4A_336/2022 04.07.2023
Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_336/2022  
 
 
Arrêt du 4 juillet 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Hohl et Kiss. 
Greffier : M. Douzals. 
 
Participants à la procédure 
A.________ Ltd, 
représentée par Me Christian Girod, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.________ SA, 
2. C.________, 
tous deux représentés par Me Vincent Solari, avocat, 
intimés, 
 
D.________, 
représenté par Me Nicolas Béguin, avocat, 
 
Objet 
décision d'admission de l'appel en cause; incompétence manifeste?, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 21 juin 2022 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/18373/2017, ACJC/848/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 12 janvier 2018, après l'échec de la conciliation, D.________ (ci-après: le demandeur) a déposé sa demande dans son action en reddition de compte et en responsabilités contractuelle et délictuelle contre B.________ SA (ci-après: la défenderesse n o 1), sise à Genève, et C.________ (ci-après: le défendeur n o 2), domicilié à Genève, devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Il a conclu à ce que les défendeurs fussent condamnés à lui payer les montants de 669'102,80 euros et de 9'546 fr. avec intérêts, en lien avec ses avoirs déposés auprès de deux banques, dont l'une est une banque se trouvant aux Bahamas.  
Il a notamment allégué que, dans le cadre de la gestion de ses affaires personnelles, il était généralement assisté par un conseiller financier et expert fiscal - initialement également appelé en cause, mais n'étant plus impliqué désormais - et qu'en mars 2014, alors qu'il recherchait un gestionnaire pour des avoirs dont il venait d'hériter, il était entré en relation avec le défendeur n o 2, président du conseil d'administration de la défenderesse n o 1, que celui-ci lui avait soumis pour signature divers documents, dont un jeu de contrats avec une société de gestion de patrimoine indépendante, A.________ Ltd (ci-après: A.________), dont le siège est à Maurice, et que ses avoirs de 3'564'307 fr. 68 avaient été transférés d'une banque genevoise auprès de la banque aux Bahamas. Toujours selon ses allégués, ses fonds étaient depuis lors gérés par le défendeur n o 2, la documentation bancaire restait auprès de la défenderesse n o 1, et les informations sur la gestion de ses avoirs lui parvenaient par l'intermédiaire de son conseiller financier, qui se renseignait auprès du défendeur n o 2.  
Le demandeur a notamment produit le contrat de mandat de gestion du 19 mars 2014 entre lui et A.________, qui porte sur son compte bancaire auprès de la banque aux Bahamas et qui prévoit que tout litige sera soumis au droit mauricien et que les parties font élection de for auprès des tribunaux mauriciens. Il a également produit une autorisation de gestion et d'information sur papier à en-tête de A.________ désignant le défendeur n o 2 comme fondé de pouvoir et l'autorisant à accomplir des actes de gestion au nom et aux risques du demandeur.  
Il estime son dommage au montant de 669'102,80 euros, correspondant à la différence entre son portefeuille et un portefeuille de même ampleur qui aurait été géré pendant la même période conformément aux instructions contenues dans le contrat de gestion, et au montant de 9'546 fr., correspondant aux frais de l'expertise privée qui lui a permis de fixer son dommage. 
Les défendeurs ont conclu à l'irrecevabilité de la demande, notamment pour incompétence ratione loci en raison de la prorogation de for prévue dans le contrat passé avec A.________ et, alternativement, au rejet des conclusions du demandeur.  
 
B.  
Dans le cadre de ce procès principal, les défendeurs n os 1 et 2 (ci-après: les défendeurs ou les intimés) ont requis l'appel en cause, notamment, de A.________ (ci-après: A.________ ou l'appelée en cause), concluant à ce que celle-ci fût condamnée à les relever à concurrence du montant de 350'000 euros. Ils ont allégué que l'appelée en cause, à laquelle le demandeur avait conféré une autorisation de gestion de son compte ouvert auprès de la banque aux Bahamas, donnait les ordres de gestion à dite banque, le défendeur n o 2 ne contestant pas avoir participé aux choix opérés dans la gestion du compte. Ultérieurement, ils ont fait valoir que la compétence territoriale pour l'appel en cause était fondée sur les art. 8b et 129 de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP; RS 291), puisque, s'ils devaient être condamnés à indemniser le demandeur, la diminution de leur patrimoine due à l'acte illicite qui leur était reproché produirait son résultat à Genève, mais ils n'ont pas développé la question de l'application de la clause d'élection de for, contenue dans le mandat de gestion entre le demandeur et A.________, à leur appel en cause.  
A.________ s'est opposée à l'admission de la requête d'appel en cause. Ayant son siège à Maurice, elle a, notamment, fait valoir qu'elle ne pouvait être attraite à Genève en application de la LDIP. Subsidiairement, elle a relevé que la demande principale ne présentait aucun lien de connexité avec les prétentions élevées contre elle dans l'appel en cause, puisqu'elle s'était limitée à offrir ses services à la société de domiciliation du défendeur n o 2 pour que celui-ci pût, à travers elle, gérer les actifs du demandeur déposés dans la banque aux Bahamas. Ultérieurement, elle a également soutenu que les défendeurs n'avaient pas allégué de façon suffisante l'existence d'un acte illicite à sa charge, ni offert de moyens de preuve quant à leur prétention de 350'000 euros à son encontre.  
Le demandeur s'en est rapporté à justice quant à l'admissibilité de l'appel en cause. 
Après l'annulation de son premier jugement par la Cour de justice du canton de Genève pour violation du droit d'être entendu de l'appelée en cause, à laquelle la demande principale n'avait pas été communiquée, le Tribunal de première instance a derechef admis la requête d'appel en cause de A.________ par jugement du 22 novembre 2021. 
Statuant le 21 juin 2022, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours, au sens des art. 319 ss CPC, déposé par l'appelée en cause. Les considérants seront exposés dans la partie " en droit ". 
 
C.  
Contre cet arrêt, qui lui avait été notifié le 24 juin 2022, l'appelée en cause a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 22 août 2022. Elle conclut à sa réforme, en ce sens que la requête d'appel en cause soit déclarée irrecevable. Subsidiairement, elle conclut à son annulation et au renvoi de la cause à la cour cantonale et, plus subsidiairement encore, à son annulation et à son renvoi au Tribunal de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle ne remet pas en cause l'admission de la connexité matérielle, invoquant uniquement la violation de l'art. 8b en lien avec l'art. 129 LDIP, soit la question de la compétence ratione loci des tribunaux genevois pour connaître de l'appel en cause.  
Les défendeurs concluent au rejet du recours. Le demandeur s'en rapporte à justice. La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. Les parties ont encore déposé de brèves observations. 
L'effet suspensif a été conféré au recours par ordonnance présidentielle du 16 septembre 2022. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 89 consid. 1; 145 I 239 consid. 2; 145 II 168 consid. 1). 
Le recours en matière civile est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), les décisions partielles (art. 91 LTF) ainsi que les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation (art. 92 al. 1 LTF). Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours aux conditions restrictives prévues à l'art. 93 al. 1 LTF (consid. 1.2 ci-dessous). 
 
1.1. À teneur de l'art. 92 al. 1 LTF, les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence peuvent faire l'objet d'un recours. La loi requiert que la décision soit notifiée séparément, et donc indépendamment du jugement au fond. Pour qu'une décision puisse être qualifiée de décision incidente sur la compétence au sens de l'art. 92 al. 1 LTF, il faut que la question de la compétence soit effectivement et définitivement tranchée (ATF 144 III 475 consid. 1.1.2; arrêts 4A_619/2020 du 17 février 2021 consid. 1.2, non publié in ATF 147 III 159; 4A_264/2018 du 7 juin 2018 consid. 2.1 et les arrêts cités).  
 
1.2. En vertu de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, les autres décisions préjudicielles et incidentes qui ont été notifiées séparément ne peuvent faire l'objet d'un recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable. Cela suppose que la partie recourante soit exposée à un préjudice de nature juridique, qui ne puisse pas être ultérieurement réparé ou entièrement réparé par une décision finale qui lui serait favorable; un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 138 III 333 consid. 1.3.1; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2). En particulier, si la question qui a fait l'objet de la décision incidente peut être soulevée à l'appui d'un recours contre la décision finale (art. 93 al. 3 LTF), il n'y a pas de préjudice irréparable (arrêts 4A_177/2022 du 8 septembre 2022 consid. 1.2.1; 4A_248/2014 du 27 juin 2014 consid. 1.2.3; 5A_435/2010 du 28 juillet 2010 consid. 1.1.1; 5D_72/2009 du 9 juillet 2009 consid. 1.1).  
Selon l'art. 93 al. 1 let. b LTF, les décisions préjudicielles et incidentes qui ont été notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. 
La réglementation de l'art. 93 al. 1 LTF est fondée sur des motifs d'économie de procédure, le Tribunal fédéral ne devant en principe s'occuper d'une affaire qu'une seule fois, lorsqu'il est certain que la partie recourante subit effectivement un dommage définitif (ATF 134 III 188 consid. 2.2). Il incombe au recourant de démontrer l'existence d'un tel préjudice lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (ATF 137 III 522 consid. 1.3). 
 
2.  
L'appelée en cause, recourante, considère que l'arrêt entrepris confirmant l'admission de l'appel en cause est une décision incidente (implicitement, au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF) et que, même si cet arrêt n'a pas statué sur la compétence dans le dispositif (implicitement, du jugement de première instance, le dispositif de l'arrêt attaqué ne faisant que rejeter le recours), il a définitivement tranché cette question " pour statuer sur l'admissibilité de l'appel en cause " et est donc une décision au sens de l'art. 92 LTF. Pour les défendeurs, intimés, la cour cantonale a déclaré la requête d'appel en cause recevable, le Tribunal " étant compétent à raison du lieu en vertu de l'art. 8b via l'art. 129 LDIP, ce sous réserve de la compétence du Tribunal sur la demande principale, qui n'a pas encore été examinée ".  
Avant d'examiner si la cour cantonale a définitivement tranché la question de sa compétence ratione loci en l'espèce (consid. 2.4 et 2.5 ci-dessous), il est utile de rappeler les règles et la procédure applicables à la requête d'admission de l'appel en cause (consid. 2.1), celles relatives à une décision en matière de compétence ratione loci (consid. 2.2), et celles, jurisprudentielles, qui concernent l'incompétence manifeste (consid. 2.3).  
 
2.1. Selon l'art. 81 al. 1 CPC, le dénonçant (ou appelant en cause) peut appeler en cause le dénoncé (ou appelé en cause) devant le tribunal saisi de la demande principale en faisant valoir les prétentions qu'il estime avoir contre lui pour le cas où il succomberait. Il résulte de l'art. 82 al. 1 et 4 CPC que la procédure d'appel en cause se déroule en deux étapes (ATF 147 III 166 consid. 3.2).  
 
2.1.1. Dans la première étape, l'appelant en cause dépose une requête d'admission de l'appel en cause (art. 82 al. 1 CPC; Zulassungsgesuch), qui doit être introduite avec la réponse (si l'appel en cause est formé par le défendeur) ou avec la réplique (si l'appel en cause est formé par le demandeur).  
Selon l'art. 82 al. 1, 2 e phr., CPC, cette requête doit énoncer les conclusions que l'appelant en cause entend prendre contre l'appelé en cause et les motiver succinctement.  
Le but de cette exigence est de permettre au juge de vérifier qu'est bien remplie la condition de la connexité matérielle ( sachlicher Zusammenhang) entre la créance qui est l'objet de l'appel en cause et la demande principale. Il suffit donc que la motivation présentée par l'auteur de l'appel en cause délimite l'objet du litige ( Streitgegenstand; ATF 142 III 210 consid. 2.1 et les arrêts cités) et fasse apparaître que sa propre prétention dépend de l'issue de la procédure principale et qu'il démontre ainsi son potentiel intérêt à l'appel en cause (ATF 147 III 166 consid. 3.3.1; 146 III 290 consid. 4.3.1; 139 III 67 consid. 2.4.3). En effet, dans cette étape, le juge n'a pas à procéder à un examen sommaire de l'appel en cause, de sorte qu'il n'est pas nécessaire que l'appelant en cause rende vraisemblable la réalisation des conditions de la prétention qu'il invoque dans l'appel en cause; il n'a pas non plus à examiner si, dans l'hypothèse où l'auteur de l'appel en cause devait succomber au principal, ses prétentions envers le tiers seraient matériellement fondées (ATF 147 III 166 consid. 3.3.1; 146 III 290 consid. 4.3.1; 139 III 67 consid. 2.4.3).  
Après avoir entendu la partie adverse et l'appelé en cause (art. 82 al. 2 CPC), le tribunal statue sur l'admissibilité de l'appel en cause, décision qui peut faire l'objet d'un recours limité au droit de l'art. 319 let. b ch. 1 CPC (art. 82 al. 4 CPC). 
 
2.1.2. Dans une seconde étape, en cas d'admission de l'appel en cause, l'appelant en cause déposera sa demande dans l'appel en cause (art. 82 al. 3 CPC; Streitverkündungsklage), laquelle, comme toute demande en justice, doit satisfaire aux conditions de recevabilité (art. 59 CPC; ATF 147 III 166 consid. 3.2; 142 III 102 consid. 3; 139 III 67 consid. 2.4) et doit contenir des conclusions (art. 221 al. 1 let. b CPC), des allégations de fait (art. 221 al. 1 let. d CPC), qui doivent être suffisamment motivées (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1), et les moyens de preuves proposés à l'appui de celles-ci (art. 221 al. 1 let. e CPC) (ATF 147 III 166 consid. 3.2; 144 III 519 consid. 5).  
 
2.2. La question de la compétence locale est une condition de recevabilité de la demande en vertu de l'art. 59 al. 2 let. b CPC, qu'il s'agisse de la compétence locale interne (art. 16 CPC) ou de la compétence locale en matière internationale (art. 8b LDIP, qui exige en sus qu'il existe un tribunal compétent en Suisse à l'égard de l'appelé en cause en vertu de la LDIP). Cette question doit donc être tranchée, avec un plein pouvoir d'examen, dans la seconde étape, après échange d'écritures sur la prétention invoquée par l'appelant en cause contre l'appelé en cause (art. 82 al. 3 CPC).  
De manière générale et, donc, aussi lorsque, dans cette seconde étape, l'appelé en cause conteste la compétence ratione loci du tribunal, celui-ci choisit, selon son large pouvoir d'appréciation, s'il entend rendre un jugement séparé sur la compétence ou s'il veut procéder immédiatement à l'administration des preuves et rendre directement, sur cette base, un jugement sur le fond (ATF 147 III 159 consid. 3 et 4). Les parties ne disposent pas d'un droit à obtenir une décision séparée sur la compétence ratione loci. Ainsi, le défendeur ne peut interjeter ni appel, ni recours en matière civile (art. 92 et 93 LTF) contre un refus du juge (qui a statué, par exemple, par une ordonnance refusant de limiter la procédure à la question de la compétence [arrêt 4A_264/2018 du 7 juin 2018] ou par une ordonnance de preuves) de rendre un jugement séparé (ATF 147 III 159 consid. 4.2).  
Si le tribunal entend rendre un jugement séparé, qu'il doive statuer sur sa compétence locale interne ou sur sa compétence locale en matière internationale, il examine si le ou les faits pertinents de la disposition légale de compétence applicable sont des faits simples ou des faits doublement pertinents, conformément aux principes jurisprudentiels développés sous le nom de " théorie de la double pertinence " (ATF 147 III 159 consid. 2; sur l'application de cette théorie en matière de compétence locale interne, cf. ATF 137 III 32 consid. 2.3 et 2.4 et, en matière de compétence internationale, cf. ATF 141 III 294 consid. 4-6; 131 III 153 consid. 5.1). 
 
2.3. En l'état, le seul type de procédure dans lequel la jurisprudence a reconnu à l'autorité la faculté de ne pas procéder si son incompétence est manifeste est la procédure de conciliation, à l'issue de laquelle l'autorité de conciliation délivre une autorisation de procéder (ATF 146 III 265 consid. 4, 47 consid. 3 et 4).  
La question de savoir si cette faculté doit également être accordée, pour des motifs d'économie de procédure, au tribunal qui doit trancher la question de l'admissibilité de l'appel en cause peut demeurer ouverte. 
 
2.4. En l'espèce, dans le dispositif de son jugement, le Tribunal de première instance a admis la requête d'appel en cause. Sur la base de l'exposé succinct des motifs présenté par les défendeurs, il a retenu que les prétentions de l'appel en cause étaient matériellement connexes aux prétentions principales. Puis, sur la question de la compétence, il a considéré qu'" [i]l ne semble [...] pas résulter de la jurisprudence que la compétence territoriale devrait être examinée au stade de l'admissibilité de l'appel en cause, cette condition de recevabilité étant susceptible de faire l'objet d'un jugement [...] une fois l'échange d'écriture [sic] relatif à l'appel en cause terminé (art. 82 al. 3 CPC) ". Le Tribunal a toutefois jugé qu'il devait, pour des raisons d'économie de procédure, se prononcer sur l'exception d'incompétence territoriale soulevée si la compétence du Tribunal devait être écartée " de manière évidente " ou s'il apparaissait évident que le Tribunal saisi était incompétent territorialement. Il a jugé que tel n'était pas le cas en l'espèce. La situation visée de l'incompétence manifeste est devenue, par un glissement malheureux dans les notions, un cas de compétence a priori des tribunaux genevois.  
S'alignant sur l'examen de cette " incompétence évidente " effectué par le Tribunal de première instance, qui n'avait pas, comme tel, fait l'objet de critiques en appel, et reprenant le glissement de notions du Tribunal, la cour cantonale a considéré que les tribunaux genevois étaient a priori compétents pour connaître de l'appel en cause, les défendeurs n'ayant pas soutenu ni motivé que la clause d'élection de for contenue dans le contrat de mandat de gestion entre le demandeur et l'appelée en cause s'appliquerait à la requête d'appel en cause. Puis, elle a admis la condition de la connexité matérielle pour trois motifs en cascade. Principalement, en se basant sur les allégations des défendeurs, selon lesquelles l'appelée en cause avait géré, avec le défendeur no 2, le compte bancaire du demandeur, elle a retenu que l'exigence d'un tel lien de connexité était réalisée puisque la responsabilité des défendeurs pour le dommage allégué par le demandeur serait également imputable à l'appelée en cause en sa qualité de gérante principale. " Pour le surplus ", elle a estimé que le demandeur avait agi en responsabilité tant contractuelle que délictuelle, de sorte que, au stade de l'admissibilité de l'appel en cause, les défendeurs n'avaient pas à préciser quelle norme de comportement l'appelée en cause aurait violée dans le cadre de la gestion du compte; ils pouvaient se contenter de faire référence aux prétentions délictuelles pour établir la connexité. Et enfin, " [p]ar ailleurs ", elle a jugé que, si une application directe de l'art. 129 al. 1 LDIP n'entrait pas en ligne de compte, faute d'allégation d'un acte illicite de l'appelée en cause à l'égard des défendeurs, il était possible, " [a]u vu du mécanisme de l'appel en cause ", de tenir compte de l'acte illicite allégué à l'encontre du demandeur.  
 
2.5. La recourante, appelée en cause, ne conteste pas l'admission de la condition de la connexité matérielle. Elle s'en prend exclusivement à la compétence territoriale.  
Or, force est de constater que, comme d'ailleurs la recourante le relève expressément, le tribunal n'a pas tranché dans le dispositif de son jugement la question de la compétence locale en matière internationale des tribunaux genevois. Déjà pour ce motif, on ne se trouve donc pas en présence d'une décision au sens de l'art. 92 LTF
Ensuite, dans ses motifs, à la suite du Tribunal de première instance, la cour cantonale a examiné la question de l'incompétence manifeste, qu'elle n'a pas retenue, et a admis, par le même glissement malheureux que le Tribunal de première instance, que les tribunaux genevois étaient a priori compétents pour connaître de l'appel en cause. En dépit des termes utilisés, la cour cantonale n'a pas tranché définitivement la question de la compétence ratione loci du tribunal genevois saisi. L'arrêt attaqué n'est donc pas une décision sur la compétence au sens de l'art. 92 LTF.  
Lorsque la recourante cite les deux derniers motifs ( " Pour le surplus [...] " et " Par ailleurs [...] ") du consid. 4.2.2 de l'arrêt attaqué, que l'on vient de rappeler (cf. consid. 2.4 ci-dessus), elle méconnaît que la cour cantonale y tranche la question de la connexité matérielle, qu'elle-même ne critique plus; la cour cantonale avait déjà réglé le sort de l'incompétence manifeste ( " a priori ") au consid. 4.2.1 in fine.  
Il s'ensuit que l'arrêt attaqué, rendu sur recours au sens des art. 319 ss CPC, n'est qu'une décision incidente sur l'admissibilité de l'appel en cause, et qu'il ne contient aucune décision définitive sur la compétence territoriale en matière internationale du tribunal genevois saisi en ce qui concerne la prétention invoquée dans la requête d'appel en cause. 
 
3.  
Le recours doit donc être déclaré irrecevable, aux frais et dépens de son auteur (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). Le demandeur s'en étant rapporté à justice, il ne lui sera pas alloué de dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera aux défendeurs intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et de D.________ et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 4 juillet 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Douzals