1C_562/2022 28.10.2022
Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_562/2022  
 
 
Arrêt du 28 octobre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, Jametti et Merz. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________ SA, 
2. B.________ Ltd, 
3. C.________ Ltd, 
4. D.________, pour E.________, entité dissoute, 
tous les quatre représentés par Mes Jean-Marc Carnicé et Charles-Louis Notter, avocats, 
recourants, 
 
contre  
 
Ministère public de la Confédération, Guisanplatz 1, 3003 Berne. 
 
Objet 
Entraide judiciaire internationale en matière pénale à l'Arménie, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 11 octobre 2022 (RR.2022.116-119). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par décision du 25 mai 2022, le Ministère public de la Confédération (MPC) a ordonné la transmission, aux autorités arméniennes, de la documentation relative aux comptes bancaires détenus par les sociétés C.________ Ltd, B.________, E.________ et A.________ SA. La demande d'entraide judiciaire formée à ce sujet a en revanche été déclarée irrecevable en ce qui concernait l'infraction d'évasion fiscale. 
 
B.  
Par acte du 24 juin 2022, les quatre sociétés précitées ont recouru auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. Elles ont notamment produit une procuration en faveur de leur avocat, ainsi que les pièces suivantes: pour A.________, une procuration autorisant le dénommé D.________ à agir au nom de la société; pour C.________, un "Incumbency certificate" du 27 août 2020 attestant de son existence, de l'identité de son directeur et de son inscription au registre du commerce; pour B.________, un "Certificate of good standing" du 26 novembre 2020 attestant de son inscription au registre du commerce et un acte authentique confirmant que le signataire de la procuration était le directeur de la société; pour E.________, une décision du conseil d'administration autorisant son directeur à signer la procuration et un "Certificate of good standing" du 27 novembre 2020 attestant de son inscription au registre du commerce. 
 
C.  
Par courrier recommandé du 27 juin 2022, les recourantes ont été invitées à verser 8'000 fr. d'avance de frais dans un délai fixé au 8 juillet 2022. Elles étaient en outre invitées à produire, dans le même délai et sous peine d'irrecevabilité, les documents suivants: pour A.________, une procuration datée; pour les autres sociétés, des documents récents démontrant leur existence au jour du dépôt du recours, des procurations récentes, des documents établissant l'identité des signataires des procurations produites ainsi que leurs pouvoirs de représentation. Par lettre du 28 juin 2022, l'avocat agissant pour les recourantes a demandé une prolongation de délai d'une quinzaine de jours pour payer l'avance de frais. La Cour des plaintes a donné suite à cette demande et prolongé le délai au 18 juillet 2022. L'avance de frais a été versée le 14 juillet 2022 et les recourantes ont ensuite présenté, le 26 août 2022, des observations spontanées. 
Par arrêt du 11 octobre 2022, la Cour des plaintes a déclaré le recours irrecevable. Malgré la prolongation de délai et la menace d'irrecevabilité, les documents requis n'avaient pas été produits. 
 
D.  
Par acte du 24 octobre 2022, A.________ SA, B.________ Ltd, C.________ Ltd et D.________ (agissant désormais comme bénéficiaire de la liquidation de E.________) demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour des plaintes, de dire que leur recours était recevable et de renvoyer la cause à la Cour des plaintes afin qu'elle statue sur le fond. Subsidiairement, les recourants demandent le renvoi de la cause à la Cour des plaintes pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Il n'a pas été demandé de réponse. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Selon l'art. 84 LTF, le recours en matière de droit public est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire internationale si celui-ci a pour objet notamment la transmission de renseignements concernant le domaine secret et s'il concerne un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 142 IV 250 consid. 1.3). Une violation du droit d'être entendu dans la procédure d'entraide peut également fonder un cas particulièrement important, pour autant que la violation alléguée soit suffisamment vraisemblable et l'irrégularité d'une certaine gravité (ATF 145 IV 99 consid. 1.5). En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe à la partie recourante de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 139 IV 294 consid. 1.1). En particulier, il ne suffit pas d'invoquer des violations des droits fondamentaux de procédure pour justifier l'entrée en matière; seule une violation importante, suffisamment détaillée et crédible peut conduire, le cas échéant, à considérer que la condition de recevabilité posée à l'art. 84 al. 2 LTF est réalisée (ATF 145 IV 99 consid. 1.5). 
 
1.1. La décision de clôture du MPC prévoit la transmission de documents relatifs à des comptes bancaires détenus par les sociétés recourantes. La première condition posée à l'art. 84 al. 1 LTF est ainsi réalisée.  
 
1.2. S'agissant de la seconde, les recourants estiment que l'arrêt attaqué consacrerait un déni de justice. La Cour des plaintes aurait exigé des procurations récentes (respectivement datée), sans tenir compte des documents déjà produits ni expliquer, dans son courrier du 27 juin 2022, en quoi ces pièces seraient lacunaires: elles dataient de moins de deux ans et, s'agissant de la procuration A.________, la date pouvait facilement en être déduite puisqu'elle mentionne le numéro de la procédure et ne pouvait donc avoir été établie qu'après la levée de l'interdiction de communiquer faite à la banque, soit après le 15 octobre 2020.  
 
1.3. Ces arguments ne permettent pas d'admettre l'existence d'un déni de justice évident. Les exigences de la Cour des plaintes concernant des procurations récentes ne procèdent en rien d'un formalisme excessif, s'agissant de démontrer l'existence des entités recourantes au moment du dépôt du recours, ainsi que les pouvoirs effectifs des personnes censées les représenter (cf. arrêt 1C_38/2022 du 27 janvier 2022). Le cas de la recourante E.________ illustre le bien-fondé de cette exigence, puisqu'elle a été dissoute en mars 2021, soit deux mois seulement après être intervenue auprès du MPC. Les pièces demandées aux recourantes étaient clairement identifiables (procurations récentes, respectivement datée, documents attestant de l'existence actuelle des sociétés et des pouvoirs de représentation) et il appartenait aux recourants, s'ils entendaient contester la pertinence de ces exigences, de le faire dans le délai fixé ou de demander un délai supplémentaire en cas de difficulté à se les procurer. Au lieu de cela, les recourants n'ont pas réagi dans le délai fixé, puis prolongé par la Cour des plaintes.  
 
1.4. Les recourants invoquent l'art. 52 al. 2 PA, à teneur duquel un court délai peut être accordé lorsque les documents nécessaires font défaut au moment du dépôt du recours. Un tel délai a été accordé en l'espèce, par lettre du 27 juin 2022. En revanche, lorsque les documents produits à la demande de l'instance de recours se révèlent encore insuffisants à justifier la recevabilité du recours, ni la loi ni la Constitution n'imposent la fixation d'un délai supplémentaire pour y remédier, en particulier dans une cause d'entraide judiciaire régie par le principe de célérité (art. 17a EIMP) et lorsque la partie recourante agit par l'entremise d'un mandataire professionnel censé reconnaître d'emblée la portée juridique des documents produits (arrêts 1C_38/2022 du 27 janvier 2022 consid. 2.2; 1C_698/2020 du 8 février 2021 consid. 3.2). En l'occurrence, les recourants n'ont donné aucune suite à la lettre du 27 juin 2022 qui mentionnait clairement les conséquences d'un défaut de production, de sorte que la Cour des plaintes n'a commis aucun déni de justice en refusant d'entrer en matière.  
 
2.  
Sur le vu de ce qui précède, la condition posée à l'art. 84 al. 2 LTF n'est pas remplie, ce qui entraîne l'irrecevabilité du recours. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge solidaire des recourants qui succombent. Le présent arrêt est rendu selon la procédure simplifiée prévue à l'art. 109 al. 1 LTF
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge solidaire des recourants. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Ministère public de la Confédération, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire. 
 
 
Lausanne, le 28 octobre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Kurz