2C_52/2020 08.12.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_52/2020  
 
 
Arrêt du 8 décembre 2022  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Beusch, Hartmann et Ryter. 
Greffier : M. Jeannerat. 
 
Participants à la procédure 
Editions Glénat (Suisse) SA, 
représentée par Me Marc Mathey-Doret, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
Commission de la concurrence COMCO, Hallwylstrasse 4, 3003 Berne, 
intimée. 
 
Objet 
Cartels - sanction; marché du livre en français, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour II, du 30 octobre 2019 (B-3954/2013). 
 
 
Faits :  
 
A.  
La société Editions Glénat (Suisse) SA (ci-après: Glénat Suisse), dont le siège se trouve en Suisse, est une filiale de la société Editions Glénat (France) SA (ci-après: Glénat France), basée en France. Glénat Suisse et Glénat France sont toutes deux des sociétés d'édition et de diffusion de livres appartenant au groupe Glénat. 
Le groupe Glénat ne s'occupe pas lui-même de la distribution de ses produits, c'est-à-dire qu'il ne se charge pas lui-même de réceptionner les commandes d'ouvrages opérées par les points de vente de livres, ni de gérer et d'organiser les flux physiques et financiers découlant de telles commandes. La distribution du catalogue de Glénat à l'étranger est généralement assurée par la société française Hachette Livre, avec laquelle Glénat France a passé un contrat en 1993. En Suisse, elle est intégralement assumée par la société suisse A.________ sur la base d'un accord tripartite conclu le 10 septembre 2004 entre la société précitée, Glénat Suisse et Glénat France. Ce contrat contient les clauses suivantes: 
 
" Art. 1  
GLENAT SUISSE confie à A.________, qui accepte, la distribution en Suisse de ses propres ouvrages et les ouvrages des maisons d'édition et/ou des distributeurs qui ont eux-mêmes confié à GLENAT cette distribution sur le même territoire [...] 
Art. 2  
Les produits concernés sont, pour ces fonds, tous les livres figurant dans les catalogues des éditeurs concernés et les nouveautés à paraître si toutefois l'éditeur a lui-même, dans les deux cas, la faculté de les diffuser/distribuer en Suisse et a confié cette fonction directement ou indirectement à GLENAT. 
Art. 3  
1 GLENAT SUISSE confie à A.________ la distribution exclusive des produits définis à l'article 2auprès de l'intégralité de la clientèle suisse. 
2 [...] 
3 GLENAT SUISSE et GLENAT FRANCE s'engagent à ne pas ouvrir de comptes directs pour des clients suisses sans accord préalable de A.________, sauf pour la vente d e s titres soldés ou les ventes directes prévues ci-dessus." 
 
B.  
 
B.a. Du 12 juillet 2007 au 13 mars 2008, le secrétariat de la Commission de la concurrence (ci-après: la COMCO) a mené une enquête préalable sur le marché du livre écrit en français. Les informations obtenues auprès des diffuseurs-distributeurs et des revendeurs de livres actifs en Suisse ont fait apparaître que les premiers occupaient une position forte sur le marché en cause et que le niveau des prix y était élevé.  
 
B.b. Le 13 mars 2008, d'entente avec le Président de la COMCO, le secrétariat a ouvert une enquête visant à examiner l'existence d'un éventuel abus de position dominante au sens de la loi sur les cartels (LCart). Le 2 mars 2011, de concert avec son Président, le secrétariat de la COMCO a élargi son enquête à l'examen d'un potentiel accord illicite affectant la concurrence au sens de la loi précitée.  
 
B.c. Le 18 mars 2011, le Parlement a adopté la loi fédérale sur la réglementation du prix du livre, contre laquelle un référendum a été lancé. L'adoption de cette loi et la perspective d'une votation populaire ont amené le secrétariat de la COMCO à suspendre l'enquête par décision incidente du 6 juin 2011, en application du principe de l'économie de la procédure. Le référendum ayant abouti, le peuple suisse s'est prononcé en votation le 11 mars 2012 et a rejeté la loi sur le prix du livre.  
La COMCO a repris son enquête le 22 mars 2012. 
 
B.d. Le 14 août 2012, le secrétariat de la COMCO a communiqué aux parties sa proposition de décision et la liste des pièces versées au dossier. Il retenait notamment que Glénat Suisse avait participé, durant la période visée par l'enquête, à savoir de 2005 à 2011, à un accord horizontal de répartition géographique conclu au sein de l'Association Suisse des Diffuseurs, Editeurs et Libraires (ASDEL), ainsi qu'à un accord vertical de fixation des prix de revente sur la base de ses tabelles. Selon le secrétariat, la société avait aussi participé à un accord vertical attribuant des territoires dans la distribution. Il considérait que l'ensemble de ces relations était illicite au sens de l'art. 5 LCart et proposait d'interdire aux diffuseurs-distributeurs de fixer les prix de revente, notamment au moyen de tabelles, et de s'entendre avec les libraires sur un taux de remise fondé sur un prix public final pour la Suisse. De même, il envisageait de défendre aux diffuseurs-distributeurs d'opérer une répartition géographique du marché de la diffusion et de la distribution du livre en français en Suisse, de s'entendre sur une entrave aux importations parallèles ou d'empêcher celles-ci par des contrats de distribution exclusive. Finalement, il a proposé de sanctionner Glénat Suisse et de mettre à sa charge une part des frais de procédure. Il n'a, pour le reste, pas retenu l'existence d'un abus de position dominante.  
 
B.e. En date du 27 mai 2013, après déterminations des parties sur la proposition de décision, ainsi que divers actes d'instruction et auditions, la COMCO a rendu une décision à l'encontre de la société Glénat Suisse et de neuf autres diffuseurs-distributeurs de livres. Elle a condamné en particulier la société précitée au paiement d'une sanction de 550'739 fr. en application de l'art. 49a al. 1 LCart en raison de sa participation à des accords illicites au sens de l'art. 5 al. 1 et 4 LCart (ch. 1.5 du dispositif). Elle lui a par ailleurs interdit - comme aux neuf autres diffuseurs-distributeurs concernés par sa décision - d'entraver par des contrats de distribution et/ou de diffusion les importations parallèles de livres écrits en français par tout détaillant actif en Suisse (ch. 2 du dispositif). Enfin, elle l'a condamnée au paiement, à titre solidaire, des frais de procédure, lesquels se montaient à 760'150 fr. (ch. 4 du dispositif).  
 
B.f. Le 11 juillet 2013, Glénat Suisse a interjeté recours auprès du Tribunal administratif fédéral contre la décision précitée de la COMCO, dont elle concluait à l'annulation. Par arrêt du 30 octobre 2019, le Tribunal administratif fédéral a admis très partiellement le recours, en ce sens qu'il a réduit à 488'592 fr. la sanction prononcée à l'encontre de la société. Il a confirmé la décision attaquée pour le surplus, notamment en tant qu'elle interdisait à l'intéressée d'entraver par des contrats de distribution et/ou de diffusion les importations parallèles de livres écrits en français en Suisse et la condamnait au paiement à titre solidaire des frais de procédure devant la COMCO.  
 
C.  
Le 16 janvier 2020, Glénat Suisse (ci-après: la recourante) dépose un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Outre l'octroi de l'effet suspensif à son recours, la société demande l'annulation pure et simple de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 30 octobre 2019, ainsi que celle de la décision du 27 mai 2013 de la COMCO en tant qu'elle la concerne. Subsidiairement, la recourante conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour complément d'instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Par ordonnance du 31 janvier 2020, le Président de la Cour de céans a octroyé l'effet suspensif au recours. 
Le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position sur le recours, renvoyant aux considérants de l'arrêt attaqué. La COMCO a répondu au recours, dont elle conclut au rejet. 
La recourante et la COMCO ont répliqué, respectivement dupliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
I. Recevabilité et pouvoir d'examen  
 
1.  
 
1.1. Le litige porte sur le bien-fondé d'une décision initialement prononcée par la COMCO et condamnant notamment la recourante au paiement d'une sanction financière en application de la loi fédérale sur les cartels et autres restrictions à la concurrence du 6 octobre 1995 (LCart; RS 251). Le Tribunal administratif fédéral a confirmé cette décision dans son principe par arrêt du 30 octobre 2019, tout en réduisant néanmoins légèrement le montant de la sanction infligée. Il s'agit d'une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant sous le coup d'aucune des exceptions figurant à l'art. 83 LTF, de sorte que la voie du recours en matière de droit public au Tribunal fédéral est en principe ouverte.  
 
1.2. Le recours a par ailleurs été interjeté dans les formes requises (art. 42 LTF) et en temps utile compte tenu des féries hivernales (art. 100 al. 1 en lien avec l'art. 46 al. 1 let. c LTF) par la société destinataire de l'arrêt attaqué qui a, sous cet angle, manifestement qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Le recours est partant recevable, sous réserve de sa conclusion tendant à l'annulation de la décision de la COMCO du 27 mai 2013. Une telle conclusion est en effet irrecevable en raison de l'effet dévolutif complet du recours déposé auprès du Tribunal administratif fédéral (cf. ATF 136 II 101 consid. 1.2), dont la décision peut seule être attaquée devant le Tribunal fédéral (cf. art. 86 al. 1 let. a LTF).  
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins de se trouver face à une violation du droit manifeste (cf. ATF 140 III 115 consid. 2; 140 III 86 consid. 2; 133 III 545 consid. 2.2; arrêt 4A_399/2008 du 12 novembre 2008 consid. 2.1, non publié in ATF 135 III 112).  
 
2.2. L'examen du Tribunal fédéral se fonde sur les faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF; ATF 142 I 155 consid. 4.4.3), sous réserve des cas prévus par l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours peut critiquer les constatations de fait de l'arrêt attaqué à la double condition qu'elles aient été établies de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.6), ce que la partie recourante doit rendre vraisemblable par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF. La notion de "manifestement inexacte" figurant à l'art. 97 al. 1 LTF correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 140 III 264 consid. 2.3).  
 
II. Dispositions légales topiques et positions des autorités précédentes  
 
3.  
Le litige porte principalement sur le point de savoir si le Tribunal administratif fédéral a violé le droit en considérant que la recourante avait participé à un accord illicite en matière de concurrence - et présumé supprimer toute concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 1 et 4 LCart - et en la condamnant pour cette raison au paiement d'une sanction financière de 488'592 fr. 
Avant de présenter le raisonnement suivi par les différentes autorités précédentes sur ces points, un bref survol des dispositions s'avérant topiques en la cause s'impose. 
 
4.  
 
4.1. La LCart a pour but d'empêcher les conséquences nuisibles d'ordre économique ou social imputables aux cartels et aux autres restrictions à la concurrence et de promouvoir ainsi la concurrence dans l'intérêt d'une économie de marché fondée sur un régime libéral (art. 1 LCart). Elle s'applique, entre autres situations, aux entreprises de droit privé ou de droit public qui sont parties à des cartels ou à d'autres accords en matière de concurrence visant ou entraînant une restriction de celle-ci (cf. art. 2 al. 1 et 4 al. 1 LCart), à moins que la concurrence sur le marché des biens ou services concernés ne soit de toute manière exclue par d'autres prescriptions étatiques (cf. art. 3 al. 1 LCart).  
 
4.2. L'art. 5 LCart dispose à son al. 1 que les accords qui affectent de manière notable la concurrence sur le marché de certains biens ou services et qui ne sont pas justifiés par des motifs d'efficacité économique, ainsi que tous ceux qui conduisent à la suppression d'une concurrence efficace, sont illicites. Après avoir précisé à son al. 2 la notion de "motifs d'efficacité économique", l'art. 5 LCart énumère ensuite, à ses al. 3 et 4, plusieurs types d'accords qui sont présumés entraîner la suppression d'une concurrence efficace et qui réunissent tantôt des entreprises effectivement ou potentiellement concurrentes (accords horizontaux), tantôt des entreprises occupant différents échelons sur un marché (accords verticaux). L'art. 5 al. 4 LCart, qui porte sur les accords verticaux et qui se trouve au centre du présent litige, prévoit en particulier ce qui suit:  
 
3 Sont [...] présumés entraîner la suppression d'une concurrence efficace les accords passés entre des entreprises occupant différents échelons du marché, qui imposent un prix de vente minimum ou un prix de vente fixe, ainsi que les contrats de distribution attribuant des territoires, lorsque les ventes par d'autres fournisseurs agréés sont exclues. 
 
4.3. Les sanctions administratives encourues en cas d'accords illicites sont réglées aux art. 49a ss LCart. L'art. 49a al. 1 LCart prévoit ainsi, notamment, que l'entreprise qui participe à un accord illicite aux termes de l'art. 5 al. 3 et 4 LCart est tenue au paiement d'un montant pouvant aller jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires réalisé en Suisse au cours des trois derniers exercices. L'art. 50 LCart dispose pour sa part qu'une sanction identique peut être infligée à une entreprise qui contrevient à son profit à un accord amiable, à une décision exécutoire prononcée par les autorités en matière de concurrence ou à une décision rendue par une instance de recours. Il découle de ces dispositions qu'une entreprise ne peut être sanctionnée de manière immédiate en raison d'un accord illicite en matière de concurrence que si elle participe à ce que l'on appelle communément un "cartel dur" ou un "accord rigide" (" hartes Kartell " ou " harte Abrede "), c'est-à-dire à l'un des accords, exhaustivement énumérés à l'art. 5 al. 3 et 4 LCart, dont il convient en principe de présumer, de manière réfragable, qu'ils suppriment toute concurrence (cf. ATF 147 II 72 consid. 6.2; arrêt 2C_113/2017 du 12 février 2020 consid. 10.2; aussi Message du Conseil fédéral du 7 novembre 2001 relatif à la révision de la loi sur les cartels, FF 2002 1920; ZIRLICK/BANGERTER, in KG - Kommentar zum Bundesgesetz über Kartelle und andere Wettbewerbsbeschränkungen, 2018, no 544 ad art. 5 LCart). Dans les autres cas, soit lorsqu'une entreprise prend part à un accord qui, sans être visé par l'art. 5 al. 3 et 4 LCart, restreint néanmoins notablement la concurrence sans motif d'efficacité économique (p. ex. un accord fixant un prix maximal), seul le prononcé d'une mesure administrative entre en ligne de compte (p. ex. une interdiction d'entrave à la concurrence; cf. art. 30 LCart; ATF 143 II 297 consid. 9.4.6; aussi arrêt 2C_44/2020 du 3 mars 2022 consid. 12.4, non publié in ATF 148 II 321) : ce n'est qu'en cas de récidive - à savoir en cas de non-respect de la mesure prononcée - que l'entreprise peut éventuellement se voir infliger une sanction, en application de l'art. 50 LCart (cf. arrêts 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 4.3, non publié in ATF 148 II 25; 2C_113/2017 du 12 février 2020 consid. 10.2; aussi JÜRG BORER, Wettbewerbsrecht I Kommentar, 3e éd. 2011, no 7 ad art. 49a LCart; KRAUSKOPF/SCHALLER, in Basler Kommentar, Kartellgesetz, 2e éd. 2021, no 651 ad art. 5 LCart).  
 
4.4. La problématique des accords verticaux en matière de concurrence est appréhendée de manière pratiquement identique, quoique dans des systèmes différents, par le droit suisse et le droit européen, qui se sont rapprochés au fil du temps (ATF 143 II 297 consid. 5.3.4). Les débats parlementaires laissent d'ailleurs transparaître sans équivoque que le législateur a souhaité que la réglementation des accords verticaux soit similaire à celle de l'Union européenne et s'avère aussi stricte qu'elle, sans l'être davantage (cf. BO 2003 CE 329 ss; voir BO 2002 CN 1435 ss), afin de ne pas conduire à une insécurité juridique (cf. BO 2003 CE 330). Le parallélisme des deux réglementations fait qu'il est possible de se référer à ce que l'Union européenne a exclu ou permis dans sa directive sur les accords verticaux (BO 2003 CE 330), sous réserve d'éventuels changements fondamentaux en droit européen de la concurrence et des différences pouvant exister entre les marchés suisse et européen, qui ne sont pas économiquement comparables (cf. ATF 143 II 297 consid. 6.2.3 et les références citées). Les règles de l'Union européenne ne doivent le cas échéant pas être considérées comme de simples éléments de comparaison et d'interprétation parmi d'autres. Sur le fond, le législateur fédéral désirait une véritable identité de régimes entre le droit suisse et les règles européennes sur les accords verticaux, même s'il n'a pas inséré de renvoi dynamique à ces règles dans la loi ni légiféré de manière techniquement identique (ATF 143 II 297 consid. 6.2.3; arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 4.4, non publié in ATF 148 II 25; cf. aussi BO 2003 CE 331).  
 
5.  
 
5.1. En l'occurrence, dans sa décision de première instance du 27 mai 2013, la COMCO a tout d'abord retenu que la LCart s'appliquait pleinement au marché suisse de la distribution "wholesale" des livres en français, c'est-à-dire au marché de la distribution "en gros" desdits produits aux librairies et autres revendeurs de livres helvétiques. Elle a ensuite considéré que, durant la période sous enquête, soit entre 2005 et 2011, la recourante avait pris part à des accords verticaux qui avaient pour caractéristique d'instituer un système de diffusion-distribution ayant pour objectif et pour effet de supprimer toute concurrence efficace sur ce marché. Elle a en particulier estimé que le système de commercialisation des ouvrages édités par le groupe Glénat, tel que mis en place par la recourante, sa société mère et A.________, cloisonnait le marché suisse, en empêchant toute importation parallèle desdits produits par les revendeurs helvétiques, de sorte que la présomption de suppression de la concurrence efficace posée à l'art. 5 al. 4 LCart s'appliquait à la relation commerciale tripartite qu'entretenaient les trois sociétés précitées. Il n'existait par ailleurs aucune concurrence sur les plans "intermarques" et "intramarque" susceptible de renverser cette présomption de suppression de la concurrence efficace découlant de l'art. 5 al. 4 LCart. Quand bien même l'on admettrait le contraire, il faudrait de toute manière considérer que le système de distribution mis en place avait eu pour effet de restreindre notablement la concurrence en Suisse, sans qu'aucun motif d'efficacité économique ne le justifie au sens de l'art. 5 al. 1 et 2 LCart. La COMCO a dès lors infligé à la recourante - qui devait du reste se laisser imputer le comportement de sa maison mère - une sanction de 550'739 fr. pour participation à des accords illicites, en application combinée des art. 5, al. 1 et 4, et 49a al. 1 LCart. Elle lui a en outre interdit de continuer à empêcher toute importation parallèle de livres en français par des détaillants actifs en Suisse par l'entremise de contrats de distribution et/ou de diffusion exclusives.  
 
5.2. Statuant sur recours de la recourante par arrêt du 30 octobre 2019, le Tribunal administratif fédéral s'est, en substance, largement rallié à la décision de la COMCO, dont il ne s'est distancié qu'en ce qui concerne le calcul de la sanction financière à prononcer. Il a en particulier jugé que la relation commerciale que la recourante et sa société mère avaient entretenue avec A.________ entre 2005 et 2011 avait bel et bien reposé sur un accord en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart. A cela s'ajoutait que le système de diffusion-distribution mis en place par cet accord avait eu pour but et effet d'empêcher d'autres fournisseurs actifs sur le marché du livre à l'étranger de vendre en Suisse les mêmes ouvrages que A.________. Le Tribunal administratif fédéral a admis qu'une telle conclusion ne pouvait certes pas être directement tirée du texte du contrat conclu entre les parties, tout en considérant qu'elle pouvait néanmoins se fonder sur d'autres circonstances et indices. Il fallait donc présumer, conformément à l'art. 5 al. 4 LCart, que, durant la période sous enquête, la concurrence efficace avait été supprimée sur le marché suisse de la distribution du livre en français s'agissant des ouvrages édités et/ou diffusés par le groupe Glénat. Subsidiairement, le Tribunal administratif fédéral a estimé, à l'instar de la COMCO, que même si l'on partait du présupposé que le système mis en place par la recourante et sa société mère ne supprimait pas toute concurrence efficace, il constituait à tout le moins une atteinte notable à celle-ci, non justifiée par un motif d'efficacité économique, de sorte qu'il s'avérait en tous les cas illicite au sens de l'art. 5 al. 1 LCart.  
Sur cette base, le Tribunal administratif fédéral a confirmé qu'il y avait lieu de sanctionner la recourante en application de l'art. 49a LCart, ainsi que de lui interdire d'entraver à l'avenir les importations parallèles que voudraient opérer les revendeurs de livres installés en Suisse, étant précisé que l'intéressée portait effectivement la responsabilité de l'atteinte à la concurrence qui lui était reprochée, quand bien même elle avait impliqué une participation active de sa société mère. L'autorité judiciaire précédente a toutefois diminué le montant de la sanction financière infligée, la réduisant à 488'592 fr. Elle a considéré que la COMCO aurait dû se fonder sur les exercices 2009 à 2011 de la recourante pour fixer ladite sanction, et non sur les exercices 2008 à 2010, qui présentaient un chiffre d'affaires total légèrement supérieur. 
 
5.3. Dans ses écritures, la recourante conteste le raisonnement qui précède et affirme notamment n'avoir jamais été partie à un quelconque accord en matière de concurrence visé par la LCart et, a fortiori, s'avérant illicite à l'aune de l'art. 5 al. 1 et 4 LCart. Elle remet ce faisant en cause plusieurs étapes du raisonnement tenu par le Tribunal administratif fédéral dans l'arrêt attaqué, dont il convient de vérifier la conformité au droit fédéral.  
 
III. Existence d'un accord en matière de concurrence au sens des art. 2 al. 1 et 4 al. 1 LCart 
 
6.  
La première question à examiner est celle de savoir si, entre 2005 et 2011, la recourante a participé à un "accord en matière de concurrence" au sens de l'art. 4 al. 1 LCart en confiant à A.________ la distribution exclusive des ouvrages édités ou simplement diffusés par Glénat auprès des revendeurs helvétiques. Il s'agit en effet d'une condition de base indispensable à la reconnaissance d'un accord illicite selon l'art. 5 al. 1 LCart et, par conséquent, à une éventuelle condamnation de l'intéressée en application de l'art. 49a LCart (cf. aussi art. 2 al. 1 LCart et supra consid. 4). Or, comme on l'a dit, celle-ci conteste qu'une telle condition soit remplie en l'occurrence. 
 
6.1. Aux termes de l'art. 4 al. 1 LCart, par accords en matière de concurrence, on entend "les conventions avec ou sans force obligatoire ainsi que les pratiques concertées d'entreprises occupant des échelons du marché identiques ou différents, dans la mesure où elles visent ou entraînent une restriction à la concurrence". Cela signifie que, pour être en présence d'un accord en matière de concurrence relevant de la LCart, deux conditions doivent être réunies: il faut (1) se trouver face à une convention ou une pratique concertée entre (au moins) deux entreprises et (2) que cette convention ou cette pratique vise ou entraîne une restriction à la concurrence (ATF 144 II 246 consid. 6.4), laquelle consiste en une limitation de la liberté dans le jeu de l'offre et de la demande en lien avec des paramètres déterminants du point de vue de la concurrence efficace (arrêts 2C_39/2020 du 3 août 2022 consid. 6.2, destiné à la publication; 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 7.2, non publié in ATF 148 II 25).  
 
6.2. Des accords en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart peuvent ainsi exister non seulement entre entreprises de même rang (accords horizontaux), mais aussi entre entreprises de différents échelons du marché (accords verticaux; ATF 144 II 246 consid. 6.4.1; 129 II 18 consid. 4), dans la mesure où ils concernent les conditions auxquelles les entreprises parties peuvent acheter, vendre ou revendre certains biens ou services (cf. Communication de la Commission de la concurrence du 28 juin 2010 concernant l'appréciation des accords verticaux [ci-après: CommVert], FF 2010 4625, ch. 1). En revanche, les conventions passées entre des sociétés appartenant à un même groupe et sur lesquelles une société mère exerce un contrôle effectif ne sont pas soumises à la LCart, dès lors que toutes ces entités, en l'absence d'indépendance, constituent une seule et même entreprise et bénéficient de ce que l'on appelle un "privilège de groupe" (ATF 145 III 303 consid. 7.2.2; arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 7.2 et 7.3, non publié in ATF 148 II 25). Il en résulte que la pratique de certains groupes commerciaux consistant à refuser d'approvisionner les clients et entreprises suisses aux prix et aux conditions commerciales en vigueur à l'étranger, avant de les renvoyer vers les sociétés de distribution correspondantes en Suisse (souvent des sociétés du groupe), pour qu'ils achètent aux conditions et aux prix (plus élevés) pratiqués dans ce pays, ne relève pas nécessairement d'un accord en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart (cf. notamment arrêt 2C_39/2020 du 3 août 2022 consid. 6.2.6, destiné à la publication).  
 
6.3. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué que la recourante est détenue par la société Glénat France et qu'elle constitue à ce titre une filiale du groupe Glénat. Durant la période sous enquête, soit entre 2005 et 2011, elle a entretenu un partenariat commercial avec A.________. En effet, par le biais d'un contrat daté du 10 septembre 2004 et cosigné par sa société mère, elle a délégué à cette dernière la " distribution exclusive " en Suisse des ouvrages édités ou, simplement, diffusés par son groupe. Elle s'est simultanément engagée, à l'instar de Glénat France, " à ne pas ouvrir de comptes directs pour des clients suisses sans accord préalable de A.________, sauf pour la vente des titres soldés ou les ventes directes prévues ci-dessus ". Il n'est pas contesté que, ce faisant, elle a souscrit à un contrat au sens de l'art. 1 ss CO qui impliquait au moins deux entreprises indépendantes, soit le groupe Glénat et A.________. De même est-il indubitable que cette convention visait et engendrait une restriction à la concurrence. Quoi que prétende la recourante, la clause d'exclusivité contenue dans la convention limite en effet les canaux d'approvisionnement des livres édités ou diffusés par le groupe Glénat. Par le biais d'une telle clause, celui-ci a non seulement assurément renoncé à la faculté de livrer ses produits lui-même directement aux revendeurs de livres helvétiques, mais s'est aussi interdit de recourir aux services d'autres entreprises que A.________ pour réaliser cette tâche en Suisse.  
 
6.4. Il s'ensuit que la recourante a bel et bien été partie, durant la période soumise à l'enquête, à un accord visant une restriction à la concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart. Il ne peut pas être reproché au Tribunal administratif fédéral d'avoir violé le droit fédéral sur ce point. Reste à savoir si l'accord en question tombe également sous le coup de la présomption de suppression de la concurrence posée à l'art. 5 al. 4 LCart et s'il s'avère à ce titre illicite et sanctionnable en application des art. 5 al. 1 et 49a al. 1 LCart, comme le soutiennent les autorités précédentes.  
IV. Existence d'un accord vertical d'attribution de territoire au sens de l'art. 5 al. 4 LCart 
 
7.  
La recourante soutient en l'occurrence que le contrat de distribution exclusive qu'elle et sa société mère ont conclu avec A.________ en 2004 et qui l'a liée à celle-ci durant toute la période sous enquête ne constitue pas un accord vertical attribuant un territoire dont il conviendrait de présumer, de manière réfragable, qu'il supprime toute concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 4 LCart
 
7.1. Pour rappel, l'art. 5 al. 4 LCart prévoit que les "contrats de distribution attribuant des territoires" sont, entre autres accords, présumés entraîner la suppression de la concurrence efficace sur le marché qu'ils concernent "lorsque les ventes par d'autres fournisseurs agréés sont exclues". Cette présomption implique la réalisation de trois conditions qu'il convient de passer en revue: (1) l'existence d'un accord vertical de distribution, (2) l'attribution d'un territoire et (3) la mise en place d'une protection territoriale absolue (cf. ATF 148 II 25 consid. 8; 143 II 297 consid. 6.2).  
 
7.1.1. Il n'y a d' accord vertical de distribution au sens de l'art. 5 al. 4 LCart que lorsque des entreprises occupant des échelons du marché différents s'entendent sur des modalités de distribution de biens, services ou produits dans le cadre d'un contrat de distribution. Selon la jurisprudence, la notion de "contrats de distribution" doit être comprise largement. Elle englobe évidemment les contrats de distribution proprement dits, par lesquels un producteur ou un prestataire de services organise son réseau de distribution et convient avec son distributeur que ses produits seront écoulés selon des modalités qu'ils spécifient (contrat de distribution exclusive, système de distribution sélective, contrat d'achat exclusif, contrat de fourniture exclusive, etc.). Elle couvre cependant aussi les clauses de distribution spécifiques insérées dans d'autres contrats, comme des contrats de franchise ou de licence (ATF 143 II 297 consid. 6.3.1).  
 
7.1.2. Un accord vertical de distribution procède à une attribution de territoire lorsqu'il contient une clause d'attribution de marché se référant à une surface délimitée ou délimitable (p. ex. la Suisse qui constitue un marché potentiellement clos, ce qui a justifié l'introduction de l'art. 5 al. 4 LCart; ATF 143 II 297 consid. 6.3.2). Il convient de souligner à cet égard que le texte clair de l'art. 5 al. 4 LCart ne se réfère qu'aux répartitions de marchés sur la base de "territoires". La présomption de suppression de la concurrence efficace prévue par cette disposition ne vaut dès lors pas pour les accords de distribution qui segmenteraient le marché en fonction d'une "clientèle" (cf. aussi BO 2003 CE 330). Un accord d'exclusivité de clientèle par lequel un fournisseur s'engagerait à ne vendre ses produits qu'à un seul distributeur aux fins de leur revente à une clientèle déterminée (p. ex. à des clients exerçant une profession déterminée ou figurant sur une liste préétablie sur la base d'un critère donné; cf. Communication de la Commission européenne du 10 mai 2010, Lignes directrices sur les restrictions verticales, JOUE C 130/1 du 19 mai 2010, no 168) ne relève en principe pas de l'art. 5 al. 4 LCart, à moins bien sûr que la clientèle en question ne soit définie sur la base d'un critère géographique uniquement (ATF 148 II 25 consid. 8.2; arrêt 2C_44/2020 du 3 mars 2022 consid. 7.2, non publié in ATF 148 II 321).  
 
7.1.3. D'après l'art. 5 al. 4 LCart, un accord vertical de distribution attribuant un territoire n'est enfin présumé supprimer la concurrence efficace que s'il est exclu que d'autres fournisseurs agréés procèdent à des ventes sur ce territoire. Se fondant sur une interprétation historique et téléologique de la loi, le Tribunal fédéral considère que seuls les cas de protection territoriale "absolue" sont ici visés par la norme et concernés par la présomption de suppression de la concurrence instituée par celle-ci. Il existe une telle protection lorsque les partenaires de distribution externes au territoire attribué se voient empêchés de procéder à des ventes non seulement "actives", mais également "passives" vers le territoire attribué (ATF 143 II 297 consid. 6.3.4). Par "vente active", il faut comprendre le fait pour un distributeur de chercher à obtenir des clients ou une clientèle installés sur le territoire d'un autre distributeur par le biais de moyens ciblés. Quant à la "vente passive", elle consiste uniquement à répondre à des commandes spontanées effectuées par des clients provenant de ce territoire. La distinction entre ces deux types de vente est essentielle, car tant et aussi longtemps qu'il reste permis d'opérer des ventes passives à destination d'un territoire attribué à titre exclusif à un distributeur, il faut considérer que celui-ci ne bénéficie d'aucune protection territoriale absolue au sens de l'art. 5 al. 4 LCart, quand bien même aucun autre distributeur ne peut procéder à des ventes actives sur ce même territoire; on se trouve dans un tel cas face à une protection territoriale uniquement "relative", laquelle n'est pas visée par la disposition précitée et n'est, partant, pas présumée supprimer toute concurrence efficace (cf. ATF 148 II 25 consid. 8.3; 143 II 297 consid. 6.3.5).  
 
7.1.4. L'art. 5 al. 4 LCart précise que l'exclusion des ventes actives et passives justifiant la présomption de suppression de la concurrence doit concerner " d'autres fournisseurs agréés ". La version française de la disposition diverge sur ce point quelque peu de celles allemande et italienne qui évoquent, pour leur part, une interdiction de vente par des " gebietsfremde Vertriebspartner " ou des " distributori esterni". Il en ressort que la présomption de suppression de la concurrence de l'art. 5 al. 4 LCart implique que des entreprises actives dans la distribution d'un produit donné - et non dans sa seule production - se voient interdire de procéder à tout type de vente de ce produit à destination d'un territoire de distribution attribué à une autre entreprise (cf. ATF 143 II 297 consid. 6.3.3). Ainsi, l'accord par lequel une entreprise uniquement productrice se contenterait de renoncer à la vente directe de ses produits en Suisse, après en avoir externalisé la distribution à une autre entreprise, ne tombe pas en tant que tel sous le coup de l'art. 5 al. 4 LCart. Il en va de même de l'accord par lequel un producteur étranger s'obligerait à transmettre à son importateur suisse toutes les demandes d'achat qui lui parviendraient dans la mesure où elles émaneraient de Suisse. En effet, de telles restrictions de vente ne concernent en règle générale que le producteur du bien concerné, sans forcément s'étendre à d'éventuels distributeurs de celui-ci (cf. BO 2003 CE 329 ss; Note explicative de la Commission de la concurrence du 12 juin 2017 relative à la CommVert [état le 9 avril 2018; ci-après: Note explicative CommVert], ch. 9, 1er point; AMSTUTZ/CARRON/REINERT, in Commentaire romand - Droit de la concurrence, 2e éd. 2013, nos 557 ss ad art. 5 LCart). Il est possible que ces accords soient malgré tout illicites à l'aune de l'art. 5 al. 1 LCart, dans la mesure où ils sont susceptibles de restreindre d'une manière notable la concurrence sur le marché considéré, ou qu'ils résultent d'un abus de position dominante au sens de l'art. 7 LCart de la part du distributeur protégé. Ne limitant pas en tant que tels la liberté d'action d'une entreprise "distributrice", ils ne constitueront en revanche pas des contrats présumés conduire à la suppression de toute concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 4 LCart (ATF 148 II 25 consid. 9.3.1).  
 
7.2. En l'occurrence, comme déjà dit, il ressort de l'arrêt attaqué que, durant toute la période sous enquête, la recourante, sa société mère et A.________ ont été liées par un contrat tripartite par lequel les deux premières sociétés confiaient à la troisième la distribution wholesale en Suisse de l'ensemble des ouvrages édités et diffusés par le groupe Glénat (cf. supra consid. 6.3). D'après l'arrêt attaqué, le contrat chargeait plus précisément A.________ de " la distribution exclusive des produits [ainsi] définis [...] auprès de l'intégralité de la clientèle suisse ", soit les revendeurs de livres installés en Suisse, tout en imposant à la recourante et à sa société mère de " ne pas ouvrir de comptes direct s pour des clients suisses, sans accord préalable [de] A.________, sauf pour des titres soldés ". Le contrat en cause constituait sous cet angle une convention d'exclusivité remplissant assurément les deux premières conditions d'un accord présumé supprimer toute concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 4 LCart, à savoir celles de l'existence d'un accord vertical de distribution et d'une attribution de territoire. Il est ici précisé que, contrairement à ce que la recourante affirme, il n'est pas nécessaire d'établir l'existence d'autres attributions de territoires pour que la présomption de suppression de la concurrence énoncée à l'art. 5 al. 4 LCart entre en ligne de compte en lien avec un contrat de distribution exclusive se rapportant à la Suisse, c'est-à-dire de démontrer que l'entreprise jouant le rôle de fournisseur a alloué parallèlement à titre exclusif d'autres territoires que la Suisse à d'autres entreprises (p. ex. l'attribution de la France à un distributeur français). L'attribution du marché suisse à un distributeur officiel, comme c'est le cas en l'espèce, suffit (cf. supra consid. 7.1.2; aussi arrêt 2C_39/2020 du 3 août 2022 consid. 7.5, destiné à la publication).  
 
7.3. Reste à savoir si l'accord vertical conclu entre la recourante et A.________ remplit encore la troisième et dernière condition nécessaire à la reconnaissance d'un accord vertical d'attribution de territoire visé par l'art. 5 al. 4 LCart. Il s'agit en d'autres termes d'examiner si A.________ se serait vu octroyer une protection territoriale absolue dans le cadre de son activité de distribution en Suisse, en ce sens que les distributeurs de livres étrangers auraient été empêchés de vendre les mêmes produits qu'elle à destination du territoire suisse. La recourante le conteste, considérant que les autorités précédentes ont violé les règles sur l'interprétation des contrats fixées à l'art. 18 CO, de même que l'interdiction de l'arbitraire et la présomption d'innocence consacrées aux art. 9 Cst. et 6 par. 2 CEDH en retenant l'existence d'une telle protection territoriale absolue en faveur de A.________.  
 
7.3.1. Déterminer si des entreprises sont parties à un accord remplissant les conditions de l'art. 5 al. 4 LCart peut s'opérer de différentes manières. Un tel examen, qui peut se fonder sur un faisceau d'indices, implique cependant en tous les cas d'interpréter le contrat qui lie en principe les parties. A cet égard, il convient d'appliquer les règles générales figurant aux art. 1 ss CO et d'établir quelle était la volonté réciproque et concordante des parties, étant précisé que cette volonté peut être expresse ou tacite (cf. ATF 147 II 72 consid. 3.3). Les manifestations de volonté tacites comprennent notamment les actes concluants, c'est-à-dire ceux dont l'accomplissement laisse transparaître une certaine volonté des parties (ATF 147 II 72 consid. 3.3; 144 II 246 consid. 6.4.1). Ces déclarations et manifestations de volonté entre cocontractants doivent être interprétées conformément aux règles de l'art. 18 CO, qui implique de déterminer en priorité la volonté commune réelle des parties et, si cela n'est pas possible, d'interpréter leurs manifestations de volonté conformément au principe de la confiance, sans s'arrêter aux termes retenus dans la convention. Il faut en tous les cas que l'on puisse discerner une collaboration voulue et consciente de deux ou plusieurs entreprises (cf. ATF 144 II 246 consid. 6.4.1; 124 III 495 consid. 2a p. 499 s.). Cela étant, il est important de garder à l'esprit que la notion de "convention" au sens de la LCart va au-delà de celle de "contrat" au sens du droit des obligations; elle couvre également les accords non contraignants sur le plan juridique, mais dont il ressort malgré tout une volonté de s'engager des parties, comme les gentlemen's agreements ou les Frühstückskartelle, ainsi que cela ressort clairement de l'art. 4 al. 1 LCart (ATF 147 II 72 consid. 3.3).  
 
7.3.2. Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties à un contrat, ce qui constitue une question de fait que le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle de l'arbitraire, il doit rechercher leur volonté objective. Il lui appartient alors de déterminer le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il procède alors à une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les références citées). Cette détermination de la volonté objective des parties selon le principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement; pour la trancher, il faut cependant se fonder sur le contenu des manifestations de volonté et sur les circonstances qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, à l'exclusion des événements postérieurs. Or, l'établissement de ces circonstances relève de la constatation des faits, ce que le Tribunal fédéral ne contrôle que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1 et les arrêts cités).  
 
7.3.3. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle tire des conclusions insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). Quant au principe de présomption d'innocence, qui s'applique aux procédures pouvant conduire à une sanction selon l'art. 49a al. 1 LCart compte tenu de son caractère similaire au droit pénal (cf. ATF 143 II 297 consid. 9.1; 139 I 72 consid. 2; arrêt 2C_1017/2014 du 9 octobre 2017 consid. 2.2), il implique, comme règle d'appréciation des preuves, que le juge ne se déclare pas convaincu de l'existence d'un fait défavorable à la personne visée par la procédure si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes sérieux et irréductibles quant à son existence. La présomption d'innocence n'a sous cet angle pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3; 143 IV 500 consid. 1.1; 138 V 74 consid. 7). Cela étant, les exigences liées à la preuve ne doivent pas être exagérées en droit de la concurrence, du moins lorsque les faits, par leur nature, sont difficilement démontrables (cf. ATF 139 I 72 consid. 8.3.2). Il convient notamment de garder à l'esprit que les preuves directes de l'existence d'un accord en matière de concurrence sont très rares en pratique de sorte que l'appréciation des faits doit régulièrement se faire sur la base d'indices (ATF 144 II 246 consid. 6.4.4).  
 
7.3.4. En l'occurrence, le Tribunal administratif fédéral a retenu dans l'arrêt attaqué que rien au dossier ne permettait de retracer ce que la recourante, sa société mère et A.________ avaient réellement et précisément voulu en prévoyant, dans leur contrat de 2004, que cette dernière serait en charge de la distribution exclusive des ouvrages du groupe Glénat sur le territoire suisse. Il a néanmoins considéré que divers éléments du dossier plaidaient en faveur de l'existence d'un accord entre les parties sur une exclusion des ventes passives des produits Glénat depuis l'étranger par d'autres fournisseurs agréés que A.________. Selon le Tribunal administratif fédéral, il découlait des réponses apportées par certains détaillants et revendeurs de livres aux questionnaires de la COMCO que presque aucune importation parallèle de livres en français, et singulièrement d'ouvrages formant le catalogue de la recourante, n'avait eu lieu ni n'avait été possible durant la période sous investigation, et ce vraisemblablement en raison des régimes d'exclusivité existant sur ce marché de distribution, ce qui constituait un indice fort en faveur d'une exclusion des ventes passives. Le Tribunal administratif fédéral a en outre estimé que la nécessité, pour A.________, d'assurer une bonne marche du droit de retour des ouvrages du groupe Glénat constituait un indice supplémentaire plaidant en faveur de l'existence d'une exclusion des ventes passives, tout comme la possibilité qu'avait la recourante de déceler d'éventuelles importations parallèles de ses ouvrages via les informations qu'elle pouvait obtenir auprès de A.________, en application du contrat de distribution qui les liait.  
 
7.3.5. Il ressort en l'occurrence de l'arrêt attaqué que, durant la période sous enquête, la recourante et sa société mère avaient confié la distribution "exclusive" des produits Glénat à A.________, tout en s'engageant explicitement auprès de celle-ci à " ne pas ouvrir de comptes directs pour des clients suisses sans [son] accord préalable ". Or, comme l'a souligné le Tribunal administratif fédéral et semble l'admettre la COMCO dans sa réponse au recours, on ne saurait déduire d'une telle clause, raisonnablement et de bonne foi, autre chose qu'un engagement du groupe Glénat de ne pas livrer lui-même les revendeurs de livres et autres détaillants installés sur le territoire suisse. Rappelons que cet engagement de ne pas concurrencer directement son distributeur officiel suisse ne tombe pas en soi sous le coup de la présomption de suppression de la concurrence posée à l'art. 5 al. 4 LCart, étant précisé que le groupe Glénat représente en l'espèce une entreprise purement productrice de livres, dont il ne ressort pas de l'arrêt attaqué (art. 105 al. 1 LTF) qu'il serait, dans les faits, actif d'une quelconque manière dans la distribution wholesale de ses produits ou de ceux d'autres éditeurs (contrairement à ce que pourrait laisser penser le texte du contrat conclu avec A.________; cf. supra consid. 7.1.4). Cela étant, force est d'admettre qu'une interprétation objective du contrat de distribution au centre du présent litige ne permet en tout cas pas de conclure à un engagement supplémentaire du groupe Glénat à veiller à ce que l'exclusivité territoriale octroyée à A.________ soit également respectée de manière absolue par ses autres partenaires commerciaux à l'étranger et, notamment, par ses sociétés de diffusion et/ou de distribution actives dans les pays limitrophes. Cette interprétation semble du reste confirmée par les constatations de fait contenues dans l'arrêt attaqué, puisque le Tribunal administratif fédéral a expressément établi que le contrat de distribution que le groupe avait passé avec la société Hachette Livre, en vue de la distribution des produits Glénat en France et dans d'autres pays durant la période sous enquête, ne contenait aucune clause interdisant des ventes passives à destination du territoire suisse.  
 
7.3.6. Il convient à ce stade de souligner que la présente cause se distingue de façon fondamentale des autres affaires concernant le marché du livre dans lesquelles la Cour de céans a retenu l'existence d'une protection territoriale absolue sur la base d'une clause similaire à celle souscrite par la recourante. Dans ces affaires, les sociétés sanctionnées appartenaient à des groupes commerciaux se chargeant eux-mêmes de la distribution de leurs produits à l'étranger, de sorte que l'engagement qu'elles prenaient de ne pas concurrencer leur distributeur officiel en Suisse - en l'occurrence A.________ également - impliquait par la force des choses un cloisonnement absolu du marché helvétique de la distribution wholesale du livre, en excluant toute vente par "d'autres fournisseurs" sur ce marché (cf. ATF 148 II 321 consid. 9.5, ainsi que 10.6.3, non publié; arrêt 2C_33/2020 rendu ce jour consid. 10.7). Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque la recourante appartient à un groupe actif exclusivement dans la production, soit dans l'édition et la diffusion de livres, et dont les produits sont entièrement distribués par des entreprises qui lui sont externes.  
 
7.3.7. L'arrêt attaqué ne fait pour le reste état d'aucune circonstance ou indice permettant de considérer que la recourante aurait voulu cloisonner le marché suisse d'entente avec A.________, quand bien même cela ne ressortirait pas clairement du contrat de distribution qui les lie. Le Tribunal administratif fédéral voit certes un indice de l'existence d'une protection territoriale absolue en faveur de A.________ dans le droit de retour que la recourante propose en lien avec certains ouvrages qu'elle diffuse, de même que dans le droit d'être informée de l'écoulement de ses produits par A.________ en application du contrat de distribution qui les lie. Il faut à cet égard reconnaître qu'un cloisonnement du marché suisse faciliterait la gestion du droit de retour proposé par la recourante aux revendeurs suisses, en garantissant que A.________ ne récupère pas pour le compte de l'intéressée des ouvrages qu'elle n'aurait pas elle-même livrés. Il est également vrai que le droit contractuel d'information dont jouit la recourante envers A.________ pourrait être utilisé pour contrôler l'effectivité d'un éventuel cloisonnement du marché suisse, en permettant à l'intéressée de se renseigner sur les flux aller et retour de ses ouvrages. Il n'en reste pas moins qu'un cloisonnement du marché suisse n'est pas indispensable à la mise en place d'un droit au retour, comme le Tribunal fédéral l'a déjà relevé dans un arrêt précédent (cf. arrêt 2C_37/2020 du 14 juin 2022 consid. 8.4.8). Quant à la possibilité pour la recourante d'obtenir des informations commerciales auprès de A.________ sur l'écoulement de ses produits, elle peut évidemment viser d'autres buts que celui d'assurer la mise en place d'une politique anticoncurrentielle.  
 
7.3.8. S'agissant du constat sur lequel le Tribunal administratif fédéral se fonde à titre principal pour démontrer l'existence d'une protection territoriale absolue en faveur de A.________, à savoir le fait qu'aucune importation parallèle des ouvrages distribués par la recourante n'aurait été possible durant la période sous enquête, force est de constater qu'il a été établi de manière manifestement insoutenable. En effet, ce constat, qui a été déterminant pour admettre l'existence d'une protection territoriale absolue, repose essentiellement sur des déclarations de quelques libraires suisses affirmant, de manière générale, sans autre précision, que les diffuseurs-distributeurs, éditeurs ou détaillants français n'acceptaient en principe pas de leur ouvrir un compte d'achat et que la pratique consistait généralement à les renvoyer vers les diffuseurs-distributeurs officiels de livres pour la Suisse. Or, on ne voit pas en quoi des allégations aussi générales et indéterminées sur le fonctionnement global du marché du livre en français démontreraient concrètement une quelconque impossibilité de procéder à des importations parallèles des ouvrages édités et diffusés par le groupe Glénat. Il s'agit de ne pas perdre de vue que, d'après l'arrêt attaqué, la plupart des livres en français vendus au niveau wholesale en Suisse, et le cas échéant distribués par A.________, ne sont pas édités et/ou diffusés par le groupe en question, dont la part de marché est relativement faible par rapport à celles des autres acteurs du marché en cause, qu'ils soient distribués ou non par A.________. Il est donc tout à fait possible que les libraires ou autres revendeurs de livres interrogés se soient en réalité plaints de l'impossibilité d'obtenir à l'étranger des ouvrages appartenant à un autre catalogue de produits que celui de la recourante, étant précisé qu'il est acquis que certains grands diffuseurs-distributeurs étrangers ont mis en place des ententes ou des pratiques unilatérales visant à cloisonner le marché suisse du livre en français (cf. ATF 148 II 25; ATF 148 II 321; arrêts 2C_39/2020 du 3 août 2022, destiné à la publication; 2C_33/2020, rendu ce jour).  
 
7.3.9. Le Tribunal administratif fédéral a ainsi versé dans l'arbitraire en retenant, sur la base de simples témoignages très généraux, qu'il n'y avait aucune possibilité pour les revendeurs de livres suisses de commander à l'étranger, auprès d'autres sociétés de distribution de livres que A.________, les ouvrages édités ou simplement diffusés par le groupe Glénat. Relevons que la Cour de céans est arrivée à une conclusion similaire dans plusieurs arrêts récents concernant d'autres sociétés suisses de diffusion et/ou de distribution de livres en français (cf. arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 10.4.5, non publié in ATF 148 II 25; arrêt 2C_37/2020 du 14 juin 2022 consid. 8.4.9). Il s'ensuit qu'il n'est même pas nécessaire de se demander si un tel constat aurait constitué un indice suffisant pour établir l'existence d'un accord vertical - prenant le cas échéant la forme d'un gentlemen's agreement ou d'une pratique concertée, dont l'autorité précédente n'a pas envisagé l'existence (cf. supra consid. 7.3.1) - garantissant une protection territoriale absolue à la recourante au sens de l'art. 5 al. 4 LCart. Il convient tout au plus de souligner à cet égard que la société Hachette Livre, qui distribue le groupe Glénat en France, a très bien pu choisir de refuser, de manière indépendante et de son propre mouvement, de vendre les produits Glénat à des acheteurs suisses, afin que ceux-ci s'adressent plutôt à la filiale suisse du groupe Hachette en Suisse (cf. supra consid. 6.1 et arrêt 2C_39/2020 du 3 août 2022 consid. 6.3). Une telle exclusion des ventes passives, dans l'hypothèse où elle devait être avérée, découlerait d'une stratégie commerciale unilatérale du groupe Hachette, non pas d'une entente cartellaire imputable à la recourante et à A.________.  
 
7.4. En somme, rien dans l'arrêt attaqué ne permet de soutenir qu'entre 2005 et 2011, la recourante aurait été partie à un accord de distribution de livres avec A.________ garantissant à cette société qu'aucun distributeur étranger ne puisse vendre les mêmes ouvrages qu'elle à destination du marché suisse. Il ne peut dès lors pas lui être reproché d'avoir participé à un quelconque accord tombant sous le coup de la présomption de suppression de la concurrence instituée à l'art. 5 al. 4 LCart. Relevons qu'un tel constat conduit à l'illégalité de la sanction prononcée par les autorités précédentes, comme on le verra encore (cf. infra consid. 9).  
 
V. Existence d'un accord illicite au sens de l'art. 5 al. 1 LCart  
 
8.  
Il s'agit encore de déterminer si l'accord de distribution ayant lié la recourante et A.________ durant la période sous enquête doit être qualifié d'illicite au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, comme l'a reconnu le Tribunal administratif fédéral, quand bien même il n'est pas visé par l'art. 5 al. 4 LCart et ne tombe dès lors pas sous le coup de la présomption de suppression de la concurrence posée par cette disposition. La recourante le conteste. Rappelons qu'en cas de réponse positive à cette question, il conviendrait a priori de confirmer la mesure administrative d'interdiction d'entrave à la concurrence prononcée à l'encontre de cette dernière (cf. supra consid. 4.3).  
 
8.1. En vertu de l'art. 5 al. 1 LCart, sont illicites, d'une part, les accords qui affectent de manière notable la concurrence sur le marché de certains biens ou services et qui ne sont pas justifiés par des motifs d'efficacité économique au sens de l'art. 5 al. 2 LCart et, d'autre part, les accords qui conduisent à la suppression d'une concurrence efficace. Dans ce second cas, la justification des accords par des motifs d'efficacité économique est exclue (cf. ATF 143 II 297 consid. 4.1; 129 II 18 consid. 3).  
 
8.2. La jurisprudence a précisé la portée à donner à la notion "d'accords qui affectent de manière notable la concurrence" figurant à l'art. 5 al. 1 LCart. De manière générale, le caractère notable d'une atteinte à la concurrence peut être établi à l'aide de critères tant quantitatifs que qualitatifs, étant précisé que le seuil de gravité justifiant un constat d'illicéité doit rester globalement le même, quelle que soit l'approche adoptée (ATF 143 II 297 consid. 5.2.2; arrêt 2C_113/2017 du 12 février 2020 consid. 7.3.1). Cela étant, les accords visés par l'art. 5 al. 3 et 4 LCart, auxquels le législateur a décidé d'appliquer une présomption de suppression de la concurrence efficace en raison de leurs effets potentiellement graves, ne constituent en principe pas des cas bagatelles, de sorte qu'ils sont par nature réputés affecter de manière notable la concurrence au sens de l'art. 5 al. 1 LCart. Autrement dit, une appréciation qualitative de ces accords sous le prisme de l'art. 5 al. 3 et 4 LCart suffit en règle générale à remplir la condition de l'atteinte notable à la concurrence au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, sans qu'il faille au surplus en examiner les effets réels sur un plan quantitatif (cf. ATF 144 II 194 consid. 4.3.1-4.3.2; 143 II 297 consid. 5.2.5 et 5.4). Il est de ce fait possible de les qualifier d'emblée d'illicites, s'ils ne se justifient par aucun motif d'efficacité économique (cf. art. 5 al. 1 et 2 LCart). Il s'agit du premier cas de figure visé par l'art. 5 al. 1 LCart, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se demander si ces accords remplissent le second cas de figure visé par cette disposition, à savoir s'ils conduisent à une suppression de la concurrence efficace. Rappelons qu'admettre une suppression de la concurrence supposerait notamment d'examiner si la présomption posée à l'art. 5 al. 3 et 4 LCart peut ou non être considérée comme levée (cf. ATF 143 II 297 consid. 5.2.1-5.2.5, 5.3.2, 5.6).  
 
8.3. En l'occurrence, dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif fédéral a considéré que l'accord passé entre la recourante, sa société mère et A.________ et confiant à cette dernière la distribution exclusive sur le territoire suisse des ouvrages Glénat était forcément illicite au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, dès lors qu'il remplissait non seulement les conditions de l'art. 5 al. 4 LCart, mais qu'en plus, la présomption de suppression de la concurrence posée par cette disposition ne pouvait pas être renversée. Il a en outre ajouté, à titre subsidiaire, qu'un tel système, qui avait impliqué l'interdiction des ventes passives par d'autres fournisseurs agréés, représentait à tout le moins une atteinte notable à la concurrence, conformément à la jurisprudence exposée ci-devant, et que cette atteinte ne se justifiait dans le cas d'espèce par aucun motif d'efficacité économique. Il s'ensuivait, d'après le Tribunal administratif fédéral, que le système mis en place par la recourante était, sous cet angle également, forcément illicite, même si l'on devait considérer, par impossible, que la présomption de suppression de la concurrence qui lui était applicable était renversée. Un tel raisonnement ne peut toutefois pas être suivi, car il se fonde sur une prémisse erronée. En effet, comme on vient de le voir, il ne peut pas être reproché à la recourante d'avoir participé à un accord vertical attribuant un territoire de distribution et cloisonnant le marché de manière absolue au sens de l'art. 5 al. 4 LCart, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal administratif fédéral (cf. supra consid. 7.8). Un constat d'illicéité et, plus généralement, la reconnaissance d'une atteinte notable à la concurrence directement tirés de l'art. 5 al. 4 LCart tombent ainsi à faux.  
 
8.4. Le fait que la recourante n'ait été liée à aucun contrat de distribution relevant de l'art. 5 al. 4 LCart entre 2005 et 2011 ne signifie cependant pas nécessairement que l'intéressée n'a participé à aucun accord illicite durant cette période. On pourrait imaginer qu'il faille considérer, sur la base d'une approche quantitative, que le contrat de distribution exclusive passé par la recourante et A.________ a porté une atteinte notable à la concurrence au sens de l'art. 5 al. 1 LCart. En cohérence avec la motivation de son arrêt, le Tribunal administratif fédéral n'a pas traité cette question. Y répondre aurait en l'occurrence impliqué d'opérer une analyse de l'impact de l'accord concerné sur le marché suisse (cf. supra consid. 8.2). Il n'appartient pas à la Cour de céans de procéder en première instance à un tel examen, qui dépend non seulement de l'établissement de faits ne ressortant pas de l'arrêt attaqué, mais qui relève également du pouvoir d'appréciation des autorités compétentes en matière de droit des cartels (cf. ATF 135 II 60 consid. 3.1.2). Compte tenu de l'écoulement du temps depuis la fin de l'enquête de la COMCO, le Tribunal fédéral renonce toutefois à renvoyer la cause au Tribunal administratif fédéral pour qu'il se prononce sur ce point, comme il l'a du reste déjà fait dans de précédents arrêts portant sur des affaires connexes relatives à d'autres entreprises de diffusion et de distribution de livres (cf. arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 11.4, destiné à la publication; 2C_37/2020 du 14 juin 2022 consid. 9.4). Rappelons que l'éventuel constat selon lequel la recourante aurait participé à des accords en matière de concurrence non visés par l'art. 5 al. 4 LCart, mais néanmoins illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, n'aurait de toute manière aucune influence sur la question de la légalité de la sanction litigieuse prononcée à l'encontre de l'intéressée en application de l'art. 49a al. 1 LCart, puisque la participation à des accords de ce type ne permet pas d'infliger une telle sanction directement (cf. supra consid. 4.3).  
 
VI. Conséquences  
 
9.  
Sur le vu de ce qui précède, l'arrêt attaqué viole la LCart en tant qu'il constate, sur la base des faits retenus dans sa motivation, que la recourante aurait participé à des accords verticaux illicites en lien avec la diffusion et/ou la distribution de livres en français en Suisse. Il s'ensuit qu'il est également contraire au droit fédéral en tant que son dispositif condamne l'intéressée au paiement d'une sanction financière de 488'592 fr. en application combinée des art. 5, al. 1 et 4, et 49a LCart. Il en va de même en tant qu'il interdit à l'intéressée d'entraver par des contrats de distribution et/ou de diffusion les importations parallèles de livres écrits en français par tout détaillant actif en Suisse en application de l'art. 30 al. 1 LCart. Enfin, comme aucune mesure n'aurait ainsi dû être prononcée à l'encontre de la recourante au sens de la LCart, il ne se justifiait pas non plus de mettre à sa charge la somme de 760'150 fr. pour les frais de procédure devant la COMCO, solidairement avec neuf autres diffuseurs-distributeurs de livres, en application combinée des art. 1a et 2 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 25 février 1998 relative aux émoluments prévus par la loi sur les cartels (OEmol-LCart; RS 251.2) et de l'art. 2 al. 2 de l'ordonnance générale du 8 septembre 2004 sur les émoluments (OGEmol; RS 172.041.1). Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner les autres griefs que la recourante formule à titre subsidiaire dans ses écritures et qui tendent à obtenir une réduction de la sanction financière prononcée à son encontre et des frais de procédure de la COMCO mis à sa charge. 
 
10.  
Par conséquent, le recours doit être admis, dans la mesure de sa recevabilité, et l'arrêt attaqué annulé. 
 
11.  
Le présent arrêt sera rendu sans frais (art. 66 al. 4 LTF). La COMCO, qui succombe, sera en revanche condamnée à verser des dépens à la recourante, qui obtient gain de cause (art. 68 al. 1 LTF). Le dossier sera pour le reste renvoyé au Tribunal administratif fédéral pour qu'il statue à nouveau sur les frais et dépens des procédures menées devant lui et la COMCO (art. 67 et 68 al. 5 LTF a contrario).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
L'arrêt B-3954/2013 du 30 octobre 2019 du Tribunal administratif fédéral est annulé. 
 
3.  
La cause est renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour qu'il statue à nouveau sur les frais et dépens des procédures antérieures. 
 
4.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
5.  
La COMCO est condamnée à verser à la recourante une indemnité de 15'000 fr. à titre de dépens. 
 
6.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à la COMCO, au Tribunal administratif fédéral, Cour II, et au Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche DEFR. 
 
 
Lausanne, le 8 décembre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : E. Jeannerat