5A_358/2023 01.02.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_358/2023  
 
 
Arrêt du 1er février 2024  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Bovey et De Rossa. 
Greffier : M. Piccinin. 
 
Participants à la procédure 
1. A.A.________, 
2. B.A.________, 1213 Onex, 
tous deux représentés par Me Thomas Büchli, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
1. C.C.________, 
2. D.C.________, 
tous deux représentés par Me Diane Schasca-Brunoni, avocate, 
3. E.E.________, 
4. F.E.________, 
5. G.G.________, 
6. H.G.________, 
7. I.________, 
8. J.________, 
intimés. 
 
Objet 
servitude de passage, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 21 mars 2023 (C/9311/2019 ACJC/406/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Les parcelles n° ooo à sss de la commune de L.________ sont situées à l'intersection du M.________ et du Chemin N.________, celui-ci étant un chemin étroit dans un quartier résidentiel bordé de chaque côté par des haies. Cinq villas contiguës ont été construites sur ces parcelles (villas A à E).  
La parcelle n° ooo est propriété de E.E.________ et F.E.________, la parcelle no ppp est propriété de G.G.________ et H.G.________, la parcelle n° qqq est propriété de A.A.________ et B.A.________, la parcelle n° rrr est propriété de J.________ et I.________ et la parcelle no sss est propriété de Sergio et C.C.________. 
Les parcelles n° ooo, ppp, qqq, rrr et sss sont inscrites au registre foncier comme propriétaires de la parcelle n° sss pour 1/5 e chacune. 
 
A.b. À la suite du dépôt de la demande d'autorisation de construire initiale visant la construction de cinq villas contiguës sur chacune des parcelles no ooo à sss, une servitude de passage à pied n° ID..2012/uuu a été inscrite au Registre foncier, le long du Chemin N.________, à la charge de la parcelle n° sss et en faveur des parcelles n° ooo à rrr. Cette servitude de passage a été constituée en août 2011 pour permettre aux habitants de rejoindre leurs places de parking.  
Des servitudes de parking ont également été inscrites sur la parcelle n° sss en faveur des parcelles n° ppp, qqq et rrr, les places de stationnement réservées aux habitants des parcelles n° ooo et sss ayant initialement été prévues directement sur celles-ci. 
 
A.c. Au cours des travaux de construction des cinq villas, soit dans le courant de l'année 2011, les propriétaires des parcelles n° ooo à sss ont souhaité augmenter la surface habitable de leur villa en procédant à la fermeture de leur terrasse. Ils se sont rencontrés pour discuter de ce projet et ont mandaté un architecte pour le mener à bien.  
Durant le mois de mars 2012 en particulier, l'architecte et C.C.________ ont rencontré les voisins du Chemin N.________ afin de leur présenter leur projet de densification et discuter de l'emplacement des places de parking. Le 21 avril 2012, C.C.________ a transmis une " notice explicative " rédigée avec le concours de l'architecte, indiquant notamment que le projet prévoyait de modifier l'emplacement des places de parking, de façon à " satisfaire au mieux la tranquillité du voisinage ". Cette modification consistait à regrouper au fond de la parcelle n° sss toutes les places de parking qui longeaient initialement le Chemin N.________. Cela permettrait de replanter " une haie indigène sur presque tout le Chemin N.________ " afin que celui-ci " retrouv[e] au maximum son aspect d'origine ". 
Le 25 avril 2012, l'architecte a déposé, pour le compte des propriétaires, une demande d'autorisation de construire complémentaire visant à agrandir les villas. Dite autorisation a été délivrée et les travaux requis ont été réalisés. 
 
B.  
 
B.a. Par acte déposé en conciliation le 18 avril 2019, déclaré non concilié le 29 août 2019 et introduit devant le Tribunal de première instance de Genève (ci-après: Tribunal) le 29 novembre 2019, les les époux C.________ ont formé une action en radiation de servitudes à l'encontre des autres propriétaires. Ils ont conclu, en dernier lieu, à ce que le Tribunal ordonne la radiation totale de la servitude de passage à pied grevant la parcelle n° sss au profit des parcelles n° ooo à rrr (conclusions no 3 à 6) et des servitudes de parking grevant la parcelle n° sss au profit des parcelles n° ppp à rrr (conclusions no 7 à 9), et invite le Conservateur du Registre foncier à procéder aux inscriptions nécessaires (conclusion no 10).  
Les époux E.________ ont déclaré accepter l'action en radiation de servitudes. G.G.________ et I.________ ont déclaré s'en rapporter à justice sur le fond de la demande. 
Les époux A.________ ont principalement conclu à l'irrecevabilité des conclusions no 7 à 10 de la demande et au rejet de l'action en radiation de servitudes. 
 
B.b. Par jugement du 28 avril 2022, le Tribunal a notamment ordonné la radiation des servitudes de passage à pied et de parking précitées, mis les frais judiciaires à charge de A.A.________ et B.A.________ et condamné ceux-ci à verser des dépens à C.C.________ et D.C.________.  
A.A.________ et B.A.________ ont formé appel de ce jugement. 
 
B.c. Par arrêt du 21 mars 2023, communiqué aux parties par plis recommandés le 24 suivant, la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: Cour de justice) a confirmé le jugement entrepris, débouté les parties de toutes autres conclusions et mis les frais et les dépens à la charge des appelants.  
Par acte du 11 mai 2023, A.A.________ et B.A.________ exercent un recours en matière civile contre l'arrêt du 21 mars 2023, dont ils demandent principalement l'annulation en tant que cet arrêt confirme le jugement de première instance ordonnant la radiation des (sic) servitudes de passage à pied et l'inscription de cette radiation au Registre foncier et la réforme en ce sens que la demande de radiation de ces (sic) servitudes est rejetée, les frais de justice de première et deuxième instances devant être mis à la charge des intimés à raison de 6/7 et les dépens à raison de 3/4. À titre subsidiaire, ils concluent au renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle instruction et arrêt dans le sens des considérants. 
Des déterminations sur le fond n'ont pas été requises. 
 
C.  
Par ordonnance présidentielle du 7 juin 2023, l'effet suspensif a été attribué au recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. a LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF), le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), prise en dernière instance cantonale et sur recours par un tribunal supérieur (art. 75 al. 1 LTF), dans une contestation civile (art. 72 al. 1 LTF). Les recourants, qui ont succombé dans leurs conclusions, ont qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). 
Le litige est de nature pécuniaire, de sorte que le recours en matière civile n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). Il est constaté à la fin de l'arrêt entrepris que cette valeur est atteinte et les recourants estiment, en se référant à leur mémoire-réponse de première instance, que la valeur estimée des servitudes est de 30'000 fr. Dans leurs déterminations sur effet suspensif, les intimés C.________ indiquent contester cette valeur au motif qu'elle ne reposerait sur aucune expertise. Ils précisent avoir proposé dans leur demande de première instance, pour les besoins de leur action en radiation de servitudes, de fixer la valeur litigieuse totale à 35'000 fr., " ce qui correspond à 5'000 fr. par servitude de passage et 5'000 fr. par servitudes de parking ", relevant que " dès lors que le présent recours ne porte que sur les quatre servitudes de passage, la valeur litigieuse ne saurait dépasser un montant de 20'000 fr. ". Toutefois, par cette critique, ils oublient que la détermination de la valeur litigieuse dépend des conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 51 al. 1 let. a LTF). Dès lors qu'ils admettent une valeur litigieuse de 35'000 fr. pour la radiation de toutes les servitudes et qu'il est établi que le litige en appel portait à la fois sur la servitude de passage et les servitudes de parking, il n'y a pas lieu de s'écarter de la constatation de la Cour de justice selon laquelle la valeur litigieuse atteint le seuil requis. 
Il suit de là que le recours est en principe recevable au regard des dispositions qui précèdent. 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 146 IV 297 consid. 1.2; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence; 142 I 99 consid. 1.7.1). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée par le recourant (" principe d'allégation ", art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 I 73 consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence), doit satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.1), étant rappelé qu'en matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1 et la référence). Le recourant ne peut pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1).  
 
3.  
 
3.1. Devant le Tribunal fédéral, les recourants contestent uniquement la radiation de la servitude de passage à pied, à l'exclusion des servitudes de parking.  
 
3.1.1. La Cour de justice a fait sien le jugement de première instance en tant qu'il prononce la radiation de cette servitude au motif, d'une part, que les propriétaires y avaient renoncé (art. 734 CC en lien avec l'art. 975 CC) et, d'autre part, que la servitude a perdu toute utilité (art. 736 al. 1 CC). Dès lors que ces motivations sont à l'évidence alternatives, en ce sens que chacune d'elles est susceptible de sceller le sort du litige, l'on se limitera en premier lieu à examiner les critiques des recourants relatives à la renonciation à la servitude de passage, les éléments repris de l'arrêt querellé étant circonscrits en conséquence.  
 
3.1.2. La servitude s'éteint avec sa radiation au registre foncier (art. 734 CC). Elle existe aussi longtemps qu'elle est inscrite au registre foncier (arrêts 5A_898/2015 du 11 juillet 2016 consid. 3.2; 5A_369/2013 du 15 mai 2014 consid. 3.2.2). La renonciation à une servitude peut toutefois être effective avant la radiation si son ayant droit déclare y renoncer sans réserve ni condition; la volonté de renoncer peut être exprimée expressément ou tacitement, un comportement implicite devant exprimer clairement cette volonté (arrêts 5A_898/2015 précité loc. cit.; 5C.42/2007 du 8 février 2008 consid. 7.2 non publié in ATF 134 III 341; 5A_478/2007 du 20 novembre 2007 consid. 3.4; 5C.307/2005 du 19 mai 2006 consid. 5.1). Tel est par exemple le cas lorsque le propriétaire du fonds grevé autorise une construction contraire à la servitude sur le fonds voisin (ATF 128 III 265 consid. 4a; 127 III 440 consid. 2a; 123 III 461 consid. 3a). En revanche, le seul non-exercice d'une servitude pendant une longue période ne peut être interprété comme une déclaration de renonciation et donc avoir une portée juridique que si les circonstances indiquent sans équivoque cette intention et qu'une autre interprétation doit être considérée comme exclue ou du moins hautement improbable (arrêts 5A_898/2015 précité loc. cit.; 5A_478/2007 précité consid. 3.4; 5C.42/2007 précité loc. cit.).  
Lorsque la renonciation à la servitude n'est pas suivie d'une déclaration correspondante du titulaire de la servitude, adressée au registre foncier, le propriétaire du fonds servant doit ouvrir action en rectification du registre foncier selon l'art. 975 CC pour obtenir la radiation de la servitude (STEINAUER, Les droits réels, T. II, 5e éd. 2020, no 3389 p. 454; LIVER, in Zürcher Kommentar, 2e éd. 1980, no 101 ad art. 734 CC). 
 
3.1.3. Conformément aux principes généraux applicables tant à la conclusion qu'à l'interprétation des contrats, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 132 III 268 consid. 2.3.2; 132 III 626 consid. 3.1). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2).  
L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait. Si le juge parvient à la conclusion que les parties se sont comprises ou, au contraire, qu'elles ne se sont pas comprises, il s'agit de constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles ne soient manifestement inexactes (art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités; arrêt 4A_496/2022 du 6 novembre 2023 consid. 4.1 et l'autre arrêt cité). 
 
4.  
L'arrêt entrepris retient que le Tribunal avait constaté que les recourants avaient admis avoir conclu un accord global avec les autres propriétaires portant sur la plantation d'une haie indigène le long du Chemin N.________, ainsi que sur l'assiette de la servitude de passage à pied. Les recourants n'ayant pas démontré avoir été dans l'erreur au moment de conclure cet accord, le Tribunal en avait déduit que celui-ci correspondait à la volonté commune et réelle des parties. Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal avait également apprécié l'ensemble des éléments recueillis durant l'instruction de la cause, soit les pièces produites, l'interrogatoire des parties et l'audition de K.________ en qualité de témoin. Ainsi, il ressortait de la " notice explicative " du 21 avril 2012 que la modification souhaitée par le voisinage consistait à replanter une " haie indigène " sur presque toute la longueur du Chemin N.________ afin que celui-ci retrouve " son aspect d'origine ". Le fait de replanter cette haie impliquait la suppression du chemin pédestre et de la servitude de passage y relative, ceux-ci ayant été conçus lors de la construction des cinq villas contiguës. Ce point avait été confirmé par K.________, qui avait précisé qu'elle pouvait l'affirmer sur la base de la " notice explicative ", mais également des réunions qui avaient eu lieu entre les propriétaires et l'architecte, ainsi que de l'autorisation de construire complémentaire qui avait été déposée et qui n'avait pas été contestée. Selon la Cour de justice, contrairement à ce que plaidaient les recourants, aucun élément au dossier ne permettait de douter de la crédibilité de ce témoin et/ou d'affaiblir la valeur probante de ses déclarations. Au contraire, ayant vendu sa parcelle en 2017, l'intéressée avait directement participé aux discussions ayant entouré la conclusion de l'accord, tandis qu'elle n'avait, au jour du dépôt de la demande, aucun intérêt à témoigner en faveur de l'une ou l'autre partie. Son témoignage emportait dès lors la conviction, comme l'avait retenu le Tribunal. 
De leur côté, les intimés avaient déclaré que les réunions entre propriétaires - auxquelles les recourants avaient parfois participé, ainsi que l'avait confirmé le témoin K.________ - s'étaient aussi déroulées en anglais, si besoin, afin de permettre aux recourants de mieux suivre les discussions et les parties avaient d'ailleurs échangé certains courriers en anglais. Les recourants avaient ainsi été à même de poser toutes questions utiles - soit aux autres propriétaires, soit à l'architecte - quant aux tenants et aboutissants de l'accord négocié avec le voisinage et la commune de L.________ et, cas échéant, de s'opposer à la " notice explicative ", ou encore à la demande d'autorisation de construire complémentaire, ce qu'ils n'avaient pas fait. 
L'arrêt entrepris retient également que le Tribunal avait relevé avec raison que, selon les plans déposés à l'appui de la demande d'autorisation complémentaire, une " haie mixte arbustive indigène " devait longer le Chemin N.________, sans qu'il soit fait mention d'une servitude de passage à pied - la Cour de justice constatant que selon le plan d'aménagement paysager, la haie indigène, hachurée en violet, borde directement le Chemin N.________, sans laisser de place pour un passage pédestre -, ce qui confirmait encore le fait que la plantation de la haie indigène devait remplacer la servitude. De surcroît, en février 2016, tous les propriétaires des villas, à l'exception des recourants, avaient attesté par écrit de ce qu'ils étaient convenus que la haie remplacerait le passage piétonnier longeant le Chemin N.________ et que la servitude n'était plus nécessaire, un chemin parallèle à la haie n'ayant jamais été évoqué. Une année plus tard, puis à nouveau en mai 2021, une vingtaine d'habitants du Chemin N.________ avaient sommé les propriétaires des parcelles n° ooo à sss de respecter les termes de l'accord conclu, en soulignant que la dérogation qui leur avait été octroyée pour augmenter la surface habitable de leurs villas était notamment subordonnée à la condition que la haie indigène longeant le Chemin N.________ devait être replantée à son " emplacement originel sur toute la longueur de la parcelle, exceptée une entrée de parking adéquate "; ce faisant, le Chemin N.________ devait retrouver " l'aspect bucolique " qui était le sien avant l'ouverture du chantier, sans subir d'élargissement. 
Selon la Cour de justice, il ne pouvait pas être reproché au Tribunal d'avoir considéré, sur cette base, que les parties à la procédure, les voisins et la commune s'étaient entendus, dans le cadre d'un accord global, sur la plantation d'une haie indigène le long du Chemin N.________ - comprenant la suppression de la servitude de passage à pied grevant la parcelle n° sss - en contrepartie de l'acceptation par les voisins et la commune du projet d'agrandissement des cinq villas contiguës, y compris celle des recourants. Il ne pouvait pas non plus être reproché au Tribunal, considérant que cet accord reflétait la volonté réelle et commune des parties, d'avoir ordonné la radiation de la servitude de passage à pied, à laquelle les propriétaires des parcelles n° ooo à rrr avaient tous renoncé. Le Tribunal ayant correctement apprécié les preuves administrées, une violation de l'art. 8 CC n'entrait par ailleurs pas en considération. 
Toujours selon la Cour de justice, aux éléments susmentionnés s'ajoutait le fait que les recourants avaient pris l'initiative d'équiper leur porte-fenêtre d'une serrure et d'installer des dalles dans leur jardin, ce qui leur permettait d'accéder directement à la parcelle n° sss (et donc à leurs places de parking) depuis leur villa. Ces aménagements avaient été réalisés après la conclusion de l'accord litigieux, ce qui venait confirmer que les recourants avaient compris (et accepté) que la plantation de la haie indigène à son emplacement d'origine impliquait la suppression du chemin pédestre et, partant, de la servitude de passage grevant la parcelle des intimés. Contrairement à ce que ceux-ci plaidaient, le courriel de D.C.________ du 25 mai 2016, qui évoquait la possibilité de prévoir un chemin piétonnier à côté de la haie de cyprès plantée par les intimés C.________ dans leur jardin, ne démontrait pas qu'un accord sur ce point (antérieur ou postérieur à celui conclu pour permettre l'agrandissement des villas) était venu à chef, puisque ce même courriel précisait que les propriétaires des parcelles n° ooo et ppp refusaient de participer aux coûts d'installation d'un tel chemin. De même, le fait que la question de la radiation de la servitude avait été évoquée par écrit - pour la première fois - dans un courriel du 9 février 2015, ne changeait rien aux considérations qui précédaient. Dès lors, comme l'avait retenu à juste titre le Tribunal, la volonté réelle et commune des parties avait pu être établie, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de rechercher quelle était leur volonté objective selon le principe de la confiance. 
La servitude de passage à pied grevant la parcelle n° sss au profit des parcelles n° ooo à rrr s'étant éteinte suite à l'accord conclu par les parties pour pouvoir agrandir leurs villas, la Cour de justice a jugé que c'était à bon droit que le Tribunal avait ordonné sa radiation. 
 
5.  
 
5.1. Dans un grief d'ordre formel, les recourants se plaignent de ce que la considération de la Cour de justice selon laquelle " le fait que la question de la radiation de la servitude avait été évoquée par écrit dans un courriel du 9 février 2015 ne changeait rien [à son appréciation] " ne répondrait pas aux exigences de l'art. 29 al. 2 Cst., sous l'aspect du droit à une décision motivée.  
Selon la jurisprudence, l'obligation de motiver une décision impose notamment au juge de mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 142 I 135 consid. 2.1); il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 146 II 335 consid. 5.1; 143 III 65 consid. 5.2; 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2). 
Dès lors qu'en l'espèce l'on comprend de la motivation de l'arrêt entrepris que l'évocation de la radiation de la servitude dans le courriel du 9 février 2015 n'était pas décisive pour l'issue du litige, il n'apparaît pas que la Cour de justice aurait contrevenu à ces exigences, comme les recourants l'affirment sans développer plus avant leur propos. Autant que recevable, le grief doit donc être rejeté. 
 
5.2.  
 
5.2.1. En lien avec la renonciation à la servitude, les recourants soutiennent d'abord qu'il était arbitraire de considérer que la suppression de la servitude était nécessaire pour la plantation d'une haie le long du Chemin N.________ et pour redonner un aspect bucolique à ce chemin. Ils indiquent ensuite que le texte de la " notice explicative " ne prévoyait pas explicitement la suppression de la servitude et le croquis " avant et après " ne contenait pas non plus d'indice en ce sens. Le dessin qui y figurait ne montrait pas la bande de terrain longeant le jardin des intimés C.________ sur laquelle se trouve l'assiette de la servitude. Par ailleurs, le terme général " le long " du Chemin N.________ ne déterminait pas exactement l'emplacement de la haie mais signifiait uniquement qu'entre le jardin des intimés C.________ et le Chemin N.________, une haie devait être plantée. En tout état de cause, dans la mesure où la " notice explicative " concernait la demande d'autorisation de construire, à savoir une procédure administrative, elle n'était pas pertinente pour la " question civile " de savoir si les recourants avaient renoncé à leur servitude. La Cour de justice ne pouvait pas non plus se baser sur une prétendue absence de mention de la servitude de passage dans les plans relatifs à l'autorisation de construire complémentaire, dans la mesure où ces documents avaient un caractère administratif et ne concernaient pas le droit civil. Les déclarations des intimés et du témoin K.________ sur lesquelles la Cour de justice avait fondé son appréciation étaient en outre contredites par plusieurs éléments factuels qui s'étaient passés peu de temps après les discussions en 2012. Ainsi, en premier lieu, les messages échangés entre 2011 et 2015 par les parties, qui étaient détaillés, précis et exhaustifs, ne mentionnaient pas de renonciation à la servitude. En deuxième lieu, l'architecte mandaté pour la demande d'autorisation de construire n'avait pas évoqué la nécessité de supprimer la servitude, mais s'était uniquement limité à soulever la problématique en 2015, démontrant qu'une telle discussion n'avait pas eu lieu avant. Il n'était pas plausible que le seul professionnel impliqué n'avait pas rendu les parties attentives à une éventuelle incompatibilité entre le projet et la servitude si celle-ci devait effectivement être crainte. En troisième lieu, les intimés C.________ avaient laissé libre l'assiette de la servitude et avaient construit une grille métallique permanente pour séparer leur jardin du passage à pied objet de la servitude en sollicitant même une autorisation pour construire cette grille, ce qui montrait qu'ils partaient de l'idée que la servitude devait être respectée. Selon les recourants, ces éléments, de par leur proximité temporelle avec les discussions menées en 2012, " restitu[ai]ent plus fidèlement le contenu de [ces] discussions que les déclarations et témoignage de Mme K.________ intervenus plus tard (2017 et 2022), pour les besoins de la cause ". La Cour de justice avait ainsi versé dans l'arbitraire en omettant de les prendre en compte dans son appréciation. Les recourants relèvent en outre, à la suite de ces considérations, sans apporter de plus amples explications, que la Cour de justice avait contrevenu aux art. 18 CO et 157 CPC en établissant mal la volonté et l'intention des parties et que, partant, elle avait violé l'art. 736 al. 1 CC en considérant qu'ils auraient renoncé à la servitude.  
 
5.2.2. L'on peine à comprendre pour quelle raison l'art. 736 al. 1 CC régissant la libération judiciaire d'une servitude serait pertinent pour juger de la renonciation à la servitude litigieuse et les recourants ne l'expliquent pas. En tant qu'ils invoquent une violation des art. 18 CO et 157 CPC en relevant que la Cour de justice se serait basée sur des éléments qui ne seraient pas objectifs ou pertinents, ou aurait omis de prendre en compte d'autres éléments démontrant l'inverse, les recourants se plaignent en réalité de ce que la volonté subjective des parties n'a pas été correctement établie, ce qui est une question de fait que le Tribunal fédéral revoit sous l'angle restreint de l'arbitraire (cf. supra consid. 3.1.3).  
Or force est de constater que la critique des recourants ne permet pas de démontrer que la Cour de justice aurait versé dans l'arbitraire en considérant que les propriétaires étaient convenus de renoncer à la servitude de passage. Selon la jurisprudence susmentionnée (cf. supra consid. 3.1.3), le juge peut rechercher la réelle et commune intention des parties de manière empirique, sur la base d'indices. Il en résulte que, contrairement à ce que soutiennent les recourants, la Cour de justice pouvait considérer que la " notice explicative " et les documents en lien avec la demande de construire complémentaire, et notamment les plans, étaient des indices permettant de déterminer la volonté subjective des parties. La Cour de justice pouvait également établir cette volonté sur la base du comportement des recourants - dite autorité ayant retenu que ceux-ci avaient procédé à des aménagements permettant d'accéder directement au parking depuis leur villa à la suite de la conclusion de l'accord global sans que cela soit contesté dans le recours -, de la position exprimée par les propriétaires du quartier et des autorités communales ou des déclarations ultérieures des autres propriétaires et du témoin K.________ confirmant l'existence d'un tel accord. Les éléments que les recourants tentent d'opposer à ces déclarations - à savoir que la " notice explicative " ne fait pas de mention explicite de la renonciation à la servitude, que l'architecte n'aurait jamais évoqué la nécessité de supprimer la servitude ou que les époux C.________ avaient construit une grille entre leur jardin et le Chemin N.________ - et dont ils se limitent à indiquer qu'ils restitueraient " plus fidèlement le contenu des discussions ", ne sauraient à eux seuls démontrer le caractère arbitraire de l'appréciation cantonale. S'agissant de la grille érigée sur la parcelle des époux C.________, l'on ne discerne pas en quoi cette installation serait de nature à montrer que ceux-ci partaient de l'idée qu'il fallait respecter la servitude comme l'affirment les recourants de manière péremptoire, ceux-ci n'exposant notamment pas en quoi cette grille serait incompatible avec la plantation d'une haie indigène sur l'assiette de la servitude. L'on peine par ailleurs à comprendre les recourants lorsqu'ils indiquent que la " notice explicative " ne déterminait pas exactement l'emplacement de la haie en précisant qu'elle devait être plantée " le long " du Chemin N.________, les recourants admettant eux-mêmes dans leur recours que cela signifiait qu'une haie devait être plantée entre ce chemin et le jardin des époux C.________. En définitive, par leur critique, les recourants se limitent à opposer leur propre appréciation des faits à celle de la Cour de justice sans démontrer le caractère insoutenable de celle-ci. 
Il suit de là que, pour autant que recevables, les critiques des recourants portant sur l'établissement de la volonté subjective des parties doivent être rejetées et que c'est donc à juste titre que la Cour de justice a jugé que les parties avaient renoncé à la servitude et qu'elle pouvait être radiée. 
 
5.3.  
 
5.3.1. Dans le prolongement de la critique précédente (cf. consid. 5.2.1), les recourants exposent qu'en réalité la question d'une éventuelle renonciation à la servitude ne se posait pas et que les les époux C.________ l'avaient construite comme prétexte pour obtenir la radiation de la servitude dans le seul but d'agrandir la surface utilisable de leur jardin. La question pertinente était donc uniquement celle de savoir s'il existait des motifs objectifs pour avancer de seulement 80 cm la haie déjà existante, correspondant à la largeur de l'assiette de la servitude. Or, de tels motifs faisaient défaut, dans la mesure où l'aspect visuel resterait le même et qu'au contraire, un tel avancement aurait pour conséquence de rendre le Chemin N.________ encore plus dangereux pour les piétons et serait susceptible de causer des dégâts aux véhicules. L'ordonner, alors qu'il n'était pas nécessaire, contrevenait non seulement à l'art. 734 CC, mais également au principe de proportionnalité consacré à l'art. 36 Cst. Dans ce contexte, les recourants reprochent encore à la Cour de justice d'avoir violé leur droit d'être entendus garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. et leur droit à la preuve selon l'art. 8 CC en omettant de tenir compte de plusieurs faits qu'ils avaient allégués et prouvés. Ils font valoir que ces éléments seraient pertinents pour la résolution du litige dans la mesure où ils démontraient que l'exercice de la servitude pouvait continuer et que la suppression du passage existant n'était pas nécessaire pour permettre au Chemin N.________ de retrouver son aspect d'origine. Ils invoquent en outre une violation de l'art. 734 CC en tant que la Cour de justice aurait considéré que " les intimés C.________ [avaient] apporté la preuve de la renonciation ".  
 
5.3.2. Pareille argumentation est en contradiction avec la critique précédente, les recourants ne pouvant pas logiquement soutenir en même temps, d'une part, que la Cour de justice a mal déterminé la volonté subjective des parties et, d'autre part, que cette volonté n'avait pas à être déterminée. Quoi qu'il en soit, la considération selon laquelle les intimés C.________ se sont servis de la renonciation à la servitude comme un prétexte pour agrandir leur jardin est purement appellatoire et, partant, irrecevable (cf. supra consid. 2.1). Il ne ressort par ailleurs pas de l'arrêt entrepris que la haie plantée par les époux C.________ dans leur jardin serait actuellement située à 80 cm du Chemin N.________ et que cela correspondrait à la largeur de l'assiette de la servitude (cf. supra consid. 2.2). Les recourants ne sauraient donc être suivis lorsqu'ils soutiennent que la seule question pertinente serait celle de savoir si la haie existante doit être avancée de 80 cm. Dès lors qu'au surplus, la volonté subjective de renoncer à la servitude a pu être établie (cf. supra consid. 5.2), il n'y a pas lieu d'examiner plus avant si cette volonté reposait sur des motifs objectifs. Partant, les recourants échouent à démontrer que les faits qu'ils invoquent seraient pertinents pour juger la présente cause. Pour autant que recevables, leurs griefs doivent ainsi être rejetés.  
 
6.  
Les recourants prennent des conclusions séparées sur les frais et les dépens de la procédure cantonale. Dès lors qu'il résulte de la motivation du mémoire que ces conclusions sont formulées pour le cas d'une admission de leurs griefs, elles ne peuvent, au vu du sort de ceux-ci, qu'être écartées. 
 
7.  
En conclusion, le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable, aux frais des recourants solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Les intimés n'ont pas été invités à se prononcer sur le fond de la cause. Par ailleurs, les intimés 1 et 2 s'en sont remis à justice sur la question de l'effet suspensif, alors que les intimés 3 à 8, non assistés d'un avocat, ne se sont pas déterminés sur cette question. En conséquence, il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 1er février 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
Le Greffier : Piccinin