6B_1263/2022 30.06.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1263/2022  
 
 
Arrêt du 30 juin 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Hurni. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
Commune de U.________, 
représentée par Me Léonard Bruchez, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
A.A.________ et B.A.________, 
tous les deux représentés par 
Me Christian Favre, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Arbitraire (contravention à l'aLC-VS), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal 
du canton du Valais, Cour de droit public, 
du 16 septembre 2022 (A3 21 6). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par prononcé municipal du 29 décembre 2020, le Conseil communal de U.________ a condamné A.A.________ et B.A.________ à une amende de 58'250 fr. pour contravention à la loi valaisanne du 15 décembre 2016 sur les constructions (art. 61 al. 2 aLC). Il les a en outre astreints au paiement d'une créance compensatrice de 124'945 fr. 95. 
En résumé, la Commune a retenu ce qui suit: 
B.A.________ et son épouse A.A.________ étaient copropriétaires d'un bien-fonds, sis à V.________ et classé en zone à bâtir. Ils y ont construit un chalet pour lequel ils ont obtenu un permis délivré en 2001, puis un autre en 2011, après des permis de 2002 et 2004 autorisant des modifications de l'ouvrage autorisé en 2001. Par la suite, ils ont exécuté des ouvrages en s'écartant des plans approuvés par l'autorisation de construire communale de 2011. Ils ont mis en location tout ou partie de leur bâtiment, y compris les espaces qu'ils avaient illégalement modifiés. 
 
B.  
Par arrêt du 16 septembre 2022, la Cour de droit public du Tribunal cantonal valaisan a admis l'appel formé par B.A.________ et A.A.________ et réformé l'arrêt attaqué. Elle a ainsi classé la cause en raison de la prescription de l'action publique et libéré les appelants de l'amende de 58'250 fr. et de la créance compensatrice de 124'945 fr. 95 mis à leur charge. 
 
C.  
Contre ce dernier arrêt, la Commune de U.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Elle conclut, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que la cause n'est pas classée et que B.A.________ et A.A.________ sont condamnés au paiement d'une amende d'un montant de 58'250 fr. ainsi qu'au paiement d'une créance compensatrice d'un montant de 124'945 fr. 95 pour infraction à la loi valaisanne sur les constructions. A titre subsidiaire, elle requiert l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 89 consid. 1; 145 II 168 consid. 1; 144 II 184 consid. 1). 
 
1.1. La recourante fait valoir qu'elle est "l'autorité compétente" en matière de police des constructions, s'agissant de projets situés dans les zones à bâtir (art. 2 al. 1 de la loi cantonale valaisanne du 15 décembre 2016 sur les constructions; LC/VS, RS/VS 705.1). Elle peut à ce titre prononcer des amendes (art. 61 LC/VS), mais aussi la confiscation ou une créance compensatrice, les art. 70 ss CP étant applicables à titre de droit cantonal supplétif (art. 71 al. 1 de la loi cantonale valaisanne d'application du code pénal; LACP/VS, RS/VS 311.1). Le législateur cantonal lui aurait ainsi confié l'exercice de l'action publique au détriment du ministère public, comme l'autorise expressément l'art. 17 CPP, de sorte qu'elle répondrait à la notion d'accusateur public au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF.  
 
1.2.  
 
1.2.1. Selon l'art. 81 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière pénale quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a) et, cumulativement, a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (let. b). L'intérêt juridique exigé par l'art. 81 al. 1 let. b LTF constitue la condition matérielle de la qualité pour recourir. Un intérêt général ou de fait ne suffit pas, l'intéressé devant au surplus être personnellement touché par la décision (cf. ATF 147 IV 2 consid. 1.3 p. 3 s.).  
 
1.2.2. Parmi les personnes qui ont en règle générale la qualité pour recourir en matière pénale, l'art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF mentionne expressément l'accusateur public. La question de savoir quelle autorité au sein d'un canton constitue l'accusateur public doit se résoudre à l'aune de la LTF, tandis que savoir qui, au sein de ce ministère public, a la compétence de le représenter est une question d'organisation judiciaire réglementée par le droit cantonal (ATF 142 IV 196 consid. 1.5.2). Selon le Tribunal fédéral, lorsque le droit cantonal institue un procureur général ou un ministère public compétent pour la poursuite de toutes les infractions commises sur l'ensemble du territoire cantonal, il est considéré comme seul accusateur public du canton habilité à interjeter un recours au Tribunal fédéral (cf. ATF 142 IV 196 consid. 1.5.2 p. 199). Cela vaut aussi lorsque le droit cantonal charge en plus d'autres autorités de défendre l'intérêt public devant le juge pénal cantonal de dernière instance, que ce soit dans des causes relatives à des matières particulières ou à une partie du territoire cantonal. Même dans les cas où ces autorités ont agi seules en dernière instance cantonale, elles ne peuvent pas recourir auprès du Tribunal fédéral (cf. ATF 131 IV 142 consid. 1 et les références citées). Cette jurisprudence s'explique par le souci d'assurer l'application uniforme du droit fédéral dans les différents cantons. En effet, les ministères publics cantonaux doivent contribuer, grâce à leur faculté de recourir, pour une large part, à une application uniforme du droit fédéral. Dès lors que cette tâche est déjà répartie entre les cantons, il s'agit d'éviter un morcellement supplémentaire au sein d'un même canton (ATF 142 IV 196 consid. 1.5.1). Dans le canton du Valais, il a été institué pour l'ensemble du canton un ministère public indépendant dans l'application du droit (cf. art. 23 al. 1 de la loi d'organisation judiciaire; LOJ/VS, RS/VS 173.1), auquel la fonction d'accusateur public a été expressément réservée (cf. art. 6 ss de la loi d'application du code de procédure pénale suisse; arrêt 6B_447/2017 du 30 août 2017 consid. 2.2.2).  
 
1.3. Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de juger que les autorités administratives compétentes en matière de contraventions n'avaient pas la compétence de recourir au Tribunal fédéral même si, comme en l'espèce, le législateur cantonal leur avait délégué la poursuite et le jugement des contraventions en application de l'art. 17 CPP (cf. aussi art. 104 al. 2 CPP; art. 357 al. 1 et 381 al. 3 CPP). Ces dispositions du Code de procédure pénale ne concernent en effet que les recours cantonaux et ne s'étendent pas à la procédure de recours devant le Tribunal fédéral, qui est définie par la seule LTF. La LTF compte parmi les "autres lois fédérales" réservées tant par l'art. 1 al. 2 CPP que par l'art. 14 al. 2 CPP (ATF 147 IV 2 consid. 1.5 et 1.7). Ainsi, même si la poursuite et le jugement ont été confiés à une autorité administrative, le procureur reste seul légitimé à recourir au Tribunal fédéral, à l'exclusion de l'autorité administrative qui ne répond pas à la notion d'accusateur public au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF (cf. arrêts 6B_693/2019 du 28 juin 2019; 6B_162/2021 du 10 février 2021).  
 
1.4. La recourante fait valoir que si elle ne peut pas recourir au Tribunal fédéral, aucune autre autorité ne revêtira cette qualité en Valais pour les infractions dont il est question en l'espèce. Cet argument n'est pas pertinent. Le législateur fédéral a laissé libres les cantons d'attribuer la tâche de poursuivre et de juger les contraventions à des autorités administratives, de la laisser au ministère public ou d'adopter des systèmes hybrides (cf. art. 17 CPP; FF 2006 989 p. 1112; ATF 147 IV 2 consid. 1.6). Si le législateur cantonal désire qu'un recours au Tribunal fédéral soit possible, il lui appartient d'instituer un modèle qui permette au ministère public cantonal de recourir au Tribunal fédéral (voir THOMMEN/FAGA, in: Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 3e éd. 2018, n° 17 ad art. 81 LTF).  
 
2.  
Comme la recourante ne revêt pas la qualité pour recourir, le recours doit être déclaré irrecevable. Il convient de statuer sans frais (art. 66 al. 4 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux intimés qui n'ont pas participé à la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public. 
 
 
Lausanne, le 30 juin 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Kistler Vianin