2C_880/2015 06.03.2017
Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
2C_880/2015, 2C_885/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 6 mars 2017  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président, 
Zünd, Aubry Girardin, Stadelmann et Haag. 
Greffier : M. Ermotti. 
 
Participants à la procédure 
2C_880/2015 
A.________ SA (A.________), représentée par Me Jacques Haldy, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
B.________ SA, représentée par 
Me Bertrand R. Reich, avocat, 
intimée, 
 
Municipalité de la Ville de Lausanne, 
représentée par Me Olivier Rodondi, avocat, 
 
2C_885/2015 
Municipalité de la Ville de Lausanne, 
représentée par Me Olivier Rodondi, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
B.________ SA, représentée par 
Me Bertrand R. Reich, avocat, 
intimée, 
 
A.________ SA (A.________), représentée par Me Jacques Haldy, avocat. 
 
Objet 
Concession d'affichage sur les domaines public et privé, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 1er septembre 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 19 août 2014, la Direction des travaux de la Municipalité de Lausanne (ci-après: la Direction) a lancé un appel d'offres pour renouveler la concession d'affichage sur le domaine public et privé de la Commune de Lausanne. Le cahier des charges complétant l'appel d'offres fixait les droits et les obligations du futur concessionnaire et prévoyait que la durée de la concession était de cinq ans dès le 1er janvier 2015. Il déterminait notamment les conditions requises pour soumissionner (ch. 7.1 du cahier). Selon le ch. 7.2 du cahier des charges, il y avait initialement cinq critères pour l'octroi de la concession, à savoir le montant de la redevance (critère 1); l'infrastructure et l'expérience du soumissionnaire (critère 2); les tarifs proposés pour les surfaces d'affichage (critère 3); le développement durable et la politique sociale du soumissionnaire (critère 4); le respect du cahier des charges (critère 5). Par la suite, un critère 6 concernant les projets d'évolution du réseau d'affichage a été ajouté et les critères 2 et 4 ont été scindés en deux, à savoir: infrastructure (2.1), expérience (2.2), développement durable (4.1) et politique sociale (4.2). Ces critères n'étaient pas pondérés entre eux. La Commune se réservait la possibilité d'organiser des entretiens séparés avec les soumissionnaires en vue de préciser et d'affiner les offres (ch. 7.2 du cahier). La redevance était calculée sur la base des tarifs fixés par format et par type d'affichage, multipliés par le nombre des surfaces d'affichage existantes; l'offre devait préciser le montant de la redevance proposé par le soumissionnaire (ch. 5.3 al. 1 du cahier). 
Dans le délai prescrit, trois sociétés ont fait une offre, parmi lesquelles A.________ SA (ci-après: A.________), dont le siège est à Zurich, et B.________ SA (ci-après: B.________), dont le siège est à Hünenberg dans le canton de Zoug. Après plusieurs séances de clarification et de négociations avec la Direction, A.________ et B.________ ont complété leurs offres. 
 
B.   
Par décision du 23 janvier 2015, la Municipalité a octroyé la concession à A.________. Le 25 février 2015, B.________ a recouru contre cette décision auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: le Tribunal cantonal). 
Par arrêt du 1er septembre 2015, le Tribunal cantonal a admis le recours de B.________ et réformé la décision du 23 janvier 2015 dans le sens que la concession d'affichage sur les domaines public et privé de la Commune de Lausanne est octroyée à B.________. 
 
C.  
 
C.a.  Cause 2C_880/2015   
Contre cet arrêt, A.________ forme un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral, dans lesquels elle conclut, sous suite de frais et dépens, respectivement, à l'admission du recours et, principalement, à la réforme de l'arrêt du 1er septembre 2015 dans le sens où, conformément à la décision rendue le 23 janvier 2015 par la Ville de Lausanne, la concession d'affichage sur les domaines public et privé de celle-ci est attribuée à A.________. Subsidiairement, elle demande la réforme de l'arrêt du 1er septembre 2015, dans le sens du renvoi de la cause à la Ville de Lausanne pour qu'elle rende une nouvelle décision d'octroi de la concession d'affichage et, plus subsidiairement encore, du renvoi de la cause à la Ville de Lausanne pour qu'elle entreprenne une nouvelle procédure d'appel d'offres relative à la concession d'affichage. 
Le Tribunal cantonal s'est référé à son arrêt. B.________ a déposé une réponse. Après avoir demandé préalablement à ce que l'état de fait soit complété et à ce que la Commission fédérale de la concurrence (ci-après: la Comco) soit entendue, elle a conclu à la forme à ce que les deux recours interjetés par A.________ soient déclarés irrecevables et, au fond, à ce qu'ils soient rejetés dans la mesure de leur recevabilité. La Municipalité de Lausanne s'est prononcée tardivement. Dans le délai prolongé qui lui a été accordé, la Comco a pris position sur la procédure; sans prendre de conclusion sur le fond, elle a suivi la position du Tribunal cantonal quant au caractère inadmissible de certains critères utilisés. A.________ a formé des observations sur la réponse de B.________ et la prise de position de la Comco. B.________ a dupliqué. 
Par ordonnance présidentielle du 26 octobre 2015, le Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif formée par A.________. 
 
C.b.  Cause 2C_885/2015  
Contre l'arrêt du 1er septembre 2015, la Municipalité de Lausanne forme elle aussi un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral, dans lesquels elle conclut, sous suite de dépens, respectivement, à l'admission du recours et, principalement, à la réforme de l'arrêt du 1er septembre 2015 dans le sens où la décision rendue le 23 janvier 2015 octroyant la concession à A.________ est confirmée. Subsidiairement, elle demande l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à elle-même pour qu'elle instruise et prenne une nouvelle décision dans le sens des considérants et, plus subsidiairement encore, elle propose de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour qu'il instruise et prenne une nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal cantonal s'est référé à son arrêt. B.________ a déposé une réponse. Après avoir demandé préalablement à ce que l'état de fait soit complété et à ce que la Comco soit entendue, elle a conclu à la forme à ce que le recours en matière de droit public interjeté par la Municipalité de Lausanne soit déclaré irrecevable et, au fond, à ce que les recours soient rejetés dans la mesure de leur recevabilité. A.________ a conclu à l'admission du recours. Dans le délai prolongé qui lui a été accordé, la Comco s'est prononcée sur la procédure; sans prendre de conclusion sur le fond, elle a suivi la position du Tribunal cantonal quant au caractère inadmissible de certains critères utilisés. La Municipalité de Lausanne a déposé une réponse, se référant aux observations faites par A.________ dans la procédure 2C_880/2015. B.________ a dupliqué, alors que A.________ a déclaré se rallier à la réponse de la Municipalité de Lausanne. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
A l'encontre de l'arrêt attaqué, tant A.________ (cause 2C_880/2015) que la Municipalité de Lausanne (cause 2C_885/2015) ont interjeté recours. Les deux procédures portent sur un état de fait identique; les questions juridiques soulevées par les deux recourantes se recoupent; enfin, les parties impliquées sont les mêmes, étant rappelé que B.________, en tant que société qui a obtenu l'octroi de la concession par le Tribunal cantonal, est intimée dans les deux procédures. Dans ces circonstances, il se justifie de joindre les causes et de statuer dans un seul arrêt (cf. art. 71 LTF et 24 PCF [RS 273]). 
 
2.  
 
2.1. Le litige relève du droit public (art. 82 let. a LTF). L'arrêt attaqué émane d'un tribunal cantonal supérieur statuant en dernière instance, sans qu'un recours auprès du Tribunal administratif fédéral ne soit ouvert (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Il peut donc en principe faire l'objet d'un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, à condition qu'il ne tombe pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF.  
 
2.2. Se fondant sur l'art. 2 al. 7 de la loi fédérale sur le marché intérieur (LMI; RS 943.02), l'intimée soutient que l'art. 83 let. f LTF est applicable à la présente cause. Cette disposition prévoit que le recours en matière de droit public n'est recevable contre les décisions en matière de marchés publics qu'à deux conditions, soit si la valeur du mandat à attribuer est supérieure ou égale aux seuils déterminants prévus à cet effet et si, cumulativement, la décision attaquée soulève une question juridique de principe (cf. ATF 138 I 143 consid. 1.1 p. 146).  
 
2.2.1. La cause a pour objet la transmission d'une concession portant sur un monopole d'affichage et ne porte donc pas sur l'attribution d'un marché public (ATF 125 I 209 consid. 6b p. 212 ss), ce qui n'est du reste pas contesté. L'on ne se trouve en outre pas dans la situation où l'autorité aurait tenté, en subordonnant l'octroi de la concession litigieuse à des contre-prestations d'une certaine importance entrant dans la notion de marché public, de détourner les règles sur les marchés publics (ATF 135 II 49 consid. 4.4 p. 56). Dans ces circonstances, on ne se trouve donc pas dans un litige relevant directement de l'art. 83 let. f LTF.  
 
2.2.2. Le fait que l'art. 2 al. 7 LMI renvoie à l'application de certaines règles relevant des marchés publics lors de la transmission de l'exploitation d'un monopole cantonal ou communal à des entreprises privées et que le litige concerne la portée de cette disposition ne change rien au fait que, matériellement, l'arrêt attaqué ne peut être qualifié, même indirectement ou partiellement, de décision en matière de marchés publics. L'application de l'art. 83 let. f LTF est donc exclue (NICOLAS F. DIEBOLD, Die öffentliche Ausschreibung als Marktzugangsinstrument, in RDS 133/2014 I 219, p. 225; ETIENNE POLTIER, Droit des marchés publics, 2014, p. 117 ss).  
Il convient à cet égard de préciser que la phrase, certes ambigüe, figurant à l'arrêt 2C_857/2012 du 5 mars 2013 consid. 1.4 in fine, que les deux auteurs précités mentionnent de manière critique, ne doit pas être interprétée comme soumettant à l'art. 83 let. f LTF les litiges concernant la transmission de l'exploitation de monopoles visés par l'art. 2 al. 7 LMI. Dans cette affaire, la cause relevait des marchés publics, comme le consid. 1.3 de l'arrêt 2C_857/2012 l'indiquait expressément, de sorte qu'elle tombait dans le champ d'application de l'art. 83 let. f LTF. C'est seulement en réponse à l'argumentation des recourantes, qui estimaient que, dans le cas d'espèce, les exigences de recevabilité prévues pour les marchés publics ne leur étaient pas opposables, en invoquant l'assujettissement du marché litigieux à l'art. 2 al. 7 LMI, que le Tribunal fédéral a souligné que cette dernière disposition ne permettait pas d'échapper aux exigences de l'art. 83 let. f LTF. 
 
2.2.3. Il en découle qu'aucune des exceptions de l'art. 83 LTF n'est envisageable, de sorte que la voie du recours en matière de droit public est en principe ouverte. Partant, dans la mesure où les recourantes ont formé, parallèlement à cette voie de droit, chacune un recours constitutionnel subsidiaire, ceux-ci seront déclarés irrecevables (art. 113 LTF a contrario).  
 
2.3. En tant que société ayant obtenu initialement la concession de la part de la Municipalité de Lausanne et qui a pris part à la procédure devant le Tribunal cantonal, A.________ a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.  
Concernant la Municipalité de Lausanne, le droit des collectivités publiques de former un recours en matière de droit public est visé en premier lieu par l'art. 89 al. 2 LTF (ATF 140 I 90 consid. 1.1 p. 92). Selon l'art. 89 al. 2 let. c LTF, ont qualité pour recourir les communes et autres collectivités de droit public qui invoquent la violation de garanties qui leur sont reconnues par la constitution cantonale ou la Constitution fédérale. Pour permettre l'entrée en matière en vertu de cette disposition, il suffit que la Commune soit touchée dans ses prérogatives de puissance publique par l'acte attaqué et fasse valoir de manière défendable une violation de son autonomie; le point de savoir si l'autonomie qu'elle invoque existe réellement est une question de fond et non de recevabilité (ATF 136 I 404 consid. 1.1.3 p. 407; arrêt 2C_949/2013 du 24 mars 2014 consid. 2.2.1 et les arrêts cités). 
En l'espèce, la Municipalité de Lausanne a vu sa décision en matière d'attribution de la concession d'affichage sur ses domaines public et privé annulée par le Tribunal cantonal, ce qui est de nature à la toucher dans ses prérogatives de puissance publique. Selon l'art. 139 al. 1 let. a de la Constitution vaudoise du 14 avril 2003 (ci-après: Cst./VD; RS/VD 101.01), les communes disposent d'autonomie dans la gestion du domaine public et du patrimoine communal, autonomie également garantie par l'art. 50 al. 1 de la Constitution fédérale. Invoquant ces dispositions, la recourante fait valoir, de manière défendable, que l'arrêt attaqué empiète sur son pouvoir d'appréciation dans l'attribution de la concession litigieuse en violation de son autonomie. Partant, elle remplit les conditions de l'art. 89 al. 2 let. c LTF. 
 
2.4. Pour le surplus, interjetés en temps utile et dans les formes requises contre une décision finale, les recours en matière de droit public sont recevables en regard des art. 42, 90 et 100 al. 1 LTF. Il convient donc d'entrer en matière.  
 
2.5. Dans ses conclusions préalables, identiques dans les deux procédures, l'intimée demande au Tribunal fédéral de compléter l'état de fait, en décrivant précisément la constatation qu'elle souhaite voir ajouter, et requiert d'entendre la Comco. La seconde requête, fût-elle admissible, n'a plus d'objet, dès lors que la Cour de céans a demandé à cette autorité fédérale de se déterminer. Quant à la conclusion portant sur le complètement de l'état de fait, elle est irrecevable. En effet, le Tribunal fédéral n'est pas un juge du fait, de sorte qu'il n'appartient pas aux parties de l'enjoindre à compléter les constatations cantonales dans le sens qu'elles souhaitent au travers de leurs conclusions. Elles peuvent seulement, dans le cadre de la motivation, démontrer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte, soit arbitrairement, en expliquant quelle en est l'incidence sur l'issue du litige, ce que ne fait du reste pas l'intimée.  
 
3.  
 
3.1. Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 136 II 304 consid. 2.4 p. 313 s.) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. A défaut d'une telle motivation, il n'est pas possible de prendre en considération un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (ATF 136 I 184 consid. 1.2 p. 187).  
 
3.2. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), mais n'examine la violation de droits fondamentaux, ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal, que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant (cf. art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368; 141 I 36 consid. 1.3 p. 41; 135 III 232 consid. 1.2 p. 234). En l'occurrence, il n'appartient donc pas au Tribunal fédéral d'examiner d'office le bien-fondé du monopole litigieux en regard de la liberté économique, en tant qu'il s'étend non seulement au domaine public, mais aussi au domaine privé de la Commune (cf. sur cette question ATF 128 I 3 consid. 3 p. 9 ss, nuancé in ATF 132 I 282 consid. 3.3 p. 287 s.).  
 
4.  
 
4.1. Selon l'arrêt attaqué, la Municipalité de Lausanne a octroyé la concession à A.________, parce qu'elle avait obtenu de meilleurs résultats que B.________ pour différents critères qui peuvent se résumer comme suit. S'agissant des infrastructures (critère 2.1), la logistique et l'administration de A.________ étaient à Lausanne, alors que les locaux de B.________ se trouvaient regroupés à Crissier, de sorte que l'adjudication à cette dernière aurait pour conséquence de supprimer dix emplois sur le territoire de la Commune de Lausanne. Pour le critère du développement durable (4.1), B.________ n'était que partiellement équipée de véhicules écologiques, alors que l'ensemble du parc automobile de A.________ remplissait cette condition. S'agissant de la politique sociale (critère 4.2), A.________ accordait des primes à ses employés, mettait en oeuvre une politique globale de retraite anticipée à 62 ans ou après 30 ans de services, avait un taux de couverture de la caisse de pension supérieur à celui de B.________ et avait deux apprentis qui passaient par le site de Lausanne. En matière de tarifs proposés pour les surfaces d'affichage (critère 3), B.________ avait refusé de communiquer ses prix nets (avec les rabais effectifs). Le fait que le montant de la redevance (critère 1) offerte par B.________ soit supérieur à celui de A.________, n'a pas été tenu pour déterminant, dès lors que les prix offerts par les deux entreprises étaient largement supérieurs aux objectifs fixés par rapport à l'ancienne concession.  
 
4.2. Le Tribunal cantonal a considéré qu'en attribuant, pour les motifs précités, la concession à A.________, la Municipalité de Lausanne avait abusé de son pouvoir d'appréciation. Les juges cantonaux ont écarté le critère 4.2 concernant la politique sociale, faute de base légale expresse dans la législation cantonale en matière de marchés publics. Au demeurant, comme rien n'indiquait que B.________ ne respecterait pas ses obligations légales et sociales comme l'imposait la réglementation cantonale sur les marchés publics, elle ne saurait être pénalisée parce que l'un de ses concurrents offrait des prestations sociales supérieures à ce que prévoyait la loi à ses employés. S'agissant du critère des apprentis, en lui-même admissible, il était arbitraire et discriminatoire de favoriser A.________ au motif que les apprentis séjournaient occasionnellement à Lausanne pendant leur formation professionnelle. En outre, favoriser un soumissionnaire, parce qu'il employait ses apprentis sur place constituait une discrimination de nature protectionniste. Concernant les infrastructures (critère 2.1), les juges ont considéré qu'il n'était pas admissible de favoriser les entreprises locales au détriment de celles installées à l'extérieur du territoire communal; de plus, la faible distance entre Lausanne et Crissier n'était pas de nature à modifier la qualité des prestations demandées. Quant à la perte d'emplois estimée à 10 postes, elle était inexacte, car il découlait des documents que c'était l'octroi de la concession à A.________ qui coûterait 10 postes de travail et non l'inverse. Au demeurant, cette perte serait contrebalancée, car l'adjudication à B.________ permettrait d'engager dix personnes supplémentaires. Enfin, si le critère déterminant était le domicile de l'entreprise concessionnaire, il s'agissait d'un critère protectionniste proscrit par l'art. 2 al. 7 LMI.  
Concernant le développement durable (critère 4.1), l'adjudicataire utilisait des véhicules écologiques, mais B.________ s'était engagée à acquérir 5 véhicules écologiques sur un total de 8, de sorte que la différence était faible entre les deux entreprises. Quant à la publication d'un rapport environnemental annuel, garantie par A.________, mais dont on ne savait rien du contenu, elle était anecdotique. 
Enfin, s'agissant des tarifs proposés pour les surfaces d'affichage (critère 3), la Municipalité ne pouvait reprocher à B.________ de ne pas avoir détaillé son tarif après rabais, car cette exigence ne résultait pas du cahier des charges. La question avait certes été abordée lors d'une séance de négociation en octobre 2014 et B.________ avait expliqué que, pratiquant une politique de prix élevés, elle n'accordait pas facilement des rabais et elle n'entendait pas les communiquer. Il aurait appartenu à l'autorité communale de demander des précisions à ce sujet. Partant, aucune différence dans la présentation des tarifs proposés justifiait de tenir l'une de ces offres pour meilleure que l'autre. 
Le Tribunal cantonal en a déduit que, sur les huit critères d'évaluation retenus par la Municipalité, le critère lié à la politique sociale (4.2) n'était pas admissible. Les deux offres étaient équivalentes pour les critères de l'infrastructure (2.1), de l'expérience (2.2), des tarifs (3), du respect du cahier des charges (5) et des projets d'évolution du réseau (6). Sous l'angle du critère de la redevance (1), l'offre de la recourante était la meilleure, alors que celle de l'adjudicataire l'emportait sur le développement durable (4.1). D'un point de vue global, compte tenu du fait que le renouvellement de la concession visait principalement à préserver les intérêts patrimoniaux de la collectivité, il se justifiait d'octroyer la concession au soumissionnaire offrant la redevance la plus élevée, à qualité de prestations égale. En l'occurrence, B.________ l'emportait sur A.________, l'écart quant au développement durable n'étant pas décisif. 
 
5.  
 
5.1. Tant la Municipalité que A.________ critiquent cette évaluation. Les recourantes reprochent en premier lieu au Tribunal cantonal d'avoir procédé à une interprétation erronée de l'art. 2 al. 7 LMI et, partant, d'avoir arbitrairement fait application des dispositions cantonales sur les marchés publics lors de l'examen des critères d'évaluation, en particulier s'agissant des critères sociaux. En second lieu, elles font grief aux juges cantonaux de ne pas s'être contentés de vérifier l'appréciation des critères par la Municipalité, mais d'avoir procédé à leur propre appréciation, versant ainsi dans l'arbitraire et violant l'autonomie communale.  
 
5.2. Il convient, dans un premier temps, d'examiner dans quelle mesure le Tribunal cantonal pouvait appliquer les principes résultant des marchés publics à la présente procédure (cf. infra consid. 6). Dans un second temps, il s'agit de vérifier, en tenant compte de la réponse donnée à la première question, si, dans son résultat, l'appréciation globale des juges, qui les a conduits à annuler le choix de la Municipalité au profit de l'entreprise que celle-ci avait écartée, procède d'un excès ou d'un abus et porte atteinte à l'autonomie communale (cf. infra consid. 7).  
 
6.   
Le litige concerne le transfert d'une concession portant sur le monopole d'affichage sur les domaines public et privé appartenant à la Commune recourante. Comme déjà indiqué (cf. supra consid. 2.2.1), l'octroi d'une telle concession n'entre pas dans la notion de "marché public" (ATF 125 I 209 consid. 6b p. 212) et rien n'indique l'existence de règles de droit cantonal prévoyant un champ d'application subjectif du droit des marchés publics plus étendu (cf. ATF 142 II 369 consid. 4 p. 380 s.). En outre, l'on ne se trouve pas dans une situation où la présence de prestations annexes indissociables de la concession ferait craindre un détournement des règles sur les marchés publics, justifiant de les appliquer in extenso pour ce motif (cf. ATF 135 II 49). En revanche, il convient de déterminer dans quelle mesure l'art. 2 al. 7 LMI, dont il n'est à juste titre pas contesté que le transfert du monopole d'affichage litigieux tombe dans le champ d'application (cf. DENIS ESSEIVA, Mise en concurrence de l'octroi de concessions cantonales et communales selon l'art. 2 al. 7 LMI, in BR/DC 4/2006, p. 203), impose le respect strict des règles concernant les marchés publics. 
 
6.1. L'art. 2 al. 7 LMI a la teneur suivante:  la transmission de l'exploitation d'un monopole cantonal ou communal à des entreprises privées doit faire l'objet d'un appel d'offres et ne peut discriminer des personnes ayant leur établissement ou leur siège en Suisse.  
 
6.2. La jurisprudence a jusqu'à présent laissé indécise la question de la portée de cette disposition (ATF 135 II 49 consid. 4.1 p. 52; arrêt 2C_167/2012 du 1er octobre 2012 consid. 5, in SJ 2013 I 341). Dans l'ATF 135 II 49 précité, la Cour de céans a toutefois souligné que, selon la doctrine, il semblait que la procédure d'appel d'offres à laquelle l'art. 2 al. 7 LMI fait référence n'ait pas pour conséquence de subordonner l'octroi des concessions de monopole cantonal ou communal à l'ensemble de la réglementation applicable en matière de marchés publics et que ne sont visées par cette disposition que certaines garanties procédurales minimales, comme celles énoncées à l'art. 9 al. 1 et 2 LMI concernant les voies de droit (cf. l'abondante doctrine citée in ATF 135 II 49 consid. 4.1 p. 52; voir aussi, concernant une concession d'usage privatif des eaux publiques, ATF 142 I 99 consid. 2.2.3 p. 109 ss).  
 
6.3. La position évoquée dans l'arrêt 135 II 49 précité peut être suivie.  
 
6.3.1. Elle est conforme au texte de l'art. 2 al. 7 LMI, qui limite expressément l'application du droit des marchés publics à la concession de monopoles cantonaux et communaux à certains aspects seulement. En introduisant cette disposition, lors de la révision de la LMI de 2005 entrée en vigueur le 1er juillet 2006 (RO 2006 2363, p. 2366), le législateur a cherché à créer une concurrence et une transparence lors du transfert des concessions de monopole cantonal ou communal; toutefois, pour des motifs constitutionnels (cf. art. 94 al. 4 Cst.), il a précisé qu'il ne s'agissait pas pour autant de durcir leurs conditions de mise en oeuvre telles que reconnues jusqu'alors par la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. FF 2005 421, p. 431 s.). En introduisant l'obligation de recourir à un appel d'offres, le législateur a ainsi cherché à faciliter, voire garantir un accès au marché non discriminatoire et transparent lors des transferts de tels monopoles, tout en respectant la compétence constitutionnelle des cantons et des communes en matière d'activités économiques à caractère monopolistique (cf. FF 2005 421, p. 436). Il a été souligné qu'il appartenait aux autorités concernées de fixer les modalités de l'appel d'offres, les règles d'attribution des marchés publics pouvant être appliquées par analogie (cf. FF 2005 421, p. 441). L'idée du législateur n'était donc pas d'imposer le respect de toutes les obligations du droit des marchés publics en matière d'appel d'offres portant sur le transfert d'une concession de monopole cantonal ou communal, mais de permettre aux autorités compétentes de s'en inspirer, dans le respect des particularités propres aux activités monopolistiques.  
 
6.3.2. Cette tendance à limiter à l'essentiel l'application du droit des marchés publics aux concessions de monopole cantonal ou communal, en tous les cas lorsqu'elles portent, comme en l'espèce, sur des activités commerciales, se manifeste également dans la modification du droit des marchés publics actuellement en cours. Celle-ci vise à transposer dans la législation suisse l'Accord GATT/OMC sur les marchés publics du 15 avril 1994 (AMP; RS 0.632.231.422) révisé le 30 mars 2012 et à harmoniser autant que possible les législations fédérale et cantonales en matière de marchés publics. Elle concerne à la fois la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics (LMP; RS 172.056.1) et l'Accord intercantonal du 25 novembre 1994 sur les marchés publics (AIMP; RS/VD 726.91). La première version du projet de loi fédérale prévoyait l'application du droit des marchés publics à toutes les catégories de concessions, ce qui aurait conduit à la suppression de l'art. 2 al. 7 LMI. Les oppositions soulevées ont entraîné le maintien, dans la nouvelle version du projet, de la règle figurant à l'art. 2 al. 7 LMI pour le transfert de monopoles cantonaux et communaux portant sur des activités commerciales, seules les concessions portant sur des tâches de droit public étant désormais assujetties au droit des marchés publics (cf. art. 8 al. 2 du projet de révision de la LMP soumis à la procédure de consultation du 1er avril 2015 au 1er juillet 2015 [consultable en ligne à l'adresse suivante:  https://www.bkb.admin.ch/bkb/fr/home/oeffentliches-beschaffungswesen/revision-des-beschaffungsrechts.html]; Rapport explicatif du DFF "Révision de la loi fédérale sur les marchés publics" du 1er avril 2015 [consultable en ligne à l'adresse suivante:  https://www.efd.admin.ch/ efd/fr/home/dokumentation/nsb-news_list.msg-id- 56757.html], p. 29 s.; ETIENNE POLTIER, Nouvelle délimitation du champ d'application objectif du droit des marchés publics dans la révision en cours, in Jusletter du 18 mai 2015, n. 2 s., 26, 31 s. et 48). Le projet de modification de l'AIMP ne couvre pas, pour sa part, les concessions sans rapport avec des tâches publiques ni les concessions de monopoles ou de services publics, car le droit des marchés publics, qui met l'accent sur la concurrence et l'efficience, n'offre pas dans tous les cas un cadre idéal pour l'attribution d'une concession (Rapport explicatif de l'Autorité intercantonale pour les marchés publics du 18 septembre 2014 concernant la Modification de l'AIMP [consultable en ligne à l'adresse suivante:  http://www.dtap.ch/fr/dtap/concordats/aimp/p-aimp/], p. 17).  
 
6.3.3. Pour définir la portée de l'art. 2 al. 7 LMI, il convient de ne pas perdre de vue la position intrinsèquement différente de l'autorité lors de la passation d'un marché public par rapport à celle exercée lors du transfert d'un monopole. Contrairement au marché public dans lequel la collectivité publique, endossant le rôle de "consommateur", acquiert auprès d'une entreprise privée, en contre-partie du paiement d'un prix, une prestation dont elle a besoin pour exécuter ses tâches publiques (ATF 141 II 113 consid. 1.2.1 p. 117; 125 I 209 consid. 6b p. 212 s.), l'attribution d'une concession de monopole cantonal ou communal implique que l'autorité concédante se trouve dans un rôle "d'offreur" ou de "vendeur", puisqu'elle cède, moyennant une redevance et diverses prestations annexes, le droit d'utiliser le domaine public à des fins commerciales (ATF 135 II 49 consid. 4.2 p. 53; 125 I 209 consid. 6b p. 213). Il n'y a pas de droit à l'obtention d'une concession de monopole, car la collectivité publique reste libre d'exercer elle-même l'activité en cause (cf. ATF 142 I 99 consid. 2.2.1 p. 108 s.; 128 I 3 consid. 3b p. 11). Ces différences justifient de laisser à la collectivité publique une plus grande liberté dans le choix des critères à remplir par le concessionnaire et des conditions qu'elle peut lui imposer dans l'exercice du monopole qu'en matière de marchés publics.  
 
6.4. Encore faut-il se demander ce que cette approche signifie concrètement dans l'interprétation de l'art. 2 al. 7 LMI.  
 
6.4.1. Cette disposition impose deux exigences découlant du droit des marchés publics à la transmission de l'exploitation d'un monopole cantonal ou communal: un appel d'offres et l'interdiction de discriminer des personnes ayant leur établissement ou leur siège en Suisse. La mise en place d'un appel d'offres implique certaines obligations procédurales. La collectivité publique doit non seulement organiser une procédure permettant aux entreprises privées intéressées par l'exploitation dudit monopole de déposer une offre, mais aussi attribuer la concession par le biais d'une décision contre laquelle des voies de droit doivent être ouvertes; quant à l'interdiction de discriminer, elle s'applique non seulement à la procédure d'appel d'offres stricto sensu, mais aussi à la détermination des critères de sélection et au choix du concessionnaire; elle impose aussi le respect du principe de transparence, qui est son corollaire (cf. en ce sens POLTIER, Droit des marchés publics, op. cit., p. 118; GALLI/MOSER/LANG/STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 3e éd., 2013, n. 212 p. 90 s.; MARTIN BEYELER, Der Geltungsanspruch des Vergaberechts, 2012, n. 791 ss p. 379 ss, n. 814 ss p. 396 ss; REY/WITTWER, Die Ausschreibungspflicht bei der Übertragung von Monopolen nach revidiertem Binnenmarktgesetz, in PJA 2007 585, p. 591 s.).  
 
6.4.2. Pour déterminer si concrètement une collectivité publique s'est conformée aux exigences de l'art. 2 al. 7 LMI lors du transfert d'une concession de monopole cantonal ou communal, il ne faut cependant pas, contrairement à la position soutenue par la Comco, s'en tenir exclusivement à une approche économique relevant des marchés publics.  
Comme indiqué précédemment, il convient de tenir compte des spécificités propres à l'octroi d'une concession de monopole cantonal ou communal, en particulier de la plus grande liberté qui doit être laissée à la collectivité publique par rapport à la passation d'un marché public, lorsqu'elle choisit de céder un droit qui lui appartient, de nature commerciale et qui s'exerce sur le domaine public (cf. BEYELER, op. cit., n. 795 p. 382 ss). La collectivité publique peut ainsi mettre en place sa propre procédure d'appel d'offres (DIEBOLD, op. cit., p. 224 s.), qui n'a pas à être aussi formaliste qu'en matière de marchés publics (DANIEL KUNZ, Die Konzessionserteilung, in HÄNER/WALDMANN [éd.], Die Konzession, 2011, p. 27 ss, notamment p. 42 et 48). Précisons qu'il n'y a pas lieu de trancher ici le point de savoir si et à quelles conditions la collectivité peut renoncer à un appel d'offres (controversé en doctrine, cf. à ce sujet ESSEIVA, op. cit., p. 204 s.), car cette procédure a été mise en place en l'espèce. 
 
La perspective visée lors du transfert de la concession va en outre au-delà de la seule mise en concurrence du caractère économique de la prestation offerte qui régit les marchés publics, car l'octroi d'une concession de monopole autorise les cantons et les communes à prendre en compte des intérêts publics plus larges (ESSEIVA, op. cit., p. 205 s.; ETIENNE POLTIER, ad art. 2 al. 7 LMI, in Commentaire romand - Droit de la concurrence, 2e éd., 2013, n. 71 p. 1904); le caractère économique n'est donc pas nécessairement prépondérant (MARC-OLIVIER BESSE, L'investiture du délégataire, in FAVRE/MARTENET/POLTIER [éd.], La délégation d'activités étatiques au secteur privé, 2016, p. 67 ss, notamment p. 105). Il en découle que, pour choisir le concessionnaire, la collectivité publique doit pouvoir s'écarter du critère de l'offre économiquement la plus favorable pour s'appuyer sur des considérations poursuivant d'autres intérêts publics (cf. POLTIER, Droit des marchés publics, op. cit., p. 118; DUBEY/ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 1435 p. 507). Il faut toutefois que les choix opérés respectent les principes de non-discrimination et de transparence, ce qui signifie que toutes les entreprises concernées doivent pouvoir déposer une offre avec les mêmes chances et voir évaluer celle-ci en toute transparence et impartialité (FRANÇOIS BELLANGER, Marchés publics et concessions ?, in ZUFFEREY/STÖCKLI [éd.], Marchés publics 2012, p. 167 ss, notamment p. 199 et 201). 
 
6.5. Eu égard à ce qui précède, il convient de vérifier si, dans le cas d'espèce, l'arrêt attaqué a donné à l'art. 2 al. 7 LMI une portée qui tient compte des spécificités propres au transfert d'une concession de monopole communal d'affichage.  
 
6.5.1. Le Tribunal cantonal a adopté une position paradoxale qui n'a pas manqué d'être mise en évidence par les recourantes. En effet, après avoir indiqué que l'approche en matière de concession était différente de celle des marchés publics, notamment s'agissant des intérêts publics poursuivis, les juges cantonaux ont examiné le bien-fondé des critères utilisés et leur appréciation par la Municipalité sur la base des règles en matière de marchés publics concrétisées par le droit cantonal. Cela les a conduits à exclure le critère de politique sociale, au motif qu'il n'avait pas de lien avec l'objet de la concession, et à rejeter plusieurs critères au motif qu'ils étaient protectionnistes (localisation des entreprises, emploi des apprentis sur place et maintien de places de travail sur le territoire communal).  
 
6.5.2. En ce qui concerne l'admissibilité des critères sociaux, on a vu que la collectivité publique est en droit, lorsqu'elle choisit un concessionnaire pour lui confier un monopole cantonal portant sur une activité commerciale, de ne pas se limiter à des considérations relevant de l'intérêt économique, qui sont à la base des marchés publics, mais de poursuivre d'autres intérêts publics (cf. supra consid. 6.4.2). Il doit ainsi lui être loisible, pour attribuer la concession, de se fonder sur des critères de nature sociale ou environnementale, qui ne sont pas directement en lien avec le domaine auquel le monopole est rattaché (BESSE, op. cit., p. 105; PIERRE MOOR, Droit administratif, vol. III, 1992, p. 126 s.) et qui ne seraient pas admissibles, en l'absence de base légale expresse (ATF 140 I 285 consid. 7 p. 300 ss), dans le domaine des marchés publics (cf. pour plus de précisions sur l'admissibilité de tels critères en matière de marchés publics: ATF 140 I 285). L'idée est qu'en cédant un droit relevant de son monopole, le canton ou la commune peut exiger en contrepartie des prestations d'intérêt public (POLTIER, ad art. 2 al. 7 LMI, op. cit., n. 73 p. 1904).  
Partant, on ne voit pas que l'on puisse reprocher à la Municipalité d'avoir pris en considération la politique sociale des deux sociétés en cause et donné la préférence à A.________, en raison des primes offertes et de ses prestations de retraite anticipée, ainsi que de sa meilleure couverture de caisse de pension. Le fait qu'il n'y ait pas de lien direct avec l'affichage et que de tels critères ne seraient en principe pas admissibles en application des règles régissant les marchés publics à défaut de base légale n'y change rien. C'est donc à tort que l'arrêt attaqué a refusé de tenir compte des critères sociaux qui favorisaient A.________. Il convient de préciser qu'il n'est pas contesté que ces critères ont été formulés dans le respect des principes d'égalité de traitement et de transparence. 
 
6.5.3. S'agissant de l'exclusion de critères protectionnistes, la non-discrimination des personnes ayant leur établissement ou leur siège en Suisse, que l'art. 2 al. 7 LMI réserve expressément (cf. supra consid. 6.4.1), interdit de procéder à des discriminations au détriment des seuls offreurs externes (MARTENET/TERCIER, ad Intro. LMI, in Commentaire romand - Droit de la concurrence, 2e éd., 2013, n. 74 p. 1832); la collectivité publique qui transfère une concession ne peut donc pas poser des exigences qui excluraient d'emblée la participation d'entités disposant d'un établissement ou d'un siège en Suisse, mais qui ne seraient pas situées sur le territoire du canton ou de la commune concernée (POLTIER, ad art. 2 al. 7 LMI, op. cit., n. 68 p. 1903). En revanche, comme la collectivité cède un droit, elle peut exiger des contre-parties relevant de son propre intérêt public. Partant, elle peut subordonner le transfert de la concession à la création d'un certain nombre d'emplois sur le territoire cantonal ou communal (cf. en ce sens POLTIER, ad art. 2 al. 7 LMI, op. cit., n. 73 p. 1904), tant qu'elle n'exclut pas d'emblée les offreurs extérieurs qui n'ont pas encore créé de tels emplois.  
En l'espèce, en ce qui concerne les apprentis, on ne voit pas qu'en donnant la préférence à A.________ parce que deux apprentis engagés par celle-ci passaient par le site de Lausanne, alors que tel n'était pas le cas de la recourante, la Municipalité ait posé un critère protectionniste. En effet, s'agissant d'une activité qui, par définition, devait s'exercer sur le territoire de la Commune, le fait que des apprentis y soient occupés pouvait être réalisé tant par A.________ que par B.________. En revanche, le Tribunal cantonal peut être suivi lorsqu'il reproche à la Municipalité d'avoir retenu, en lien avec le critère des infrastructures (2.1), de manière discriminatoire et protectionniste l'existence d'un pôle centralisé à Lausanne en faveur de A.________, alors que B.________ était implantée à quelques kilomètres, dans la commune voisine de Crissier; ce critère discrimine en effet les entreprises ou établissements suisses qui ne sont pas situés dans la commune. Toujours en lien avec le critère des infrastructures, l'arrêt attaqué retient aussi un aspect protectionniste dans le fait que la Municipalité a constaté que dix places de travail sur le territoire communal seraient supprimées en cas d'octroi de la concession à B.________. Il n'y a toutefois pas lieu d'examiner plus avant si cet aspect est ou non de nature protectionniste, dès lors que, selon les faits constatés dans l'arrêt attaqué, dont les recourantes ne démontrent pas qu'ils seraient arbitraires et qui partant lient la Cour de céans (art. 105 al. 1 LTF), cette constatation est inexacte et le critère partant inopérant. 
 
6.6. En résumé, l'arrêt attaqué a fait une fausse application de l'art. 2 al. 7 LMI en écartant les critères sociaux, y compris l'occupation des apprentis, retenus par la Municipalité de Lausanne en faveur de A.________. Il s'agit de critères dont l'autorité publique pouvait tenir compte sans base légale explicite s'agissant non pas d'un marché public, mais du transfert d'une concession de monopole d'affichage communal.  
 
7.   
Encore faut-il, pour que cette violation du droit entraîne l'admission des recours, qu'il apparaisse que, dans son résultat, l'appréciation générale du Tribunal cantonal selon laquelle la concession devait être attribuée à B.________ et non pas à A.________, contrairement à ce qu'avait retenu la Municipalité de Lausanne, procède d'un excès du pouvoir d'appréciation et porte une atteinte inadmissible à l'autonomie communale. Les recourantes invoquent dans ce contexte une application arbitraire des art. 90 et 98 de la loi vaudoise sur la procédure administrative du 28 octobre 2008 (LPA/VD; RS/VD 173.36) et une violation des articles 50 Cst. et 137 Cst./VD. 
 
7.1. Les privés peuvent invoquer l'autonomie communale (art. 50 Cst.), dans la mesure où cette garantie peut avoir un effet sur leur situation juridique ou de fait (ATF 141 I 36 consid. 1.2.4 p. 40 s.), ce qui est le cas de A.________. Au demeurant, ce grief est de toute façon soulevé de façon recevable (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.3 et 3.2) par la Municipalité de Lausanne. Quant à l'art. 98 de la LPA/VD, disposition qui s'applique aux recours en matière de droit administratif devant le Tribunal cantonal, les recourantes peuvent parfaitement se plaindre d'une application arbitraire de cette disposition, ce qu'elles font du reste de manière recevable, n'en déplaise à l'intimée.  
 
7.2. Selon l'art. 50 al. 1 Cst., l'autonomie communale est garantie dans les limites fixées par le droit cantonal. Ce principe est repris à l'art. 137 Cst./VD, dont il n'apparaît pas qu'il offrirait une protection supérieure à la Constitution fédérale, ce que les recourantes n'indiquent pas non plus (cf., concernant le canton de Genève, ATF 140 I 285 consid. 4.1 p. 292). Comme il a déjà été souligné, les communes possèdent, dans les limites fixées par l'ordre juridique et en particulier le droit cantonal, une grande liberté de décision s'agissant de la gestion des concessions de monopoles dont elles disposent (cf. ATF 142 I 99 consid. 2.4.4 p. 113 et la référence à DUBEY/ZUFFEREY, op. cit., n. 1431 s. p. 505 s.).  
Lorsqu'elle est reconnue autonome dans un domaine spécifique, une commune peut dénoncer tant les excès de compétence d'une autorité cantonale de recours que la violation par celle-ci des règles du droit fédéral, cantonal ou communal qui régissent la matière. Si elle substitue son pouvoir d'appréciation à celui de l'autorité communale compétente, l'autorité judiciaire juge en opportunité, ce qui est interdit par l'art. 98 LPA/VD (cf. ATF 141 II 353 consid. 3 p. 362 s.). Comme il a déjà été souligné en matière de marchés publics, si l'autorité judiciaire s'immisce de façon indue dans la liberté de décision appartenant au pouvoir adjudicateur, ce qui est le cas si elle substitue sa propre appréciation à celle d'une commune dans l'adjudication d'un marché public, elle viole aussi la liberté de décision qui fait partie de l'autonomie communale (cf. ATF 140 I 285 consid. 4.1 et 4.2 p. 292 s.; 138 I 143 consid. 3 p. 150). L'autorité judiciaire ne peut donc intervenir qu'en cas d'abus ou d'excès du pouvoir de décision de l'adjudicateur (ATF 141 II 353 consid. 3 p. 363 et les références citées). Ces principes s'appliquent a fortiori lorsqu'une commune transfère une concession de monopole lui appartenant, puisqu'elle jouit en cette matière d'une liberté de décision qui est supérieure à celle dont elle dispose en matière de marchés publics (cf. supra consid. 6.3.3). 
 
7.3. En l'espèce, pour parvenir à la conclusion que l'attribution à A.________ devait être annulée au profit de B.________, le Tribunal cantonal a procédé à sa propre appréciation de l'ensemble des critères pris en compte par la Municipalité de Lausanne et s'est distancié de l'évaluation initiale sur plusieurs points. Comme on vient de le voir, un tel procédé n'est admissible qu'à la condition qu'il apparaisse que l'appréciation de la collectivité publique violait le droit ou était excessive ou abusive.  
 
7.3.1. Si l'on prend les critères individuellement, il apparaît que c'est en violation du droit que le Tribunal cantonal a écarté les critères sociaux (critère 4.2) qui plaidaient en faveur de A.________ (cf. supra consid. 6.5.2). En revanche, en lien avec l'interdiction de la discrimination, on ne peut lui reprocher d'avoir relativisé l'avantage accordé à A.________ sous l'angle du critère des infrastructures (critère 2.1), l'exigence d'un pôle centralisé à Lausanne étant discriminatoire; enfin, le maintien de dix postes de travail reposait sur une constatation erronée (cf. supra consid. 6.5.3).  
 
7.3.2. Hormis ces aspects, l'instance précédente a procédé à sa propre appréciation de l'ensemble des autres critères retenus, sans mettre en évidence un abus ou un excès dans l'appréciation faite par la Municipalité. La position de l'arrêt attaqué en lien avec le critère des tarifs proposés pour les surfaces d'affichage (critère 3) est à cet égard révélatrice. Les juges cantonaux ont considéré que la Municipalité ne pouvait préférer l'offre de A.________ par rapport au critère des tarifs proposés, au motif que B.________ avait refusé, contrairement à A.________, de communiquer ses prix nets après rabais. Or, il ressort de l'arrêt attaqué que la Municipalité avait expressément invité B.________ à compléter son offre sur ce point le 10 novembre 2014, indiquant que cette information (prix nets après rabais) lui était indispensable et qu'à défaut elle serait dans l'impossibilité d'apprécier concrètement la redevance prévisible. B.________ s'y est refusée le 24 novembre 2014, expliquant pourquoi elle n'entendait pas donner ces chiffres. On ne voit manifestement pas que l'appréciation de la Municipalité, donnant la préférence pour ce critère à A.________, qui lui avait fourni les informations requises, serait abusive. L'arrêt attaqué ne le démontre pas, mais relève seulement que l'appréciation de l'intimée "ne peut être partagée". Ce faisant, le Tribunal cantonal juge en opportunité, ne respecte pas la liberté dont jouit la Commune et porte atteinte à son autonomie.  
 
7.3.3. La même conclusion peut être tirée de l'appréciation globale du Tribunal cantonal. En effet, selon sa propre évaluation (qui fait abstraction - à tort - des critères sociaux), l'instance précédente aboutit au résultat que les deux offres sont à peu près équivalentes. En pareilles circonstances, le choix de la collectivité publique pour l'une ou l'autre offre ne peut, par définition, être le résultat d'un excès ou d'un abus de son pouvoir d'appréciation, de sorte qu'il doit être confirmé. En s'en écartant, donnant plus d'importance à un critère d'évaluation (en l'occurrence le prix offert) par rapport à d'autres critères d'intérêt public, l'autorité judiciaire a procédé à une application arbitraire de l'art. 98 LPA/VD et a violé la garantie constitutionnelle de l'autonomie communale. Cette conclusion est encore renforcée si l'on y ajoute que A.________ l'emporte sur les critères sociaux par rapport à B.________.  
 
7.4. Compte tenu de ce qui précède, les recours en matière de droit public doivent être admis, l'arrêt attaqué annulé et la décision du 23 janvier 2015 attribuant la concession à A.________ confirmée.  
 
8.   
Compte tenu de l'issue du litige, les frais seront mis à la charge de l'intimée qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Elle versera des dépens à A.________ (art. 68 al. 1 LTF). La Municipalité de Lausanne qui, dans le cadre du transfert d'une concession de monopole communal, obtient gain de cause dans l'exercice de ses attributions officielles, ne peut prétendre à des dépens (cf. art. 68 al. 3 LTF). 
Le Tribunal fédéral ne fera pas usage de la possibilité offerte par l'art. 67 LTF et renverra la cause au Tribunal cantonal pour qu'il statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure suivie devant lui. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Les causes 2C_880/2015 et 2C_885/2015 sont jointes. 
 
2.   
Les recours constitutionnels subsidiaires sont irrecevables. 
 
3.   
Les recours en matière de droit public sont admis. 
 
4.   
L'arrêt attaqué est annulé et la décision de la Municipalité de Lausanne du 23 janvier 2015 est confirmée. 
 
5.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 13'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
6.   
L'intimée versera à la recourante A.________ une indemnité de 13'000 fr. à titre de dépens. 
 
7.   
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure. 
 
8.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourantes, au mandataire de l'intimée, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à la Commission de la concurrence (Comco). 
 
 
Lausanne, le 6 mars 2017 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
Le Greffier : Ermotti