1C_134/2021 13.01.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_134/2021  
 
 
Arrêt du 13 janvier 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Haag et Hofmann, Juge suppléant. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
F.________, 
représentée par Me Yannick Fernandez, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
E.________ Sàrl, 
représentée par Me Jeremy Carrat, avocat, 
intimée, 
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
Autorisation de construire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre administrative, du 9 février 2021 
(ATA/156/2021 - A/1330/2019-LCI). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 29 juin 2018, la société E.________ Sàrl a requis du Département du territoire de la République et canton de Genève (ci-après: le Département) l'autorisation de construire un habitat groupé de neuf logements en propriété par étage, à haute performance énergétique, avec un parking souterrain, sur la parcelle n° 1'084 de la commune de Cologny (ci-après: la commune). Ce terrain, d'une surface de 2'222 m2, est situé à l'adresse 15, chemin des Buclines, à Cologny. 
Selon les plans déposés, la surface de sous-sol prévue était de 557.17 m2. Les constructions de peu d'importance décomptées selon la requête d'autorisation de construire, d'un total de 94.13 m2, étaient les suivantes: au rez-de-chaussée, le local poubelles/vélos de 21.20 m2, le couvert de la rampe d'accès au sous-sol de 31.50 m2 et l'auvent surplombant l'entrée de 9.91 m2; au 1er étage, les balcons de 15.76 m2; au 2ème étage, les balcons de 15.76 m2. 
La commune a émis un préavis défavorable, considérant que la densification était trop importante et ne laissait pas suffisamment de surface en pleine terre. La commission d'architecture, après avoir demandé une modification du projet, l'a préavisé favorablement, y compris la dérogation permettant un taux d'utilisation du sol de 44 % selon l'art. 59 al. 4 de la loi genevoise du 14 avril 1988 sur les constructions et les installations diverses (LCI; RS/GE L 5 05). Les autres préavis recueillis étaient également favorables, le cas échéant avec des conditions ou des souhaits. 
Le 1er mars 2019, le Département a délivré à la constructrice l'autorisation de construire requise. 
 
B.  
Au terme d'un jugement rendu le 12 décembre 2019 sur recours de notamment F.________, le Tribunal administratif de première instance (ci-après: le TAPI) a annulé cette autorisation au motif que la surface des constructions en sous-sol dépassait les limites prévues par l'art. 59 al. 8 ss LCI. Le TAPI a en outre relevé qu'aucun plan ne semblait mentionner la suppression des places de stationnement sises sur le chemin des Buclines, pourtant essentielle pour assurer l'accès des véhicules de secours à la place de travail qui leur est destinée selon le préavis de la Police du feu; le tribunal a ainsi estimé que l'autorisation de construire litigieuse devrait soumettre l'ouverture du chantier à l'obtention préalable d'un accord de la commune de Chêne-Bougeries sur cette question, mais a renoncé à réformer la décision en ce sens dans la mesure où elle devait être annulée pour le précédent motif. 
Saisie d'un recours de la constructrice, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a annulé ce jugement et a rétabli l'autorisation de construire délivrée par le Département le 1er mars 2019 en y ajoutant la condition suivante: " l'ouverture du chantier ne pourra pas avoir lieu avant l'obtention d'un accord de la commune de Chêne-Bougeries concernant la suppression des places de parking situées sur le chemin des Buclines, face à l'entrée prévue pour les véhicules de secours incendie " (arrêt ATA_1 du 29 mai 2020). 
 
C.  
Par arrêt du 16 octobre 2020 (1C_398/2020), la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral, retenant une violation du droit d'être entendus des recourants, a admis leur recours, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à la cour cantonale pour qu'elle statue à nouveau en tenant compte des observations spontanées des recourants du 4 juin 2020. 
Après avoir invité les recourants à se déterminer, la Cour de justice a derechef annulé le jugement du 1er mars 2019 en y ajoutant la condition relative à l'ouverture du chantier (arrêt ATA/156/2021 du 9 février 2021). 
 
D.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, F.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 9 février 2021 de la Cour de justice et l'autorisation de construire délivrée le 1er mars 2019 par le Département. 
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'intimée et le Département du territoire concluent au rejet du recours. La recourante a répliqué. La constructrice, le Département et la Cour de justice ont renoncé à déposer des observations complémentaires. 
Par ordonnance du 20 avril 2021, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est recevable comme recours en matière de droit public, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.  
 
1.2. En vertu de l'art. 89 al. 1 LTF, peut former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). Selon la jurisprudence, le voisin a qualité pour agir lorsque son terrain jouxte celui du constructeur ou se trouve à proximité immédiate de celui-ci (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174; plus récemment arrêt 1C_46/2017 du 21 novembre 2018 consid. 1.1 non publié aux ATF 145 II 32). Tel est notamment le cas de la recourante, propriétaire d'une parcelle contigüe au projet de construction litigieux qu'elle tient pour non conforme, entre autres, à la législation fédérale sur l'aménagement du territoire. Ayant par ailleurs pris part à la procédure devant la cour cantonale, la recourante a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.  
 
1.3. Les autres conditions de recevabilité sont par ailleurs réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière.  
 
2.  
La recourante se plaint tout d'abord d'une violation de l'art. 22 LAT
 
2.1. Aux termes de l'art. 22 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (al. 1). Pour qu'une autorisation soit délivrée, la construction ou l'installation doit en principe être conforme à l'affectation de la zone et le terrain équipé (al. 2 let. a et b). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (al. 3).  
Dans un cas d'espèce, la simple autorisation d'un projet donné ne permet souvent pas d'atteindre, ou en tout cas pas de manière satisfaisante, les buts visés par le droit de la construction et l'aménagement du territoire. Plutôt que de rejeter la demande, l'autorité doit avoir la faculté d'ajouter à l'autorisation des clauses accessoires, qui complètent, accompagnent ou renforcent les conclusions principales. Seules des mesures secondaires peuvent faire l'objet de clauses accessoires; en effet, lorsqu'une demande de permis de construire omet de préciser un élément essentiel ou une condition de base à l'octroi de l'autorisation, celle-ci doit être rejetée; l'autorité compétente en matière de construction ne peut pas corriger ou compléter elle-même les demandes de permis lacunaires. Un permis de construire dont le fondement légal serait relégué au rang de clause accessoire est contraire au principe de la légalité (ALEXANDER RUCH, in Commentaire pratique LAT: Autorisation de construire, protection juridique et procédure, 2020, n. 18 ad art. 22 LAT).  
La condition est une clause accessoire qui lie les effets de l'autorisation à un événement futur, dont la survenance est incertaine. La réalisation de cet événement peut dépendre du requérant (condition potestative), ou être indépendante de sa volonté (condition casuelle); elle peut rendre effective l'autorisation de construire (condition suspensive) ou l'annuler (condition résolutoire) (cf. ibid., n. 20 ad art. 22 LAT).  
 
2.2.  
 
2.2.1. Dans le dispositif de l'arrêt attaqué, la Cour de justice a rétabli l'autorisation de construire délivrée par le Département le 1er mars 2019, en y ajoutant la condition suivante: "l'ouverture du chantier ne pourra pas avoir lieu avant l'obtention d'un accord de la commune de Chêne-Bougeries concernant la suppression des places de parking situées sur le chemin des Buclines, face à l'entrée prévue pour les véhicules de secours incendie".  
La recourante soutient que le procédé arrêté par la cour cantonale est contraire à l'art. 22 LAT, parce que cette façon de procéder revient à permettre à une autorité judiciaire, la commune de Chêne-Bougeries, qui n'est légalement pas compétente, d'autoriser la suppression de places de stationnement en dehors du processus très formel des demandes d'autorisation de construire. Elle considère que la condition litigieuse excède le cadre limité circonscrit par la décision attaquée, dans la mesure où l'objet de cette dernière est limité à la parcelle n° 1'084 de la commune de Cologny et ne concerne pas le domaine public communal de Chêne-Bougeries. Finalement, elle estime que le modus operandi suivi revient à guérir au moyen d'une clause accessoire une autorisation de construire viciée sur un élément principal.  
 
2.2.2. En l'espèce, rien ne laisse à penser que le TAPI et la Cour de justice ignoraient qu'une procédure idoine devait être menée auprès du Département pour la suppression envisagée. Manifestement, leur intention n'était pas d'octroyer à la commune de Chêne-Bougeries une compétence décisionnelle relevant ex lege du Département, ni même de sortir les places de stationnement concernées du processus formel usuel des autorisations de construire, comme le soutient la recourante. La formulation des considérants topiques et des dispositifs du jugement du TAPI et de l'arrêt cantonal ne prête à cet égard aucunement le flanc au doute. Le TAPI a notamment expressément relevé que le dossier produit pour l'autorisation de construire requise ne fournissait pas des garanties suffisantes par rapport à la suppression des places de parc sises sur le chemin des Buclines, rendue nécessaire par le projet litigieux, et qu'il était envisageable que la commune n'agrée pas ladite suppression (cf. jugement du TAPI pt. 74). Le TAPI et la Cour de justice ont d'ailleurs soumis, non pas l'autorisation de construire elle-même, mais seulement l'ouverture du chantier à ladite condition. Ainsi, c'est uniquement afin d'éviter le risque de décisions contradictoires que les précédentes instances judiciaires ont prévu la condition suspensive précitée.  
Par ailleurs, même si le projet litigieux n'est directement prévu que sur la parcelle n° 1'084 de la commune de Cologny, il impacte indirectement le domaine public communal de Chêne-Bougeries, dans la mesure où, ainsi que l'ont constaté les premiers juges, ledit projet impliquerait la suppression des places de stationnement concernées. Or, attendu que la commune de Chêne-Bougeries n'a apparemment pas été associée à satisfaction au processus décisionnel, il apparaît parfaitement justifié de solliciter l'accord préalable de cette commune. Ainsi utilisée, la condition suspensive empêche donc les décisions contradictoires et participe à la coordination des procédures (art. 25a al. 3 LAT). Aussi ne saurait-on aboutir à la conclusion qu'elle excède le cadre limité circonscrit par la décision attaquée. 
Enfin, force est de constater que le projet en lui-même est exclusivement prévu sur la parcelle n° 1'084 de la commune de Cologny et que la suppression des places de stationnement concernées sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries ne constitue qu'une conséquence indirecte dudit projet. Il était dans cette mesure loisible au Département de renoncer à refuser l'autorisation de construire requise et de se limiter à prévoir une condition suspensive à l'ouverture du chantier. La condition suspensive, en tant que clause accessoire, est précisément prévue pour les situations où l'événement dont la survenance est attendue ne constitue pas un élément de base du projet, mais où - à la différence de la charge - il est malgré tout suffisamment important pour repousser l'effectivité de l'autorisation. On peut encore relever, dans ce contexte, qu'il apparaît pour le moins contradictoire de soutenir, d'une part, que la condition prévue excède l'objet de la décision attaquée et de prétendre, d'autre part, qu'elle traite d'un élément essentiel du projet qui ne pouvait être relégué au rang de clause accessoire. 
Mal fondé, le grief est rejeté. 
 
3.  
La recourante se plaint ensuite d'une violation de l'art. 33 LAT
 
3.1. L'art. 33 al. 2 LAT dispose que le droit cantonal prévoit au moins une voie de recours contre les décisions et les plans d'affectation fondés sur la présente loi et sur les dispositions cantonales et fédérales d'exécution.  
 
3.2. La recourante soutient que la condition ajoutée à l'autorisation de construire par la cour cantonale équivaut à une nouvelle autorisation de construire, qui, en violation de l'art. 33 al. 2 LAT, ne pourrait être contestée par-devant une instance cantonale.  
Ainsi qu'on l'a vu (cf. supra consid. 2.3), il ne s'agit aucunement en l'espèce d'octroyer une compétence décisionnelle à la commune de Chêne-Bougeries ou de sortir les places de stationnement concernées du processus formel usuel des autorisations de construire. La condition ajoutée par la Cour de justice dans l'arrêt cantonal n'est donc pas matériellement assimilable à une nouvelle autorisation de construire. Dans la mesure où la recourante a pu faire valoir ses griefs à l'encontre du projet litigieux devant les différentes instances cantonales et fédérale, et notamment devant la Cour de justice, c'est en vain qu'elle se prévaut d'une violation de l'art. 33 al. 2 LAT.  
Par conséquent, ce grief est rejeté. 
 
4.  
Le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal (art. 95 LTF); il examine en revanche sous l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation et l'application des autres règles du droit cantonal ou communal (ATF 141 I 36 consid. 5.4; 138 V 67 consid. 2.2; 134 II 349 consid. 3). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 144 IV 136 consid. 5.8; 144 I 170 consid. 7.3). 
Dans ce contexte, la partie recourante est soumise aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF
 
5.  
La recourante invoque une application arbitraire de l'art. 67 al. 1 et 3, de l'art. 69 al. 1 et 3 de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative (LPA; RS/GE E 5 10), ainsi que de l'art. 1 al. 1 let. e LCI. 
 
5.1.  
 
5.1.1. L'art. 67 LPA, intitulé "Effet dévolutif du recours" dispose que dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l'affaire qui en est l'objet passe à l'autorité de recours (al. 1). L'autorité de recours continue à traiter le recours dans la mesure où la nouvelle décision ne l'a pas rendu sans objet (al. 3).  
En vertu de l'art. 69 LPA, intitulé "Pouvoir de décision", la juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties. Elle n'est en revanche pas liée par les motifs que les parties invoquent (al. 1). Si la juridiction administrative admet le recours, elle réforme la décision attaquée ou l'annule. Si elle le juge nécessaire, elle peut renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué pour nouvelle décision (al. 3). 
 
5.1.2. Selon l'art. 1 al. 1 let. e LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voie publique.  
 
5.2. La recourante soutient que la Cour de justice n'était pas en droit de réformer l'autorisation de construire requise et qu'elle devait nécessairement annuler le jugement du TAPI, parce que "l'effet dévolutif [...] va au-delà du cadre de l'autorisation attaquée": elle fait valoir derechef que l'arrêt cantonal octroie à la commune des compétences qui relèvent exclusivement du Département, que la condition ajoutée excède le cadre de l'autorisation et que le nouveau projet de construction se retrouve ainsi soustrait à tout contrôle juridictionnel sur le plan cantonal. A son avis, la condition ajoutée à l'autorisation de construire par la cour cantonale équivaut à une nouvelle autorisation de construire, donnée hors du cadre de l'art. 1 al. 1 LCI.  
 
5.3. Ainsi qu'on l'a vu (cf. supra consid. 2.2 et 3.2), ces reproches tombent à faux. Dans ces conditions, une application arbitraire du droit cantonal n'entre pas en ligne de compte.  
Il s'ensuit que ces griefs sont rejetés. 
 
6.  
La recourante invoque finalement une application arbitraire de l'art. 59 al. 10 LCI. 
 
6.1.  
 
6.1.1. Aux termes de l'art. 59 al. 8 LCI, la surface des constructions en sous-sol, exprimée en m² de plancher brut, ne doit pas excéder la surface de plancher hors sol qui peut être autorisée. Dans tous les cas, la surface du sous-sol, y compris celle du sous-sol des constructions de peu d'importance, ne peut excéder le 20 % de la surface de la parcelle; cette surface peut être portée à 22 % lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, respectivement à 24 % lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 9 LCI). Le département peut toutefois admettre une surface de sous-sol non comprise dans le calcul du rapport des surfaces, tel que défini aux alinéas 8 et 9 de l'art. 59 LCI, si la construction de garages au sous-sol permet de renoncer à l'édification de constructions de peu d'importance à destination de garages en surface (art. 59 al. 10 LCI).  
 
6.1.2. Selon la jurisprudence, les dispositions dérogatoires ne doivent pas nécessairement être interprétées de manière restrictive, mais selon les méthodes d'interprétation ordinaires. Une dérogation importante peut ainsi se révéler indispensable pour éviter les effets rigoureux de la réglementation ordinaire. En tous les cas, la dérogation doit servir la loi ou, à tout le moins, les objectifs recherchés par celle-ci: l'autorisation exceptionnelle doit permettre d'adopter une solution reflétant l'intention présumée du législateur s'il avait été confronté au cas particulier. L'octroi d'une dérogation suppose une situation exceptionnelle et ne saurait devenir la règle, à défaut de quoi l'autorité compétente pour délivrer des permis de construire se substituerait au législateur cantonal ou communal par le biais de sa pratique dérogatoire. Il implique une pesée entre les intérêts publics et privés de tiers au respect des dispositions dont il s'agirait de s'écarter et les intérêts du propriétaire privé à l'octroi d'une dérogation. Des raisons purement économiques ou l'intention d'obtenir une utilisation optimale du terrain ne suffisent pas à elles seules pour justifier une dérogation (cf. arrêts 1C_447/2020 du 5 juillet 2021 consid. 3.1; 1C_104/2020 du 23 septembre 2020 consid. 3.2; 1C_603/2018 du 13 janvier 2020 consid. 4.3; 1C_279/2018 du 17 décembre 2018 consid. 4.1.3 et les références).  
 
6.2.  
 
6.2.1. Dans sa réponse, le Département a exposé douter de la recevabilité même de ce grief, dans la mesure où la qualité pour recourir est en principe déniée au voisin lorsque seules des constructions en sous-sol sont concernées.  
Dans deux affaires (arrêts 1C_565/2012 du 23 janvier 2013 consid. 2.3, in SJ 2013 I p. 526; 1C_476/2015 du 3 août 2016 consid. 3.3), le Tribunal fédéral, constatant l'absence d'intérêt pratique à obtenir l'annulation ou la modification de la décision attaquée, a par deux fois refusé d'entrer en matière sur le grief d'application arbitraire de l'art. 59 al. 10 LCI invoqué. Il a, dans les deux cas, concrètement constaté que la modification de la surface en sous-sol destinée à la création de places de parking n'était pas de nature à entraîner une modification du projet en surface. Devant le Tribunal fédéral, la recourante ne motive aucunement la recevabilité de ce grief, alors que la question a été discutée tant devant le TAPI que devant la Cour de justice. Ainsi, et même si ces deux instances ont, de façon respectivement explicite et implicite, admis l'existence d'un intérêt pratique à invoquer ce grief, il apparaît douteux que le recours remplisse à cet égard les exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF
La question de la recevabilité du grief peut cependant être laissée indécise, dans la mesure où celui-ci doit de toute façon être rejeté au fond. 
 
6.2.2. Certes, une approche strictement littérale de l'art. 59 al. 10 LCI conduit à l'interprétation opérée par le TAPI et la recourante: cette norme ne permet en effet au Département d'aller au-delà des maxima prévus aux alinéas précédents que si la construction de garages au sous-sol permet de renoncer à l'édification de constructions de peu d'importance à destination de garages en surface. Or, pour pouvoir littéralement "renoncer" à de telles constructions en surface, il faut d'abord effectivement pouvoir les réaliser, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque, en surface, le potentiel de constructions de peu d'importance est déjà presque totalement utilisé par le local à poubelles, le garage à vélos, des balcons et un auvent.  
Toutefois, l'approche téléologique conduit à un autre résultat, à savoir celui auquel aboutit la Cour de justice: elle a plus ou moins explicitement considéré que le but de la norme concernée n'était pas tant de fixer une limite à l'utilisation du sous-sol, mais plutôt d'éviter que la surface des terrains concernés soit occupée par des voitures. C'est dans cet esprit qu'elle a justement renvoyé à plusieurs de ses précédents arrêts. L'approche suivie par les juges cantonaux va d'ailleurs dans le sens de la LAT, qui préconise le développement de l'urbanisation vers l'intérieur du milieu bâti (art. 1 al. 2 let. a bis LAT), la création d'un milieu bâti compact (art. 1 al. 2 let. b LAT) et la densification des surfaces de l'habitat (art. 3 al. 3 let. a bis LAT). C'est le lieu de préciser que le déplacement des places de parking en sous-sol contribue généralement, pour autant que leur implantation se fasse sous l'assiette des bâtiments, à l'objectif consistant à réduire l'imperméabilisation des sols mentionné notamment par la Fiche D01 du Plan directeur cantonal 2030. Partant, cette approche n'est pas arbitraire, en tout cas pas dans son résultat. 
Ainsi, pour autant que recevable, ce grief est rejeté. 
 
 
7.  
Vu ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais de la recourante (art. 66 al. 1 et 5 LTF). L'intimée, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens au Département (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Une indemnité de dépens de 3'000 fr. est allouée à l'intimée, à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Département du territoire de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 13 janvier 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
La Greffière : Sidi-Ali