1C_389/2020 12.07.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_389/2020, 1C_394/2020  
 
Arrêt du 12 juillet 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix, Haag, Müller et Merz. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
1C_389/2020 
Office fédéral de l'agriculture, Schwarzenburgstrasse 165, 3003 Berne, 
recourant, 
 
et 
 
1C_394/2020 
Office fédéral du développement territorial, Worblentalstrasse 66, 3063 Ittigen, 
recourant, 
 
contre  
 
Commune de Valeyres-sous-Montagny, Municipalité, 1441 Valeyres-sous-Montagny, représentée par 
Me Jean-Claude Perroud, avocat, 
Département des institutions et du territoire du canton de Vaud, place du Château 1, 1014 Lausanne, représenté par la Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, avenue de l'Université 5, 1014 Lausanne, 
 
Objet 
Révision d'un plan d'affectation, surfaces d'assolement, 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif 
et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 2 juin 2020 (AC.2018.0318). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Au mois de juin 2010, la Commune de Valeyres-sous-Montagny a soumis le dossier de son projet de nouveau plan général d'affectation (PGA) et de son règlement (RPGA) aux autorités cantonales qui l'ont dans un premier temps préavisé négativement. Un projet remanié a fait l'objet d'un nouveau rapport d'examen préalable du 13 octobre 2014, mais il a dû être adapté une nouvelle fois le 18 mai 2015 en raison de l'entrée en vigueur, le 1er mai 2014, des nouvelles dispositions de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS 700). Dans son rapport préalable complémentaire du 14 mars 2016, le Service cantonal du développement territorial (SDT) a notamment considéré que le projet ne générait pas d'emprise sur les surfaces d'assolement (SDA) et que le dimensionnement de la zone à bâtir de la commune devait être examiné à l'échelle du périmètre compact de l'agglomération, soit en l'occurrence le périmètre d'AggloY (projet d'agglomération entourant la ville d'Yverdon). Mis à l'enquête publique en juin-juillet 2016, le projet prévoyait plusieurs secteurs affectés en zone à bâtir à développer par plan de quartier. Une enquête publique complémentaire a encore eu lieu en mai-juin 2017, portant sur l'affectation en zone d'utilité publique de la parcelle n° 54 (propriété de la commune) et d'une moitié (destinée à être rachetée par la commune) de la parcelle n° 362, la seconde moitié étant colloquée en zone de village, le but étant l'affectation en zone de verdure de la frange sud du village. Dans son rapport du 21 mars 2017, le SDT a relevé que ces parcelles étaient classées en SDA et resteraient considérées comme telles, même si elles n'en remplissaient pas matériellement les critères, car le canton ne bénéficiait d'aucune marge dans ce domaine. Les conditions formelles posées à l'art. 30 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT; RS 700.1) n'étaient pas réunies. La mise en zone prévue ne pouvait donc être acceptée. 
Le 2 octobre 2017, le Conseil général de Valeyres-sous-Montagny a adopté le PGA et le RPGA tels que mis à l'enquête. 
Le 30 juillet 2018, le Département du territoire et de l'environnement du canton de Vaud (DTE) n'a approuvé que partiellement le PGA. Il a notamment considéré que la disponibilité des terrains situés dans les deux secteurs (La Combe et En Crusilles) à développer par plan de quartier (PDQ) n'était pas assurée. Il a par ailleurs refusé l'extension des zones à bâtir sur les SDA au sud du village, pour les parcelles n° s 54 et 362 ainsi que 55, 58, 60, 61, 64, 65, 66, 74, 98, 531, 532 et 542 considérant que cela contrevenait à l'art. 30 OAT et à la mesure F12 du plan directeur cantonal. Ces parcelles demeuraient en zone intermédiaire, en l'état inconstructibles. 
 
B.  
Par arrêt du 2 juin 2020, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: CDAP) a admis partiellement le recours formé par la Commune de Valeyres-sous-Montagny. L'approbation des deux périmètres à affecter en PDQ devait être non pas refusée, mais suspendue jusqu'à ce que les mesures permettant d'en assurer la disponibilité soient adoptées. La décision du DTE a été réformée sur ce point (ch. II premier tiret du dispositif de l'arrêt). S'agissant des quatorze parcelles précitées situées au sud du village (dont certaines étaient en zone village selon le PGA de 1996), elles étaient presque toutes bâties dans leur partie nord; aucune n'avait une surface de plus d'un hectare et la plupart présentaient une pente de plus de 18%. Elles ne constituaient dès lors pas matériellement des SDA, comme l'avait d'ailleurs retenu les autorités cantonales dans leurs divers préavis. En outre, les géodonnées actuelles sur lesquelles se fondait l'inventaire cantonal des SDA n'étaient pas fiables. Dans un tel cas, rien ne permettait d'admettre que l'inventaire cantonal de 1992 serait immuable. Dans le cadre de la planification régionale d'AggloY d'autres surfaces répondant aux critères légaux pour des SDA pourraient être inventoriées, de sorte que le quota cantonal pourrait très vraisemblablement être respecté. La décision du 30 juillet 2018 a également été réformée sur ce point (ch. II second tiret du dispositif de l'arrêt) et l'affectation en zone à bâtir des quatorze parcelles concernées a été approuvée. 
 
C.  
Par actes du 2, respectivement du 3 juillet 2020, l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG, cause 1C_389/2020) et l'Office fédéral du développement territorial - ARE (cause 1C_394/2020) forment un recours en matière de droit public contre l'arrêt cantonal et demandent sa réforme en ce sens que l'approbation de l'affectation des quatorze parcelles en cause en zone à bâtir est refusée. L'OFAG demande en outre l'effet suspensif, qui a été refusé par ordonnance du 16 juillet 2020. 
La cour cantonale renonce à se déterminer sur les recours et se réfère à son arrêt. Chaque office fédéral recourant conclut à l'admission du recours de l'autre office. La Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud se prononce dans le sens de l'admission des recours. La Commune de Valeyres-sous-Montagny conclut au rejet des recours. Lors des deux échanges d'écritures ultérieurs, les offices recourants ont maintenu leurs conclusions, tout comme la commune intimée. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours sont formés contre un même arrêt cantonal, pour des motifs similaires. Il se justifie de joindre les causes et de statuer dans un seul arrêt (art. 24 PCF [RS 273], applicable par analogie vu le renvoi de l'art. 71 LTF). 
Les recours sont dirigés contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale concernant l'approbation du plan d'affectation communal. Ils sont dès lors en principe recevables comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF et 34 al. 1 LAT, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. L'Office fédéral du développement territorial ainsi que l'Office fédéral de l'agriculture ont qualité pour recourir (art. 89 al. 2 LTF en relation avec les art. 48 al. 4 OAT concernant l'ARE et 34 al. 3 LAT concernant l'OFAG). Les autres conditions de recevabilité étant réunies, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Les offices recourants estiment que l'inventaire cantonal des SDA de 1992 - une étude de base qui ne peut en soi être attaquée - ne pourrait être remis en cause lors d'une modification du plan d'affectation tant que des données pédologiques fiables ne sont pas disponibles, comme cela ressort du rapport explicatif de mai 2020 (ARE, Plan sectoriel des surfaces d'assolement, rapport explicatif, 8 mai 2020, ci-après: le rapport explicatif 2020). La cour cantonale s'est fondée sur une divergence entre ce rapport explicatif et celui de 2018 (ARE, Plan sectoriel des surfaces d'assolement, Rapport explicatif, Projet pour la consultation, décembre 2018: ci-après: le rapport explicatif 2018), mais cette divergence n'existerait pas dans le texte allemand, la version française n'étant qu'une traduction de travail. La directive de 2006 (DETEC/ARE, plan sectoriel des surfaces d'assolement SDA, Aide à la mise en oeuvre, ci-après: la directive de 2006) n'aurait pas pour but de remettre en cause le classement opéré dans les inventaires cantonaux. Les prises de position des services cantonaux sur la base desquelles la cour cantonale a déclaré que les parcelles litigieuses n'étaient pas des SDA ne seraient pas fondées sur des données pédologiques fiables. Actuellement, les réserves de SDA dans le canton de Vaud sont faibles. L'ARE insiste pour sa part sur le fait que les SDA sont des ressources non renouvelables et estime que les instances cantonales ne disposeraient pas des compétences techniques pour juger de la qualité de SDA et s'écarter de l'inventaire cantonal. Les deux offices fédéraux parviennent à la conclusion qu'une mise en zone à bâtir ne pourrait avoir lieu qu'aux conditions de l'art. 30 al. 1bis OAT, conditions en l'espèce non réunies. 
La commune intimée relève que selon les rapports précités, il y aurait un fort besoin de mise à jour progressive des bases de données concernant les SDA. Selon la fiche F12 du plan directeur cantonal, la mise à jour des SDA devrait avoir lieu dans le cadre de la révision du plan général d'affectation communal par le biais d'un contrôle préjudiciel, l'inventaire cantonal des SDA devant être considéré comme un plan sectoriel cantonal susceptible d'adaptations au même titre que les plans directeurs ou d'affectation. En l'occurrence, la commune aurait identifié de nouvelles SDA, et le bilan dans ce domaine serait favorable puisque 56'700 m² de terrain auraient été ajoutés à l'inventaire des SDA. La jurisprudence admettrait d'ailleurs un examen de la question au stade du plan d'affectation (arrêt 1C_102/2019 du 17 août 2020). Tant la commune que les services cantonaux spécialisés et la cour cantonale (qui statue avec un assesseur spécialisé) disposeraient des connaissances suffisantes pour se prononcer sur ce point. Le caractère disparate des bases de données initiales des cantons justifierait également un contrôle et une unification selon les nouveaux standards, afin d'éviter de reconnaître artificiellement la qualité de SDA à des terrains qui n'en sont pas. Le rapport explicatif 2020 évoque la possibilité de corriger les inventaires, et les critères applicables sont ceux qui ont prévalu dans le présent cas. Les offices fédéraux recourants n'expliqueraient d'ailleurs pas en quoi l'appréciation confirmée par la cour cantonale ne serait pas fiable, la déclivité des terrains étant un fait établi. La commune intimée conteste encore l'appréciation de l'ARE selon laquelle les mises en zone litigieuses tendraient à légaliser des constructions illicites et relève que la zone de verdure prévue ferait la transition entre la zone de village et la zone agricole. La commune estime enfin qu'elle ne devrait pas être empêchée de réviser sa planification - en redimensionnant la zone à bâtir et en mettant à jour ses SDA - tant que le canton n'a pas mis à jour la géodonnée. En réplique, la commune intimée relève que les parcelles en question ne revêtaient pas la qualité de SDA dès l'origine (en raison de la pente du terrain), les critères ajoutés en 2006 (superficie minimum d'un seul tenant), puis précisés en 2020 (pente) n'étant pas non plus satisfaits. 
 
2.1.  
Les surfaces d'assolement sont des parties du territoire qui se prêtent à l'agriculture (art. 6 al. 2 let. a LAT) et qui doivent être préservées en vertu de l'art. 3 al. 2 let. a LAT (arrêt 1C_235/2020 du 16 décembre 2020 consid. 3.1). L'art. 15 al. 3 LAT dispose par ailleurs que l'emplacement et la dimension des zones à bâtir doivent être coordonnés par-delà les frontières communales en respectant les buts et les principes de l'aménagement du territoire; en particulier, il faut maintenir les surfaces d'assolement et préserver la nature et le paysage. Selon l'art. 26 OAT, les surfaces d'assolement se composent des terres cultivables comprenant avant tout les terres ouvertes, les prairies artificielles intercalaires et les prairies naturelles arables. Elles sont garanties par des mesures d'aménagement du territoire (al. 1). Elles sont délimitées en fonction des conditions climatiques (période de végétation, précipitations), des caractéristiques du sol (possibilités de labourer, degrés de fertilité et d'humidité) ainsi que de la configuration du terrain (déclivité, possibilité d'exploitation mécanisée); la nécessité d'assurer une compensation écologique doit également être prise en considération (al. 2). Aux termes de l'art. 26 al. 3 OAT, une surface totale minimale d'assolement a pour but d'assurer au pays une base d'approvisionnement suffisante, comme l'exige le plan alimentaire, dans l'hypothèse où le ravitaillement serait perturbé, cela conformément à l'art. 1 al. 2 let. d LAT. 
Sur la base des surfaces minimales arrêtées dans le plan sectoriel de la Confédération (ci-après: PSSDA, art. 29 OAT), les cantons définissent les surfaces d'assolement dans leur plan directeur, dans le cadre de la délimitation des autres parties du territoire qui se prêtent à l'agriculture (art. 28 OAT). L'art. 30 al. 1 OAT précise que les cantons veillent à ce que les surfaces d'assolement soient classées en zones agricoles; ils indiquent dans leur plan directeur les mesures nécessaires à cet effet. L'art. 30 al. 2 OAT demande aux cantons de s'assurer que leur part de la surface totale minimale d'assolement (art. 29 OAT) soit garantie de façon durable; si cette part ne peut être garantie hors des zones à bâtir, ils prévoient des zones réservées (art. 27 LAT) pour des territoires non équipés sis dans des zones à bâtir. 
Selon l'art. 30 al. 1bis OAT, des surfaces d'assolement ne peuvent être classées en zone à bâtir que lorsqu'un objectif que le canton également estime important ne peut pas être atteint judicieusement sans recourir aux surfaces d'assolement (let. a) et lorsqu'il peut être assuré que les surfaces sollicitées seront utilisées de manière optimale selon l'état des connaissances (let. b). Cette disposition a pour but de tenir compte de la nécessité de maintenir les SDA (art. 15 al. 3 LAT) en durcissant les exigences à satisfaire lorsqu'il est question de recourir à des SDA pour créer des zones à bâtir. Cette disposition s'applique lorsque les cantons disposent de réserves de SDA. Dans le cas contraire, l'art. 30 al. 2 OAT s'applique et empêche en principe un tel classement à moins qu'il soit compensé, exigeant la création de zones réservées - pour des territoires non équipés sis dans des zones à bâtir - afin de garantir durablement la surface d'assolement attribuée à chaque canton (cf. DETEC/ARE, rapport explicatif relatif au projet mis en consultation de révision partielle de l'OAT, août 2013, p. 8). L'art. 30 al. 1bis OAT impose de s'assurer que le sacrifice de SDA pour la création de zones à bâtir est absolument nécessaire du point de vue du canton. L'autorité de planification doit examiner quelles alternatives pourraient raisonnablement entrer en considération (arrêt 1C_102/2019 du 17 août 2020 consid. 4.1). 
 
2.2. Le plan sectoriel des surfaces d'assolement de la Confédération de février 1992 (PSSDA 1992) exige du canton de Vaud qu'il garantisse une surface minimale de 75'800 ha (FF 1992 II p. 1616). Cette exigence a été maintenue lors du remaniement du plan sectoriel des SDA approuvé par le Conseil fédéral le 8 mai 2020 (FF 2020 p. 5615; PSSDA 2020, ch. 3.2 p. 11). Selon la mesure F12 du plan directeur cantonal consacrée aux SDA, alors que la réserve de SDA était d'environ 750 ha en 2011, elle n'a cessé de diminuer et n'atteignait plus que 61 ha fin 2016, la marge de manoeuvre cantonale tendant alors à être considérée comme quasi inexistante. Face à cette situation critique, le plan directeur prévoit que le canton "doit donc appliquer la législation fédérale avec la plus grande rigueur. Il s'agit d'une part de limiter le recours aux SDA pour accueillir le développement prévu et d'autre part d'augmenter la marge de manoeuvre cantonale" (Mesure F12, p. 295).  
 
2.3. Aux termes de l'art. 21 al. 2 LAT, lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d'affectation feront l'objet des adaptations nécessaires; une modification sensible des circonstances au sens de l'art. 21 al. 2 LAT peut être purement factuelle, mais également d'ordre juridique, comme une modification législative (cf. ATF 144 II 41 consid. 5.1 et les références citées; 127 I 103 consid. 6b). L'art. 21 al. 2 LAT prévoit un examen en deux étapes: la première déterminera si les circonstances se sont sensiblement modifiées au point de justifier un réexamen du plan; si le besoin s'en fait réellement sentir, il sera adapté, dans une deuxième étape (cf. ATF 144 II 41 consid. 5.1; 140 II 25 consid. 3). A chacune de ces deux étapes, il convient de procéder à une pesée d'intérêts tenant compte, d'une part, de la nécessité d'une certaine stabilité de la planification et, d'autre part, de l'intérêt d'une adaptation des plans aux changements intervenus.  
S'agissant des plans directeurs, le législateur fédéral a délibérément renoncé à introduire la possibilité pour les particuliers de contester directement les plans directeurs cantonaux par une procédure de recours (cf. ATF 105 Ia 223 consid. 2e; Message du Conseil fédéral du 27 janvier 1978 concernant la LAT, FF 1978 p. 1023 ad art. 10; voir également ATF 107 Ia 77 consid. 3c; arrêt 1C_181/2012 du 10 avril 2012 consid. 1.1 et la référence citée). En revanche, dans le cadre ultérieur de la planification d'affectation, un contrôle préjudiciel de la planification directrice cantonale demeure possible (cf. ATF 143 II 276 consid. 4.2.3; 119 Ia 285 consid. 3b; arrêt 1C_181/2012 du 10 avril 2012 consid. 1.1). Si, au cours d'une procédure de planification d'affectation, à l'issue d'un contrôle préjudiciel du plan directeur, ce dernier s'avère contraire au droit, sa force obligatoire tombe (cf. ATF 119 Ia 362 consid. 4a; P IERRE TSCHANNEN, in Commentaire pratique LAT: Planification directrice et sectorielle, pesée des intérêts, 2019, n. 31 ad art. 9 LAT). Dans ce contexte, l'instance judiciaire de recours doit faire preuve de retenue en raison de la nature programmatique du plan directeur, qui relève de la politique de planification (cf. ATF 143 II 476 consid. 3.7; 143 II 276 consid. 4.1; 121 II 430 consid. 1c; 119 Ia 285 consid. 3e; voir également, TSCHANNEN, op. cit., remarques préliminaires relatives aux art. 6 à 12 LAT, n. 1). 
 
2.4. Les inventaires cantonaux des SDA constituent des études de base au sens des art. 6 al. 2 let. a LAT et 4 OAT, qui permettent l'établissement des plans directeurs (VINCENT BAYS, Les surfaces d'assolement, Etude de droit de l'aménagement du territoire, Thèse Fribourg 2021, p. 265). Ils recensent la somme de toutes les surfaces inventoriées dans un canton qui remplissent les critères SDA et relèvent ainsi de la planification sectorielle cantonale (ATF 145 II 11 consid. 5.3). Ils se situent ainsi au niveau de la planification directrice et n'ont à ce titre de force obligatoire qu'à l'égard des autorités (art. 9 al. 1 LAT). Au contraire des plans d'affectation, ils ne sont donc pas susceptibles d'être attaqués directement en justice (ATF 143 II 276 consid. 4.2; 120 Ia 56 consid. 3; arrêt 1C_235/2020 du 16 décembre 2020 consid. 8.1), que cela soit au stade de l'adoption de l'inventaire ou à l'occasion d'un complément incluant certaines parcelles (BAYS, op. cit., p. 360 ss). Cela ne suffit toutefois pas pour empêcher, comme le soutiennent les offices fédéraux recourants, tout contrôle incident au stade de l'adoption d'un plan d'affectation (cf. arrêts 1C_635/2020 du 11 octobre 2021 consid. 5.4; 1C_102/2019 du 17 août 2020 consid. 4.4.2). Il y a lieu toutefois de définir les conditions et la portée d'un tel contrôle lorsqu'il s'agit d'inclure en zone à bâtir des surfaces figurant à l'inventaire cantonal des SDA.  
 
2.5. Les cantons ont effectué les premiers relevés de leurs SDA au 1er janvier 1988, selon des méthodes et des critères très disparates, et sur des sols présentant une grande diversité d'un canton à l'autre. En particulier, la pente maximale oscillait entre 18% et 35%, et la profondeur minimale du sol était de 30 à 50 cm (rapport explicatif 2018 de l'ARE, p. 7 et p. 15). Dans l'application du plan sectoriel de 1992, la répartition des contingents cantonaux de SDA a été effectuée sur la base de ces relevés. La directive de 2006 est censée fournir des critères de qualité unifiés pour la définition des nouvelles SDA. Les délimitations déjà effectuées ne sont pas concernées (directive de 2006, p. 5 - passage mis en évidence - et p. 15 - passage également mis en évidence). Le rapport explicatif de 2018 relève la nécessité de disposer de données pédologiques fiables et d'instituer une cartographie unifiée, selon la méthode "FAL 24+" (p. 145). Il met lui aussi en évidence la nécessité d'assurer un standard uniforme de qualité pour les sols nouvellement répertoriés, selon les critères de zone climatique, de pente et de profondeur du sol, de masse volumique apparente effective, de présence de polluants et de superficie d'un seul tenant. Quant au rapport explicatif de 2020, il précise que "jusqu'à ce que des données pédologiques fiables soient disponibles, les relevés de 1988 ne sont pas remis en question et les surfaces qualifiées de SDA en 1988 et répertoriées dans les inventaires continuent d'être considérées comme des SDA". Il est dès lors exclu de dénier à une surface répertoriée la qualité de SDA au seul motif qu'elle ne satisfait pas aux nouveaux critères. Admettre le contraire reviendrait à remettre en cause tous les inventaires cantonaux qui ne sont pas encore fondés sur des données pédologiques fiables - c'est-à-dire la majorité d'entre eux, et notamment celui du canton de Vaud, comme le relève l'arrêt attaqué (consid. 5e). Le respect des valeurs minimales d'assolement ne serait alors plus assuré (BAYS, op. cit., p. 379). Contrairement à ce qu'estime la cour cantonale, c'est cette remise en cause qui porterait atteinte à la sécurité du droit. Pour affirmer le contraire, la cour cantonale se fonde sur une divergence qui existerait entre le texte du rapport explicatif de 2018 et celui de 2020. L'OFAG relève à cet égard que le document de 2018 n'est qu'une traduction de travail du document en allemand, lequel ne présente pour sa part aucune contradiction avec le rapport de 2020 et va dans le sens précité.  
 
2.6. Compte tenu de ce qui précède, une remise en cause d'une SDA par la commune lors de la planification ultérieure - ou à l'occasion d'une procédure de permis de construire - ne saurait entrer en considération qu'à titre exceptionnel. Tel peut être le cas en présence de circonstances nouvelles particulières (arborisation, pollution du sol) faisant apparaître clairement une parcelle comme absolument impropre à un usage agricole. Tel peut également être le cas de parcelles qui, dès l'origine, ne pouvaient manifestement être considérées comme SDA. Ce sont donc les critères applicables aux SDA de "première génération" qui doivent s'appliquer, étant rappelé que les cantons disposaient alors d'une importante marge de manoeuvre dans ce sens (Office fédéral de l'aménagement du territoire, Office fédéral de l'agriculture, Aménagement du territoire/Agriculture, mai 1983, p. 6; Office fédéral de l'aménagement du territoire, Relevé et garantie des surfaces d'assolement, Rapport explicatif, juillet 1986, p. 9 n° 32 ss). Les critères du climat, de la qualité du sol et de la pente étaient déjà retenus, sans toutefois revêtir une portée normative trop rigoureuse; ainsi, la pente pouvait dans certains cas se situer entre 18 et 35 % (cf. rapport précité de mai 1983, p. 5).  
Comme cela a été vu ci-dessus, les critères précisés dans la directive de 2006 ne s'appliquent pas rétroactivement aux anciens relevés et ne sauraient dès lors être retenus à l'appui d'un contrôle préjudiciel (directive de 2006, p. 15; arrêts 1C_635/2020 du 11 octobre 2021 consid. 5.6; 1C_235/2020 du 16 décembre 2020 consid. 3.1). C'est pourtant ce qu'a fait la cour cantonale (contrairement à ce que retient BAYS en estimant que cet examen aurait eu lieu selon les critères applicables à l'époque de l'inventorisation [BAYS, op. cit., p. 380]) en retenant, sur la base d'un rapport daté du mois de mars 2015, que la plupart des parcelles concernées présentaient une pente de plus de 18% et que leur surface n'atteignait pas 1 ha, se fondant ainsi sur les critères de la directive de 2006. Comme cela est relevé ci-dessus, les cantons appliquaient à l'origine des critères plus souples, ce qui a abouti à des classements en SDA de parcelles présentant des pentes largement supérieures à 18%, une profondeur du sol inférieure à 50 cm ainsi qu'une surface inférieure à 1 ha (rapport explicatif 2020, p. 16). Au demeurant, comme le relève le SDT dans ses déterminations du 19 août 2019 devant la cour cantonale, la surface des deux groupes de parcelles, séparés par un chemin de desserte agricole, est de plus d'1 ha. Rien ne permet dès lors d'affirmer que les parcelles en question ne revêtaient pas à l'origine la qualité de SDA. 
 
2.7. Il y a ainsi lieu d'admettre, avec les offices fédéraux recourants, que tant qu'un nouvel inventaire cantonal reposant sur des données pédologiques fiables n'a pas été effectué, les surfaces qualifiées à juste titre de SDA lors du relevé initial ne doivent en principe pas être remises en question. La commune intimée se fonde à tort sur l'arrêt 1C_102/2019 du 17 août 2020 puisque cette jurisprudence se rapporte au cas inverse dans lequel se posait la question de savoir si des surfaces ne figurant pas dans l'inventaire cantonal revêtaient matériellement la qualité de SDA.  
Faute de circonstances nouvelles particulières ou d'un classement initial erroné, l'impossibilité de remettre en cause la qualité de SDA des parcelles concernées implique que leur classement en zone à bâtir ne pouvait être admis qu'aux conditions strictes de l'art. 30 al. 1bis OAT (cf. consid. 2.1 et 2.6 ci-dessus). Cela nécessite l'existence d'un intérêt jugé important par le canton, qui ne puisse être atteint sans empiètement sur les SDA. Or, dans ses différentes prises de positions exprimées au cours de la procédure, le DTE a considéré que cette condition n'était pas réalisée. Cela n'est d'ailleurs pas contesté par la commune intimée. 
 
3.  
Les considérations qui précèdent conduisent à l'admission des recours. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que le ch. II, deuxième tiret, de son dispositif est annulé, l'affectation des parcelles nos 54, 55, 58, 60, 61, 64, 65, 66, 74, 98, 362, 531, 532 et 542 en zone à bâtir étant refusée, l'affectation retenue dans la décision du DTE du 30 juillet 2018 étant confirmée. Cette modification de l'arrêt cantonal ne change rien à la question des frais (laissés à la charge de l'Etat). En revanche, la cause doit être envoyée à la cour cantonale afin qu'elle examine si les dépens alloués à la Commune de Valeyres-sous-Montagny doivent être encore réduits, le recours cantonal étant admis dans une moindre mesure. Devant le Tribunal fédéral, il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens, conformément aux art. 66 al. 4 et 68 al. 3 LTF. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 1C_389/2020 et 1C_394_2020 sont jointes. 
 
2.  
Les recours sont admis. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que le ch. II, deuxième tiret, de son dispositif est annulé, l'affectation des parcelles nos 54, 55, 58, 60, 61, 64, 65, 66, 74, 98, 362, 531, 532 et 542 en zone à bâtir étant refusée; l'affectation retenue dans la décision du DTE du 30 juillet 2018 est confirmée. La cause est renvoyée à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure cantonale. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux offices fédéraux recourants, au mandataire de la Commune de Valeyres-sous-Montagny, au Département des institutions et du territoire du canton de Vaud et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 12 juillet 2022 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Kurz