1B_311/2009 17.02.2010
Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1B_311/2009 
 
Arrêt du 17 février 2010 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant, Reeb et Eusebio. 
Greffière: Mme Tornay Schaller. 
 
Parties 
A.________, représenté par Prof. Dr Isabelle Romy et Dr Ernst F. Schmid, avocats, 
recourante, 
 
contre 
 
Ministère public de la Confédération, 1000 Lausanne 22. 
 
Objet 
Séquestre aux fins de confiscation, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Ire Cour des plaintes, du 28 septembre 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
Le 24 août 2005, la société B.________, appartenant à A.________ Group (devenue en avril 2008 X.________), a octroyé un prêt de 10 millions d'euros à la société C.________, contrôlée par D.________, citoyen bulgare. Dans le cadre de cette opération, B.________ s'est d'une part, refinancée au moyen d'un prêt de 10 millions d'euros obtenu auprès de A.________ et a d'autre part conclu un "Put Option Agreement" avec la société E.________ , également propriété de D.________. Par ce biais, B.________ a acquis le droit d'exercer une option à l'encontre de E.________, laquelle consiste en la cession de cette dernière, contre paiement par E.________ du montant du prêt, plus intérêts et coûts ("strike price"). Aux termes de l'accord, ladite option pouvait être exercée par B.________ à l'encontre de E.________ dans l'hypothèse où C.________ serait en demeure de rembourser le prêt contracté auprès de B.________. Les parties ont encore prévu de garantir le paiement du "strike price" par une convention octroyant à B.________ un droit de gage sur les valeurs détenues par E.________ auprès de A.________ sous la relation bancaire n° xxx. Deux autres accords entre E.________, B.________ et A.________ prévoient pour le surplus que la qualité du détenteur du droit de gage sur les valeurs en compte au nom de E.________ revient à la seule A.________ d'une part, et la cession à cette dernière, par B.________, de sa créance issue de la "Put Option", d'autre part. A ce jour, C.________ n'a pas remboursé le crédit de 10 millions d'euros, lequel est échu depuis le 16 août 2008. 
 
B. 
En avril et mai 2007, le parquet bulgare a requis l'entraide des autorités helvétiques dans le cadre d'une enquête pour crime contre le système financier, blanchiment d'argent et criminalité organisée ouverte notamment à l'encontre de D.________. Il est reproché à ce dernier et à ses comparses d'être membres d'une organisation criminelle active dans le trafic de stupéfiants et d'utiliser, pour couvrir ces activités, le paravent de l'activité immobilière et financière. Les faits se seraient déroulés à compter du 1er janvier 2003 et auraient notamment des ramifications en Bulgarie, en Allemagne, en Autriche, en Espagne et en Suisse. Dans le cadre de la procédure d'entraide accordée à la Bulgarie, le Ministère public de la Confédération (ci-après: le MPC) a ordonné le séquestre, le 29 août 2007, de certaines relations bancaires, notamment du compte n° xxx dont E.________ est titulaire auprès de A.________ et dont l'ayant droit économique est D.________. Par arrêt du 1er décembre 2008, le Tribunal fédéral a confirmé l'arrêt du Tribunal pénal fédéral du 24 septembre 2008, lequel avait rejeté la plainte formée par E.________ contre la remise de moyens de preuves (art. 74 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale du 20 mars 1981 [EIMP; RS 351.1]) aux autorités bulgares. 
 
C. 
Le 1er février 2008, le MPC a ouvert une enquête de police judiciaire à l'encontre de F.________, ressortissant bulgare et de son employeur G.________, pour soupçon de blanchiment d'argent (art. 305bis CP), trafic aggravé de stupéfiants (art. 19 ch. 2 LStup) et appartenance à une organisation criminelle (art. 260ter CP). L'enquête a été étendue notamment à D.________, H.________, I.________ et J.________ le 20 octobre 2008 et à K.________, cadre auprès de A.________, le 17 avril 2009. Par décision du 27 octobre 2008, le MPC a, sur la base des art. 65, 69, 71 et 101 de la loi fédérale sur la procédure pénale du 15 juin 1934 (PPF; RS 312.0) ainsi que de l'art. 69 ss CP, ordonné le blocage de différentes valeurs patrimoniales déposées auprès de A.________, au nombre desquelles figure le compte n° xxx. Par courrier du 10 novembre 2008, le MPC a, en réponse à une interpellation de A.________, précisé que le blocage ordonné le 27 octobre 2008 concernait également le montant de 10 millions d'euros gagés par E.________ en faveur de A.________, et qu'aucun prélèvement n'était autorisé sur ledit compte. 
Par ordonnance du 22 janvier 2009, le MPC a rejeté la requête formée par A.________ le 17 novembre 2008, tendant à la levée du séquestre sur la relation bancaire n° xxx. 
 
D. 
Par arrêt du 28 septembre 2009, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (ci-après: le Tribunal pénal fédéral) a rejeté la plainte formée par A.________ contre la décision du 22 janvier 2009 du MPC. Elle a considéré en substance que la bonne foi de A.________ n'était pas d'emblée et indubitablement établie à ce stade de la procédure, ce qui excluait une levée du séquestre. 
 
E. 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal pénal fédéral ainsi que l'ordonnance du MPC du 27 octobre 2008, et de lever immédiatement le séquestre. Subsidiairement, elle conclut à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pénal fédéral pour nouvelle décision. Elle se plaint notamment de violations de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.), de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.) et de la garantie de la propriété (art. 26 Cst.). 
Le Tribunal pénal fédéral se réfère intégralement à son arrêt. Le MPC conclut au rejet du recours. Sans y avoir été invitée, la recourante a répliqué. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 135 III 329 consid. 1 p. 331). 
 
1.1 Le recours en matière pénale, au sens de l'art. 78 al. 1 LTF, est ouvert contre une décision prise par le Tribunal pénal fédéral portant, comme en l'espèce, sur le maintien d'un séquestre en vue de confiscation (art. 79 in fine LTF). La recourante a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt juridique à l'annulation de la décision attaquée, dans la mesure où elle dispose d'un droit de gage sur le compte bloqué (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6S.365/2005 du 8 février 2006 consid. 4.2.1 et les références citées; cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_212/2007 du 12 mars 2008 consid. 1.4): elle a donc qualité pour recourir au sens de l'art. 81 al. 1 LTF
 
1.2 La décision par laquelle le juge prononce, maintient ou refuse un séquestre pénal constitue une décision incidente, qui ne met pas fin à la procédure (ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; 126 I 97 consid. 1b p. 100 et les références). Conformément à l'art. 93 al. 1 let. a LTF, une telle décision ne peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral que si elle peut causer un préjudice irréparable. Selon la jurisprudence relative à l'art. 87 al. 2 OJ, et reprise dans le cadre de l'art. 93 LTF (ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141 et les références), le séquestre de valeurs patrimoniales cause en principe un dommage irréparable, dans la mesure où le détenteur se trouve privé temporairement de la libre disposition des valeurs saisies (ATF 126 I 97 consid. 1b p. 101; voir également ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; 89 I 185 consid. 4 p. 187 et les références). La situation de la recourante pourrait y être assimilée: le séquestre empêche temporairement celle-ci de faire réaliser sa garantie réelle, alors que la créance résultant du contrat de prêt est échue depuis le 16 août 2008. La question peut cependant demeurer indécise, vu l'issue du recours. 
 
1.3 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Dans le cadre d'un recours dirigé contre une mesure provisionnelle, la recourante ne peut critiquer la constatation des faits, susceptibles d'avoir une influence déterminante sur l'issue de la procédure, que si ceux-ci ont été établis en violation de droits fondamentaux, ce qu'il lui appartient de démontrer par une argumentation répondant aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF. Le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral est limité, pratiquement, à l'arbitraire (cf. ATF 133 III 393 consid. 7.1 p. 398). 
 
2. 
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, la recourante voit une violation de son droit d'être entendue, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., dans le refus du Tribunal pénal fédéral d'entrer en matière sur un grief relatif au prétendu revirement du MPC quant à l'engagement que celui-ci aurait pris de lever le séquestre litigieux le 18 février 2009. Elle se plaint en outre d'une violation de son droit d'être entendue en raison d'un défaut de motivation de l'arrêt attaqué. 
 
2.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités). 
 
2.2 En l'espèce, le Tribunal pénal fédéral n'est pas entré en matière sur le grief relatif aux revirements du MPC par rapport à l'engagement qu'il aurait pris de lever le séquestre du compte litigieux, faute d'éléments factuels concrets à sa disposition. Il a considéré que le grief se fondait uniquement sur des entretiens téléphoniques que les parties auraient eus entre elles - dont seule la recourante faisait état au demeurant - et dont il n'était pas possible de connaître le contenu. L'instance précédente a donc précisé les raisons pour lesquelles elle n'a pas traité le grief, de sorte que l'on ne saurait lui reprocher un déni de justice formel. De plus, la recourante ne démontre pas en quoi l'examen sur le fond de ce grief serait susceptible de prouver la bonne foi de la recourante et, partant, en quoi cette question serait décisive pour l'issue du litige. Le grief doit être écarté. 
La recourante soutient également que le Tribunal pénal fédéral n'aurait pas examiné les nombreuses pièces fournies par la recourante pour démontrer qu'elle aurait rempli tous ses devoirs de diligence posés par la loi et les circonstances. Ce reproche tombe à faux dans la mesure où le Tribunal pénal fédéral fait référence, dans son arrêt, aux pièces produites par A.________ notamment au rapport interne de juin 2005 ("request for approval") et à la visite en Bulgarie de deux employés de la banque. 
La recourante prétend enfin à tort que le Tribunal pénal fédéral n'aurait pas spécifié ce que sont les "zones d'ombres encore importantes révélées par l'enquête", puisqu'elle admet elle-même, quelques lignes plus loin, que l'une de ces zones d'ombre est l'assassinat en mai 2005 de L.________, l'ancien associé de D.________. D'ailleurs, la lecture de l'arrêt attaqué permet de comprendre sans difficulté les motifs qui ont fondé la décision du Tribunal pénal fédéral (cf. consid. 4.2 ci-dessous). Cette motivation n'a du reste pas échappé à la recourante, qui est précisément en mesure d'attaquer la décision sur ce point. Par conséquent, le grief de la violation du droit d'être entendu doit être rejeté. 
 
3. 
Sur le fond, il y a lieu de rappeler que le séquestre pénal est une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice. En l'espèce, la décision litigieuse est fondée sur l'art. 65 PPF, disposition selon laquelle peuvent être séquestrés les objets et les valeurs "qui feront probablement l'objet d'une confiscation". Comme cela ressort du texte de cette disposition, une telle mesure est fondée sur la vraisemblance; elle porte sur des objets dont on peut admettre, prima facie, qu'ils pourront être confisqués en application du droit pénal fédéral. Une simple probabilité suffit car, à l'instar de toute mesure provisionnelle, la saisie se rapporte à des prétentions encore incertaines. L'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire, ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 116 Ib 96 consid. 3a p. 99; 103 Ia 8 consid. III/1c p. 13; 101 Ia 325 consid. 2c p. 327). Le séquestre pénal se justifie aussi longtemps que subsiste une probabilité de confiscation (SJ 1994 p. 90 et 102) et ne peut être levé que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation en mains de tiers ne sont pas réalisées, et ne pourront l'être (arrêt du Tribunal fédéral 1S.8/2006 du 12 décembre 2006 consid. 6.1). 
 
4. 
La recourante s'est fondée sur l'art. 70 al. 2 CP en lien avec l'art. 65 al. 1 PPF pour requérir la levée immédiate du blocage du compte n° xxx, sur lequel elle a rendu vraisemblable l'existence d'un droit de gage en sa faveur à hauteur de 10 millions d'euros. Elle prétend avoir acquis son droit de gage sur les valeurs séquestrées en toute bonne foi et en échange d'une contre-prestation équitable, ce qui rendrait inadmissible la confiscation des valeurs passées en mains de tiers au sens de l'art. 70 al. 2 CP. Partant, et dans la mesure où l'art. 65 al. 1 PPF pose comme condition préalable au séquestre de valeurs patrimoniales la "confiscation probable" de ces dernières, elle estime que les conditions légales du blocage ne sont pas remplies. Elle fait grief au Tribunal pénal fédéral d'avoir arbitrairement retenu qu'à ce stade, sa bonne foi n'était pas indubitablement établie. 
La levée de séquestre de valeurs litigieuses étant autorisée uniquement lorsque la confiscation en main de tiers est d'emblée et indubitablement exclue, l'objet de la contestation porte donc sur le fait de savoir s'il est d'emblée manifeste et indubitable que A.________ a acquis son droit de gage sur les valeurs séquestrées en toute bonne foi. 
 
4.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'instance précédente que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4; 134 I 263 consid. 3.1 p. 265 s. et les arrêts cités). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, si elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision ou lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 127 I 38 consid. 2a p. 41). Il appartient au recourant de démontrer l'arbitraire de la décision attaquée, conformément aux exigences de motivation déduites de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 134 I 263 consid. 3.1 p. 265; 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et les références). 
 
4.2 Dans l'arrêt attaqué, après avoir précisé que la question de la bonne foi de la recourante ne pouvait être tranchée que par le juge du fond, le Tribunal pénal fédéral a constaté qu'un certain nombre d'éléments permettait d'affirmer que la bonne foi de la recourante n'était pas d'emblée et indubitablement établie à ce stade, ce qui excluait la levée du séquestre. Il a d'abord relevé que l'ayant droit économique du compte séquestré était D.________, lequel, fait l'objet en Bulgarie d'une enquête pour blanchiment d'argent, trafic de stupéfiants et fraude fiscale et a été arrêté provisoirement dans ce pays dans le courant de l'année 2007. Selon les autorités bulgares, le prénommé serait à la tête d'une organisation criminelle opérationnelle dans le trafic de drogue avec l'Amérique du Sud et plusieurs sociétés auraient été constituées par le biais desquelles des bateaux et des appartements auraient été acquis. Le produit du trafic de stupéfiants aurait été transféré vers la Bulgarie par virements bancaires ainsi qu'en le dissimulant dans des voitures. L'entraide bulgare a permis de retrouver en Suisse un certain nombre de comptes bancaires ouverts au nom de société dont les ayants droit économiques se trouvent être D.________ et son ex-associé, feu L.________, ressortissant bulgare assassiné en mai 2005 à Sofia, ainsi que H.________, le père de ce dernier. 
Le Tribunal pénal fédéral a ensuite relevé que le MPC avait étendu son enquête, au mois d'avril 2009, à K.________, cadre auprès de A.________ en charge de la clientèle bulgare. Il ressortait des déclarations de la prénommée qu'elle avait eu accès à des informations quant à l'implication de certains de ses clients, parmi lesquels D.________ et feu L.________, dans des affaires judiciaires, notamment pour blanchiment d'argent et trafic de stupéfiant. Sa hiérarchie en aurait systématiquement été informée par ses soins, mais ne l'aurait jamais incitée à cesser ces activités avec la clientèle en question. L'assassinat de L.________ en mai 2005, puis de la mère de ce dernier au printemps 2007, dans des circonstances pour le moins peu claires n'avaient toutefois pas conduit A.________ à revoir sa politique avec lesdits clients, aucune communication au Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (Money Laundering Reporting Office-Switzerland ou MROS) de l'Office fédéral de la police, n'ayant par exemple été entreprise. Le Tribunal pénal fédéral a relevé que A.________ prétendait, pièces à l'appui, avoir pris toutes les mesures requises pour évaluer la situation au moment de l'assassinat de L.________, dépêchant notamment deux personnes en Bulgarie à cette fin, la décision de poursuivre les relations bancaires avec D.________ s'étant finalement fondée sur un rapport interne ("request for approval") du 27 juin 2005. Toutefois, vu la complexité de l'affaire et les zones d'ombre encore importantes révélées par l'enquête, l'instance précédente n'a pas conclu, en dépit de l'argumentation de la recourante, à l'existence de la bonne foi indubitable de A.________ durant la période litigieuse (2005-2007). 
 
4.3 Dans son recours, la recourante fait valoir différents griefs qui se rapportent à l'application de l'art. 70 al. 2 CP. Elle reproche ainsi au Tribunal pénal fédéral d'avoir pris en compte l'origine éventuellement délictueuse des avoirs détenus par E.________, alors que cette constatation serait étrangère aux conditions d'application de l'art. 70 al. 2 CP. Elle prétend aussi qu'il est arbitraire de considérer que la période déterminante pour apprécier la bonne foi de la recourante s'étend de 2005 à 2007: seules les années 2005 et 2006 seraient déterminantes. Partant, la recourante perd de vue qu'au contraire du juge du fond, le Tribunal de céans n'a pas à examiner si les conditions d'une confiscation au sens de l'art. 70 al. 1 CP, ou d'une non-confiscation au sens de l'art. 70 al. 2 CP sont remplies: cette analyse incombera à l'autorité de jugement, sur la base de l'enquête actuellement diligentée par le MPC. En effet, en tant que simple mesure provisoire, le séquestre ne préjuge pas de la décision matérielle de confiscation, laquelle interviendra dans une phase ultérieure. A ce stade de la procédure, il suffit de déterminer s'il existe des motifs suffisants de maintenir le séquestre. Dès lors, ces griefs qui se rapportent à la question de fond - laquelle ne fait pas l'objet du litige -, tombent à faux. 
La recourante avance encore que l'arrêt reposerait sur des constatations de faits incomplètes et arbitraires quant à la bonne foi de la recourante. Elle aurait pris toutes les mesures relatives à l'identification du titulaire du compte et de l'ayant droit économique en 2005, ainsi qu'aux clarifications sur l'arrière-plan économique des relations commerciales avec D.________ lors de l'ouverture du compte de E.________ en 2005. Pour prouver les investigations qu'elle a menées lors de l'assassinat de L.________, A.________ a rappelé qu'elle a envoyé la gestionnaire du compte et le supérieur hiérarchique de celle-ci en Bulgarie. Elle a en outre produit plus de 70 contrats de vente immobilière et différentes pièces, à teneur desquelles les articles de presse, qui mentionnent que L.________ serait lié à un trafic de cocaïne saisie en Espagne, étaient isolés et n'avaient pas été confirmés, ce qui permettait de continuer les relations d'affaires avec D.________ et les héritiers de L.________. 
Dans une affaire aussi complexe avec des ramifications internationales et différentes sociétés en jeu, et à ce stade de l'enquête, ces éléments ne suffisent pas à établir la bonne foi de A.________ de manière indubitable. A cet égard, les événements survenus en 2005 lors de l'ouverture du compte litigieux, permettent déjà à eux seuls d'arriver à cette conclusion. En effet, à l'arrière-fond criminel dont notamment l'assassinat de L.________ et les soupçons d'organisation criminelle parus dans la presse, s'ajoute le fait que le compte n° xxx a été alimenté par les avoirs du compte M.________ dont l'ayant droit économique était feu L.________, auquel D.________ a succédé un mois avant l'assassinat de celui-là: les 20 avril 2005 et 13 mai 2005, tous les avoirs du compte M.________ ont été transférés en espèces, en deux opérations sur le compte de E.________, conformément aux instructions de D.________ qui voulait expressément couper toute "trace documentaire" ("paper trail") (cf. procès-verbal d'audition de K.________, du 24 avril 2009). 
Par la suite, l'assassinat le 24 avril 2007 de la mère de L.________ la veille de déposer au tribunal contre D.________, la demande d'entraide bulgare et la procédure pénale dans ce pays, puis l'extension de l'enquête à un cadre de A.________ en avril 2009, ont confirmé le contexte criminel de cette affaire. Dans ces circonstances, on ne saurait donc, au demeurant sous l'angle de l'arbitraire, reprocher au Tribunal pénal fédéral de ne pas avoir conclu à l'existence indubitable de la bonne foi de la recourante. 
 
5. 
Enfin, invoquant la garantie de la propriété (art. 26 Cst.), la recourante prétend que le principe de la proportionnalité a été violé. 
 
5.1 Pour qu'une mesure soit conforme au principe de la proportionnalité, il faut qu'elle soit apte à parvenir au but visé, que ce dernier ne puisse être atteint par une mesure moins incisive et qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 132 I 229 consid. 11.3 p. 246; 125 I 474 consid. 3 p. 482 et les arrêts cités). S'agissant d'un séquestre provisoire, il est en principe proportionné du simple fait qu'il porte sur des valeurs dont on peut vraisemblablement admettre qu'elles pourront être confisquées en application du droit pénal (arrêt 1B_297/2008 du 22 décembre 2008 consid. 4.1). 
 
5.2 En l'occurrence, la recourante ne prétend pas que la durée du séquestre serait disproportionnée. Elle ne soutient pas non plus que la procédure pénale qui pourrait conduire à une confiscation ne serait pas menée avec une célérité suffisante. La recourante se dit exposée à un dommage financier important en raison des intérêts de retard qui courent depuis l'exigibilité de la créance de 10 millions d'euros garantie par le gage sur les avoirs saisis, sans aucunement démontrer en quoi le montant séquestré serait sans rapport raisonnable avec le but visé. La recourante ne prétend pas non plus qu'il existerait une autre mesure, moins incisive, propre à garantir l'exécution d'une éventuelle confiscation. Dans ces conditions, le grief doit être rejeté. 
La recourante fait valoir enfin, qu'en raison de sa solvabilité notoire, si par impossible une éventuelle créance compensatrice était prononcée à son encontre, elle serait en mesure de s'en acquitter. Elle ne saurait être suivie dans la mesure où en l'espèce les fonds séquestrés sont susceptibles d'être le produit d'une infraction: le séquestre est donc destiné à préserver les valeurs que le juge du fond pourrait être amené à confisquer et non pas seulement à servir à l'exécution d'une créance compensatrice. Ce grief doit lui aussi être écarté. 
 
6. 
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, doit supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 francs, sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère public de la Confédération et au Tribunal pénal fédéral, Ire Cour des plaintes. 
 
Lausanne, le 17 février 2010 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Juge présidant: La Greffière: 
 
Aemisegger Tornay Schaller