4A_22/2022 21.02.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_22/2022  
 
 
Arrêt du 21 février 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Hohl, Kiss, Rüedi et May Canellas. 
Greffier : M. Douzals. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Saskia Lieb, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me Marc Wollmann, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
assurance de protection juridique; prescription de l'action en responsabilité pour les conseils fournis par l'assureur, 
 
recours en matière civile contre la décision rendue le 3 décembre 2021 par la 2e Chambre civile de la 
Cour suprême du canton de Berne (ZK 21 202). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ (ci-après: l'assuré, le demandeur ou le recourant) a contracté auprès de B.________ SA (ci-après: l'entreprise d'assurance, l'assureur, la défenderesse ou l'intimée) une assurance de protection juridique. 
Suite à la réception d'un préavis du 5 juin 2015 de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Berne (ci-après: l'Office AI) prévoyant de lui octroyer trois quarts de rente invalidité, il a fait appel à son assureur pour l'assister dans ses démarches auprès dudit office. 
Représenté par l'entreprise d'assurance, l'assuré a émis des objections à l'encontre dudit préavis le 21 juillet 2015. L'Office AI a alors rendu un nouveau préavis remplaçant et annulant le précédent et indiquant qu'il n'existait finalement aucun droit à une rente invalidité. Toujours représenté par l'entreprise d'assurance, l'assuré a formulé des objections à l'encontre de ce préavis. 
Par décision du 14 décembre 2015, l'Office AI a refusé d'octroyer une rente invalidité à l'assuré. Il a indiqué avoir procédé à des investigations supplémentaires suite aux objections formulées et être arrivé à la conclusion que les conditions d'octroi d'une rente invalidité n'étaient pas remplies. 
Par jugement du 21 juin 2016, le Tribunal administratif du canton de Berne a rejeté le recours formé par l'assuré, représenté par l'entreprise d'assurance, à l'encontre de cette décision. 
 
B.  
Après que la tentative de conciliation a échoué (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF), l'assuré a déposé sa demande auprès du Tribunal régional Jura bernois-Seeland le 26 juin 2020, concluant à ce que l'entreprise d'assurance fût condamnée à lui payer la somme de 30'000 fr., intérêts en sus. En substance, l'assuré reproche à l'entreprise d'assurance d'avoir manqué de diligence dans les conseils prodigués et estime qu'elle aurait dû le rendre attentif aux risques que comportait la formulation d'objections suite au premier préavis. 
Après avoir limité la procédure à la question de la prescription, le tribunal a rejeté la demande par décision du 29 mars 2021. Il a considéré que le fait générateur de responsabilité résidait dans le dommage que l'assuré aurait subi suite à un manque de diligence de l'entreprise d'assurance, que ledit dommage était intervenu lors de l'entrée en force de chose jugée formelle de la décision de refus d'octroi de rente assurance-invalidité, soit avec la décision du Tribunal administratif du canton de Berne du 21 juin 2016, que la prescription avait été interrompue par requête de conciliation du 14 mai 2020 et que la prétention éventuelle de l'assuré était dès lors prescrite en vertu de l'art. 46 al. 1 de la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221.229.1). 
Par décision du 3 décembre 2021 rendue en français, la 2 e Chambre civile de la Cour suprême du canton de Berne a rejeté l'appel formé par l'assuré.  
 
C.  
Contre cette décision, qui lui avait été notifiée le 7 décembre 2021, l'assuré a formé un recours en matière civile en allemand auprès du Tribunal fédéral le 19 janvier 2022. Il conclut à ce que la décision entreprise soit annulée, à ce qu'il soit constaté que la prescription n'est pas acquise et à ce que la cause soit renvoyée au tribunal, subsidiairement à la cour cantonale, pour suite de la procédure. 
L'intimée conclut au rejet du recours. 
La cour cantonale renvoie aux considérants de sa décision et indique qu'en cas d'admission du recours, il y aurait lieu de renvoyer l'affaire en première instance, des preuves devant alors encore être administrées. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Bien que le mémoire de recours ait été rédigé en allemand, le présent arrêt sera rendu en français, langue de la décision attaquée, conformément à l'art. 54 al. 1 LTF
 
2.  
Interjeté dans le délai fixé par la loi (art. 100 al. 1, 46 al. 1 let. c et 45 al. 1 LTF) par le demandeur, qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF; arrêt 4A_152/2022 du 1er novembre 2022 consid. 1 et l'arrêt cité) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton de Berne (art. 75 LTF) dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse s'élève au moins à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est en principe recevable. 
 
3.  
 
3.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
 
3.2. Le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2, 86 consid. 2). Il n'est en revanche pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4).  
 
4.  
La cour cantonale a jugé que la créance de l'assuré était soumise au délai de prescription de deux ans de l'art. 46 al. 1 LCA, dans sa version antérieure au 1er janvier 2022. L'assuré recourant lui reproche d'avoir violé cette disposition et l'art. 127 CO
 
4.1. Relevant que la question de l'applicabilité de l'art. 46 al. 1 LCA aux prétentions en dommages-intérêts découlant des services fournis par l'entreprise d'assurance est controversée en doctrine, la cour cantonale a procédé à l'interprétation des termes " créances qui dérivent du contrat d'assurance " mentionnés dans cette disposition.  
Elle a estimé que, selon sa définition, l'assurance de protection juridique vise deux types de prestations: d'une part, les services, soit le conseil ou l'assistance fournis par les juristes de l'entreprise d'assurance, et, d'autre part, les prestations pécuniaires, soit la prise en charge des honoraires d'avocat et des frais de procédure par celle-ci. Cette définition a d'ailleurs été reprise à l'art. 161 de l'ordonnance du 9 novembre 2005 sur la surveillance des entreprises d'assurance privées (OS; RS 961.011). 
Toujours selon la cour cantonale, toutes les prétentions contractuelles entre l'assureur et l'assuré sont visées par l'art. 46 al. 1 LCA. Même si les services fournis par les juristes de l'assureur présentent des éléments du contrat de mandat, cela ne suffit pas pour admettre que seules les règles du mandat - et donc la prescription de dix ans de l'art. 127 CO - soient applicables. Si les règles du mandat peuvent trouver application par analogie, ce n'est que sur les points non réglés par la LCA (art. 100 al. 1 LCA). Or, l'art. 46 LCA règle explicitement la prescription pour toutes les créances qui dérivent du contrat d'assurance. La loi est ainsi claire. Le délai de prescription assez court qui y est prévu a été adopté pour des motifs relevant de la technique d'assurance et, sous l'angle du droit constitutionnel à l'égalité de traitement, ces motifs sont raisonnables: l'activité des juristes de l'assurance de protection juridique est en effet moins étendue que celle des avocats inscrits au barreau. D'ailleurs, l'assuré n'a pas prétendu que le délai de deux ans était si court qu'il l'aurait empêché de faire valoir ses droits en justice de manière effective. 
 
4.2. L'assuré recourant considère au contraire que l'art. 127 CO est applicable en l'espèce et que sa créance n'est, partant, pas prescrite.  
En substance, il invoque principalement que, lorsque l'assureur, qui fournit des conseils juridiques, viole à cette occasion son obligation de diligence et cause un préjudice à son assuré, l'action en dommages-intérêts de l'assuré repose sur les art. 398 et 97 CO et non sur la LCA. Dès lors, l'application de l'art. 127 CO serait plus appropriée que celle de l'art. 46 al. 1 LCA. Contrairement à ce qu'aurait indiqué la cour cantonale, aucun auteur ne soutiendrait que l'art. 127 CO ne serait pas applicable. Par ailleurs, sa demande ne constituerait pas un cas soumis au délai plus court de l'art. 46 al. 1 LCA, dans la mesure où cette disposition vise à prendre en compte les besoins spécifiques des entreprises d'assurance et où la défenderesse intimée est très probablement elle-même assurée pour la prétention ici litigieuse. 
Le recourant indique d'autres motifs plaidant pour l'applicabilité de l'art. 127 CO, que la cour cantonale n'aurait pas traités, violant ainsi son droit d'être entendu (art. 53 al. 1 CPC, art. 29 al. 2 Cst. et art. 6 par. 1 CEDH). Par ailleurs, il invoque notamment la violation de l'art. 2 de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241) et, subsidiairement, l'inapplicabilité de l'art. 46 al. 1 LCA aux violations du devoir de diligence. 
 
4.3. L'assureur intimé soutient que, contrairement à ce qu'invoque le recourant, une partie de la doctrine considère que l'art. 46 al. 1 LCA est ici applicable et relève que peu d'auteurs se sont penchés sur cette question. Par ailleurs, il indique ne pas être assuré en responsabilité civile et allègue que le présent litige l'oblige à constituer une provision spécifique ne pouvant être dissoute tant qu'il n'est pas résolu, ce qui démontrerait " toute la logique d'un délai de prescription plus court afin de tenir compte des besoins spécifiques et légitimes des assureurs ".  
 
5.  
Est litigieuse la question de savoir si, lorsque l'assureur de protection juridique donne des conseils juridiques et qu'il viole à cette occasion son devoir de diligence et cause un préjudice à l'assuré, le délai de prescription de la prétention en responsabilité de l'assuré est régi par le délai plus court de l'art. 46 al. 1 LCA ou par le délai de dix ans de l'art. 127 CO
Pour résoudre cette question, il y a lieu de procéder à l'interprétation de l'art. 46 al. 1 LCA, l'art. 127 CO n'entrant en considération que si l'art. 46 al. 1 LCA n'est pas applicable (art. 100 al. 1 LCA). 
 
5.1. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte se prête à plusieurs interprétations, s'il y a de sérieuses raisons de penser qu'il ne correspond pas à la volonté du législateur, il convient de rechercher sa véritable portée au regard notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique) (arrêt 4A_531/2021 du 18 juillet 2022 consid. 5.2, destiné à la publication; ATF 147 III 78 consid. 6.4; 138 III 166 consid. 3.2; 136 III 283 consid. 2.3.1; 135 III 640 consid. 2.3.1). Lorsqu'il est appelé à interpréter une loi, le Tribunal fédéral adopte une position pragmatique en suivant ces différentes interprétations, sans les soumettre à un ordre de priorité (arrêt 4A_531/2021 précité consid. 5.2, destiné à la publication; ATF 147 III 78 consid. 6.4; 137 III 344 consid. 5.1; 133 III 257 consid. 2.4; 131 III 623 consid. 2.4.4 et les références citées).  
 
5.2. Selon l'art. 46 al. 1, 1re phr., LCA, entré en vigueur le 1er janvier 2022, les créances qui découlent du contrat d'assurance se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait duquel naît l'obligation (" Die Forderungen aus dem Versicherungsvertrag verjähren [...] fünf Jahre nach Eintritt der Tatsache, welche die Leistungspflicht begründet. "; " [...] i crediti derivanti dal contratto di assicurazione si prescrivono in cinque anni dal fatto su cui è fondato l'obbligo di fornire la prestazione "). À part la durée du délai de prescription, qui a été portée de deux ans à cinq ans, la réserve de l'al. 3 et des modifications rédactionnelles, la nouvelle teneur n'a rien changé à la disposition précédemment en vigueur dans leurs versions en français et en allemand et applicable en l'espèce. Outre la réserve de l'al. 3 et la prolongation du délai de prescription, la version en italien a, quant à elle, précisé que ledit délai commence à courir non plus " dal fatto su cui è fondata l'obbligazione ", mais " dal fatto su cui è fondato l'obbligo di fornire la prestazione ".  
Pour répondre à la question litigieuse, il faut tenir compte non seulement des termes " créances qui découlent du contrat d'assurance ", mais également de la précision apportée s'agissant du point de départ de la prescription de ces créances, à savoir les termes " fait duquel naît l'obligation ", " Tatsache, welche die Leistungspflicht begründet " et " fatto su cui è fondato l'obbligo di fornire la prestazione ". 
 
5.2.1. Comme l'indiquent plus précisément les versions en allemand et en italien de l'art. 46 al. 1 LCA, l' " obligation " visée par cette disposition est celle de l'assureur de fournir les prestations prévues dans le contrat d'assurance, par exemple, dans l'assurance-accidents, de verser les prestations convenues à raison de l'événement assuré (ATF 119 II 468 consid. 2a; 118 II 447 consid. 2b). Le " fait " est la réalisation du risque qui donne naissance à cette obligation de l'assureur. Ce " fait " n'est pas le même pour les prétentions issues des diverses catégories d'assurances (ATF 118 II 447 consid. 2b).  
 
5.2.2. Dans l'assurance de protection juridique, l'assureur fournit, d'une part, un service sous forme d'assistance juridique et, d'autre part, une prestation pécuniaire, ainsi que, dès le début du litige, l'obligation de garantir à son assuré le paiement des frais du litige (ATF 119 II 468 consid. 2c).  
Selon la jurisprudence, dans cette assurance, le " fait " duquel naît l'obligation de l'assureur correspond à la réalisation du risque, à savoir l'apparition du besoin d'assistance juridique (ATF 126 III 278 consid. 7a; 119 II 468 consid. 2c; arrêt 4A_609/2010 du 7 février 2011 consid. 1.2.1). Le point de départ ( dies a quo) du délai de prescription de l'art. 46 al. 1 LCA court donc dès ce moment-là, et non dès le début du litige avec celui qui est appelé à devenir la partie adverse au procès, ni dès la fin du procès, par jugement définitif ou transaction (ATF 119 II 468 consid. 2c; arrêt 4A_609/2010 précité consid. 1.2.1). Ainsi, notamment, dès la survenance du besoin d'assistance, l'assuré peut prétendre à une garantie de couverture; si l'assureur accorde sa garantie pour une partie du litige, cela équivaut au paiement d'un acompte (art. 135 ch. 1 CO), qui interrompt la prescription pour l'entier de la créance de l'assuré; si l'assureur refuse de garantir les frais de défense de son assuré, celui-ci peut ouvrir, aux fins de l'y contraindre, une action, qui est interruptive de la prescription. Une fois le litige clos, le paiement ne constitue que l'exécution d'un engagement préexistant (ATF 119 II 468 consid. 2c).  
Les " créances [de l'assuré] qui découlent du contrat d'assurance " sont donc seulement celles dont l'assureur assume l'obligation en raison (née du fait) de la survenance du risque couvert, qui est le besoin d'assistance juridique, soit concrètement l'obligation de couvrir les frais d'un litige et/ou l'obligation de fournir des conseils. Il s'ensuit que la créance en dommages-intérêts, fondée sur la responsabilité contractuelle, qui est subséquente à la prestation d'assurance - les conseils fournis - et découle de la violation du devoir de diligence de l'assureur de protection juridique qui a fourni ces conseils, n'est pas visée par la lettre de l'art. 46 al. 1 LCA
 
5.3. On ne peut rien déduire des travaux préparatoires en ce qui concerne les créances visées par cette disposition.  
Selon le Message du Conseil fédéral, la brièveté du délai (de deux ans) correspond avant tout à un besoin pressant de la pratique des affaires; il faut qu'après un laps de temps assez court, l'assureur puisse être au clair sur sa situation pécuniaire (Message du 2 février 1904 sur le projet d'une loi fédérale concernant le contrat d'assurance, FF 1904 I 292 ad art. 43). 
La révision de la LCA du 19 juin 2020 n'apporte pas d'élément nouveau. Certes, le Conseil fédéral a considéré que la proposition d'un allongement du délai de prescription à dix ans paraissait problématique du point de vue de la sécurité du droit, car des besoins spécifiques à l'assurance en matière de surveillance de la situation financière de l'entreprise d'assurance ne seraient pas suffisamment pris en considération, raison pour laquelle il a proposé une prolongation du délai de prescription à cinq ans, les parties pouvant prévoir contractuellement un délai plus long (Message du 28 juin 2017 concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, FF 2017 4781 ch. 1.6.3; cf. VINCENT BRULHART, Droit des assurances privées, 2e éd. 2017, p. 543 s. n. 1124; DIDIER ELSIG, in Commentaire romand, Loi sur le contrat d'assurance, 2022, no 1 ad art. 46 LCA). 
 
5.4. Admettre le délai de prescription de dix ans de l'art. 127 CO, dès lors que l'art. 46 al. 1 LCA n'est pas applicable (art. 100 al. 1 LCA), n'entre pas en conflit avec le but de l'art. 46 al. 1 LCA. En effet, contrairement aux prétentions de l'assuré nées du risque couvert au sens de l'art. 46 al. 1 LCA et ignorées de l'assureur tant que l'assuré ne les fait pas valoir, la créance en dommages-intérêts est fondée sur des faits dont l'assureur a connaissance.  
 
5.5. La soumission de la créance en dommages-intérêts au délai de prescription de dix ans de l'art. 127 CO est d'ailleurs approuvée par une partie de la doctrine qui s'est prononcée sur cette question.  
Ainsi, KRAUSKOPF/MÄRKI considèrent que, puisque les conditions de la prétention en dommages-intérêts trouvent leur fondement dans le Code des obligations (art. 398 et 97 CO), il y a lieu de donner la préférence à l'art. 127 CO. En outre, l'art. 46 al. 1 LCA n'est pas adapté aux prétentions contractuelles en dommages-intérêts puisqu'il ne tient pas compte de moments subjectifs, tel que celui de la connaissance du dommage, de sorte que ces prétentions pourraient se prescrire avant même que l'assuré lésé ne connaisse ou puisse connaître son dommage. Par ailleurs, le but de tenir compte des besoins des entreprises d'assurance visé par l'art. 46 al. 1 LCA ne vaut pas pour les prétentions en dommages-intérêts qui découlent de la violation du contrat d'assurance et qui doivent se prescrire, comme pour les prétentions contre un avocat, selon l'art. 127 CO (KRAUSKOPF/MÄRKI, Juristische Dienstleistungen des Rechtsschutzversicherers, in Rechtsschutzversicherung und Anwalt, 2017, p. 179 s.). 
ANDREA EISNER-KIEFER, qui cite ces premiers auteurs, estime que l'appréciation de la violation du devoir de diligence s'apprécie selon les règles du mandat, de sorte qu'il paraît plus adapté d'appliquer l'art. 127 CO, et qu'il n'y a pas de motif fondé de prévoir que le délai de prescription serait plus court pour l'assureur que pour tous les autres débiteurs (ANDREA EISNER-KIEFER, Verjährung in der Privatversicherung, in Die Verjährung, 2018, p. 108 s.). 
Au contraire, d'autres auteurs soutiennent que l'art. 46 al. 1 LCA est applicable. Dès lors qu'ils ne prennent en considération que les termes " créances qui découlent du contrat d'assurance " et font abstraction de la fin de l'alinéa et/ou ne discutent pas spécialement des créances en dommages-intérêts pour les conseils en matière d'assurance de protection juridique, leur position ne convainc pas. 
Il en va ainsi de CHRISTOPH K. GRABER, qui considère que la prétention en dommages-intérêts pour violation du devoir de diligence constitue bien une prétention contractuelle découlant du rapport d'assurance (CHRISTOPH K. GRABER, in Basler Kommentar, Versicherungsvertragsgesetz, 2e éd. 2022, no 9 ad art. 46 LCA), de PASCAL PICHONNAZ, qui affirme que l'art. 46 al. 1 LCA est applicable (PASCAL PICHONNAZ, in Commentaire romand, Code des obligations, 3 e éd. 2021, n o 28 ad art. 127 CO p. 1116), de DIDIER ELSIG, qui mentionne uniquement les " prétentions en dommages-intérêts découlant du contrat d'assurance " (ELSIG, op. cit., no 12 ad art. 46 LCA), et de KELLER/ROELLI, qui se contentent de mentionner les prétentions contractuelles en dommages-intérêts dans une liste de prétentions qui sont, selon eux, soumises à l'art. 46 al. 1 LCA (KELLER/ROELLI, Kommentar zum Schweizerischen Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, t. I, 2 e éd. 1968, p. 665).  
 
5.6. En conclusion, dès lors que la créance litigieuse est fondée sur le prétendu dommage qu'aurait causé l'entreprise d'assurance intimée en prodiguant à l'assuré recourant des conseils juridiques et en violant prétendument à cette occasion son devoir de diligence, c'est à tort que la cour cantonale a appliqué le délai de prescription de l'art. 46 al. 1 aLCA. La question de savoir si, comme elle l'affirme, l'entreprise d'assurance est assurée en responsabilité civile n'est pas déterminante, pas plus que ne l'est la constitution d'une provision spécifique au présent litige, dès lors que le délai de prescription n'influe ici ni sur la durée de la procédure judiciaire ni sur celle de la provision. Le délai de prescription décennal de l'art. 127 CO étant applicable, la prétention invoquée par le demandeur recourant n'est pas prescrite.  
Point n'est dès lors besoin d'examiner les autres griefs du recourant. 
 
6.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé et réformé, en ce sens que l'exception de prescription soulevée par la défenderesse est rejetée. 
Les frais judiciaires et les dépens de la procédure fédérale seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
La cause sera retournée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais judiciaires et les dépens de la procédure cantonale et pour suite de la procédure. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé et réformé, en ce sens que l'exception de prescription soulevée par la défenderesse est rejetée. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3.  
L'intimée versera à la recourante une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
La cause est retournée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais judiciaires et les dépens de la procédure cantonale et pour suite de la procédure. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la 2 e Chambre civile de la Cour suprême du canton de Berne.  
 
 
Lausanne, le 21 février 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Douzals