4A_501/2022 06.11.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_501/2022  
 
 
Arrêt du 6 novembre 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas. 
Greffier : M. Botteron. 
 
Participants à la procédure 
Société A.________ SA, 
représentée par Me Laurent Schuler, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Christian Favre, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
licenciement abusif, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2022 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (P319.052189-211721, 503). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par contrat écrit du 19 février 2016, Société A.________ SA (ci-après: la société ou l'employeuse) a engagé B.________ (ci-après: l'employé) en qualité de boulanger-pâtissier pour une durée indéterminée à compter du 1er avril 2016. Le salaire mensuel brut était de 5'000 fr.  
Ce contrat était soumis à la convention collective de travail de la boulangerie-pâtisserie-confiserie artisanale suisse. L'art. 10 al. 2 let. b CCT prévoit en substance qu'un contrat de durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties contractantes pour la fin de chaque mois de l'année civile, moyennant le respect d'un délai de congé de deux mois, de la deuxième à la neuvième année de service. 
 
A.b. Son épouse était également employée de la société.  
 
A.c. Le 13 mars 2017, C.________, administrateur unique et actionnaire de la société, a abordé l'employé et son épouse dans la perspective de l'achat par ces derniers des actions de la société à partir de l'année 2022. L'employé a expliqué qu'il était enthousiasmé par cette proposition, mais qu'il avait déjà également un projet d'ouverture de boulangerie avec son épouse dans une autre localité.  
A la suite de cette conversation, le 29 mars 2017, C.________ a adressé une lettre d'intention aux époux B.________. Il y faisait part des modalités envisagées pour un transfert progressif de l'exploitation, soulignant que les époux avaient le bon profil pour cette reprise. Il leur communiquait également sa vision sur le différentes synergies à court terme entre la société et le projet de boulangerie de l'employé. 
A la fin de l'année 2017, C.________ a été victime d'un AVC ce qui, selon les déclarations de l'employé, a accéléré le processus de reprise de l'exploitation, puisqu'il cherchait désormais un repreneur pour la fin de l'année 2018. Dans cette optique, les époux B.________ ont multiplié les démarches afin de réunir le financement nécessaire à la reprise. 
Par courriel du 24 juillet 2018, l'employé a indiqué qu'il avait encore un rendez-vous avec le notaire et la fiduciaire à la fin de la semaine suivante, puis avec la banque, que cela "avanc[ait] très bien" et qu'il était toujours très motivé. Il a fait savoir qu'il ferait son possible pour rendre une réponse définitive à son retour de vacances. 
 
A.d. Le 14 août 2018, à l'occasion d'un entretien avec les époux B.________, C.________ a réaffirmé son intention de leur vendre le commerce.  
 
A.e. Par convention du 24 août 2018, C.________ a cédé l'intégralité des actions de la société à D.E.________ et E.E.________ pour le 1er octobre 2018. Il indiquera ultérieurement que ce couple avait été choisi car il avait été le premier à obtenir un accord bancaire pour la reprise de la société.  
 
A.f. Le 27 août 2018, l'employé et son épouse ont reçu une lettre de licenciement mettant fin à leur contrat au terme du délai légal de deux mois prévu par la CCT, à savoir pour le 31 octobre 2018. L'administrateur signataire de ce courrier a invoqué certaines difficultés budgétaires ainsi que les résultats de l'été 2018 inférieurs aux attentes, en particulier à la suite de la fête du Blé et du Pain 2018.  
 
A.g. Par courriel du 28 août 2018, l'employé et son épouse ont fait savoir à la fiduciaire de la société, par l'intermédiaire de leur propre fiduciaire, qu'à la suite du dernier entretien et de l'analyse des chiffres et documents des années précédentes, ils étaient toujours très intéressés à la reprise de la société et qu'ils l'avaient confirmé à l'administrateur à la fin du mois de juillet. Ce courriel précise que, pour le financement, un budget prévisionnel sur cinq ans a été remis à la banque pour analyse et qu'un nouveau rendez-vous aura lieu en septembre.  
 
A.h. Le 28 août 2018, l'administrateur a adressé à l'ensemble des collaborateurs de l'époque de la société, à l'exception de l'employé et de son épouse, un courrier électronique, annonçant que "deux couples [avaient] été intéressés à la reprise de la s[ocié]té, [que] après plusieurs discussions et entrevues, le plus déterminé a[vait] finalement pu garantir le financement et les modalités de la reprise [et que] le second [allait] quitter l'entreprise [et qu'ils] leur souhait[aient] plein succès quant à la réussite de leur projet; [que] dès le 1er octobre, [il] démissionnerai[t] de la société [...]".  
 
A.i. A cette même date, l'employé et son épouse ont reçu un courrier de la société les libérant, avec effet immédiat, de leur obligation de travailler. La société a aussi réaffirmé que leur licenciement était dû un motif économique et qu'il aurait eu lieu même sans l'existence de nouveaux repreneurs.  
 
A.j. Par courrier du 8 octobre 2018, l'employé et son épouse ont fait opposition à leur licenciement et ont offert leurs services à la société en cas d'annulation des congés. L'employé a également indiqué être en incapacité de travail, de sorte que le délai de congé devrait être reporté d'un mois, soit jusqu'à fin novembre 2018.  
Par courrier du 16 novembre 2018, la société a confirmé sa volonté de licencier l'employé et son épouse, rappelant au premier nommé qu'il lui devait un solde de 109,3 heures de travail. Par courrier du 19 décembre 2018, elle lui a confirmé le report de la fin de son contrat de travail au 30 novembre 2018. 
 
A.k. En 2019, l'employé et son épouse créeront une société à responsabilité limitée pour exploiter leur nouvelle boulangerie; ils engageront trois personnes ayant préalablement travaillé pour la société (complément d'office sur la base du jugement de première instance).  
 
B.  
 
B.a. Le 28 mai 2019, l'employé a saisi le Président du tribunal de prud'hommes d'une requête de conciliation. Cette procédure étant demeurée infructueuse, il a porté sa demande devant le Tribunal des prud'hommes de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, concluant au paiement par la société de 22'200 fr. net (correspondant à quatre mois de salaire) à titre de licenciement abusif, avec intérêts.  
Dans sa réponse et demande reconventionnelle, la société a conclu au rejet des conclusions de la demande et à ce que l'employé lui doive paiement de la somme de 30'000 fr. avec intérêts, à titre de peine conventionnelle pour avoir débauché plusieurs de ses collaborateurs. 
Par jugement du 7 octobre 2021, le Tribunal de prud'hommes a rejeté la demande de l'employé ainsi que celle formée reconventionnellement par la société. S'agissant du licenciement, les premiers juges ont estimé que l'employé n'était pas parvenu à faire apparaître comme non réel le motif économique invoqué par l'employeuse pour justifier sa décision. 
 
B.b. Par arrêt du 5 octobre 2022, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a partiellement admis l'appel de l'employé et condamné la société à lui verser la somme nette de 10'100 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er décembre 2018 à titre d'indemnité pour licenciement abusif. Ses motifs seront évoqués dans les considérants en droit du présent arrêt.  
 
C.  
L'employeuse forme un recours en matière civile en concluant principalement au rejet de la demande. 
L'intimé conclut, dans sa réponse, au rejet du recours. La Cour cantonale s'est pour sa part référée à son arrêt. 
Les parties ont encore répliqué et dupliqué sans se départir de leurs conclusions respectives. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre un arrêt final en matière civile (art. 72 al. 1 et 90 LTF) rendu par le tribunal supérieur d'un canton statuant sur appel (art. 75 LTF). En matière de droit du travail, le recours en matière civile est recevable, dans les affaires pécuniaires, uniquement si la valeur litigieuse s'élève au moins à 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF) ou, à défaut, si la contestation soulève une question juridique de principe (art. 74 al. 2 let. a LTF). La valeur litigieuse se détermine selon les dernières conclusions prises par les parties devant la dernière instance cantonale (art. 51 al. 1 let. a LTF). N'est donc pas déterminant l'intérêt concret que défend le recourant, soit le montant qui reste litigieux devant le Tribunal fédéral. Dans le cas présent, c'est l'intimé qui a fait appel en réclamant 22'000 fr. à titre d'indemnité pour licenciement abusif puisqu'il s'était fait intégralement débouter en première instance. La valeur litigieuse excède donc le seuil de 15'000 fr., indépendamment du montant de 10'100 fr. qui reste litigieux devant le Tribunal fédéral, et aucun obstacle ne s'oppose à l'entrée en matière sur le principe. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été arrêtés de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. - ou en violation du droit défini à l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).  
L'appréciation des preuves est arbitraire lorsque le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de prendre en compte des preuves pertinentes ou a effectué des déductions insoutenables à partir des éléments recueillis (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2). L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable (ATF 144 III 145 consid. 2). 
Conformément au principe de l'allégation ancré à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie qui croit discerner un arbitraire dans les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et par le détail en quoi ce vice serait réalisé (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). Si elle aspire à faire compléter cet état de fait, elle doit démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes les faits juridiquement pertinents et les moyens de preuve adéquats en se conformant aux règles de procédure (ATF 140 III 86 consid. 2). La cour de céans ne saurait prendre en compte des affirmations qui s'écarteraient de la décision attaquée sans satisfaire aux exigences précitées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2, 86 consid. 2). Il n'est en revanche pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4).  
 
3.  
Il est constant que les parties ont été liées par un contrat de travail que l'employeuse a résilié le 27 août 2018 et dont le terme a été reporté au 30 novembre 2018 en raison d'une incapacité de travail de l'employé. A ce stade, le litige ne porte plus que sur le caractère abusif du licenciement que la Cour cantonale a sanctionné par le versement d'une indemnité de 10'100 fr. correspondant à deux mois de salaire. 
La Cour cantonale a estimé que les motifs économiques invoqués par l'employeuse n'étaient pas établis. Le licenciement avait en réalité été motivé par la vente des actions de l'entreprise à un couple concurrent. De plus, l'employeuse avait joué un double-jeu. Si rien n'interdisait à l'administrateur de la société de mener des négociations en parallèle à celles amorcées avec l'intimé, la manière dont le licenciement avait été donné reflétait un manque de considération flagrant pour l'intimé. Jusqu'à leur licenciement, l'intimé et son épouse avaient entrepris des démarches en vue de la reprise des actions de la société, sans qu'ils aient été au courant de l'existence de concurrents. Une fois écartés de la transaction, la société les a licenciés. Les juges cantonaux ont vu dans ce licenciement "abrupt" la volonté de se débarrasser d'employés devenus encombrants vu la reprise par des tiers. A aucun moment, l'employeuse n'avait exposé à l'intimé la situation réelle, à savoir la concurrence avec d'autres repreneurs, ce qui avait "contribué à rendre le congé abusif". En définitive, ont-ils conclu, la société avait agi abusivement et par pure convenance personnelle en faisant abstraction de l'intérêt légitime de l'employé - auquel aucun manquement n'était reproché - à conserver un emploi dans lequel il s'investissait pleinement depuis des années. Le motif réel du congé en conjonction avec la manière dont il avait été signifié le rendaient abusif. 
L'employeuse dénonce une constatation arbitraire des faits pertinents ainsi qu'une violation de l'art. 336 al. 1 CO
 
4.  
 
4.1. Le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties (art. 335 al. 1 CO). En droit suisse du travail prévaut la liberté de résiliation, de sorte que, pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier. Le droit fondamental de chaque cocontractant de mettre unilatéralement fin au contrat est cependant limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 ss CO; ATF 136 III 513 consid. 2.3; 131 III 535 consid. 4.1).  
 
4.2. L'art. 336 al. 1 et 2 CO énumère des cas dans lesquels la résiliation est abusive. Cette liste n'est pas exhaustive; elle concrétise avant tout l'interdiction générale de l'abus de droit. Un congé peut donc se révéler abusif dans d'autres situations que celles énoncées par la loi; elles doivent toutefois apparaître comparables, par leur gravité, aux hypothèses expressément envisagées (ATF 136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2.1; 131 III 535 consid. 4.2).  
Le caractère abusif du congé peut résider entre autres dans le motif répréhensible qui le sous-tend - par exemple lorsque l'autre partie a fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail (art. 336 al. 1 let. d CO) -, dans la disproportion évidente des intérêts en présence, ou encore dans l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but (ATF 136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2.2 et 2.4). L'abus est en principe retenu lorsque le motif invoqué n'est qu'un simple prétexte tandis que le véritable motif n'est pas constatable (ATF 130 III 699 consid. 4.1 in fine; cf. aussi ATF 138 III 59 consid. 2.1 en matière de bail). 
L'abus n'est pas obligatoirement inhérent au motif de la résiliation; il peut également surgir dans ses modalités. La partie qui veut mettre fin au contrat, même pour un motif légitime, doit exercer son droit avec des égards et s'abstenir de tout comportement biaisé ou trompeur. Une violation manifeste du devoir imposé par l'art. 328 al. 1 CO, en relation avec le licenciement, peut caractériser l'abus. Par contre, un comportement de l'employeur simplement discourtois ou indélicat est insuffisant car il ne ressortit pas à l'ordre juridique de sanctionner ces attitudes (ATF 132 III 115 consid. 2; 131 III 535 consid. 4; 125 III 70 consid. 2). 
 
4.3. Pour qualifier un congé d'abusif, il faut se fonder sur son motif réel. Déterminer le motif d'une résiliation est une question de fait (ATF 136 III 513 consid. 2.3 in fine). En revanche, savoir si le congé est abusif relève du droit (arrêt 4A_714/2014 du 22 mai 2015 consid. 3.3).  
 
5.  
En l'espèce, la cour cantonale a retenu que le motif réel du licenciement résidait dans la reprise de la société par un couple concurrent, alors que l'employeuse soutenait qu'il était lié à des circonstances - respectivement à des difficultés - économiques. Il faut observer à ce stade que ces deux motifs ne s'excluent pas l'un l'autre; au contraire, ils se recoupent partiellement. En effet, l'administrateur a déclaré lors des débats qu'avec l'arrivée des nouveaux repreneurs, les charges salariales étaient devenues trop élevées, ce qui justifiait la décision de licenciement. Selon la recourante, elle ne pouvait se permettre d'employer tant l'intimé et son épouse que le couple de repreneurs (cf. recours p. 27). C'est donc que le licenciement pourrait être fondé sur des motifs économiques liés à la reprise de la société par un autre couple. La cour cantonale n'a pas évalué le congé sous cet angle. Elle s'est limitée à écarter la thèse de difficultés financières rencontrées par la société en 2018. Quoi qu'il en soit, il n'est pas nécessaire de pousser le raisonnement plus avant, ni d'examiner si le grief d'arbitraire soulevé par le recourant à l'encontre de l'inexistence de ces difficultés financières se révèle fondé. Le sort du litige dépend d'autres considérations. 
Selon la cour cantonale, le motif réel du congé en conjonction avec la manière dont il a été signifié lui confèrent un caractère abusif. Cela étant, pris isolément ou ensemble, ces deux motifs ne permettent pas de considérer que l'employeuse a abusé de son droit en licenciant l'intimé. Il faut se représenter ici que les actions de la société ont été rachetées - cas de figure qui, soit dit en passant, exclut l'application des art. 333 ss CO (arrêts 4C.88/2001 du 26 septembre 2001 consid. 3 et 4C.247/1993 du 6 avril 1994 consid. 1b) qui ne sont d'ailleurs pas invoqués au soutien des prétentions de l'employé - et que les acquéreurs peuvent parfaitement lui imprimer leur propre vision, respectivement une nouvelle stratégie, ce qui va de pair avec certains changements que ce soit au niveau de l'organisation, du personnel, des techniques et outils de production ou des produits. Ceci peut entraîner l'un ou l'autre licenciement. En recourant à cet argument, qui n'a rien d'un prétexte, l'employeuse n'a donc pas abusé de son droit. On peut certes s'interroger sur le fait qu'elle n'ait pas joué cartes sur table d'emblée, en déclarant que c'était cette reprise qui avait motivé sa décision. Encore faut-il observer que les "circonstances économiques" qu'elle a avancées ne sont pas nécessairement indépendantes de cette reprise. Et qu'il s'agisse là d'une erreur d'appréciation ou de prudence excessive de sa part, ceci ne saurait automatiquement imprimer un caractère abusif au licenciement. Le véritable motif sous-tendant le licenciement a été mis à jour et il s'avère parfaitement légitime. 
Quant à la manière dont le licenciement a été signifié, la Cour cantonale considère que l'employeuse a agi de manière trompeuse en cachant à l'intimé la situation réelle, à savoir que lui et son épouse se trouvaient en concurrence avec d'autres repreneurs potentiels. On ne saurait lui emboîter le pas. Certes, à un moment ou à un autre, l'actionnaire de la société aurait pu dévoiler à l'employé et à son épouse que d'autres personnes étaient intéressées au rachat. Il aurait également pu les avertir que la transaction était sur le point d'être conclue. Encore faudrait-il voir s'il était véritablement tenu de leur délivrer ces informations. En tout état de cause, ces considérations ont trait aux pourparlers de reprise et doivent être réglées par ces trois protagonistes, le cas échéant par le biais de la culpa in contrahendo. Ce ne sont pas là des éléments qui connotent le licenciement auquel la société a procédé. En d'autres termes, que l'actionnaire ait manqué ou non à ses devoirs dans le cadre des négociations de reprise, il n'empêche que la société pouvait mettre un terme au contrat de travail de l'intimé ainsi qu'elle l'a fait. Contrairement à ce que la Cour cantonale a évoqué, il ne s'agit pas d'un licenciement "abrupt" en ce sens qu'il n'avait pas de caractère immédiat mais respectait les deux mois de préavis de la CCT; tout au plus était-il inattendu. A quoi s'ajoute que l'employé l'était depuis moins de deux ans et demi et qu'il projetait, avec son épouse, de monter une nouvelle boulangerie, projet qu'il a finalement mené à terme. Il n'y a rien dans ces circonstances qui dénote une disproportion évidente des intérêts en présence. 
Le grief de violation de l'art. 336 CO est donc fondé. 
 
6.  
Partant, le recours doit être admis. La recourante ne doit rien à l'intimé au titre d'un licenciement qualifié à tort d'abusif. La demande doit donc être rejetée. 
L'intimé supportera donc les frais de procédure (art. 66 al. 1 LTF), fixés selon le tarif réduit de l'art. 65 al. 4 let. c LTF, et versera à son adverse partie une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis et l'arrêt cantonal est annulé et réformé en ce sens que la demande de l'intimé est rejetée. 
 
2.  
Les frais de procédure, fixés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
L'intimé versera à la recourante une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur les frais et dépens de l'instance cantonale. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 6 novembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Botteron