8C_481/2022 21.11.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_481/2022  
 
 
Arrêt du 21 novembre 2022  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Maillard et Abrecht. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
Caisse cantonale de chômage, 
Division juridique, rue Caroline 9bis, 1014 Lausanne, 
recourante, 
 
contre  
 
Municipalité de Lausanne, 
Service du personnel de la Ville de Lausanne, place de la Louve 1, 1002 Lausanne, 
intimée, 
 
A.________, 
représenté par Me Olivier Subilia, avocat, 
 
Objet 
Droit de la fonction publique (résiliation sans préavis), 
 
recours contre la décision incidente du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 27 juin 2022 (GE.2022.0026). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par décision du 6 janvier 2022, la Municipalité de Lausanne (ci-après: la municipalité) a résilié avec effet immédiat les rapports de service de A.________ (ci-après: l'employé) pour justes motifs. 
 
B.  
 
B.a. L'employé a recouru auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Cour de droit administratif et public) contre cette décision, en concluant principalement à son annulation et à ce que la municipalité soit condamnée à lui verser son salaire avec effet rétroactif au jour du licenciement. A titre subsidiaire, il a conclu à ce que la municipalité soit condamnée à lui verser un montant de 23'679 fr. 75, sous déduction des charges légales et conventionnelles, avec intérêts à 5 % l'an dès le 6 janvier 2022, à titre d'indemnité correspondant au salaire dû pendant le délai de congé, ainsi qu'un montant de 76'297 fr. 95, avec intérêts à 5 % l'an dès le 6 janvier 2022, à titre d'indemnité pour licenciement immédiat injustifié.  
 
B.b. Le 16 mai 2022, la Caisse cantonale de chômage (ci-après: la caisse de chômage) a déposé une requête en intervention auprès de la cour cantonale. Elle a demandé à être admise à participer à la procédure et à prendre des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 6 janvier 2022, à ce que la municipalité soit déboutée de toutes ses conclusions et à ce que l'employé et la municipalité soient déboutés "de toutes autres conclusions contraires en relation avec les prétentions de l'intervenante". Par "décision incidente" du 27 juin 2022, le juge instructeur de la Cour de droit administratif et public a rejeté la requête d'intervention de la caisse de chômage.  
 
C.  
La caisse de chômage interjette un recours en matière de droit public contre cette décision, en concluant à sa réforme en ce sens que la requête d'intervention soit admise. 
L'intimée conclut au rejet du recours. L'employé et l'autorité cantonale s'en remettent à justice concernant le sort du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1; 146 IV 185 consid. 2; 144 II 184 consid. 1). 
 
1.1. Selon l'art. 91 LTF, le recours en matière de droit public est recevable contre toute décision qui statue sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (let. a) ou qui met fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (let. b). Selon la jurisprudence, il convient d'assimiler à la mise hors de cause d'une partie tous les cas où l'on voudrait qu'une nouvelle partie soit admise à la procédure et que le juge le refuse. Tel est notamment le cas de la requête d'intervention, par laquelle une partie émet le souhait de prendre part à une procédure déjà pendante. En cas de rejet d'une telle requête, le requérant est définitivement écarté de la procédure, de sorte qu'il ne recevra plus aucune décision, qu'il ne pourra plus prendre de conclusions et qu'il n'aura plus aucune possibilité de recourir. Une telle décision - qui est finale à son égard mais ne met pas fin à la procédure (cf. art. 90 LTF), laquelle se poursuit entre d'autres personnes - doit être qualifiée de partielle au sens de l'art. 91 let. b LTF (ATF 134 III 379 consid. 1.1). Le recours présentement soumis à l'examen du Tribunal fédéral est donc recevable sous l'angle de cette dernière disposition.  
 
1.2. En vertu de l'art. 83 let. g LTF, la voie du recours en matière de droit public n'est pas ouverte contre les décisions en matière de rapports de travail de droit public qui concernent une contestation non pécuniaire, sauf si elles touchent à la question de l'égalité des sexes. Un litige portant - comme en l'espèce - sur le licenciement d'un employé est une contestation pécuniaire, même dans les cas où le fonctionnaire ne conclut pas au versement d'une somme d'argent, mais requiert l'annulation de la décision de résiliation (arrêts 8C_339/2013 du 24 avril 2014 consid. 1; 8C_897/2012 du 2 avril 2013 consid. 1.2 et les arrêts cités). En l'espèce, l'employé a pris devant la cour cantonale des conclusions tendant à l'annulation de la décision de licenciement et en conséquence au paiement de son salaire avec effet rétroactif au jour du licenciement. La valeur litigieuse dépasse ainsi le seuil de 15'000 fr. ouvrant la voie du recours en matière de droit public (art. 51 al. 1 let. a et 85 al. 1 let. b LTF). Quand bien même la Cour de droit administratif et public n'est pas compétente pour se prononcer sur les conclusions pécuniaires (cf. consid. 4.2 infra), la voie du recours en matière de droit public contre la décision attaquée est ouverte, dès lors qu'une admission du recours de l'employé par la juridiction cantonale pourrait fonder les prétentions salariales de celui-ci. Le recours en matière de droit public est ainsi recevable.  
 
1.3. Pour le reste, le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), dans les formes prescrites par la loi (art. 42 LTF), contre une décision prise par un tribunal qui a statué sur recours en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il y a dès lors lieu d'entrer en matière sur le recours.  
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si le premier juge a violé l'interdiction de l'arbitraire en rejetant la requête d'intervention de la recourante.  
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, il n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF). Sauf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF), on ne peut pas invoquer la violation du droit cantonal ou communal en tant que tel devant le Tribunal fédéral (art. 95 LTF a contrario). En revanche, il est toujours possible de faire valoir que sa mauvaise application constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 143 I 321 consid. 6.1; 142 II 369 consid. 2.1). Appelé à revoir l'application ou l'interprétation d'une norme cantonale ou communale sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'un droit certain (ATF 139 I 57 consid. 5.2). En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale n'est pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution éventuellement plus judicieuse paraît possible (ATF 144 III 368 consid. 3.1; 144 I 113 consid. 7.1).  
 
3.  
 
3.1. Selon l'art. 29 LACI (RS 837.0), si la caisse [de chômage] a de sérieux doutes que l'assuré ait droit, pour la durée de la perte de travail, au versement par son ancien employeur d'un salaire ou d'une indemnité au sens de l'art. 11 al. 3, ou que ces prétentions soient satisfaites, elle verse l'indemnité de chômage (al. 1); en opérant le versement, la caisse se subroge à l'assuré dans tous ses droits, y compris le privilège légal, jusqu'à concurrence de l'indemnité journalière versée par la caisse (al. 2, première phrase).  
 
3.2.  
 
3.2.1. Aux termes de l'art. 13 al. 1 de la loi (vaudoise) sur la procédure administrative du 28 octobre 2008 (LPA-VD; BLV 173.36), ont qualité de parties en procédure administrative: les personnes susceptibles d'être atteintes par la décision à rendre et qui participent à la procédure (let. a); les personnes ou autorités auxquelles la loi confère la qualité de partie (let. b); les personnes ou autorités qui disposent d'un moyen de droit à l'encontre de la décision attaquée (let. c); les personnes intervenant dans une procédure d'enquête publique ou de consultation (let. d). L'art. 14 LPA-VD dispose que l'autorité peut, d'office ou sur requête, appeler en cause ou autoriser l'intervention de personnes qui pourraient avoir qualité de partie au sens de l'art. 13.  
 
3.2.2. Selon la jurisprudence développée en matière de procédure civile, l'intervenant accessoire - au sens de l'art. 74 CPC - ne fait pas valoir des prétentions propres, mais soutient les conclusions d'une des parties principales, qu'il a intérêt à voir triompher. Il doit rendre vraisemblable un intérêt juridique à ce que la partie aux côtés de laquelle il veut intervenir ait gain de cause. Une preuve stricte n'est pas exigée. Hormis la capacité d'être partie et d'ester en justice, la condition essentielle requise pour intervenir est ainsi celle de rendre vraisemblable un intérêt juridique à ce que le litige pendant soit jugé en faveur de l'une des parties. Un intérêt purement factuel ou économique ne suffit pas. L'intervenant a un intérêt juridique lorsqu'en cas de perte du procès, ses propres droits peuvent être lésés ou compromis; le jugement à intervenir doit donc influer sur les droits et obligations de l'intervenant. Il n'est en revanche pas nécessaire qu'il y ait une relation juridique entre l'intervenant et la partie à soutenir ou la partie adverse; l'intérêt à l'intervention peut ainsi être immédiat ou médiat, selon que le jugement est automatiquement opposable à l'intervenant ou non (ATF 143 III 140 consid. 4.1.2; 142 III 40 consid. 3.2.1 et les références citées; cf. aussi, s'agissant de l'intervention au sens de l'ancien code de procédure civile vaudoise, arrêt 8C_624/2009 du 30 juillet 2010 consid. 5.1 et 8.3).  
 
3.3. En l'espèce, le premier juge a retenu que la subrogation prévue par l'art. 29 al. 2 LACI avait pour effet de transférer la qualité de créancier de l'assuré à la caisse de chômage, laquelle acquérait également qualité pour agir en justice contre l'employeur en paiement de la créance. Constatant qu'en l'espèce, la décision de l'intimée du 6 janvier 2022 prononçait le renvoi avec effet immédiat de l'employé en application de l'art. 70 du règlement pour le personnel de l'administration communale du 11 octobre 1977 (RPAC; RSL 102.1), le premier juge a exposé que selon la jurisprudence constante de la Cour de droit administratif et public, les art. 67 ss RPAC ne conféraient pas de compétence décisionnelle à l'intimée pour se prononcer sur les prétentions pécuniaires émises par un fonctionnaire communal, si bien que lesdites prétentions relevaient de la compétence des tribunaux civils. Dès lors que la subrogation de l'art. 29 al. 2 LACI ne pouvait porter que sur les prétentions financières que l'employé pouvait faire valoir à l'encontre de l'intimée, la recourante n'était pas susceptible d'être atteinte directement par l'arrêt à venir ni d'avoir pour un autre motif qualité de partie au sens de l'art. 13 LPA-VD. Par conséquent, il n'y avait pas lieu de l'autoriser à participer à la procédure.  
 
4.  
 
4.1. Se plaignant d'une violation de son droit d'être entendue dans l'application des art. 13 al. 1 let. a et 14 LPA-VD ainsi que d'une application arbitraire de ces dispositions cantonales, la recourante soutient qu'elle serait susceptible d'être atteinte par l'arrêt qui sera rendu par la cour cantonale. Le sort de ses prétentions dépendrait en effet de l'issue réservée à celles de l'employé, en tant qu'elle est subrogée dans les droits de celui-ci en vertu de l'art. 29 al. 2 LACI. Dans l'hypothèse où les juges cantonaux ne statueraient pas en faveur de l'employé en annulant la décision de résiliation immédiate des rapports de service, ce dernier ne pourrait pas faire valoir d'éventuelles prétentions pécuniaires par-devant les tribunaux civils. Les prétentions de la recourante étant dépendantes du sort réservé à celles de l'employé, elle se verrait également privée de la faculté d'agir devant la justice civile pour faire valoir la créance issue de la subrogation légale de l'art. 29 al. 2 LACI. La recourante explique par ailleurs avoir pris - à l'appui de sa requête d'intervention - des conclusions ayant uniquement pour but de soutenir celles de l'employé. En outre, elle aurait un intérêt à prendre part à une éventuelle tentative de conciliation devant la juridiction cantonale, en vue d'un accord aux termes duquel l'intimée pourrait s'engager à lui verser le montant de la subrogation légale.  
 
4.2. Il n'est pas contesté qu'en application de sa propre jurisprudence, la Cour de droit administratif et public n'est pas compétente, dans le cadre du litige opposant l'intimée à l'employé, pour se prononcer sur les prétentions pécuniaires de celui-ci à l'encontre de celle-là. Selon cette jurisprudence, l'action pécuniaire formée par un fonctionnaire relève en effet en principe du juge civil, à moins que l'employeur ne dispose d'une compétence décisionnelle, ce qui n'est pas le cas de l'intimée (cf. arrêt GE.2019.0119 du 14 avril 2022 consid. 1 et la référence citée). Il en découle que la recourante ne peut pas, devant la Cour de droit administratif et public, prendre de conclusions pécuniaires contre l'intimée sur la base de l'art. 29 al. 2 LACI. L'arrêt cantonal qui va être rendu n'en est pas moins susceptible d'avoir une influence sur les droits de la recourante, dès lors que celle-ci sera subrogée à l'employé dans ses droits au paiement de son salaire si les juges cantonaux se prononcent en faveur de ce dernier et annulent la décision du 6 janvier 2022. La recourante a donc un intérêt juridique manifeste à voir l'employé obtenir gain de cause, puisqu'en cas de perte du procès par celui-ci, elle ne pourra faire valoir aucune prétention financière contre l'intimée sur la base de l'art. 29 al. 2 LACI. En outre, le droit de procédure (en l'espèce la LPA-VD) doit permettre l'accomplissement du droit matériel (en l'occurrence l'art. 29 al. 2 LACI) et non en empêcher la réalisation (cf. arrêt 2C_774/2014 du 21 juillet 2017 consid. 10.2, non publié in ATF 143 I 403, et les arrêts cités). Les règles de procédure ne sauraient dès lors être interprétées dans un sens qui complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel (cf. arrêt 8C_686/2014 du 25 août 2015 consid. 2.3 et les arrêts cités).  
 
4.3. Au vu de ce qui précède, la cour cantonale a procédé à une interprétation et à une application arbitraires de l'art. 14 LPA-VD en rejetant la requête d'intervention de la recourante. Il s'ensuit que le recours, bien fondé, doit être admis et la décision attaquée réformée en ce sens que ladite requête d'intervention est admise.  
 
5.  
L'intimée, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Touchée dans son intérêt patrimonial en tant qu'employeur, elle ne peut en effet pas être exonérée des frais judiciaires en application de l'art. 66 al. 4 LTF (ATF 136 I 39). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. La décision de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 27 juin 2022 est réformée en ce sens que la requête d'intervention de la recourante du 16 mai 2022 est admise. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1500 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à A.________ et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public. 
 
 
Lucerne, le 21 novembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny