2D_1/2024 01.03.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2D_1/2024  
 
 
Arrêt du 1er mars 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Aubry Girardin, Présidente, Hänni et Ryter. 
Greffier : M. Rastorfer. 
 
Participants à la procédure 
Société A.________, 
représentée par Me Jean-Michel Brahier, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. Commune de B.________, 
représentée par Me Guillaume Francioli, avocat, 
2. C.________ SA, 
intimées. 
 
Objet 
Marchés publics, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 5 décembre 2023 (ATA/1298/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La Société A.________ (ci-après: la Société), dont le siège est à U.________, a pour but de regrouper des professionnels de l'ingénierie, de l'architecture et des domaines apparentés.  
C.________ SA (ci-après: l'adjudicataire) a son siège à V.________. Son but est l'exploitation d'un bureau d'études en génie civil. 
 
A.b. Le 13 mai 2023, la commune de B.________ (ci-après: la Commune) a publié un appel d'offres en procédure ouverte, soumis aux accords internationaux, en vue de la construction d'un bâtiment aux Avanchets. Les prestations des mandataires étaient régies par le règlement SIA 103, édition 2020. Les dossiers devaient être rendus selon la méthode à deux enveloppes: offre qualitative et technique (enveloppe 1) et offre d'honoraires (enveloppe 2). Au total, 17 offres ont été déposées.  
La Société a soumissionné dans le délai imparti. Son offre se montait à 231'550 fr. Elle proposait un tarif horaire de 110 fr. HT. Les offres des autres soumissionnaires oscillaient entre 277'012 fr. et 519'793 fr. 
 
A.c. Le 5 juillet 2023, l'organisateur de la procédure a avisé la Société que le Comité d'évaluation s'était réuni pour analyser les offres reçues. Après l'ouverture de l'enveloppe 2, il avait jugé son offre anormalement basse. Il lui demandait dès lors de fournir par écrit des explications sur plusieurs points et l'invitait à une audition en présence dudit Comité.  
Les 5 et 10 juillet 2023, la Société a déposé des explication écrites. L'audition a eu lieu le 12 juillet 2023 et le procès-verbal établi à cette occasion a été corrigé pour tenir compte des remarques formulées par la Société. Le classement final a été établi le 19 juillet 2023. 
 
B.  
Par décision du 21 août 2023, la Commune a exclu l'offre de la Société jugée anormalement basse par le collège d'évaluation, nonobstant les explications fournies par l'intéressée. Par décision du même jour, elle a adjugé le marché à l'adjudicataire, dont l'offre se montait à 362'569 fr. 
Par arrêt du 5 décembre 2023, la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours que la Société avait interjeté contre les décisions précitées. 
Par courrier du 8 janvier 2024, la Société a informé le mandataire de la Commune qu'elle allait déposer un recours au Tribunal fédéral contre l'arrêt précité et qu'elle allait demander la restitution de l'effet suspensif au recours, afin qu'aucun contrat relatif au marché public litigieux ne puisse être conclu entre l'adjudicataire et la Commune. Par réponse du lendemain, le mandataire précité a informé la Société qu'un tel contrat avait d'ores et déjà été conclu entre sa mandante et l'adjudicataire. 
 
C.  
Contre l'arrêt du 5 décembre 2023, la Société a, par acte du 11 janvier 2024, formé un recours constitutionnel subsidiaire auprès du Tribunal fédéral avec requête de mesures provisionnelles, y compris urgentes, tendant à ce que l'exécution du contrat conclu entre la Commune et l'adjudicataire soit suspendue avec effet immédiat, que l'effet suspensif soit immédiatement octroyé à son recours à titre superprovisionnel et provisionnel, et qu'interdiction soit faite à la Commune de poursuivre l'exécution du contrat litigieux jusqu'à droit connu sur son recours. Au fond, elle conclut, sous suite de frais et dépens, à la réforme de l'arrêt attaqué dans le sens suivant: (I) son recours cantonal est admis dans la mesure de sa recevabilité; (II) la décision d'exclusion du 21 août 2023 est annulée; (III) il est ordonné à la Commune de révoquer le contrat conclu avec l'adjudicataire; (IV) la décision d'adjudication du 24 [recte: 21] août 2023 est réformée en ce sens que le marché public litigieux lui est attribué pour le prix de son offre, soit 249'379 fr. TTC. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants s'agissant des décisions du 21 août 2023 précitées. A titre encore plus subsidiaire, elle conclut au constat du caractère illicite des décisions du 21 août 2023 précitées. Elle requiert enfin que le Tribunal fédéral ordonne à la Commune de produire le contrat conclu entre celle-ci et l'adjudicataire. 
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et à la requête d'effet suspensif et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. La Commune dépose des déterminations et conclut au rejet de la requête d'effet suspensif et de mesures provisionnelles, ainsi que du recours sur le fond. Elle produit par ailleurs spontanément plusieurs pièces, parmi lesquelles le contrat conclu entre elle-même et l'adjudicataire en date du 9 janvier 2024. L'adjudicataire ne s'est pas déterminé. 
Par ordonnance du 8 février 2024, la Présidente de la II e Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté la requête de mesures provisionnelles et d'effet suspensif formée par la Société. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1). 
 
1.1. La présente cause relève du droit public (art. 82 let. a LTF). Dans le domaine des marchés publics, un recours en matière de droit public n'est recevable, en vertu de l'art. 83 let. f LTF, qu'à la double condition que la décision attaquée soulève une question juridique de principe et que la valeur estimée du marché à adjuger ne soit pas inférieure à la valeur-seuil déterminante visée à l'art. 52 al. 1 de la loi fédérale du 21 juin 2019 sur les marchés publics (LMP; RS 172.056.1) et fixée à l'annexe 4 ch. 2 de cette même loi. Il incombe à la partie recourante de démontrer la réalisation de ces deux conditions, qui sont cumulatives (cf. ATF 144 II 184 consid. 1.2; 141 II 113 consid. 1.2). En matière de marchés publics cantonaux, un recours constitutionnel subsidiaire peut toujours être déposé si les conditions de l'art. 83 let. f LTF ne sont pas réunies (ATF 141 II 113 consid. 1.2; 140 I 285 consid. 1.1).  
En l'occurrence, si la recourante démontre que la valeur du marché de services d'ingénierie civile litigieux dépasse en l'espèce le montant de la valeur-seuil de l'art. 83 let. f ch. 2 LTF, fixé à 150'000 fr. par l'annexe 4 ch. 2 LMP pour les marchés de fournitures et de services, toujours est-il qu'elle admet aussi que l'arrêt attaqué n'apparaît pas soulever de question juridique de principe. Cette position doit être suivie. Il n'est certes pas exclu que des questions juridiques de principe - notion qui doit être interprétée restrictivement (ATF 141 II 113 consid. 1.4; 140 III 501 consid. 1.3; 138 I 143 consid. 1.1) - puissent se poser en relation avec l'exclusion d'une offre d'une procédure d'appel d'offres. Les griefs invoqués par la recourante, qui se limitent à l'arbitraire en lien avec l'appréciation, par le pouvoir adjudicateur, des explications qu'elle avait fournies s'agissant du prix anormalement bas de son offre, ainsi que de l'examen de cette appréciation par l'autorité précédente, ne portent toutefois pas sur une telle question. En effet, le point de savoir si de telles explications sont suffisamment convaincantes pour justifier ou non l'exclusion d'une procédure de soumission dépend très largement, sinon exclusivement, des conditions d'espèce, ce qui ne permet en principe pas de retenir l'existence d'une question juridique de principe (cf. arrêts 2C_678/2015 du 13 janvier 2016 consid. 1.2; 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 3.3), étant relevé que le contrôle du pouvoir d'examen de l'instance judiciaire ne constitue également pas une telle question (cf. arrêt 2D_15/2021 du 12 mars 2021 consid. 3.2; FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n° 94 ad art. 83 LTF). Dans ces conditions, et dans la mesure où le marché litigieux est un marché public cantonal, c'est à bon droit que l'intéressée a interjeté un recours constitutionnel subsidiaire. 
 
1.2. S'agissant de la qualité pour recourir, la recourante, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente, peut, en tant qu'elle a été exclue d'une procédure de soumission, justifier d'un intérêt juridique à obtenir l'annulation ou la modification de la décision attaqué (art. 115 let. a et b LTF; cf. ATF 141 II 14 consid. 4.1; 130 I 258 consid. 1.2; arrêt 2C_920/2020 du 2 juin 2021 consid. 1.6). Cet intérêt demeure par ailleurs actuel nonobstant la conclusion d'un contrat relatif au marché public litigieux entre la Commune et l'adjudicataire. En effet, malgré ce contrat, l'intéressée conserve un intérêt à la procédure dans la mesure où le Tribunal fédéral peut encore, conformément à l'art. 9 al. 3 de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché intérieur (LMI; RS 943.02) en relations avec l'art. 18 al. 2 de l'ancien accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 modifié le 15 mars 2001 (aAIMP; RSGE L 6 05) (applicable en l'espèce nonobstant l'entrée en vigueur le 1er juillet 2021 de l'AIMP révisé du 15 novembre 2019, faute pour le canton de Genève d'avoir adhéré audit instrument; cf. art. 65 al. 2 AIMP 2019), constater l'illicéité de l'adjudication (cf. ATF 141 II 307 consid. 6.3; 141 II 14 consid. 4.6; 137 II 313 consid. 1.2.2; arrêts 2D_25/2018 du 2 juillet 2019 consid. 1.2 non publié in ATF 145 II 249; 2D_28/2022 du 18 octobre 2023 consid. 1.2.4; 2C_698/2019 du 24 avril 2020 consid. 1.3.2 et les arrêts cités), ce à quoi la recourante a conclu à titre subsidiaire. Or, un tel constat implique nécessairement d'examiner, à titre préalable, le bien-fondé de l'exclusion de l'intéressée, car si celle-ci est conforme au droit, il n'est plus nécessaire d'examiner la licéité de la décision d'adjudication (cf. arrêt 2C_365/2022 du 19 janvier 2023 consid. 9).  
 
1.3. Au surplus, dirigé contre une décision rendue en dernière instance cantonale par une autorité judiciaire supérieure (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF par renvoi de l'art. 114 LTF), le recours, déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF par renvoi de l'art. 117 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF), est recevable, sous réserve de ce qui suit.  
 
1.4. Dans la mesure où la validité du contrat conclu entre la Commune et l'adjudicatrice n'est pas affectée par une éventuelle admission du recours (cf. arrêt 2D_28/2022 précité consid. 1.2.4), les conclusions de la recourante tendant à sa révocation sont irrecevables. Quant à celle tendant à la production dudit contrat, elle est devenue sans objet, dès lors que ce document a été spontanément produit à la procédure par la Commune.  
 
2.  
 
2.1. Le recours constitutionnel subsidiaire ne peut être formé que pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). En vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, applicable par renvoi de l'art. 117 LTF, les griefs y relatifs doivent être invoqués et motivés de façon détaillée en précisant en quoi consiste la violation, sous peine d'irrecevabilité (cf. ATF 149 III 81 consid. 1.3; 145 I 121 consid. 2.1; 138 I 232 consid. 3).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il peut toutefois rectifier ou compléter les constatations de cette autorité si les faits ont été constatés en violation d'un droit constitutionnel (art. 118 al. 2 LTF cum art. 116 LTF), ce que le recourant doit démontrer d'une manière circonstanciée et précise, conformément aux exigences de motivation posées à l'art. 106 al. 2 LTF (par renvoi de l'art. 117 LTF; cf. supra consid. 2.1). Dans la mesure où la recourante présente une argumentation partiellement appellatoire, en opposant sa propre version des faits à celle de la Cour de justice, sans invoquer de manière circonstanciée la violation d'un droit constitutionnel à ce sujet, le Tribunal fédéral ne peut dès lors pas en tenir compte et statuera donc exclusivement sur la base des faits tels qu'ils ressortent de l'arrêt attaqué (cf. ATF 148 I 160 consid. 3).  
 
3.  
La recourante fait grief aux juges précédents d'avoir re tenu que la Commune n'avait, en tant qu'adjudicateur, pas abusé du large pouvoir d'appréciation qui était le sien en excluant son offre. Elle se plaint à cet égard d'une application arbitraire de l'art. 42 al. 1 let. e du règlement genevois sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP/GE; RSGE L 6 05.01) (applicable en l'absence d'adhésion du canton de Genève à l'AIMP 2019, cf. supra consid. 1.2). 
 
3.1. Une décision ne peut être qualifiée d'arbitraire (art. 9 Cst.) que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 148 II 121 consid. 5.2; 142 II 369 consid. 4.3).  
Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire. Il ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, et cela même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (cf. ATF 148 II 465 consid. 8.1; 148 I 145 consid. 6.1). 
 
3.2. Selon l'art. 42 al. 1 let. e RMP/GE, l'offre du soumissionnaire est écartée d'office lorsque ce dernier n'a pas justifié les prix d'une offre anormalement basse, conformément à l'art. 41 RMP/GE. D'après cette dernière disposition, en présence d'une offre paraissant anormalement basse, l'autorité adjudicatrice doit demander au soumissionnaire de justifier ses prix selon la forme prévue à l'art. 40 al. 2 RMP/GE, soit en fournissant des explications par écrit ou, si elles sont recueillies lors d'une audition, via un procès-verbal établi et signé par les personnes présentes. Les offres écartées ne sont pas évaluées (art. 42 al. 3, 1ère phr. RMP/GE).  
 
3.3. Conformément à la jurisprudence, les soumissionnaires sont en principe libres de calculer les prix de leurs offres. Une offre comportant un prix anormalement bas, le cas échéant même s'il est inférieur au prix de revient, ne constitue dès lors généralement pas un procédé inadmissible en soi, pour autant que le soumissionnaire remplisse les critères d'aptitude et les conditions légales réglementant l'accès à la procédure (cf. sur ces notions ATF 140 I 285 consid. 5.1), ce que l'autorité adjudicatrice peut vérifier en requérant des précisions en cas de doute à ce sujet (cf. ATF 143 II 425 consid. 5.2; 143 II 553 consid. 7.1; 141 II 353 consid. 8.3.2; 141 II 14 consid. 10.3; 130 I 241 consid. 7.3; arrêt 2D_46/2020 du 8 mars 2021 consid. 3.2.1). S'il s'avère, sur la base de ces précisions, que l'offre présente des défauts quant à la capacité du soumissionnaire à exécuter le marché public ou remplir les conditions légales fixées, elle est exclue ou moins bien notée en raison de ces défauts, mais non en raison du prix anormalement bas (cf. ATF 143 II 553 consid. 7.1; arrêt 2D_46/2020 précité consid. 3.2.2).  
Si une offre anormalement basse ne permet ainsi pas en tant que telle de douter de l'aptitude du soumissionnaire, il n'en demeure pas moins qu'un prix inhabituellement bas peut conduire l'autorité adjudicatrice à envisager d'exclure l'offre d'un soumissionnaire pour ce motif (cf. ATF 143 II 425 consid. 5.2; 141 II 353 consid. 8.3.2; 139 II 489 consid. 3.3; arrêt 2D_46/2020 précité consid. 3.2.2). Dans un tel cas, l'autorité précitée a l'obligation d'entendre le soumissionnaire préalablement à sa décision, afin de lui permettre d'expliquer et de justifier le prix avantageux qu'il propose (cf. art. 29 al. 2 Cst.; ATF 143 II 425 consid. 5.2; 141 II 353 consid. 8.3.2; 139 II 489 consid. 3.3; arrêt 2D_46/2020 précité consid. 3.2.2). Si les renseignements obtenus de la part du soumissionnaire ne sont pas convaincants ou laissent apparaître un risque d'insolvabilité, l'offre peut dès lors être écartée (cf. ATF 130 I 241 consid. 7.3 et les références). En d'autres mots, le seul fait de fournir des explications relatives au prix particulièrement avantageux ne permet pas à lui seul de justifier celui-ci; encore faut-il que ces explications soient suffisantes, dans le sens de convaincantes, ce que le pouvoir adjudicateur doit apprécier. 
Dans ce contexte, et comme le souligne la recourante elle-même, l'art. 42 al. 1 let. e RMP/GE ne permet pas seulement d'exclure un soumissionnaire lorsque celui-ci ne justifie pas son offre anormalement basse, mais également lorsque les justifications données ne sont pas suffisamment convaincantes. 
 
3.4. En matière de marché public, l'autorité judiciaire a pour fonction de contrôler la correcte application du droit par le pouvoir adjudicateur en principe librement. Toutefois, lorsque le droit matériel laisse une large liberté d'appréciation à l'adjudicateur, ce qui est en particulier le cas en ce qui concerne l'appréciation et la comparaison des offres (cf. ATF 141 II 353 consid. 3; arrêt 2C_418/2014 du 20 août 2014 consid. 4.1) et l'exclusion de soumissionnaires (cf. arrêt 2C_365/2022 du 19 janvier 2023 consid. 7.1), le juge doit veiller à ne pas s'immiscer de façon indue dans la liberté de décision de l'autorité adjudicatrice (cf. ATF 143 II 120 consid. 7.2). Il ne peut ainsi intervenir qu'en cas d'abus ou d'excès du pouvoir de décision de l'adjudicateur, ce qui s'assimile à un contrôle restreint à l'arbitraire (cf. ATF 141 II 353 consid. 3; arrêt 2C_365/2022 précité consid. 7.1).  
En l'occurrence, les juges précédents ont confirmé l'appréciation de la Commune prononçant l'exclusion de l'offre de la recourante. Saisi d'un recours constitutionnel subsidiaire, le Tribunal fédéral devrait ainsi examiner si, ce faisant, les juges précédents ont violé l'art. 9 Cst. en renonçant de manière insoutenable à sanctionner un abus ou un excès du pouvoir de décision de l'adjudicateur, ce qui équivaut aussi à un contrôle sous l'angle de l'arbitraire. Une telle figure revient en pratique au contrôle d'un "arbitraire au carré". Or, selon selon la jurisprudence, le Tribunal fédéral s'interdit de restreindre son pouvoir d'examen à l'arbitraire au carré ("Willkür im Quadrat"; cf. ATF 116 III 70 consid. 2b; 112 Ia 350 consid 1; arrêt 2C_71/2023 du 3 août 2023 consid. 7.1). Il conviendra donc de vérifier librement si le Tribunal cantonal a correctement estimé qu'il n'y avait pas d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation de la part de l'autorité adjudicatrice, autrement dit s'il a correctement appliqué la notion d'arbitraire (cf. supra consid. 3.1). 
 
3.5. Dans l'arrêt attaqué, après avoir constaté, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF; cf. supra consid. 2.2), que l'offre de la recourante s'écartait de plus de 38% de la moyenne des offres rentrées, la Cour de justice a, à l'instar de la Commune, considéré que celle-ci devait être qualifiée d'anormalement basse, ce que l'intéressée ne remet à juste titre pas en cause dans son recours. Il est en outre constant que la recourante a été formellement interpellée par la Commune, afin de justifier ses prix, et qu'elle a ainsi fourni des explications écrites à ce sujet les 5 et 10 juillet 2023, avant d'être auditionnée le 12 juillet 2023. La Commune, inquiète du montant de l'offre des honoraires, avait requis de la recourante qu'elle apporte plusieurs clarifications, notamment en ce qui concernait le taux de disponibilité déclaré de son équipe de projet (l'ingénieur et le chef de projet n'étant tous deux disponibles qu'à un taux de 40%), ainsi que l'implication et la proactivité de ceux-ci. Sous cet angle, la recourante a exposé la méthode avec laquelle elle avait déterminé les taux litigieux, tout en admettant que les taux ainsi calculés étaient "relativement bas" et ne reflétaient "ni la disponibilité ni l'engagement et la motivation" de ses coopérateurs. Elle a ensuite exposé qu'en plus de la planification et de la disponibilité de ses collaborateurs, elle pouvait mobiliser les "taux d'engagement au sein du bureau" desdits collaborateurs, afin de faire face à une surcharge ponctuelle sur un point particulier du projet. Or, ce faisant, la Cour de justice a retenu que la recourante s'était explicitement référée à des solutions qu'elle avait reconnu ne pas avoir retenues dans sa réponse à l'appel d'offres, sans pour autant expliquer à la Commune au détriment de quelles autres tâches ou activités elle pourrait mettre en oeuvre des ressources supplémentaires sans mettre en péril son équilibre financier. Quant à l'implication et la proactivité de ses collaborateurs, l'intéressée a indiqué comprendre les inquiétudes suscitées par les taux de planification jugés faibles, tout en se limitant à renvoyer à ses précédentes explications et à préciser que les taux relativement bas de son ingénieur et de son chef de projet résultaient de "l'étalement des prestations sur de longues périodes". Enfin, elle n'avait pas contredit la Commune lorsqu'elle lui avait fait remarquer que le nombre d'heures prévues dans son offre, soit 2'105 heures, se situait environ 30% en dessous de la moyenne des heures offertes par les autres soumissionnaires.  
Pour le reste, les juges précédents ont constaté que la recourante n'avait prévu aucune heure de dessin pour la phase de l'avant-projet et que, au vu du peu d'heures annoncées pour cette phase, la Commune était fondée à vouloir comprendre comment l'intéressée s'adapterait à un éventuel retard dans l'adjudication. Or, les réponses apportées à cet égard, à savoir l'augmentation du nombre de personnes au sein de la société notamment, ont été jugées par la cour précédente comme n'étant à l'évidence pas de nature à rassurer la Commune. Quant à la phase de l'exécution de l'ouvrage, si le prix offert était de 34% plus élevé que la moyenne pour cette même phase, il n'en demeurait pas moins que le prix global de l'offre conservait un écart moyen de 38% par rapport aux autres offres rentrées. 
Sur la base des éléments précités, la Cour de justice a retenu que la Commune n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation ni violé l'art. 42 al. 1 let. e RMP/GE en considérant que les explications fournies par la recourante n'étaient pas suffisantes pour justifier le prix anormalement bas offert et avait, pour ce motif, écarté d'office l'offre de l'intéressée. 
 
3.6. On ne voit pas en quoi l'appréciation de l'autorité précédente prêterait le flanc à la critique, et les objections présentées par la recourante ne permettent pas de retenir le contraire.  
En effet, bien que cette dernière estime que les clarifications qu'elle a apportées s'agissant de la planification et la disponibilité de son équipe étaient "parfaitement en phase avec la pratique", toujours est-il que les taux relativement bas déclarés à cet égard, par rapport auxquels elle a au demeurant admis comprendre les inquiétudes de la Commune, ne sont pas contestés. Exposer que lesdits taux ne reflétaient notamment pas la motivation des coopérateurs pouvait sans arbitraire être retenu par la Cour de justice comme n'étant pas une explication de nature à convaincre la Commune sur ce point. Quant aux taux "d'engagement" des collaborateurs de l'intéressée, qui pouvaient selon ses explications être mobilisés "en cas de surcharge ponctuelle" en plus de leur taux de disponibilité déclaré dans l'offre litigieuse, elle soutient qu'elle s'en était prévalue "librement" et qu'il ne s'agissait que "d'une simple précision". Cela ne permet toutefois pas de qualifier d'insoutenable la motivation cantonale selon laquelle la recourante s'était ainsi explicitement référée à des solutions non retenues dans son offre, sans expliquer au demeurant au détriment de quelles autres tâches ou activités elle aurait pu mettre en oeuvre des ressources supplémentaires sans mettre en péril l'équilibre financier. Affirmer, comme le fait la recourante, que "tout collaborateur peut être amené à devoir faire des heures supplémentaires, qu'il soit engagé à 40% ou 100%" en cas de surcharge, n'est au contraire pas de nature à rassurer s'agissant du prix anormalement bas offert. 
Pour le reste, en tant que la recourante se prévaut du fait que les taux de disponibilité fournis, l'absence d'heures de dessin en phase d'avant-projet et les inexactitudes (entretemps rectifiées) de son organigramme n'avaient pas empêché la Commune d'attribuer une bonne note à son offre du point de vue qualitatif et technique (critères de l'enveloppe 1), elle perd de vue que c'est l'adéquation du prix proposé par rapport aux prestations fournies - et non, comme elle semble le croire, l'évaluation de ces dernières - qui est pertinente dans le cadre des justifications demandées. Son argumentation est donc vaine sur ce point. Quant au fait de qualifier les réponses qu'elle avait apportées, s'agissant d'un éventuel retard dans l'adjudication, de "possible[s]" et de "parfaitement juste[s]", on ne voit pas en quoi cette argumentation serait suffisante pour remettre en cause la légitimité des inquiétudes de la Commune, admise par la Cour de justice, au vu du nombre d'heures offertes, qui était d'environ 30% inférieur à la moyenne des autres offres, et des taux de disponibilité indiqués. L'absence de réaction de la recourante face à ce nombre d'heures relève de la constatation des faits, dont il aurait appartenu à la recourante de démontrer l'arbitraire dans celle-ci (art. 106 al. 2 LTF), ce qu'elle n'a pas fait (cf. supra consid. 2.2). 
Enfin, il est vrai que la Commune avait, dans sa décision, retenu que les heures prévues pour la phase d'exécution de l'ouvrage étaient trop basses, et que la Cour de justice est revenue sur ce point en jugeant que, sur le vu du prix offert pour cette phase par l'intéressée, qui était le deuxième le plus élevé des offres rentrées, il ne pouvait pas lui être reproché d'avoir mal évalué ses heures pour ladite phase. Il n'en reste pas moins que la Cour de justice a également retenu que le prix global de l'offre demeurait, malgré tout, 38% plus bas que la moyenne des autres offres. En d'autres termes, le fait que l'offre de la recourante présentait un prix pour la phase d'exécution de l'ouvrage plus élevé de 34% que la moyenne était d'autant moins en mesure de justifier l'écart anormalement bas de 38% du prix total de l'offre. La recourante oppose à cela que le montant de ses honoraires était forfaitaire, comme l'exigeait l'appel d'offres. Un tel argument ne permet toutefois pas de justifier l'écart de 38% constaté, dès lors que les autres offres étaient partant aussi forfaitaires, comme elle l'admet implicitement. 
 
3.7. Sur le vu de l'ensemble de ce qui précède, on ne peut reprocher à la Cour de justice d'avoir considéré que la Commune avait agi dans le cadre de son pouvoir d'appréciation en écartant l'offre de la recourante pour ce motif. Le grief d'application arbitraire de l'art. 42 al. 1 let. e RMP/GE doit, pour ces mêmes raisons, être rejeté.  
 
4.  
Compte tenu de la légalité de l'exclusion de l'offre de la recourante, cette dernière ne possède plus aucun intérêt actuel à la constatation de l'illicéité de la procédure d'adjudication, de sorte que sa conclusion dans ce sens devient sans objet (cf. supra consid. 1.2). 
 
5.  
Sur le vu des considérants qui précèdent, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à la Commune de Vernier qui, en tant qu'autorité adjudicatrice, obtient gain de cause dans l'exercice de ses attributions officielles (art. 68 al. 3 LTF). Il n'y a également pas lieu d'allouer de dépens à l'adjudicataire, qui n'a ni pris de conclusions, ni était représentée par un mandataire professionnel (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à la Commune de B.________, à C.________ SA et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 1er mars 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : H. Rastorfer