9C_598/2023 22.11.2023
Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_598/2023  
 
 
Arrêt du 22 novembre 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Administration cantonale des impôts du canton de Vaud, route de Berne 46, 1014 Lausanne, 
intimée. 
 
Objet 
Impôts cantonaux et communaux du canton de Vaud (périodes fiscales 2011 à 2021) et impôt fédéral direct (périodes fiscales 2004 à 2009 et 2011 à 2021), (demandes de sûretés), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 15 août 2023 (FI.2022.0100). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ est une ressortissante étrangère domiciliée dans le canton de Vaud. Depuis le 17 décembre 2010, elle vit séparée de son époux, B.________.  
 
A.b. Par arrêt du 6 août 2018, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public (ci-après: le Tribunal cantonal), a très partiellement admis le recours interjeté par A.________ (ci-après: la contribuable) contre la décision sur réclamation du 20 mars 2017 de l'Administration cantonale des impôts du canton de Vaud (ci-après: l'Administration fiscale). Par cette décision sur réclamation, l'administration a confirmé sa décision du 1er décembre 2018, par laquelle elle avait procédé auprès de la contribuable et de son mari, B.________ à un rappel d'impôt pour les périodes fiscales 2004 à 2008 et a taxé définitivement l'année fiscale 2009. Le recours formé par A.________ contre l'arrêt cantonal du 6 août 2018 a été rejeté par le Tribunal fédéral, le 8 novembre 2018 (cause 2C_766/2018).  
Par six décisions du 26 juillet 2021, confirmées sur réclamation le 7 avril 2022, l'Administration fiscale a statué sur la répartition de la part d'impôt dont répond chacun des époux en matière d'impôt fédéral direct (ci-après: IFD) pour les années 2004 à 2009. Il ressort de ces décisions que les impôts dus par la contribuable s'élèvent au total à 38'988 fr. 70. 
 
A.c. Par arrêt du 14 juillet 2022, le Tribunal cantonal a déclaré irrecevable le recours de la contribuable contre la décision sur réclamation du 7 avril 2022. Par arrêt du 7 décembre 2022, le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par la contribuable contre l'arrêt cantonal (cause 2C_690/2022).  
Au 30 mai 2022, les intérêts à charge de la contribuable pour les créances impayées IFD 2004 à 2009 s'élevaient à 7'572 fr. 95. 
 
A.d. A.________ a été taxée pour l'IFD et les impôts cantonaux et communaux (ci-après: ICC) pour les périodes fiscales 2011 à 2020; les montant suivants (y compris les intérêts moratoires sur accompte) ont été fixés:  
 
Année  
Date du décompte  
ICC  
IFD  
2011  
13 mai 2013  
10'044 fr. 95  
1'466 fr. 10  
2012  
23 août 2016  
34'863 fr. 60  
9'177 fr. 85  
2013  
29 janvier 2019  
41'128 fr. 30  
12'029 fr. 95  
2014  
29 janvier 2019  
30'469 fr. 95  
6'648 fr. 25  
2015  
29 janvier 2019  
25'794 fr. 75  
4'538 fr. 20  
2016  
29 janvier 2019  
23'866 fr. 60  
3'894 fr. 50  
2017  
29 janvier 2019  
41'079 fr. 80  
12'683 fr. 05  
2018  
23 juillet 2021  
30'055 fr. 75  
6'612 fr. 40  
2019  
23 juillet 2021  
27'007 fr. 60  
5'320 fr. 95  
2020  
23 juillet 2021  
23'130 fr. 25  
3'856 fr. 70  
Total  
 
287'441 fr. 55  
66'227 fr. 95  
 
 
Les décisions de taxation relatives à l'IFD et aux ICC 2011 à 2020 ont toutes été contestées par la voie de la réclamation. Pour ces périodes fiscales, l'Administration fiscale a déterminé, en date du 30 mai 2022, que les intérêts dus par la contribuable sur les créances fiscales impayées s'élevaient pour l'IFD à 4'895 fr. 50 et pour les ICC à 27'754 fr. 05. 
Le 1er mars 2013, A.________ s'est acquittée d'un montant de 30'000 fr., sans effectuer d'autres versements par la suite. 
 
A.e. Pour l'année fiscale 2021, A.________ a déclaré un revenu imposable de 125'600 fr. pour l'IFD et de 128'100 fr. pour les ICC. Sur la base de cette déclaration, le montant qui serait dû au titre de l'IFD s'élève à 3'091 fr. pour l'IFD et à 20'101 fr. 90 pour les ICC.  
 
A.f. Par deux décisions du 25 mai 2022, l'Administration fiscale a requis de la contribuable le versement de sûretés au plus tard le vendredi 10 juin 2022 à 9h, à concurrence respectivement de 125'000 fr. pour l'IFD et de 340'000 fr. pour les ICC. En l'absence de versement des sûretés requises par A.________ dans le délai imparti, l'Office des poursuites du district de C.________ a rendu deux ordonnances de séquestres en exécution de ces demandes de sûretés le 28 juin 2022.  
 
B.  
Statuant par arrêt du 15 août 2023, le Tribunal cantonal a rejeté le recours de la contribuable et a confirmé les deux décisions de l'Administration fiscale du 25 mai 2022. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ conclut à titre préalable à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur une procédure de réalisation de la part de copropriété que B.________ détient dans un immeuble, ainsi qu'une suspension "jusqu'à droit jugé dans la procédure pendante devant" la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après: CourEDH). A titre principal, la contribuable conclut à ce que l'arrêt cantonal soit réformé en ce sens que les "6 [recte: 2] décisions de l'Administration cantonale des impôts du 25 mai 2022" sont annulées et à ce qu'elle soit "dispensée de fournir des sûretés" pour un montant de fr. 465'000.-". Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt du 15 août 2023 et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle sollicite également l'assistance judiciaire. 
Après que l'Administration fiscale et l'Administration fédérale des contributions ont conclu au rejet du recours, la contribuable s'est encore déterminée. Elle a conclu, en lien avec des mesures d'exécution forcées prises par l'Administration fiscale à compter du 27 septembre 2023, à ce qu'il soit constaté que le paiement d'un montant de 38'988 fr. 70" est requis à double dans deux procédures parallèles". 
 
 
Considérant en droit :  
 
I. Recevabilité et pouvoir d'examen  
 
1.  
 
1.1. La présente procédure concerne des mesures de sûretés visant à garantir à titre provisoire le paiement d'impôts. Cette procédure est indépendante du fond, de sorte que, conformément à la jurisprudence (ATF 134 II 349 consid. 1.4; arrêt 2C_1059/2020 du 17 août 2021 consid. 1.1), il s'agit d'une décision finale (art. 90 LTF). Cette décision a par ailleurs été rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) qui ne tombe pas sous le coup de l'une des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte (cf. art. 146 LIFD [RS 642.11] et 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]).  
Pour le reste, le recours a été déposé en temps utile (cf. art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (cf. art. 42 LTF) par la recourante, qui a la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière, sous réserve de ce qui suit. 
 
1.2. La conclusion de la contribuable tendant à ce qu'il soit "constaté que le paiement en [ses] mains d'un montant de 38'988 fr. 70 est requis à double dans deux procédures parallèles" est irrecevable, pour le motif déjà qu'elle a été formulée après l'échéance du délai de recours.  
 
1.3. Ensuite, la recourante demande la "production en mains de l'Office d'impôt du district de C.________ de sa réclamation (...) du 1 er mars 2019 contre la décision de taxation du 29 janvier 2019 et les annexes qui ont été produites à l'appui de cette réclamation".  
Le Tribunal fédéral statue et conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (cf. infra consid. 2.2) et il n'ordonne des mesures probatoires que de manière exceptionnelle (art. 55 LTF; ATF 136 II 101 consid. 2; arrêt 5A_666/2022 du 13 avril 2023 consid. 3 et les références). En l'espèce, la recourante ne motive pas sa requête et n'invoque aucun élément justifiant une mesure exceptionnelle d'instruction devant le Tribunal fédéral. Sa conclusion tendant à la production de sa réclamation ainsi que de ses annexes est partant irrecevable. 
 
2.  
 
2.1.  
 
2.1.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF toutefois, il ne connaît de la violation des droits fondamentaux, ainsi que de celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal, que si ce grief a été invoqué et motivé, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 143 IV 500 consid. 1.1; 142 III 364 consid. 2.4).  
 
2.1.2. Qu'elles aient été prononcées en application du droit fédéral ou du droit cantonal, les mesures de sûretés fiscales constituent des mesures provisionnelles de droit public au sens de l'art. 98 LTF (arrêts 2C_815/2021 du 23 décembre 2021 consid. 1.1 et 1.3.2; 2C_1059/2020 du 17 août 2021 consid. 2.2 et la référence).  
En cas de recours contre des décisions portant sur des mesures provisionnelles, seule peut être invoquée, selon l'art. 98 LTF, la violation des droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant conformément à l'art. 106 al. 2 LTF (supra consid. 2.1). Le recourant qui se plaint de la violation d'un droit fondamental ne peut donc se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité de recours jouit d'un libre pouvoir d'examen; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer ses allégations par une argumentation précise (ATF 134 II 349 consid. 3; 133 II 396 consid. 3.2). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; 140 III 264 consid. 2.3). 
 
2.1.3. Lorsqu'il doit statuer sur un recours portant sur une demande de sûretés, le Tribunal fédéral limite son examen à un contrôle prima facie de la situation (arrêt 2C_1059/2020 du 17 août 2021 consid. 2.3 et la référence).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6).  
 
II. Requête de suspension  
 
3.  
La conclusion préalable de la recourante tendant à la suspension de la procédure fédérale jusqu'à droit connu tant sur une procédure d'exécution forcée concernant son époux que sur une procédure qui serait actuellement pendante devant la CourEDH constitue une requête d'agencement de la procédure, qui doit être examinée préliminairement. 
 
3.1. Le juge peut ordonner la suspension pour des raisons d'opportunité, notamment lorsque le jugement d'un autre litige peut influencer l'issue du procès (art. 6 al. 1 PCF, en relation avec l'art. 71 LTF; ATF 144 I 208 consid. 4). La suspension peut entrer en conflit avec le principe de célérité (art. 29 al. 1 Cst.), raison pour laquelle elle n'entre en considération qu'à titre exceptionnel, en particulier lorsqu'il se justifie d'attendre la décision d'une autre autorité (ATF 144 I 208 consid. 4.1; arrêt 9C_39/2023 du 20 juin 2023 consid. 4).  
 
3.2. En l'espèce, la recourante n'explique pas en quoi la procédure actuellement pendante devant la CourEDH dont elle se prévaut - et qui semblerait concerner la cause dans laquelle le Tribunal fédéral avait examiné la décision de non-entrée en matière de l'instance inférieure en raison du non-paiement de l'avance de frais par la contribuable (arrêt 2C_633/2022 du 7 décembre 2022) - et la procédure relative à la réalisation forcée de la part de copropriété sur un immeuble que détient B.________ auraient une influence concrète sur la présente procédure. Une telle influence n'apparaît pas manifeste, de sorte que la requête de suspension doit être rejetée.  
 
III. Objet du litige et arrêt cantonal  
 
4.  
Le litige porte sur la question de savoir si c'est à bon droit que la cour cantonale a reconnu le bien-fondé des décisions de l'Administration fiscale du 25 mai 2022, par lesquelles celle-ci a requis de la recourante des demandes de sûretés en garantie de l'IFD pour un montant de 125'000 fr. (périodes fiscales 2004 à 2009 et 2011 à 2021) et des ICC pour un montant de 340'000 fr. (périodes fiscales 2011 à 2021). 
 
5.  
Le Tribunal cantonal a retenu l'existence d'un risque que les créances d'impôt dues par la contribuable ne soient pas acquittées et, partant, que les sûretés ordonnées sont justifiées dans leur principe. En effet, nonobstant des revenus conséquents à sa disposition, la contribuable avait fait le choix de privilégier d'autres créanciers et n'avait manifesté aucune intention de réduire ses dettes fiscales, étant précisé qu'elle ne s'acquittait même pas des montants d'impôt qui ne faisaient pas l'objet des procédures de réclamation. En outre, la possibilité pour l'Administration fiscale de se désintéresser sur un bien immobilier dont la recourante était copropriétaire était très limitée, puisque le produit de la vente de celui-ci pourrait tout au plus se monter à 46'250 fr. S'agissant de la condition de l'existence de la créance fiscale au stade de la vraisemblance, les créances IFD des périodes 2004 à 2009 avaient été fixées définitivement. S'agissant de l'IFD et des ICC des années 2011 à 2020, quand bien même ils n'avaient pas encore fait l'objet de décisions sur réclamation, le fait que les décisions de taxation y relatives ne fussent pas encore entrées en force ne constituait pas un obstacle à une demande de sûretés. Au stade de la vraisemblance, les premiers juges ont considéré que les arguments avancés par la recourante n'étaient pas de nature à diminuer considérablement le montant présumé des dettes fiscales pour les années concernées. Partant, les montants réclamés par l'intimée à la recourante à titre de sûretés pour l'IFD et les ICC n'apparaissaient pas manifestement excessifs. 
 
IV. Prescription  
 
6.  
 
6.1. La prescription ou la péremption sont des questions de droit matériel que le Tribunal fédéral examine d'office lorsqu'elles jouent en faveur du contribuable (cf. ATF 138 II 169 consid. 3.2) tant pour l'IFD que les ICC, lorsque celles-ci se fondent sur le droit fédéral (cf. ATF 138 II 169 consid. 3.4; arrêt 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 4 et les références).  
Ces questions doivent également être examinées dans le cadre d'une demande de sûretés. En effet, lorsqu'une créance fiscale est prescrite, elle n'est plus exigible, de sorte que des sûretés ne peuvent plus être requises pour la garantir (cf. arrêts 2C_1059/2020 du 17 août 2021 consid. 3.1; 2C_85/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.6.4 in RF 75/2020 p. 958). Cet examen doit porter tant sur le droit de procéder à la taxation - voire, le cas échéant sur le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt, sur celui de procéder à un tel rappel et sur la prescription relative à la poursuite pénale pour soustraction fiscale (cf. arrêt 2C_1059/2020 du 17 août 2021 consid. 3 et 4), tant sur le droit de percevoir l'impôt au sens des art. 121 LIFD et 47 LHID (cf. arrêt 2A.508/1995 du 15 avril 1996 consid. 3c in RDAF 1997 II p. 278; sur le niveau d'harmonisation de l'art. 47 LHID, cf. arrêt 9C_371/2023 du 8 novembre 2023 consid. 4.1 et les références). Dans dans le cadre d'une demande de sûretés, la question de la prescription doit être examinée prima facie (cf. arrêt 2A.508/1995 du 15 avril 1996 consid. 3c/bb in RDAF 1997 II p. 278).  
 
6.2. En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause. Le rappel d'impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (arrêt 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 5).  
 
6.2.1.  
 
6.2.1.1. S'agissant du rappel d'impôt des périodes fiscales IFD 2004 à 2008, l'art. 152 al. 1 LIFD, dans sa teneur durant les périodes fiscales litigieuses, prévoit que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD; cf. ATF 140 I 68 consid. 6.1). Partant, la prescription en lien avec le rappel d'impôt IFD 2004 à 2008 n'était pas acquise lorsque le Tribunal fédéral a confirmé le 8 novembre 2018 (cause 2C_766/2018) l'arrêt rendu par le Tribunal cantonal du 6 août 2018. A cette date, la prescription du droit de taxer l'IFD 2009 n'était pas davantage acquise (cf. art. 120 al. 4 LIFD).  
 
6.2.1.2. S'agissant de la période fiscale 2011, une décision de taxation concernant l'IFD et les ICC a été rendue le 13 mai 2013, pour la période fiscale 2012 une décision de taxation a été rendue pour l'IFD et les ICC le 23 août 2016 et pour les périodes 2013 à 2017, l'Administration fiscale a rendu ses décisions de taxation IFD et ICC le 29 janvier 2019. Les périodes fiscales 2018 à 2020 ont fait l'objet de décisions de taxation IFD et ICC le 23 juillet 2021. Partant, pour l'IFD et les ICC des périodes fiscales 2011 à 2020, la prescription du droit de taxer n'est pas encore acquise (cf. art. 120 LIFD; art. 47 al. 1 LHID), étant précisé que toutes les décisions précitées ont fait l'objet d'une réclamation de la part de la contribuable, suspendant le délai de prescription (cf. art. 120 al. 2 let. a LIFD; cf. art. 170 al. 2 let. a de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux (LI; rs/VD 642.11).  
La prescription du droit de taxer la période fiscale IFD et ICC 2021 n'est pas davantage acquise au jour où le présent arrêt est rendu (cf. art. 120 al. 1 LIFD et 47 al. 1 LHID). 
 
6.2.2.  
 
6.2.2.1. S'agissant de la prescription du droit de percevoir l'impôt pour l'IFD des périodes 2004 à 2009, elle n'est pas acquise, puisque, par ses décisions du 26 juillet 2021, l'Administration fiscale a fixé la part de l'IFD dû par la recourante. Ce faisant, celle-ci a pris une mesure tendant à fixer ou faire valoir la créance d'impôt de sorte qu'un nouveau délai a commencé à courir (interrompant celui de cinq ans ayant commencé à courir dès l'entrée en force de l'arrêt 2C_766/2018 du Tribunal fédéral du 8 novembre 2018) en vertu de l'art. 120 al. 3 LIFD, applicable par renvoi de l'art. 121 al. 2 LIFD (cf. arrêt 2C_58/2015 du 23 octobre 2015 consid. 6.4).  
 
6.2.2.2. Pour les périodes fiscales subséquentes IFD et ICC 2011 à 2021, la question de la prescription du droit de percevoir l'impôt ne se pose pas, puisqu'aucune décision n'est encore entrée en force (cf. art. 121 al. 1 LIFD; art. 47 al. 2 LHID).  
 
V. Impôt fédéral direct  
 
7.  
Les sûretés destinées à garantir l'impôt fédéral direct sont régies par l'art. 169 LIFD. Aux termes de l'art. 169 al. 1 LIFD, si le contribuable n'a pas de domicile en Suisse ou que les droits du fisc paraissent menacés, l'administration fiscale de l'impôt fédéral direct peut exiger des sûretés en tout temps, et même avant que le montant d'impôt ne soit fixé par une décision entrée en force. La demande de sûretés indique le montant à garantir; elle est immédiatement exécutoire. Dans la procédure de poursuite, elle produit les mêmes effets qu'un jugement exécutoire. Selon la jurisprudence, pour qu'une demande de sûretés au sens de l'art. 169 al. 1 LIFD soit valable, il est nécessaire: 1) que l'un des cas de séquestre mentionnés dans cette disposition soit réalisé, à savoir l'absence de domicile en Suisse ou le fait que les droits du fisc paraissent menacés; 2) que l'existence de la créance fiscale paraisse vraisemblable et 3) que le montant de la garantie exigée ne se révèle pas manifestement exagéré (arrêt 2C_1059/2020 du 17 août 2021 consid. 5.1 et la référence). 
S'agissant de l'existence de la créance fiscale, le niveau de preuve exigé est celui de la simple vraisemblance. L'existence d'une créance fiscale se détermine sur la base d'un examen préjudiciel et prima facie de la situation. L'art. 169 al. 1 LIFD n'exige pas que les montants réclamés soient fixés définitivement ("même avant que le montant d'impôt ne soit fixé par une décision entrée en force"). Lorsque la créance n'est pas définitive, le montant présumé de l'impôt fait l'objet dès lors d'un examen sommaire (arrêts 2C_815/2021 du 23 décembre 2021 consid. 3.4.2 et 3.4.3 et les références; 2C_1059/2020 du 17 août 2021 consid. 5.1 et la référence).  
 
7.1. Dans un premier grief, la recourante reproche en substance aux premiers juges d'avoir arbitrairement considéré qu'elle avait choisi de privilégier d'autres créanciers, alors qu'elle serait en réalité contrainte de subvenir seule à l'entretien de ses deux enfants à charge et qu'elle aurait dû payer "92 % des impôts du couple" pour les périodes fiscales 2004 et 2008.  
Cette argumentation appellatoire, dont on peut douter qu'elle satisfasse aux exigences de motivation accrue (qui sont certes moins élevées lorsque la partie recourante n'est pas assistée [cf. arrêt 2C_815/2021 du 23 décembre 2021 consid. 3.4.1 et la référence]), doit être écartée. La recourante se fonde en effet sur des éléments de faits non retenus par la juridiction cantonale, sans démontrer que celle-ci aurait procédé à des constatations incomplètes ou manifestement arbitraire des faits (supra consid. 2.2). Elle ne met pas en évidence que les premiers juges auraient retenu de manière insoutenable que la perception des montants réclamés par l'Administration fiscale était menacée. Au contraire, la juridiction cantonale a pris en considération l'ensemble des circonstances; elle a par exemple retenu comme élément pertinent relatif à l'existence d'une telle menace que la contribuable ne s'était pas acquittée des montants d'impôt qui ne faisaient pas l'objet d'une procédure de réclamation (cf. art. 163 LIFD; arrêt 2C_815/2021 du 23 décembre 2021 consid. 3.3.3). 
 
7.2.  
 
7.2.1. Dans un second grief, la recourante allègue que, pour l'IFD des périodes 2004 à 2009, le Tribunal cantonal aurait arbitrairement constaté qu'elle devait payer le montant de 38'988 fr. 70. Selon elle, la répartition de l'IFD ressortant des décisions de l'intimée du 26 juillet 2021 serait erronée et, puisque le Tribunal cantonal avait déclaré irrecevable le recours qu'elle avait déposé contre la décision sur réclamation confirmant cette répartition, les premiers juges n'auraient jamais pu en examiner le bien-fondé.  
Cette argumentation n'est pas fondée. Contrairement à ce que semble croire la recourante, la décision sur réclamation du 7 avril 2022 (par laquelle les réclamations contre les six décisions administratives du 26 juillet 2021 portant sur les montants IFD à charge de la contribuable pour les années 2004 à 2009 ont été rejetées), est entrée en force de chose décidée. Par arrêt du 14 juillet 2022 (cf. aussi l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_690/2022 du 7 décembre 2022), le Tribunal cantonal a déclaré irrecevable le recours de la contribuable, de sorte que la décision administrative en cause est entrée en force. Partant, il ne saurait être question de revenir sur cet aspect du litige comme le souhaiterait la recourante, qui qualifie les décisions de l'Administration fiscale en question de "totalement illégale[s]". Il s'ensuit que le Tribunal cantonal était en droit d'examiner la proportionnalité du montant de la sûreté exigée en matière d'IFD, en se fondant notamment sur la répartition de l'impôt fédéral direct ainsi décidée. 
 
7.2.2. La recourante soutient encore en substance que les déductions qu'elles a revendiquées au cours des procédures de réclamation contre les décisions de taxation IFD et ICC 2011 à 2020 seraient de nature à diminuer "considérablement" sa dette fiscale.  
Sous l'angle de la vraisemblance de l'existence des créances fiscales, la cour cantonale a rappelé qu'en ce qui concerne des déductions liées aux frais d'avocats déboursés par un contribuable en vue d'obtenir une contribution d'entretien (et revendiquées en l'espèce par la recourante), le Tribunal fédéral a jugé que de tels frais ne constituent pas des frais d'acquisition du revenu déductibles en application de l'art. 25 LIFD (ATF 149 II 19 consid. 6.4). Or la recourante se limite à citer le passage d'un arrêt cantonal rendu bien avant l'ATF 149 II 19 (du 23 septembre 2022) admettant une solution contraire et à alléguer qu'un renversement de jurisprudence à l'occasion d'un recours formé par un contribuable ne serait pas exclu. Elle n'apporte donc aucun élément justifiant de s'écarter de la solution retenue dans l'ATF 149 II 19 (sur les conditions d'un changement de jurisprudence, cf. par exemple ATF 149 III 28 consid. 6.2.3.1; 147 III 14 consid. 8.2). Partant, les juges cantonaux pouvaient, à ce stade de la procédure, considérer que la déduction des frais d'avocat revendiquée par la contribuable devait être écartée. 
En second lieu, la recourante se réfère en vain aux frais de garde qu'elle assumerait pour ses enfants mineurs à sa charge. En effet, en se référant simplement à "toutes les attestations requises" qu'elle aurait produites auprès de l'Administration fiscale, sans mettre en évidence de quel document il s'agit et ce qu'elle pourrait en déduire à l'appui de ses allégations, la contribuable ne démontre pas que l'appréciation de la juridiction cantonale, qui a considéré qu'aucune preuve des frais litigieux n'avait été apportée, serait insoutenable ou arbitraire. 
Enfin, la recourante prétend, en se référant à la reproduction d'une "notice" qui serait publiée par l'Administration fiscale neuchâteloise, que la prise en charge des intérêts hypothécaires dus par son conjoint devrait être assimilée à une forme de contribution d'entretien déductible des revenus. Avec cette référence générale, la recourante ne s'en prend pas de manière circonstanciée au raisonnement de la juridiction cantonale, selon lequel la contribution versée par la contribuable devait être qualifiée de loyer s'apparentant à une dépense d'entretien non déductible au sens de l'art. 36 let. a LIFD. De plus, l'appréciation des juges précédents n'apparaît pas prima facie insoutenable ou arbitraire.  
 
VI. Impôts cantonaux et communaux  
 
8.  
L'art. 233 al. 1 LI reprenant les termes de l'art. 169 al. 1 LIFD, les principes exposés en matière d'IFD de même que les considérations y relatives s'appliquent aux ICC des périodes fiscales sous examen (cf. arrêt 2C_1059/2020 du 17 août 2021 consid. 7.1 et les références). 
 
VII. Conclusion, frais et dépens  
 
9.  
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
Le recours étant d'emblée dénué de chance de succès, la demande d'assistance judiciaire est rejetée (cf. art. 64 al. 1 LTF). Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), qui seront toutefois fixés en tenant compte de sa situation financière (cf. art. 65 al. 2 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, en ce qui concerne l'impôt fédéral direct 2004 à 2009 et 2011 à 2021. 
 
2.  
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, en ce qui concerne les impôts cantonaux et communaux 2011 à 2021. 
 
3.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
4.  
Les frais de la procédure fédérale, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à l'Administration fédérale des contributions. 
 
 
Lucerne, le 22 novembre 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bürgisser