1C_294/2023 13.02.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_294/2023  
 
 
Arrêt du 13 février 2024  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Haag et Merz. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
B.________, 
C.________, 
D.________, 
E.________, 
F.________ SA, 
tous représentés par Me Karin Grobet Thorens, avocate, 
recourants, 
 
contre  
 
G.________, 
intimée, 
 
Commune de Bernex, rue de Bernex 311, 1233 Bernex, représentée par Me Nicolas Wisard, avocat, 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
Autorisation de construire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 9 mai 2023 (ATA/486/2023 - A/2809/2021-LCI). 
 
 
Faits :  
 
A.  
H.________ est propriétaire de la parcelle n o 8'697 dans la Commune de Bernex. E.________ est propriétaire de la parcelle n o 8'698. Quant à A.________, B.________, C.________ et D.________, ils sont copropriétaires de la parcelle n o 2'796. Ces trois parcelles, colloquées en zone 4B protégée, sont contiguës et situées entre la rue de Bernex et le chemin de la Naz, en bordure de zone agricole.  
 
B.  
Le 6 juin 2013, E.________ a sollicité du Département cantonal du territoire (ci-après: DT ou encore le département) une autorisation de construire préalable (DP) portant sur la réalisation de trois bâtiments villageois, d'un parking souterrain, la transformation d'immeubles existants, la création d'aménagements extérieurs, de places de parking extérieures et de murs, sur les parcelles nos 2'796, 8'697 et 8'698 (anciennement 2'796 et 3'168). Dans le cadre de l'instruction de cette demande, la commune et la Direction générale de la nature et du paysage, devenue l'Office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après: OCAN), notamment, ont préavisé favorablement le projet. 
Le 15 février 2016, le département a accordé l'autorisation préalable, rappelant que celle-ci bénéficiait d'une durée de validité de deux ans à compter de sa publication dans la Feuille d'avis officielle (FAO), conformément à l'art. 5 al. 6 de la loi cantonale sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI; RS/GE L 5 05). Cette publication est intervenue le 19 février 2016. Aucune demande définitive n'ayant été déposée avant le 19 février 2018, l'autorisation préalable est devenue caduque après cette date. 
 
C.  
Le 8 novembre 2019, E.________ et F.________ SA - dont A.________, B.________, C.________ et D.________ sont administrateurs - ont déposé auprès du département une demande définitive d'autorisation de construire (DD) portant sur la construction de deux immeubles villageois, un parking souterrain, la réalisation d'aménagements extérieurs et l'abattage d'arbres sur les parcelles n os 2'796, 8'697 et 8'698. Le projet ne portait plus sur la rénovation des immeubles existants et différait de l'autorisation préalable principalement au niveau de l'accès des véhicules au parking par un ascenseur et non plus par une longue rampe, des stationnements extérieurs, de la taille du sous-sol et de l'aménagement de la cour. A la suite du préavis négatif de l'OCAN du 12 décembre 2019 et la réquisition de pièces complémentaires formulée par la commune, les requérants ont, le 16 novembre 2020, déposé une nouvelle version du projet, prévoyant notamment la réduction du parking en sous-sol, la définition de places pour motos, l'augmentation des places pour vélos, le réaménagement du parking existant en surface et la définition d'un plan d'aménagement paysagé.  
Plusieurs autorités ont sollicité des documents complémentaires (DAC, police du feu, OCEau). La commune a pour sa part émis un préavis défavorable, pointant la densité excessive du projet et la distance insuffisante à la route, pour laquelle une dérogation ne se justifiait pas. L'OCAN a maintenu sa position défavorable, au motif notamment que le projet impliquait l'abattage de nombreux arbres sains et que la replantation projetée n'était pas satisfaisante. 
Par décision du 24 juin 2021, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire définitive sollicitée. Le 26 août 2021, A.________, B.________, C.________ et D.________, E.________ et F.________ SA se sont pourvus contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (TAPI), qui a rejeté leur recours par jugement du 28 septembre 2022. Les prénommés ont recouru contre ce jugement à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. Par arrêt du 9 mai 2023, la Cour de justice a rejeté le recours. 
 
D.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________, B.________, C.________ et D.________, E.________ et F.________ SA demandent principalement au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt cantonal, d'annuler en conséquence le refus de délivrer l'autorisation de construire du 24 juin 2021 et de renvoyer la cause au département pour qu'il délivre l'autorisation de construire requise. Subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause à la Cour de justice pour qu'elle statue dans le sens des considérants. 
La Cour de justice n'a aucune observation à formuler; elle persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le DT conclut au rejet du recours; il en va de même de la Commune de Bernex. Egalement invités à se déterminer, I.________, J.________, K.________, L.________ et M.L.________, N.________, O.________, P.________ et Q.________, voisins du projet, demandent, par actes séparés, à ne plus être participants à la procédure. Egalement voisine du projet, G.________, s'exprime brièvement et se réfère au surplus aux décisions rendues par les instances judiciaires précédentes. Aux termes d'un ultime échange d'écritures, les recourants et le DT persistent dans leurs conclusions respectives. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale prise en dernière instance cantonale dans une cause relevant du droit public de la construction, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué qui confirme le refus de l'autorisation de construire qu'ils ont requise; ils ont un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation; ils bénéficient partant de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, les recourants se plaignent d'un déni de justice et d'une violation de leur droit d'être entendus. 
 
2.1. Selon la jurisprudence, l'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les arrêts cités). Quant au droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., il comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l'administration des preuves essentielles lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion.  
Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, il appartient à la partie recourante d'indiquer avec précision en quoi les principes constitutionnels qu'elle invoque auraient été violés (cf. GRÉGORY BOVEY, in Commentaire de la LTF, 3 ème éd. 2022, n. 35 ad art. 106 LTF).  
 
2.2. Les recourants reprochent à la Cour de justice de n'avoir pas fait droit à leur requête d'inspection locale. La cour cantonale a expliqué que les nombreux plans figurant au dossier, complétés par la consultation du Système d'information du territoire à Genève (SITG) permettaient de se rendre compte de la situation de fait; un transport sur place n'était pas utile. Selon les recourants, cette mesure serait au contraire "propre à évaluer la pertinence des arguments soulevés [...] au vu de la réalité concrète". A défaut d'autres explications, une telle argumentation - insuffisante à la lumière de l'art. 106 al. 2 LTF - ne démontre pas que le refus de procéder à un transport sur place serait arbitraire.  
Les recourants énumèrent ensuite une série d'arguments que la Cour de justice aurait prétendument omis de prendre en compte, se rendant ainsi, à les suivre, coupable, d'un déni de justice formel. Les problématiques de l'indice d'utilisation du sol (ci-après: IUS), de l'arborisation de compensation et de la dérogation à la loi cantonale sur les routes du 26 avril 1967 (LRoutes; RS/GE L 1 10), dont se prévalent les recourants, ont pourtant été examinées par l'instance précédente (cf. consid. 4.2.1, 4.2.2 et 4.2.3 ci-dessous). La critique est mal fondée. 
Le grief est écarté. 
 
3.  
Les recourants font valoir une violation du principe de la bonne foi (en lien notamment avec l'application de l'art. 5 LCI. Ils se prévalent de l'autorisation préalable obtenue le 15 février 2016. Aucun changement législatif ne serait intervenu entre celle-ci et leur demande d'autorisation définitive. L'autorisation préalable porterait par ailleurs sur un projet pratiquement similaire à celui présentement discuté, ce que la Cour de justice aurait arbitrairement méconnu, tout comme elle aurait ignoré que ce premier projet avait été préavisé favorablement par l'ensemble des services de l'Etat concernés. 
 
3.1. A teneur de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'Etat et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu'ils s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2). De ce principe général découle le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'Etat, consacré à l'art. 9 in fine Cst. (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1). Ce droit permet au citoyen d'exiger que l'autorité respecte ses promesses et qu'elle évite de se contredire. Ainsi un renseignement ou une décision erronée peuvent, à certaines conditions, obliger l'administration à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur (ATF 143 V 341 consid. 5.2.1; 131 II 627 consid. 6.1). Cela suppose entre autres que l'administré n'ait pas été en mesure, même en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait exiger de lui, de reconnaître l'erreur de l'administration et qu'il ait pris, à raison de l'erreur dénoncée, des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice (cf. ATF 121 II 473 consid. 2c; 118 Ia 245 consid. 4b). Le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence d'un simple comportement de l'administration, notamment en cas de silence de l'autorité dans une situation de fait contraire au droit, pour autant que celui-ci soit susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1 p. 381). L'administré doit donc avoir eu des raisons sérieuses d'interpréter comme il l'a fait le comportement de l'administration et d'en déduire les conséquences qu'il en a tirées (cf. arrêt 1C_307/2019 du 3 avril 2020 consid. 5.1).  
 
3.2. En vertu de l'art. 5 LCI, la demande préalable tend à obtenir du département une réponse sur l'implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet présenté (al. 1). La réponse à la demande préalable régulièrement publiée vaut décision et déploie les effets prévus aux art. 3, 5 al. 1 et 146 de la loi (al. 5). L'autorisation préalable est caduque si la demande définitive n'est pas présentée dans le délai de deux ans à compter de sa publication dans la FAO. L'art. 4 al. 7, 8 et 9, est applicable par analogie (al. 6). Aux termes de l'art. 4 al. 7 1 ère phrase LCI, lorsque la demande en est présentée un mois au moins avant l'échéance du délai fixé à l'alinéa précédent, le département peut prolonger d'une année la validité de l'autorisation de construire. Selon l'arrêt cantonal, non discuté sur ce point, le permis d'implantation confère temporairement force de chose décidée aux éléments qu'il contient, ce qui a pour effet d'empêcher que ces éléments soient remis en cause à l'occasion du permis de construire (cf. RDAF 2017 I p. 104 ss).  
 
3.3. Il est constant que les recourants n'ont pas requis l'autorisation de construire définitive dans le délai de deux ans prévu à l'art. 5 al. 6 LCI. Appliquant mutatis mutandis la jurisprudence rendue en matière de péremption d'une autorisation de construire ordinaire en l'absence de travaux à l'issue d'un délai de deux ans (cf. art. 4 al. 5 LCI; arrêt 1A.150/2001 du 31 janvier 2002 consid. 1.1.3), la Cour de justice a jugé que l'autorisation préalable était caduque dès le 19 février 2018; à partir de cette date, elle avait ainsi perdu son autorité de chose décidée. Le département n'était donc plus lié par l'autorisation préalable et était en droit d'examiner librement toutes les questions soulevées par le nouveau projet et s'écarter de son appréciation antérieure. Enfin, dès lors que l'autorisation préalable était caduque, les recourants ne pouvaient pas se prévaloir du respect de la bonne foi.  
La jurisprudence a déjà eu l'occasion de confirmer que le principe de la bonne foi n'est pas pertinent en présence, comme en l'espèce, d'une autorisation ayant perdu son autorité de chose jugée en raison de l'écoulement de sa période de validité (cf. arrêt 1C_587/2017 du 19 mars 2018 consid. 3.2; voir également arrêt 1C_273/2021 du 28 avril 2022 consid. 4.2.3). Les recourants ne sauraient déduire du contenu de l'autorisation préalable, ni des préavis émis dans le cadre de l'instruction de ce premier projet, des assurances formulées par les autorités qui les lieraient au-delà de la durée de validité de deux ans de l'art. 5 al. 6 LCI: les autorités ne leur ont à ce propos délivré aucune information erronée ou contradictoire, pas plus qu'elles n'ont émis l'assurance qu'elles conserveraient la même appréciation au-delà de cette période de validité. Les recourants ne pouvaient d'ailleurs ignorer ce délai, celui-ci figurant non seulement expressément dans l'autorisation préalable, mais également sans équivoque dans la loi (cf. arrêt 1C_587/2017 du 19 mars 2018 consid. 3.2). A cela s'ajoute encore que l'autorisation préalable n'était pas inconditionnelle: elle subordonnait la délivrance d'une autorisation définitive notamment à l'observation d'une série de directives, en lien avec le dépôt d'un plan d'aménagement paysagé complet démontrant, entre autres, la conservation et la compensation de la végétation. Cet aspect aurait ainsi, le cas échéant, encore dû être apprécié par les autorités compétentes avant la délivrance d'une autorisation définitive. Les recourants n'auraient ainsi pu déduire de l'autorisation préalable, du temps de sa validité, le droit à la délivrance d'une autorisation définitive sans autre forme d'examen; a fortiori ne le peuvent-ils pas après l'écoulement du délai de deux ans de l'art. 5 al. 6 LCI. Pour ces motifs, le DT était fondé à procéder à un nouvel examen global du projet, en tenant compte des positions actuelles de l'OCAN et de la commune, quand bien même, aucun changement législatif n'est intervenu dans l'intervalle. En raison de la caducité, respectivement de la péremption frappant l'autorisation préalable (cf. arrêt 1A.150/2001 du 31 janvier 2002 consid. 1.1.3), il est enfin sans pertinence que le projet litigieux présente, comme le soutiennent encore les recourants, des similitudes avec le projet précédent, que ce dernier ait, en son temps, été préavisé favorablement par l'ensemble des services de l'Etat concernés ou encore qu'il entraînait l'abattage d'un nombre supérieur d'arbres (11 contre 10 pour le projet litigieux).  
Le grief est rejeté. 
 
4.  
Les recourants se plaignent d'arbitraire en lien avec l'application de l'art. 11 LRoutes. 
 
4.1. Selon l'art. 11 LRoutes, aucune nouvelle construction ou installation, tant en sous-sol qu'en élévation, ne peut être édifiée entre les voies publiques et les alignements de construction fixés par les plans d'alignement, adoptés conformément aux art. 5 et 6 de la loi cantonale sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités, du 9 mars 1929 (LExt; RS/GE L 1 40) ou par tous autres plans d'affectation du sol au sens des articles 12 ou 13 de la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT; RS/GE 1 30) (al. 1). À défaut de plan d'alignement, cette interdiction s'étend sur une profondeur, mesurée de l'axe de la route, de 25 m pour les routes cantonales et de 15 m pour les routes communales. S'il existe un plan de correction, cette distance se mesure de l'axe rectifié de la voie (al. 2). Le département, après consultation de la commune, peut déroger aux distances prescrites à l'al. 2 si les conditions locales font apparaître que l'interdiction de construire qui en découle ne repose sur aucun motif pertinent d'aménagement du territoire ou d'environnement (al. 3).  
Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de justice et d'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 145 II 32 consid. 5.1; 145 I 108 consid. 4.4.1). 
Dans ce contexte prévalent également les exigences de motivation accrue de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 141 I 36 consid. 1.3; voir également consid. 2.1 ci-dessus). 
 
4.2. Il est admis qu'en l'absence de plan d'alignement à l'endroit concerné, l'autorisation de construire sollicitée requiert l'octroi d'une dérogation au sens de l'art. 11 al. 3 LRoutes, la distance entre le bâtiment projeté et l'axe du chemin de la Naz - route communale - n'étant que de 5 m (cf. art. 11 al. 2 LRoutes). La question d'un éventuel élargissement des voies publiques - mentionné par les recourants - n'est à cet égard pas décisive. Le texte de l'art. 11 al. 3 LRoutes ne se limite pas à cet aspect et envisage plus largement les intérêts dont il convient de tenir compte pour accorder ou exclure une dérogation, à savoir les motifs pertinents d'aménagement du territoire ou d'environnement. La délivrance d'une dérogation suppose ainsi une pesée des intérêts en présence (cf. arrêt 1C_497/2022 du 14 juin 2023 consid. 2.3) et la prise en compte des circonstances locales pour laquelle les autorités en charge de l'aménagement du territoire bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation, que le Tribunal fédéral n'examine qu'avec retenue (cf. ATF 142 I 162 consid. 3.2.2; 132 II 408 consid. 4.3).  
 
4.3. La Cour de justice a établi que les bâtiments voisins cités par les recourants pour justifier une dérogation n'étaient pas alignés sur une même ligne droite et ne marquaient pas de front visible permettant d'y situer un alignement de constructions existantes. Ces immeubles étaient par ailleurs de typologie différente (cabine SIG, habitations à un seul logement). Dans un tel contexte et quoi qu'en disent les recourants, il n'apparaît pas d'emblée déraisonnable de refuser la dérogation requise, celle-ci ne tendant pas à maintenir un alignement en front de route existant. Cela étant, contrairement à ce que lui reprochent les recourants, la Cour de justice ne s'est pas limitée à ce premier aspect pour refuser la dérogation et, plus largement, l'autorisation de construire.  
 
4.4. En effet, la Cour de justice a ensuite considéré que le projet présentait une densité excessive. Sur ce point, tout comme devant l'instance précédente, les recourants font valoir que l'indice d'utilisation du sol (IUS) présenté par le projet - qu'ils établissent à 0,93 - répondrait parfaitement aux exigences de la zone 4B et correspondrait à l'indice moyen pour cette zone, qu'ils situent entre 0,8 et 1,0. Les recourants n'exposent cependant pas les éléments dont ils déduisent cette fourchette. Il n'est d'ailleurs en tant que tel pas question de la stricte application d'un IUS réglementaire ou légal - les recourants reconnaissant d'ailleurs qu'un tel indice n'est pas prévu pour la zone 4B -, mais de l'appréciation des conséquences et inconvénients en matière d'aménagement générés par la densité du projet (cf. art. 11 al. 3 in fine LRoutes). Or, rien dans les explications des recourants ne commande de revenir sur l'appréciation des circonstances locales opérées par les autorités cantonales. Les recourants ne démontrent pas qu'il serait discutable de retenir que la densité de l'opération apparaît sans commune mesure par rapport aux densités existantes dans le quartier sur cette même zone. A teneur du dossier, il n'est d'ailleurs pas arbitraire de considérer que de par son gabarit et son implantation, au sein d'un ensemble résidentiel déjà amplement bâti, le projet nuira non seulement aux points de vue accessibles au public, mais limitera également l'ensoleillement des logements existants, en particulier en rez-de-jardin; il créera notamment un encaissement, plongeant de surcroît la cour existante dans l'ombre de manière quasi permanente, sauf en plein été, avec alors le risque de surchauffe de cet espace enclavé.  
 
4.5. L'instance précédente a par ailleurs jugé qu'en prévoyant l'abattage de 11 arbres majeurs - 10 selon les recourants -, le projet affectait une valeur paysagère et patrimoniale importante. A cet égard, les recourants font en particulier valoir une application arbitraire de l'art. 36 de la loi cantonale du 4 juin 1976 sur la protection des monuments, de la nature et des sites (LPMNS; RS/GE L 4 05) et des prescriptions du règlement cantonal sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA; RS/GE L 4 05.04). À teneur de l'art. 36 al. 1 LPMNS, le Conseil d'Etat édicte les dispositions nécessaires à la protection, la conservation et l'aménagement des sites visés à l'art. 35 LPMNS, soit notamment les espèces végétales. Il peut n'autoriser que sous condition ou même interdire l'abattage, l'élagage ou la destruction de certaines essences d'arbres, de cordons boisés, de boqueteaux, buissons ou de haies vives (art. 36 al. 2 let. a LPMNS). En application de cette disposition, le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève a adopté le RCVA, qui a pour but d'assurer la conservation, à savoir la protection, le maintien et le renouvellement, de la végétation formant les éléments majeurs du paysage (art. 1 RCVA).  
 
4.5.1. En l'occurrence, la Cour de justice, faisant en particulier sienne l'appréciation de l'OCAN, a retenu que le projet prévoyait l'abattage d'une quantité importante d'arbres, ce qui impliquait un fort impact paysager. L'ampleur du parking en sous-sol et les 20 à 30 cm de remblai prévu sur sa dalle réduisaient presque à néant la surface en pleine terre, et donc les possibilités de plantation; des arbustes étaient prévus à la place d'arbres majeurs et leur croissance serait limitée; la compensation ne permettrait pas de reconstituer l'équivalent des sujets existants, même dans 50 ans.  
 
4.5.2. Les recourants contestent que la surface en pleine terre serait réduite à néant et que la croissance des arbres serait limitée. Ils avancent que la surface en pleine terre représenterait 75%, ce qui ressortirait des plans, pour ensuite conclure, au terme d'un calcul fondé sur les surfaces du projet, que les résultats "ramenés aux surfaces des parcelles [...] représente[raient] 26,6%". Outre que cette motivation n'est guère compréhensible, elle ne s'en prend pas directement à l'appréciation de l'instance précédente, qui se fonde sur le préavis de l'autorité spécialisée en la matière et sur celui de la commune, autorité locale appelée à se prononcer en matière de dérogation à la LRoutes (cf. art. 11 al. 3 LRoutes). Les recourants se contentent de faire appellatoirement prévaloir leur appréciation sur celle de la Cour de justice, sans ainsi en démontrer l'arbitraire. Ils ne discutent en particulier ni l'état de santé des arbres à abattre - jugés sains par l'OCAN - ni la valeur paysagère qu'ils revêtent, en particulier que le jardin qu'ils forment constitue - selon le préavis de la commune - une "pièce maîtresse de la valeur paysagère, patrimoniale et structurante du quartier". Il n'y a dès lors pas de motif de revenir sur l'appréciation de la Cour de justice s'agissant de l'importance paysagère et patrimoniale de l'arborisation présente sur le site.  
 
4.6. Les recourants s'en prennent également au déficit en matière de places de stationnement pour les motos et les vélos retenu par la Cour de justice sur la base du préavis de la commune. Ils ne discutent toutefois pas que l'implantation de l'essentiel des places de vélo au sous-sol n'est pas favorable à une utilisation au quotidien ni, plus généralement, ne démontrent que l'appréciation de l'instance précédente procéderait d'arbitraire ou encore contreviendrait à la réglementation applicable.  
Les recourants contestent encore que le projet entraînerait un encombrement du chemin de la Naz. Ils se prévalent du caractère sans issue de ce chemin sans toutefois prendre la peine d'expliquer en quoi cette configuration exclurait un encombrement, tout particulièrement au regard du nombre important de nouvelles places de stationnement que suppose le projet. Ils ne discutent pas non plus l'analyse de la commune, qui a indiqué qu'en raison de la largeur de la chaussée et de l'accès au parking projeté (monte-voitures), deux voitures ne pourraient se croiser sans se déporter sur les places de stationnement longeant les immeubles existants, compromettant ainsi la sécurité des piétons; il n'y a ainsi pas lieu d'en douter. 
 
4.7. L'instance précédente a en définitive identifié les aspects pertinents liés à l'aménagement et à l'environnement justifiant le refus de la dérogation. Il est ainsi erroné de prétendre que ce refus ne reposerait sur aucun intérêt public. Quant à l'intérêt économique des recourants, celui-ci ne saurait à lui seul justifier l'octroi d'une dérogation; cela est d'autant plus vrai s'agissant de la réalisation de constructions supplémentaires au sein de parcelles déjà amplement bâties (cf. arrêts 1C_497/2022 du 14 juin 2023 consid. 2.3; 1C_134/2021 du 13 janvier 2022 consid. 6.2). C'est ainsi sans arbitraire que la Cour de justice a confirmé le refus de la dérogation nécessaire à la réalisation du projet; ce refus est au demeurant cantonné au seul projet litigieux et n'entraîne manifestement pas pour résultat de faire perdre "entièrement leurs droits" aux recourants.  
Le grief est rejeté. 
 
5.  
Les recourants se plaignent enfin d'une violation du principe de l'égalité de traitement. 
 
5.1. Une décision viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (cf. ATF 141 I 153 consid. 5.1; 140 I 77 consid. 5.1 p. 80; 134 I 23 consid. 9.1; arrêts 1C_497/2022 du 14 juin 2023 consid. 3.1; 1C_57/2020 du 3 février 2021 consid. 3.1).  
 
5.2. La Cour de justice a considéré que les projets autorisés, situés en deçà de la distance légale à l'axe de la route, auxquels se référaient les recourants à titre de comparaison, ne se trouvaient pas dans une situation similaire à celle du projet litigieux. Cette appréciation doit être confirmée. Il n'est pas contesté que, contrairement au projet litigieux, les DD 113'324 (parcelles nos 2'558, 2'559 et 2'560), DD 113'226 (parcelle n° 2'599) et DD 109'478 (parcelles nos 8'119 et 8'120), ne se situent pas en bordure de zone agricole. Leur implantation est prévue à proximité des principaux axes routiers traversant le village. Les recourants ne discutent d'ailleurs pas que ces projets de comparaison ne présentent pas d'enjeux paysagers pas plus qu'ils ne contestent que ceux-ci ne requièrent pas l'abattage d'une quantité importante d'arbres. La Cour cantonale a en outre établi que, contrairement au projet litigieux (cf. consid. 4.3 ci-dessus), ces projets de comparaison présentent un alignement de fait avec les constructions voisines, ce qu'à défaut d'explications, l'examen des plans mentionnés par les recourants (pièce B, C et D produite devant l'instance précédente) ne permet pas d'exclure.  
Dans ces conditions, il n'est pas critiquable d'avoir jugé que les éléments de comparaison présentés par les recourants ne permettaient pas de conclure à une violation du principe de l'égalité. Le grief est écarté. 
 
6.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité, aux frais des recourants, qui succombent (art. 66 al. 1 et 5 LTF). L'intimée, qui s'est brièvement exprimée sans l'assistance d'un avocat, n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais de justice, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Commune de Bernex, au Département du territoire de la République et canton de Genève et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 13 février 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
Le Greffier : Alvarez