6B_94/2023 21.06.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_94/2023  
 
 
Arrêt du 21 juin 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Koch. 
Greffière : Mme Brun. 
 
Participants à la procédure 
A._________, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Vol; présomption d'innocence, etc., 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 10 novembre 2022 (P/15927/2020 AARP/353/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 14 mars 2022, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a reconnu A._________ coupable de vol et l'a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 30 fr. le jour, sous déduction de 67 jours-amende, correspondant à 67 jours de détention avant jugement. Il a en outre ordonné la restitution du téléphone portable (Iphone 4), trouvé en sa possession et déclaré volé en 2014, à son ayant droit et a fixé à A._________ un délai de soixante jours pour intenter une éventuelle action civile (art. 69 CP et 267 CPP). 
 
B.  
Par arrêt du 10 novembre 2022, la Cour de Justice du canton de Genève a partiellement admis l'appel interjeté par A._________ à l'encontre du jugement précité. Elle l'a réformé en ce sens qu'elle a condamné l'appelant à une peine pécuniaire de 70 jours-amende à 30 fr. le jour, sous déduction de 67 jours-amende correspondant à 67 jours de détention avant jugement, et de deux jours à titre d'indemnisation de la détention subie dans des conditions contraires à l'art. 3 CEDH. Elle a également confirmé la restitution de l'Iphone 4 à son ayant droit et a fixé à A._________ un délai de soixante jours pour intenter une action civile. 
La cour d'appel a retenu les faits suivants. 
Le 6 avril 2019, A._________, qui participait à une vente de vélos sur la place de U._________ à V._________, a été interpellé par la police alors qu'il venait, avec B._________, de sectionner le cadenas d'un vélo stationné près de la gare. Lors de son interpellation, il était en possession de neuf vélos dont deux d'entre eux avaient été déclarés volés à W._________ les 12 décembre 2018 et 21 mars 2019. Il s'agissait d'un vélo Go Sport Scrapper orange et d'un vélo Scott rouge en parfait état. En sus de ces deux cycles, A._________ était en possession d'un téléphone portable IPhone 4S, signalé volé en 2014, ainsi que d'une petite pince dans son sac à dos. 
 
C.  
A._________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt du 10 novembre 2022. Il conclut à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté de l'accusation de vol, qu'une indemnité de 15'200 fr. lui est allouée à titre de réparation du tort moral pour la détention provisoire subie dans des conditions illicites et qu'un délai de soixante jours lui est donné pour copier les données du téléphone Iphone 4S. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision au sens des considérants. Plus subsidiairement, il conclut à son acquittement de l'accusation de vol et à sa condamnation pour vol d'importance mineur. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant se plaint d'une violation de la présomption d'innocence et d'arbitraire dans l'établissement des faits. 
 
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1).  
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 144 II 281 consid. 3.6.2; 143 IV 500 consid. 1.1 et les références citées). 
Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence à la présomption d'innocence (art. 6 par. 2 CEDH, 32 al. 1 Cst. et 10 CPP), le principe in dubio pro reo n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1).  
 
1.2. La cour cantonale a retenu que le recourant avait soustrait deux vélos sur la base des éléments suivants. Elle a indiqué que le recourant avait été interpellé lors d'une bourse à vélos en possession de neuf vélos en parfait état, dont deux avaient été déclarés volés en décembre 2018 et mars 2019 à W._________ où le recourant habite. La cour a ajouté que, lors de son interpellation, le recourant était en possession d'une pince qu'il a admis avoir utilisée pour sectionner le cadenas du vélo orange à V._________ près de la gare. En sus de ces éléments, que la cour cantonale a estimé être déjà suffisants pour fonder sa culpabilité, elle a relevé que le recourant avait un antécédent spécifique en lien avec le vol et que, lors de son interpellation, et tout au long de la procédure, il a fourni des explications très confuses et fluctuantes sur la provenance des vélos en sa possession lesquelles étaient en contradiction avec les éléments du dossier.  
Le recourant conteste avoir donné des versions différentes sur la provenance des vélos et soutient avoir toujours affirmé avoir acheté le vélo orange à l'Armée du Salut pour 100 fr. et avoir trouvé le vélo rouge dans la rue, sans cadenas et abîmé. Il explique que le vélo rouge a dû être volé au préalable par un autre individu et abandonné après utilisation. S'agissant de la pince, il expose qu'il avait déposé le vélo orange à V._________ quelques jours plus tôt et qu'il avait perdu la clé; la pince, trouvée sur lui lors de son interpellation, lui avait servi à casser le cadenas. 
Les éléments exposés par la cour cantonale sont pertinents, de sorte qu'elle n'a pas versé dans l'arbitraire en retenant que le recourant avait volé les deux vélos à W._________ en décembre 2018 et mars 2019. Dans son argumentation, le recourant se borne à opposer sa propre version des faits à celle retenue par la cour cantonale, sans démontrer en quoi le raisonnement de la cour cantonale serait arbitraire. De nature purement appellatoire, son argumentation est irrecevable. 
 
1.3. Le recourant s'en prend à la valeur des deux vélos. Il soutient que la cour cantonale a versé dans l'arbitraire en retenant que les vélos avaient une valeur supérieure à 300 francs. La correction de ce vice influerait sur l'issue de la cause, dans le sens où il devrait être condamné pour vol d'importance mineur (art. 172ter CP) au lieu de vol (art. 139 CP).  
 
1.3.1. Selon l'art. 172ter CP, si l'acte ne visait qu'un élément patrimonial de faible valeur ou un dommage de moindre importance, l'auteur sera, sur plainte, puni d'une amende. Un élément patrimonial est de faible valeur au sens de cette disposition s'il ne dépasse pas 300 francs (ATF 123 IV 113 consid. 3d p. 119 et les références citées).  
 
1.3.2. La cour cantonale a retenu que la valeur à neuf du vélo orange était d'environ 450 fr., que celle du vélo rouge était de plus de 600 fr. et que ceux-ci étaient en très bon état lorsqu'ils ont été saisis. Elle se réfère également aux déclarations de B._________ selon lesquelles il avait mis en vente les vélos litigieux à un prix oscillant entre 350 fr. et 500 francs.  
Le recourant expose que l'un des vélos était abîmé et qu'il l'avait réparé. Il ajoute qu'il les avait mis en vente à 350 fr. pour garder une marge de négociation. De la sorte, il se borne à nouveau à présenter sa propre version des faits, mais n'établit pas en quoi les valeurs retenues par la cour cantonale seraient arbitraires. Son argumentation est irrecevable. 
 
2.  
Le recourant réclame un montant de 15'200 fr. à titre de réparation du tort moral subi en raison de la détention injustifiée. Il invoque l'art. 429 al. 1 let. c CPP. 
Le recourant mélange les art. 429 al. 1 let. c CPP et 431 al. 1 CPP. 
 
2.1. L'art. 429 al. 1 let. c CPP prévoit que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté.  
Dans la mesure où le recourant n'a pas été acquitté par la cour cantonale et que ses griefs ont été rejetés ou déclarés irrecevables, il n'a droit à aucune indemnité à ce titre. 
 
2.2. Selon l'art. 431 al. 1 CPP, si le prévenu a, de manière illicite, fait l'objet de mesures de contrainte, l'autorité pénale lui alloue une juste indemnité et réparation du tort moral.  
En l'espèce, la cour cantonale a admis que la détention du recourant dans la zone de détention de l'Hôtel de police de X._________ a duré 19 jours, ce qui constitue une violation de l'art. 27 de la loi cantonale vaudoise d'introduction du Code pénal suisse (LVCPP, BLV 312.01) qui prévoit une durée maximale de 48 heures. Elle a également constaté que les cellules de l'Hôtel de police de X._________ étaient dépourvues de fenêtres et que les toilettes se trouvaient à l'intérieur de celles-ci. Elle en a conclu que le recourant avait été placé dans un état de détresse et d'humiliation sensiblement supérieur à ce que requérait la privation de liberté, contrairement à l'art. 3 CEDH, et a en conséquence réduit la peine qui lui était infligée de deux jours. 
Cette décision n'est pas critiquable. Le choix de l'indemnisation (décision de constatation, allocation d'une somme d'argent ou réduction de la peine) relève du pouvoir d'appréciation du juge. En outre, s'agissant du nombre de jours déduits de la peine, cela correspond à la jurisprudence européenne qui considère comme étant adéquate une réduction de peine égale à un jour pour chaque période de dix jours de détention incompatible avec l'art. 3 CEDH (cf. arrêt attaqué, p. 14; cf. aussi arrêt 6B_284/2020 du 3 juillet 2020 consid. 2.1.1). 
Les griefs formulés par le recourant sont par conséquent infondés. 
 
3.  
Le recourant demande à récupérer les notes personnelles et de travail contenues dans le téléphone portable retrouvé sur lui lors de son interpellation, qui avait été volé en 2014 et qui a été restitué à sa propriétaire par le tribunal de police. La cour cantonale aurait violé son droit d'être entendu en ne se prononçant pas sur ce grief. 
La cour cantonale a exposé que le téléphone avait été restitué à sa propriétaire et a confirmé au recourant la fixation d'un délai de 60 jours dès l'entrée en force de l'arrêt cantonal pour intenter une action civile en lien avec cet appareil (art. 267 al. 5 CPP). Comme l'a déjà expliqué la cour cantonale, c'est dans le cadre de cette procédure civile qu'il lui incombera d'établir les circonstances permettant de fonder son droit à récupérer les données qu'il aurait enregistrées sur ce téléphone (arrêt attaqué, p. 17). Le grief du recourant est donc infondé. 
 
4. Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF) et le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière qui n'apparaît pas favorable.  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 21 juin 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Brun