juillet 1961 [LEaux-GE; RS/GE L 2 05]) ainsi que, en principe, aux réseaux d'alimentation en eau potable (cf. art. 63 al. 1 du règlement genevois d'application de la loi sur les cons- tructions et les installations diverses, du 27 février 1978 [RCI; RS/GE L 5 05.01]; l'art. 63 al. 2 RCI permet toutefois de délivrer une autorisation de construire sur une parcelle qui n'est pas desservie par un réseau de distribution d'eau de boisson, à la condition qu'il soit établi "que l'eau d'alimentation est réellement propre à la consommation et peut être obtenue en tout temps en quantité suffisante") et en gaz (cf. art. 79 RCI). Les situations étant différentes, l'arrêt du 15 mai 2001 ne saurait justifier la non-application de l'art. 59 al. 7 lettre e dans le cas particulier. Il en va de même de l'article de doctrine cité plus haut, dans la mesure où il se limite à résumer l'arrêt en question. 
 
L'autorité intimée fait également valoir que l'art. 59 al. 5 LRoutes cite expressément les fouilles à titre d'exemple d'occupation du domaine public donnant lieu au paiement d'une taxe fixe ou d'une redevance annuelle. Toutefois, la mention des fouilles à l'art. 59 al. 5 LRoutes n'implique pas qu'elles soient nécessairement soumises à une taxe ou à une redevance, car elles peuvent aussi servir à des aménagements imposés par la loi et tomber ainsi sous le coup de la clause d'exonération de l'art. 59 al. 7 lettre e LRoutes. 
 
A cela s'ajoute que les arguments précités se rapportent uniquement aux fouilles, mais non à la pose des conduites servant aux différents raccordements, laquelle doit, selon la décision du 6 mars 2007 et l'arrêt du 18 mars 2008, également donner lieu à la perception d'une taxe fixe qui est aussi en cause. 
 
Au vu de ce qui précède, on ne voit pas, en l'état, pourquoi l'art. 59 al. 7 lettre e LRoutes - qui exonère, de manière large, "tout aménagement imposé par la loi" - ne serait pas applicable en l'espèce s'agissant de la pose des conduites et des fouilles effectuées dans ce but. Pour ce motif déjà, la décision entreprise doit être annulée et la cause renvoyée à l'autorité intimée pour qu'elle se prononce à nouveau. 
 
4. 
4.1 Au demeurant, le recourant soutient que la perception d'une taxe de 1'000 fr. par ml de conduites est contraire aux principes de la proportionnalité et d'équivalence, ce d'autant qu'en l'occurrence elle s'ajoute à la "taxe d'écoulement" de 137'518 fr. déjà perçue en relation avec le même projet de construction. Il fait valoir que l'emprise souterraine des conduites en question est relativement modeste (ainsi, les conduites de raccordement au réseau d'alimentation en eau potable n'auraient pas plus de 10 cm de section). De plus, une fois les conduites posées, elles ne provoqueraient aucune perturbation du trafic. La perception d'une taxe fixe de 1'000 fr. le ml se trouverait ainsi en disproportion manifeste avec l'utilité objective de la permission accordée et porterait atteinte au principe d'équivalence. 
 
4.2 La pose de conduites sous le domaine public excède l'usage commun et peut de ce fait donner lieu à la perception d'une contribution. Le point de savoir s'il s'agit d'un usage accru ou d'un usage particulier, soumis à concession, dépend du droit cantonal. En l'absence de réglementation cantonale, la jurisprudence et la doctrine considèrent qu'il y a usage particulier (ATF 76 I 385 consid. 8 p. 395; Markus Rüssli, Nutzung öffentlicher Sachen für die Verlegung von Leitungen, ZBl 2001 p. 350 ss, 354 s. et les références; Häfelin/Müller/Uhlmann, Allgemeines Verwaltungsrecht, 5ème éd., Zurich/Bâle/Genève 2006, n. 2430). 
 
Les contributions perçues pour l'usage particulier du domaine public sont généralement soumises au principe d'équivalence. Ce principe - qui est l'expression du principe de la proportionnalité en matière de contributions publiques - implique que le montant de la contribution soit en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie et reste dans des limites raisonnables. La valeur de la prestation se mesure soit à son utilité pour l'administré, soit à son coût par rapport à l'ensemble des dépenses de l'activité administrative en cause (ATF 126 I 180 consid. 3a/aa p. 188; 132 II 371 consid. 2.1 p. 374/375). Lorsque la prestation en cause est également fournie par des entreprises privées, il est possible de se baser sur sa valeur marchande (ATF 122 I 279 consid. 6c p. 289; arrêt 1P.645/2004 du 1er juin 2005, ZBl 107/2006 p. 478, RDAF 2007 I p. 576, consid. 3.4; Adrian Hungerbühler, Grundsätze des Kausalabgabenrechts, ZBl 2003 p. 505 ss, 520 ss). 
 
Le principe d'équivalence n'exige pas que la contribution corresponde dans tous les cas exactement à la valeur de la prestation pour l'administré ou à son coût pour la collectivité; le montant de la contribution peut en effet être calculé selon un certain schématisme tenant compte de la vraisemblance et de moyennes. La contribution doit cependant être établie selon des critères objectifs et s'abstenir de créer des différences qui ne seraient pas justifiées par des motifs pertinents (arrêt 1P.645/2004, précité, consid. 3.5 et les références; Hungerbühler, op. cit., p. 523 et la jurisprudence citée). 
 
4.3 En l'occurrence, la taxe litigieuse a été fixée en application de l'art. 14 du règlement, qui prévoit un montant de 1'000 fr. par ml pour la pose de tubes ou d'installations analogues, et ce pour chacun des trois secteurs visés à l'art. 59 al. 6 LRoutes. Or, selon le texte de cette dernière disposition, les montants que le règlement fixe pour chacun des trois secteurs représentent "trois tarifs maximums". La taxe peut donc apparemment être fixée à un montant inférieur, le canton de Genève déterminant au surplus "librement les modalités d'application de la taxation" s'agissant de son domaine public (art. 59 al. 6 in fine LRoutes). Quoi qu'il en soit, le montant de 1'000 fr. par ml représente la limite supérieure de la fourchette prévue à l'art. 59 al. 5 LRoutes. 
 
Pour justifier la quotité de la taxe fixe due pour la pose des conduites et démontrer sa conformité au principe d'équivalence, l'autorité intimée de même que l'intimé font valoir que le recourant réalise un "projet immobilier d'envergure", "aux retombées économiques certaines", de sorte que la permission d'utiliser le domaine public aux fins de se raccorder aux réseaux d'évacuation des eaux usées et d'alimentation en eau potable et en gaz lui procurerait un "bénéfice considérable". Cette argumentation perd de vue que, pour juger du respect du principe d'équivalence, le montant de la contribution perçue pour usage particulier du domaine public doit être comparé à la valeur de l'usage concédé, soit en l'occurrence l'utilisation du sous-sol de la route de Z.________ pour la pose de conduites. Cette valeur est fonction de la nature et de la mesure de la mise à contribution du domaine public. En l'occurrence, elle dépend de l'espace occupé par les conduites, soit de leur longueur, mais aussi de leur diamètre, aspect qui n'a pas été pris en compte par les autorités précédentes. Le prix du terrain mis à contribution peut également être pris en considération, dans l'idée que l'administré aurait dû payer ce prix pour acquérir du terrain si la collectivité ne lui en avait concédé l'usage. En revanche, la valeur des immeubles raccordés ne saurait représenter le critère déterminant, car elle n'est pas en rapport direct avec la valeur de la prestation fournie par la collectivité. C'est ainsi que le raccordement de deux immeubles de valeur très différente peut exiger la pose de conduites de mêmes dimensions et, partant, mettre à contribution le domaine public de manière identique. 
 
Dans sa détermination sur le recours au Tribunal de céans, l'intimé fait en outre valoir que la présence des conduites posées par le recourant entraîne "des surcoûts lorsque la collectivité entreprend des travaux tels que la réalisation de nouvelles voies de tramway". Cet argument perd toutefois de sa pertinence au regard de l'art. 62 al. 1 LRoutes, aux termes duquel "lorsque l'exécution de travaux publics ou d'autres motifs d'utilité publique rendent indispensable la suppression ou la modification d'ouvrages existant sur ou dans la voie publique, les frais qui en résultent sont entièrement à la charge des bénéficiaires de permissions ou de concessions". 
 
Au vu de ce qui précède, il n'est pas possible, en l'état, de se prononcer sur le point de savoir si la taxe litigieuse - à supposer qu'elle ne tombe pas sous le coup de l'exonération de l'art. 59 al. 7 lettre e LRoutes (cf. supra consid. 3.2) -, fixée au montant maximal de 1'000 fr. le ml, respecte le principe d'équivalence. Les éléments pris en considération par les autorités précédentes, soit en particulier la valeur des immeubles raccordés, ne sont pas déterminants, alors que d'autres aspects importants, tels que le genre et le diamètre des conduites posées, n'ont pas été pris en compte. Pour ces motifs également, la décision entreprise doit être annulée et le dossier renvoyé à l'autorité intimée pour qu'elle rende une nouvelle décision. 
 
5. 
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis dans la mesure où il est recevable, la décision attaquée étant annulée et la cause renvoyée à l'autorité intimée pour qu'elle statue à nouveau. 
 
Le Tribunal fédéral ne fera pas usage de la faculté prévue à l'art. 68 al. 5 LTF et renverra la cause à l'autorité intimée pour qu'elle statue sur les dépens de la procédure devant elle. 
 
En ce qui concerne la présente procédure, les frais de justice seront supportés par le canton de Genève, dont l'intérêt patrimonial est en cause (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Le recourant a droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF), qu'il convient de mettre à la charge du canton de Genève. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 18 mars 2008 est annulé et la cause renvoyée à l'autorité intimée pour qu'elle statue à nouveau. Le Tribunal administratif du canton de Genève statuera en outre sur les dépens de la procédure cantonale. 
 
2. 
Des frais judiciaires de 3'500 fr. sont mis à la charge du canton de Genève. 
 
3. 
Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 4'000 fr. à titre de dépens. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Département des constructions et des technologies de l'information et au Tribunal administratif du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 15 octobre 2008 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Merkli Vianin