1B_355/2022 21.09.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_355/2022  
 
 
Arrêt du 21 septembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux Jametti, Juge présidant, Chaix et Merz. 
Greffière : Mme Corti. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Procédure pénale; refus de nomination d'un avocat d'office, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 3 juin 2022 
(ACPR/395/2022 - P/24723/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par acte d'accusation du 11 novembre 2021, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: le Ministère public) a renvoyé A.________ et son épouse B.________ devant le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal correctionnel) du chef d'usure par métier (art. 157 ch. 1 et 2 CP) et d'infraction à l'art. 116 al. 1 et 3 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI; RS 142.20). 
 
B.  
A.________, se trouvant dans un cas de défense obligatoire, a déposé, le 16 février 2022, une requête tendant à ce que le mandataire de son choix, Me C.________ (qui l'assistait depuis mars 2020), soit désigné comme avocat d'office; la demande était accompagnée des pièces relatives à sa situation financière. Son épouse, aussi défendue à titre privé depuis le 29 septembre 2020, a formé une requête similaire. 
Invité à se déterminer par le Tribunal correctionnel, le Service de l'assistance juridique a retenu, dans son rapport du 15 mars 2022, que le couple avait un disponible de 2'447 fr. 30 par mois, montant qu'il convenait de relativiser au regard des séquestres opérés et des charges hypothécaires et fiscales dans les autres cantons dont il n'était pas tenu compte. Suite au dépôt de pièces complémentaires par les prévenus, le Service de l'assistance juridique a maintenu les chiffres énoncés dans son rapport en considérant notamment que le paiement d'impôts à hauteur de 3'350 fr. par mois n'était pas prouvé. 
Par deux ordonnances séparées du 5 mai 2022, le Tribunal correctionnel a refusé d'ordonner une défense d'office en faveur de A.________ et de son épouse au motif que ces derniers disposaient des ressources nécessaires pour assurer leur défense. 
A.________ a formé un recours pour lui-même et pour son épouse à l'encontre de ces ordonnances. Par arrêt du 3 juin 2022, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale de recours) a déclaré irrecevable le recours relatif à l'épouse et rejeté celui concernant le mari. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 3 juin 2022 et de lui accorder " l'assistance judiciaire " avec effet rétroactif au 11 mars 2020; il conclut subsidiairement à son octroi avec effet au 11 novembre 2021 et, encore plus subsidiairement, avec effet au 16 février 2022. Par courrier séparé accompagnant le recours, le recourant explique agir seul, étant dans l'impossibilité de payer son mandataire. 
La Chambre pénale de recours ne formule pas d'observations. Le Ministère public conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt entrepris. Le recourant a répliqué par courrier du 22 août 2022. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Conformément à l'art. 78 LTF, une décision relative à la défense d'office dans une cause pénale peut faire l'objet d'un recours en matière pénale. Le recourant, prévenu et auteur de la demande de désignation d'un défenseur d'office, a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Selon la jurisprudence, le refus de désigner un avocat d'office au prévenu au motif qu'il pourrait assumer les frais de son avocat est susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF s'il devait s'avérer que tel n'est pas le cas (ATF 140 IV 202 consid. 2.2). Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF
Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Conformément à l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ou preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Dès lors, les pièces nouvelles produites par le recourant à l'appui de son recours sont irrecevables. 
 
3.  
Le recourant reproche à l'autorité précédente de lui avoir refusé l'octroi de " l'assistance judiciaire ". Il critique en substance l'appréciation par la cour cantonale des pièces qu'il a produites qui prouveraient le paiement mensuel de 3'350 fr. par mois à titre d'impôts et, de ce fait, son indigence. 
 
3.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1).  
 
3.2. Un cas de défense obligatoire au sens de l'art. 130 CPP impose au prévenu l'assistance d'un défenseur, que celui-ci le soit à titre privé (cf. art. 129 CPP) ou désigné d'office (cf. art. 132 CPP).  
Dans le premier cas, le prévenu choisit librement son avocat et le rémunère lui-même. Dans la seconde hypothèse, l'autorité désigne au prévenu un défenseur, rétribué par l'État - à tout le moins provisoirement -, dans la mesure où la sauvegarde des droits de l'intéressé le requiert (arrêt 1B_517/2021 du 5 octobre 2021 consid. 2.2). En cas de défense obligatoire, l'autorité intervient lorsque le prévenu, malgré l'invitation de la direction de la procédure, ne désigne pas de défenseur privé (art. 132 al. 1 let. a ch. 1 CPP) ou lorsque le mandat est retiré au défenseur privé ou que celui-ci a décliné le mandat et que le prévenu n'a pas désigné un nouveau défenseur dans le délai imparti (art. 132 al. 1 let. a ch. 2 CPP). 
Une défense d'office est aussi ordonnée lorsque le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b CPP; arrêts 1B_294/2019 du 11 septembre 2019 consid. 2.1; 1B_461/2016 du 9 février 2017 consid. 2.1.2), cette seconde condition étant réalisée en cas de défense obligatoire (arrêts 1B_212/2018 du 30 août 2018 consid. 4.2; 1B_461/2016 du 9 février 2017 consid. 2.2.2). L'art. 132 al. 1 let. b CPP s'applique aussi à des cas de défense obligatoire autres que ceux de la lettre a, notamment lorsque le prévenu, qui disposait jusqu'alors d'un défenseur de choix, voit sa situation financière évoluer au point de ne plus disposer des moyens nécessaires à la rémunération de celui-ci (arrêts 1B_294/2019 du 11 septembre 2019 consid. 2.1; 1B_392/2017 du 14 décembre 2017 consid. 2.1 et l'arrêt cité). 
Selon la jurisprudence, une personne est indigente lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procédure sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid. 4.1; 141 III 369 consid. 4.1; 135 I 221 consid. 5.1). Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée. Il y a lieu de mettre en balance, d'une part, la totalité des ressources effectives du requérant et, d'autre part, l'ensemble de ses engagements financiers (ATF 135 I 221 consid. 5.1). 
Pour déterminer les charges d'entretien, il convient de se fonder sur le minimum vital du droit des poursuites augmenté d'un certain pourcentage, auquel il sied d'ajouter le loyer, les dettes d'impôts échues, y compris les arriérés d'impôts, pour autant qu'elles soient effectivement payées, la prime d'assurance maladie obligatoire et les frais de transport nécessaires à l'acquisition du revenu, qui sont établis par pièces. L'autorité compétente doit éviter de procéder de façon trop schématique afin de pouvoir prendre en considération tous les éléments importants du cas particulier. Elle peut certes partir du minimum vital du droit des poursuites, mais elle doit tenir compte de manière suffisante des données individuelles en présence et prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant pour vérifier si l'indigence alléguée existe ou non (ATF 135 I 221 consid. 5.1). 
Il incombe au requérant de prouver les faits qui permettent de constater qu'il remplit les conditions de la mesure qu'il sollicite. S'il ne fournit pas des renseignements suffisants (avec pièces à l'appui) pour permettre d'avoir une vision complète de sa situation financière, l'autorité peut nier l'indigence sans violer le droit constitutionnel à l'assistance judiciaire et, partant, rejeter la demande (ATF 125 IV 161 consid. 4a; 120 Ia 179 consid. 3a; arrêts 1B_14/2021 du 28 avril 2021 consid. 3.2 et les arrêts cités; 1C_232/2019 du 18 juillet 2019 consid. 2.1; 5A_181/2019 du 27 mai 2019 consid. 3.1.2). 
 
3.3. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt cantonal que le recourant se trouve dans un cas de défense obligatoire (art. 130 CPP) et est assisté d'un avocat de son choix; le prévenu ne démontre en effet d'aucune manière que le mandat aurait été retiré à son défenseur privé ou que celui-ci aurait décliné son mandat; ces constatations excluent ainsi la nomination d'un défenseur d'office en application de l'art. 132 al. 1 let. a ch. 1 et 2 CPP.  
Dans le courrier accompagnant son recours, le recourant soutient qu'il ne serait pas à même de s'acquitter des honoraires de son mandataire; sa requête tend ainsi à ce qu'il lui soit désigné un avocat d'office au sens de l'art. 132 al. 1 let. b CPP
La Chambre pénale de recours a considéré que les pièces bancaires produites par le recourant - lesquelles indiquaient que " Toutes les informations sont données sans aucune garantie. Ceci n'est pas une confirmation d'exécution " - ne prouvaient pas que le couple se serait effectivement acquitté des impôts en mai 2022, de sorte qu'il avait les moyens nécessaires pour assurer une défense privée. Le recourant soutient en revanche que les mentions " Statut " et " Comptabilisé " de ces pièces démontreraient que l'ordre avait été exécuté. 
De telles indications ne permettent pas d'annihiler la mention finale sur laquelle s'est fondée la Chambre pénale de recours (" Ceci n'est pas une confirmation d'exécution ") et les critiques du recourant à ce sujet ne sont pas suffisantes au regard des exigences de motivation découlant de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. s upra consid. 3.1) En effet, l'intéressé ne parvient pas à démontrer que la cour cantonale a procédé à une appréciation insoutenable desdites preuves; son argumentation ne va, en réalité, pas au-delà de la simple présentation de sa propre version des faits et appréciation des preuves.  
En tout état de cause, les versements allégués par le recourant ne démontreraient pas le paiement régulier des impôts. Ainsi, faute pour le recourant d'avoir apporté d'autres éléments propres à prouver de tels versements (comme par exemple une copie des extraits de ses comptes bancaires), l'appréciation de la cour cantonale ne contrevient pas au principe de l'interdiction de l'arbitraire. 
 
3.4. Au vu de ce qui précède, la Chambre pénale de recours pouvait, sans violer le droit fédéral, considérer que les conditions de l'art. 132 al. 1 let. b CPP n'étaient pas réalisées.  
 
4.  
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
Vu les circonstances, le présent arrêt sera rendu sans frais (art. 66 al. 1, 2ème phrase, LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève, à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève ainsi que, pour information, à Me C.________, avocat à Genève. 
 
 
Lausanne, le 21 septembre 2022 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Jametti 
 
La Greffière : Corti