2C_254/2023 16.05.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_254/2023  
 
 
Arrêt du 16 mai 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Ryter. 
Greffière : Mme Colella. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
3. C.________, 
4. D.________, 
tous les quatre représentés par Me Raphaël Reinhardt, avocat, avenue de Mon-Repos 24, 1005 Lausanne, 
recourants, 
 
contre  
 
Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, 
Eigerstrasse 65, 3003 Berne, 
intimée. 
 
Objet 
Assistance administrative (CDI CH-FR), 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour VI, du 18 avril 2023 (F-1782/2021, F-1748/2021). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le 11 mai 2016, la Direction générale des finances publiques française (ci-après: l'autorité requérante ou l'autorité française) a déposé une demande d'assistance administrative en matière fiscale auprès de l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale ou l'AFC) fondée sur l'art. 28 de la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales (ci-après: CDI CH-FR, RS 0.672.934.91). L'autorité requérante indiquait qu'une enquête diligentée en Allemagne par le parquet de Bochum et des visites domiciliaires effectuées dans les succursales allemandes de la banque E.________ AG (ci-après: la Banque) avaient abouti à la saisie de données concernant des contribuables français en lien avec des comptes ouverts auprès de ladite banque. Il était précisé que ces informations avaient été fournies le 3 juillet 2015 sur requête du 20 avril 2015 de l'autorité française à l'administration fiscale allemande en application de la Directive 2011/16/UE du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal.  
La demande d'assistance administrative concernait les années 2010 à 2014 pour l'impôt sur le revenu et les années 2010 à 2015 pour l'impôt de solidarité sur la fortune et se fondait sur des listes (liste B relative à l'année 2006 et liste C relative à l'année 2008) contenant des numéros de comptes bancaires liés à des personnes inscrites sous un code "domizil" français. Elle visait à obtenir les nom, prénom, date de naissance et l'adresse la plus actuelle disponible des titulaires, ayants droit économiques selon le formulaire A, et de toute autre personne venant aux droits et obligations de ces derniers auprès de la Banque. 
 
1.2. Donnant suite à une demande de production du 10 juin 2016, la Banque a transmis à l'Administration fédérale les informations demandées entre juin 2016 et juillet 2017.  
Le 25 juillet 2016 et le 8 août 2016, A.________, B.________, C.________ et la société D.________ se sont opposés à la demande d'assistance administrative dans le cadre des deux procédures ouvertes à leur encontre. 
 
Informée par la Banque du risque de non-respect du principe de spécialité par l'autorité requérante, l'Administration fédérale a obtenu des autorités compétentes françaises, dans le cadre d'un échange de lettres du 11 juillet 2017 et par un courrier de l'autorité requérante du même jour, l'assurance que les informations transmises ne seraient communiquées qu'aux personnes et autorités mentionnées à l'art. 28 par. 2 CDI CH-FR et ne seraient utilisées qu'aux fins qui y sont énumérées. 
 
1.3. Le 9 février 2018, l'Administration fédérale a, dans huit décisions finales rendues à l'encontre de certaines personnes concernées, ainsi qu'à la Banque (dont le Tribunal administratif fédéral avait reconnu la qualité pour recourir in arrêt A-4974/2016 du 25 octobre 2016), accordé l'assistance administrative à l'autorité française. Par arrêt du 30 juillet 2018, le Tribunal administratif fédéral a admis le recours formé par la Banque et annulé les décisions finales du 9 février 2018. Cet arrêt a été annulé, sur recours de l'Administration fédérale, par le Tribunal fédéral, dans un arrêt du 26 juillet 2019 (cause 2C_653/2018 partiellement publiée in ATF 146 II 150), qui a confirmé la validité des décisions finales du 9 février 2018.  
A la suite de cet arrêt, l'Administration fédérale a repris le traitement des procédures qui avaient été suspendues jusqu'à droit connu sur la position du Tribunal fédéral. 
 
1.4. Par deux décisions finales du 11 mars 2021 notifiées à A.________, B.________, C.________ et la société D.________, l'Administration fédérale a accordé l'assistance administrative à l'autorité française.  
A.________, B.________, C.________ et la société D.________, ont recouru contre ces deux décisions auprès du Tribunal administratif fédéral. Outre la jonction des causes et plusieurs requêtes préalables, ils ont principalement demandé l'annulation des décisions finales de l'Administration fédérale du 11 mars 2021 et le rejet de la demande d'assistance administrative du 11 mai 2016. Par arrêt du 18 avril 2023, le Tribunal administratif fédéral a rejeté les recours après avoir joint les causes. 
 
1.5. A l'encontre de cet arrêt, A.________, B.________, C.________ et la société D.________ forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Ils concluent, sous suite de dépens, à ce que le Tribunal fédéral annule l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 18 avril 2023 et les deux décisions finales de l'Administration fédérale du 11 mars 2021. Ils demandent également qu'un droit d'accès complet au dossier leur soit accordé, que différents éclaircissements soient demandés à l'autorité requérante en lien avec l'acquisition des données sur lesquelles est fondée la demande du 11 mars 2016, que ladite demande soit rejetée et que toute transmission d'information à l'autorité requérante soit refusée. Ils sollicitent l'octroi de l'effet suspensif au recours.  
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
2.  
Selon l'art. 83 let. h LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière d'entraide administrative internationale, à l'exception de l'assistance administrative en matière fiscale. Il découle de l'art. 84a LTF que, dans ce dernier domaine, le recours n'est recevable que lorsqu'une question juridique de principe se pose ou lorsqu'il s'agit, pour d'autres motifs, d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF
 
2.1. Selon la jurisprudence, la présence d'une question juridique de principe suppose que la décision en cause soit importante pour la pratique; cette condition est en particulier réalisée lorsque les instances inférieures doivent traiter de nombreuses causes analogues ou lorsqu'il est nécessaire de trancher une question juridique qui se pose pour la première fois et qui donne lieu à une incertitude caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral. Toutefois, une question déjà tranchée par le Tribunal fédéral peut aussi avoir une importance déterminante, qui peut justifier d'être à nouveau analysée (arrêt 2C_703/2020 du 15 mars 2021 consid. 1.2.2), par exemple s'il convient d'envisager une modification de la jurisprudence à la suite de critiques dans la doctrine (ATF 139 II 340 consid. 4 in fine; arrêt 2C_493/2019 du 17 août 2020 consid. 1.3). Il faut en tous les cas qu'il s'agisse d'une question juridique d'une portée certaine pour la pratique (ATF 139 II 404 consid. 1.3; arrêt 2C_289/2015 du 5 avril 2016 consid. 1.2.1 non publié in ATF 142 II 218).  
 
2.2. Conformément à l'art. 84 al. 2 LTF, applicable par renvoi de l'art. 84a LTF, un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves. La reconnaissance d'un cas particulièrement important doit être admise avec retenue. Le Tribunal fédéral jouit à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 145 IV 99 consid. 1.2 et les références; 139 II 340 consid. 4). Le seul fait que le justiciable fasse valoir que les autorités auraient violé son droit d'être entendu ou d'autres principes fondamentaux de procédure ne fait toutefois pas encore apparaître un cas comme particulièrement important (ATF 145 IV 99 consid. 1.4). Seule une violation importante et suffisamment crédible des principes fondamentaux de la procédure, y compris de la procédure suisse, peut conduire à considérer que la condition de recevabilité posée par l'art. 84 al. 2 LTF est réalisée (ATF 145 IV 99 consid. 1.5; arrêts 2C_297/2022 du 21 avril 2022 consid. 2.1; 2C_147/2022 du 16 février 2022 consid. 4.1).  
 
2.3. Il appartient au recourant de démontrer de manière suffisante en quoi les conditions de recevabilité de l'art. 84a LTF sont remplies (art. 42 al. 2 LTF; ATF 145 IV 99 consid. 1.5; 139 II 340 consid. 4), à moins que tel ne soit manifestement le cas (cf. ATF 146 II 150 consid. 1.2.1; 139 II 340 consid. 4 et 5). Comme le Tribunal fédéral n'a pas pour fonction de trancher des questions abstraites (cf. en matière d'assistance administrative, ATF 142 II 161 consid. 3), il faut, pour que le recours soit recevable sous l'angle de l'art. 84a LTF, que la question soulevée par la partie recourante soit déterminante pour l'issue du litige (cf. arrêt 2C_751/2022 du 23 septembre 2022 consid. 2.3).  
 
3.  
Les recourants soutiennent que la présente cause soulève deux questions juridiques de principe, dont la première constitue également un cas particulièrement important. 
 
3.1. Les recourants font d'abord valoir une question juridique de principe en lien avec leur droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. et leur droit de prendre part à la procédure et de consulter les pièces figurant à l'art. 15 al. 1 LAAF (RS 651.1). Ils reprochent au Tribunal administratif fédéral d'avoir rejeté leurs conclusions tendant à avoir un accès complet au dossier, y compris à des pièces en main de l'Administration fédérale - sur la base desquelles elle avait statué - et des copies de procès-verbaux de séances tenues avec l'autorité française, ainsi qu'à toutes informations pertinentes sur la manière et le contexte ayant abouti à la transmission des données entre l'administration fiscale allemande et l'autorité requérante. Ces documents étant, selon les recourants, nécessaires pour déterminer la bonne foi de l'autorité requérante et l'existence d'un lien de causalité entre les données transmises et la demande d'assistance du 11 mai 2016, la question du droit à leur accès serait une question juridique de principe au sens de l'art. 84a LTF.  
 
3.1.1. Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif fédéral a constaté que les documents auxquels les recourants souhaitaient avoir accès, et qu'ils avaient déjà requis dans la procédure devant l'Administration fédérale, comprenaient des documents dont le contenu n'avait aucune incidence sur l'évaluation des conditions matérielles de la demande d'assistance administrative faite par l'autorité requérante. En outre, le contenu desdites pièces ressortait explicitement des décisions attaquées. Enfin, il s'agissait de documents internes à l'Administration fédérale ne concernant pas directement les recourants (arrêt attaqué, consid. 2.2.4). L'Administration fédérale était ainsi en droit de ne pas remettre ces documents aux recourants. Ces mêmes considérations conduisaient au rejet des requêtes d'accès au dossier et de consultation de ces mêmes documents devant le Tribunal administratif fédéral.  
 
3.1.2. La jurisprudence a fixé depuis longtemps et dans le détail en lien avec l'art. 29 al. 2 Cst. la portée pour le justiciable du droit de consulter le dossier et d'obtenir qu'il soit donné suite à des offres de preuves pertinentes (cf. ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 et les arrêts cités). Il en va de même de la possibilité de ne pas transmettre des documents internes sans violer l'accès au dossier (ATF 129 V 472 consid. 4.2.2; en lien avec l'assistance administrative, arrêt 2C_765/2021 du 12 octobre 2021 consid. 4.3). Quant à l'art. 15 LAAF, on ne voit pas qu'il offrirait une protection allant au-delà de l'art. 29 al. 2 Cst, ce que les recourants ne prétendent pas.  
 
3.1.3. La problématique soulevée par les recourants trouve donc déjà des réponses dans la jurisprudence et ne relève pas de la question juridique de principe. Il s'agit uniquement de l'application de principes connus au cas d'espèce. Par ailleurs, on ne voit pas que le refus du Tribunal administratif fédéral de donner aux recourants l'accès à l'intégralité du dossier au motif qu'il comprendrait des documents qualifiés d'internes ou dont le contenu ressortait explicitement des décisions attaquées ou était sans pertinence, serait propre à mettre en évidence une violation importante et suffisamment crédible des principes fondamentaux de la procédure suisse justifiant de qualifier le cas de particulièrement important, au sens de l'art. 84a LTF (cf. supra consid. 2.2; arrêt 2C_764/2021 du 12 octobre 2021 consid. 4.3).  
 
 
3.2. Les recourants font ensuite valoir une seconde question juridique de principe en lien avec l'exigence de la pertinence vraisemblable, au sens de l'art. 17 al. 2 LAAF. Selon eux, comme la demande collective du 11 mai 2016 implique des milliers de comptes bancaires et se fonde sur des données anciennes datant de 2006 et 2008, elle comporterait nécessairement une proportion élevée d'erreurs. Dans un tel cas de figure, la jurisprudence fédérale relative à l'exigence de la pertinence vraisemblable devrait être précisée en ce sens que "les contribuables devraient, à tout le moins, être autorisés à faire la démonstration qu'ils sont confrontés à une erreur manifeste et/ou qu'ils ne sont pas concernés par la demande". Ils indiquent qu'en l'espèce, aucun élément du dossier ne permet de retenir qu'ils auraient été résidents français durant la période concernée.  
Dans l'arrêt 2C_653/2018 du 26 juillet 2019 partiellement publié in ATF 146 II 150 (cf. supra consid. 1.3), le Tribunal fédéral a traité de manière détaillée de la condition de la pertinence vraisemblable et de la portée du "code domicile France" figurant dans les listes accompagnant la demande d'assistance administrative française du 11 mai 2016. Il a en particulier retenu que, compte tenu de l'ensemble des éléments de fait présentés, le contexte factuel pris dans son ensemble était propre à fonder un soupçon suffisant de l'existence d'un comportement contraire au droit fiscal de la part des personnes concernées, et que cette demande d'assistance administrative remplissait par conséquent la condition de la pertinence vraisemblable (cf. ATF 146 II 150 consid. 6). Le Tribunal fédéral a donc déjà examiné la portée du "code domicile France" et la condition de la pertinence vraisemblable dans le contexte global de la demande du 11 mai 2016. 
Quoi qu'en dise les recourants, les circonstances qu'ils invoquent liées aux erreurs manifestes qui découleraient de la nature collective de la demande d'assistance du 11 mai 2016 ne mettent pas en évidence une problématique qui n'aurait pas été traitée dans la jurisprudence ou qui justifierait d'y revenir sous le couvert d'une approche différenciée. En effet, l'allégation selon laquelle ils n'étaient pas résidents français durant la période concernée ne modifie en rien le constat du Tribunal fédéral selon lequel la demande d'assistance administrative du 11 mai 2016 remplit la condition de la pertinence vraisemblable. Ces circonstances sont à faire valoir en procédure dans l'Etat requérant, comme l'a déjà souligné le Tribunal fédéral (cf. ATF 144 II 206 consid. 4.6; 143 II 202 consid. 6.3.6; 142 II 218 consid. 3.7). 
 
 
4.  
Il découle de ce qui précède que le recours doit être déclaré irrecevable selon la procédure applicable en vertu des art. 107 al. 3 et 109 al. 1 LTF, étant précisé que, comme l'arrêt attaqué émane du Tribunal administratif fédéral, la voie du recours constitutionnel subsidiaire ne saurait entrer en considération (art. 113 a contrario LTF). 
Cette conséquence fait perdre tout objet à la demande d'effet suspensif, à supposer que les recourants aient eu un intérêt à demander son octroi, puisque l'effet suspensif est prévu à l'art. 103 al. 2 let. d LTF (arrêts 2C_751/2022 du 23 septembre 2022 consid. 4; 2C_232/2022 du 5 avril 2022 consid. 3). 
 
5.  
Succombant, les recourants doivent supporter les frais de justice devant le Tribunal fédéral, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à l'Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, et au Tribunal administratif fédéral, Cour VI. 
 
 
Lausanne, le 16 mai 2023 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : S. Colella