2C_519/2023 01.03.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_519/2023  
 
 
Arrêt du 1er mars 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, 
Donzallaz, Hänni, Ryter et Martenet, Juge suppléant. 
Greffière : Mme Kleber. 
 
Participants à la procédure 
A.________ AG, 
représentée par Me Markus Schott, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Service de la consommation et des affaires vétérinaires de la République et canton du Jura, Faubourg des Capucins 20, 2800 Delémont. 
 
Objet 
Produits du tabac; mise en garde 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative, du 14 août 2023 (ADM 178 / 2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le Service de la consommation et des affaires vétérinaires du canton du Jura (ci-après: le Service cantonal) a effectué un contrôle officiel le 19 avril 2022 dans le magasin "B.________", à U.________, et a prélevé à cette occasion un échantillon de la gamme de produits proposés. 
Dans un rapport du 4 juin 2022, le Service cantonal a constaté dans l'échantillon prélevé un manquement à la législation applicable, à savoir l'absence de mise en garde apposée sur l'étiquette sur la face la plus visible des produits destinés à être prisés, en particulier sur le tabac à priser "C.________". 
 
B.  
Par décision du 4 juin 2022, le Service cantonal a ordonné à la société A.________ AG (ci-après: la société) de modifier l'étiquetage du produit "C.________", afin de le rendre conforme au droit en vigueur, dans un délai fixé au 1 er août 2022.  
Saisi d'une opposition de la société, le Service cantonal a confirmé sa décision le 29 septembre 2022. 
La société a recouru contre la décision du 29 septembre 2022 auprès de la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura (ci-après: le Tribunal cantonal). 
Par arrêt du 14 août 2023, le Tribunal cantonal a rejeté le recours. 
 
C.  
Contre l'arrêt du 14 août 2023, la société forme un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Outre à l'octroi de l'effet suspensif, elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué, puis, principalement, à ce qu'il soit dit que l'étiquetage des produits intitulés "C.________" est conforme au droit en vigueur, et, subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal cantonal s'en est remis à justice s'agissant de l'octroi de l'effet suspensif. Le Service cantonal ne s'y est pas opposé. Par ordonnance du 10 octobre 2023, la Présidente de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la demande. Au fond, le Tribunal cantonal et le Service cantonal, celui-ci sous suite de frais et dépens, concluent au rejet du recours, en se référant aux considérants de l'arrêt attaqué. L'Office fédéral de la santé publique a déposé des observations, à l'appui de la solution ressortant de l'arrêt attaqué. La société s'est déterminée et maintient ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt attaqué, qui concerne la mise en garde devant figurer sur le produit de tabac à priser "C.________" commercialisé par la recourante, est une décision finale (art. 90 LTF) rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), qui ne tombe sous le coup d'aucune des exceptions de l'art. 83 LTF, de sorte que la voie du recours en matière de droit public est ouverte. Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF), par la recourante qui a la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Il est donc recevable et il convient d'entrer en matière. 
 
2.  
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant aux art. 42 et 106 al. 2 LTF. Il y procède en se fondant sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). 
 
3.  
Le litige porte sur l'étiquetage de la mise en garde relative aux dangers pour la santé sur le produit "C.________" commercialisé par la recourante. Le Tribunal cantonal a confirmé la décision du Service cantonal enjoignant à la recourante d'apposer cette mise en garde sur le devant (recto) du produit, correspondant à la face la plus visible de l'emballage au moment de la vente. Il a par ailleurs retenu que le Service cantonal n'avait pas l'intention d'accepter une pratique illégale s'agissant de l'étiquetage des produits du tabac à priser et que la recourante ne pouvait partant pas prétendre à un traitement égal dans l'illégalité. 
 
4.  
 
4.1. Le Parlement fédéral a adopté le 1 er octobre 2021 la loi fédérale sur les produits du tabac et les cigarettes électroniques (loi sur les produits du tabac, LPTab; FF 2021 2327). Cette loi est en cours de modification en vue de tenir compte de l'initiative sur l'interdiction de la publicité pour les produits du tabac qui atteint les enfants et les jeunes acceptée en votation populaire le 13 février 2022 (art. 118 al. 2 let. b Cst.; cf. message du 24 mai 2023 concernant la révision partielle de la loi fédérale sur les produits du tabac et les cigarettes électroniques, FF 2023 1478). Les modifications sont actuellement discutées au Parlement (objet no 23.049).  
 
4.2. En vertu de l'art. 73 de la loi fédérale du 20 juin 2014 sur les denrées alimentaires et les objets usuels (loi sur les denrées alimentaires, LDAl; RS 817.0), jusqu'à l'entrée en vigueur d'une loi spécifique, mais au plus tard jusqu'au 30 avril 2025, les produits du tabac sont régis par plusieurs dispositions (art. 2 à 4, 6, 10, 12, 13, 15, 18, 20 à 25, 27 à 34, 36 à 43, 44, 45 et 47 à 57) de l'ancienne loi fédérale sur les denrées alimentaires du 9 octobre 1992 (aLDAI; RO 1995 1469 et les versions suivantes), qui assimilait le tabac aux denrées alimentaires (art. 3 al. 3 aLDAI). Ces dispositions sont complétées par l'ordonnance du 27 octobre 2004 sur les produits du tabac et les produits contenant des succédanés de tabac destinés à être fumés (Ordonnance sur le tabac, OTab; RS 817.06). Le tabac et les produits du tabac ne tombent en revanche pas dans le champ d'application de l'actuelle loi sur les denrées alimentaires (art. 4 al. 3 let. f LDAI; cf. message relatif à la loi fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 25 mai 2011, FF 2011 5181, 5208 s.).  
 
4.3. Le tabac à priser, tel que le produit "C.________" vendu par la recourante, fait partie des produits du tabac (art. 2 let. d OTab). L'ancienne loi sur les denrées alimentaires et l'OTab sont donc applicables à l'étiquetage du produit de la recourante.  
 
5.  
La recourante dénonce une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.). Elle reproche au Tribunal cantonal de ne pas avoir ordonné au Service cantonal de lui transmettre l'ensemble de ses rapports d'analyse, décisions et décisions sur opposition concernant des produits du tabac non destinés à être fumés. D'après la recourante, le Tribunal cantonal aurait ce faisant méconnu son droit d'être entendue, car le Service cantonal se serait fondé sur ces documents dans sa décision du 29 septembre 2022. Par ailleurs, sous l'angle de l'administration des preuves, la recourante estime que ces décisions auraient permis d'établir que le Service cantonal n'avait pas sanctionné des manquements à la législation en matière d'étiquetage des mises en garde sur les produits du tabac lorsqu'il en avait constaté. 
 
5.1. Garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos. Il appartient en effet aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1 et les arrêts cités).  
Le droit d'être entendu comprend également le droit de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, ainsi que de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les arrêts cités). La garantie constitutionnelle n'empêche pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1). Selon la jurisprudence, il y a arbitraire dans l'appréciation des preuves lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (cf. ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 147 V 35 consid. 4.2; 140 III 264 consid. 2.3). 
 
5.2. En l'occurrence, la recourante a eu accès à la décision du 29 septembre 2022 du Service cantonal se référant à d'autres décisions rendues par ce service, puisqu'elle en est la destinataire. Ellle a pu prendre position sur cette décision et contester devant le Tribunal cantonal l'allégation du Service cantonal selon laquelle il aurait procédé à des contrôles de produits vendus par des concurrents de la recourante et ordonné des mesures en cas de non-conformité à la législation en vigueur. Il n'y a en outre aucune pièce au dossier qui aurait été portée à la connaissance du Tribunal cantonal, mais qui n'aurait pas été transmise à la recourante. Celle-ci ne le prétend du reste pas. On ne voit donc pas de manquement à l'art. 29 al. 2 Cst. en tant qu'il garantit l'accès au dossier et le droit de se déterminer.  
Sous l'angle de l'administration des preuves, le Tribunal cantonal a considéré qu'il n'était pas nécessaire de demander au Service cantonal de produire les rapports d'analyses et décisions relatifs à l'étiquetage d'autres produits de tabac à priser, car ces rapports et décisions n'étaient pas déterminants pour l'issue du litige. La recourante ne démontre pas l'arbitraire de cette appréciation anticipée des preuves. Ainsi que le Tribunal cantonal l'a retenu, la comparaison avec d'autres décisions rendues par le Service cantonal n'est en l'occurrence pas décisive en droit (cf. infra consid. 8). Il n'était donc pas nécessaire de connaître le contenu de ces décisions. Comme la mesure d'instruction était sans influence sur la solution du litige, le Tribunal cantonal pouvait s'en dispenser sans tomber dans l'arbitraire.  
Le grief tiré de la violation du droit d'être entendu, mal fondé, est rejeté. 
 
6.  
La recourante se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits. 
 
6.1. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si celles-ci ont été opérées de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (art. 9 Cst.) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 148 I 160 consid. 3; 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 148 I 160 consid. 3; 137 II 353 consid. 5.1). Les faits et les critiques invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (ATF 145 I 26 consid. 1.3).  
 
6.2. La recourante reproche au Tribunal cantonal de ne pas avoir retenu que de nombreux produits identiques au sien n'avaient pas fait l'objet d'une obligation de faire figurer la mise en garde sur la face de l'emballage visible au moment de la vente, ce qu'elle avait pourtant, selon elle prouvé au moyen de l'étude de marché à laquelle elle avait procédé. Ce fait démontrerait, selon la recourante, une pratique constante du Service cantonal admettant un étiquetage des mises en garde au dos des emballages.  
Selon le droit applicable, celui qui fabrique, traite, distribue, importe ou exporte notamment un produit du tabac est chargé de veiller à ce que les marchandises soient conformes aux exigences légales (système de l'autocontrôle; art. 23 aLDAI cum art. 73 LDAI). L'autorité ne procède pour sa part qu'à des contrôles par sondage, avec prélèvement d'échantillons (cf. art. 24 aLDAI cum art. 73 LDAI). Dès lors que l'autorité n'effectue pas de contrôles systématiques, le fait qu'il puisse y avoir sur le marché des produits similaires à celui de la recourante avec un étiquetage des mises en garde au dos des emballages n'est pas propre à démontrer que le Service cantonal approuve cette manière de procéder ni qu'il ne sanctionne pas des manquements lorsqu'il en constate. Au demeurant, la manière dont sont étiquetés d'autres produits de tabac à priser commercialisés par des concurrents de la recourante et la pratique du Service cantonal à cet égard sont sans incidence sur l'issue du litige (cf. infra consid. 8). Ce qui précède conduit à écarter le grief tiré d'un établissement des faits arbitraire. 
 
6.3. Pour le surplus, la Cour de céans ne tiendra pas compte des faits exposés dans le recours dans la mesure où ils ne correspondent pas à ceux constatés dans l'arrêt entrepris. En particulier, il ne sera pas tenu compte du point C "en fait" du mémoire de recours, dans lequel la recourante allègue librement sa version des faits et son appréciation, une telle manière de faire n'étant pas admissible devant le Tribunal fédéral. Dans ce qui suit, la Cour de céans se fondera exclusivement sur les faits établis dans l'arrêt attaqué.  
 
7.  
La recourante, qui se plaint d'une violation du principe de la légalité (art. 5 Cst.), dénonce l'interprétation de l'art. 15 al. 1 let. a OTab retenue par le Tribunal cantonal, qui serait, selon elle, trop restrictive et imprévisible. 
 
7.1. Le Conseil fédéral peut édicter des prescriptions concernant la désignation des produits du tabac notamment pour protéger la santé (cf. art. 21 al. 1 et 2 aLDAI). L'ordonnance sur le tabac prévoit que, lors de la remise au consommateur, toute unité de conditionnement de produits du tabac ou de succédanés de tabac doit porter notamment une mise en garde (art. 11 let. f OTab). Pour les produits du tabac non destinés à être fumés, l'unité de conditionnement doit porter l'indication suivante: "Ce produit du tabac peut nuire à votre santé et crée une dépendance" (art. 12 al. 6 OTab). L'art. 15 OTab régit l'emplacement et la taille des mises en garde. L'art. 15 al. 1 OTab, dont l'interprétation est contestée, a la teneur suivante: "La mise en garde générale [cf. art. 12 al. 2 OTab] et la mise en garde selon l'art. 12, al. 6, sont indiquées: a. sur la face la plus visible de l'unité de conditionnement, et b. sur tout emballage extérieur utilisé pour la vente au détail du produit, sauf sur les emballages transparents".  
 
7.2. Selon l'arrêt attaqué, le produit "C.________" est contenu dans un emballage comportant deux faces de même taille. Une des faces est légèrement bombée. Sur cette face bombée figure la désignation du produit. L'arrêt entrepris retient que cette face, présentée au consommateur, est la plus visible au moment de la vente du produit. La recourante ne conteste pas, sous l'angle de l'arbitraire, cette constatation de fait et on ne voit pas qu'elle soit insoutenable.  
A teneur de l'arrêt attaqué, la mise en garde prévue par l'art. 12 al. 6 OTab figure sur les produits de la recourante sur l'autre face, soit au dos de l'emballage du produit. Elle n'apparaît donc a priori pas conforme à l'art. 15 al. 1 let. a OTab.  
 
7.3. La recourante fait valoir que l'emplacement de la mise en garde doit être celui qui est le plus visible non pas au moment de la vente, mais au moment de l'ouverture en vue de consommer le produit. Avec sa mise en garde au dos, l'emballage du produit "C.________" respecterait cette condition, car le consommateur, généralement droitier, devrait tourner la boîte et donc regarder son dos pour pouvoir soulever le rabat situé sur le côté gauche de l'emballage (et dirigé vers le bas quand on regarde le produit sur une surface plane de face) et ainsi accéder au produit. Rien ne confirmerait, selon elle, l'interprétation retenue par le Tribunal cantonal.  
 
7.4. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 149 IV 9 consid. 6.3.2.1; 147 IV 385 consid. 2.1).  
 
7.5.  
 
7.5.1. L'art. 15 al. 1 let. a OTab dans sa teneur en français ne précise certes pas que la mise en garde de l'art. 12 al. 6 OTab doit figurer sur la face de l'unité de conditionnement la plus visible au moment de la vente. Les versions allemande et italienne du texte ne le mentionnent pas non plus (" auf der am ehesten ins Auge fallenden Breitseite der Packung "; " sul lato più visibile del pacchetto "). L'OTab contient cependant une indication claire quant au moment où la mise en garde doit être vue par le consommateur. En effet, d'après l'art. 11 let. f OTab, l'unité de conditionnement de produits du tabac doit porter les mises en garde au sens de l'art. 12 OTab "lors de la remise au consommateur". L'art. 15 OTab complète cette disposition, en décrivant l'emplacement des mises en garde et notamment l'emplacement pour la mise en garde au sens de l'art. 12 al. 6 OTab, relatif aux produits du tabac non destinés à être fumés. D'après ces trois dispositions, qui sont expressément reliées entre elles et qu'il convient dès lors de lire conjointement, il faut donc que le consommateur soit averti au moment de la vente déjà et non seulement au moment où il s'apprête à consommer le produit comme le prétend la recourante. Une indication clairement visible au moment de la vente correspond en outre au but d'avertissement des risques pour la santé liés à la consommation de produits du tabac poursuivi par la mise en garde. Une fois le produit acheté, la décision de le consommer a pratiquement déjà été prise, de sorte qu'un message de mise en garde n'a plus le même effet préventif.  
L'interprétation historique ne conduit pas à un autre résultat. Le rapport explicatif du Département fédéral de l'intérieur du 31 août 2007 sur l'ordonnance concernant les mises en garde combinées sur les produits du tabac, dont se prévaut la recourante, porte sur la mise en oeuvre de l'art. 12 al. 5 OTab, relatif aux mises en garde complémentaires (cf. l'ordonnance du Département fédéral de l'intérieur concernant les mises en garde combinées sur les produits du tabac du 10 décembre 2007; RS 817.064). Il ne concerne pas le tabac à mâcher ou à priser (p. 2 du rapport), et ne contient rien quant au moment où doit être vue la mise en garde visée à l'art. 12 al. 6 OTab et dont l'emplacement est régi par l'art. 15 OTab. Il ne résulte pas non plus du communiqué de presse du Département fédéral de l'intérieur du 10 juillet 2003 concernant la révision de l'OTab et du rapport du Département fédéral de l'intérieur de mai 2004 relatif à la récapitulation des résultats de la consultation sur l'OTab, documents que le Service cantonal a produits devant le Tribunal cantonal et dont la recourante cite des passages dans son mémoire de recours, que la mise en garde au sens de l'art. 12 al. 6 OTab peut être apposée sur une face de l'emballage non visible au moment de la vente. 
 
7.5.2. On peut encore ajouter que la nouvelle loi sur le tabac (cf. supra consid. 4.1), retient aussi que la mise en garde pour les produits du tabac à priser doit figurer sur chaque emballage "lors de la remise au consommateur" (art. 14 al. 1 let. a LPTab, FF 2021 2327), sur "la partie inférieure de l'emballage et couvrir au moins 35%, cadre non compris, de la face la plus visible" (art. 15 al. 1 LPTab). S'agissant de l'emplacement de la mise en garde, le message du Conseil fédéral note que "comme le prévoit déjà le droit en vigueur, les mises en garde doivent [...] être imprimées sur la face la plus visible, c'est-à-dire au recto de l'emballage, qui permet au consommateur et au vendeur d'identifier le produit au moment de sa vente" (message du Conseil fédéral du 30 novembre 2018 concernant la LPTab; FF 2019 899, 946). Lors des débats parlementaires, l'art. 15 al. 1 LPTab relatif à l'emplacement des mises en garde n'a été ni discuté ni modifié (cf. https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/curia-vista, objet no 15.075). Les art. 14 et 15 LPTab ne sont par ailleurs pas touchés par la révision partielle de la LPTab liée à l'acceptation de l'initiative populaire "oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac" et actuellement débattue au Parlement (cf. supra consid. 4.1). Il y a ainsi une volonté de continuité concernant l'emplacement de la mise en garde pour les produits du tabac non destinés à être fumés tel que celui vendu par la recourante et cet emplacement doit être celui qui est le plus visible au moment de la remise au consommateur.  
 
7.5.3. Tout concorde ainsi pour retenir qu'en tant qu'information obligatoire d'étiquetage et message de prévention, la mise en garde doit figurer sur la face la plus visible de l'emballage au moment de la vente. Le moment de la consommation du produit peut d'autant moins être pertinent que chaque consommateur peut décider de tenir et ouvrir un paquet différemment. La recourante le reconnaît elle-même, puisqu'elle expose que la face la plus visible du produit qu'elle vend est, au moment de le consommer, le dos du paquet pour autant que le consommateur soit droitier et tienne la boîte dans une certaine position pour l'ouvrir. Au demeurant, l'Office fédéral de la santé publique conteste cette présentation.  
 
7.6. La recourante relève que, selon l'art. 11 ch. 1 de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE (JO L 127 du 29 avril 2014; version consolidée le 23 octobre 2023; ci-après: directive 2014/40/UE), "l'autre surface la plus visible" est "celle qui devient visible lorsque le paquet est ouvert".  
La directive 2014/40/UE ne lie pas la Suisse. La recourante ne pourrait de toute façon rien en déduire en sa faveur. L'art. 11 de la directive 2014/40/UE est relatif à l'étiquetage de certains produits du tabac à fumer et non aux produits du tabac sans combustion comme celui vendu par la recourante. En outre, l'art. 11 prévoit que "l'avertissement général ["fumer tue", art. 9 al. 1] apparaît sur la surface la plus visible de l'unité de conditionnement" et que "les messages d'avertissement apparaissent sur l'autre face la plus visible de l'unité de conditionnement et de tout emballage extérieur", avec la précision que "pour les unités de conditionnement comportant un couvercle basculant, l'autre surface la plus visible est celle qui devient visible lorsque le paquet est ouvert". La précision relative à "l'autre" surface la plus visible démontre bien que la première surface la plus visible, sur laquelle doit figurer l'avertissement général, n'est pas celle qui ne se voit qu'à l'ouverture du paquet. Enfin, on relèvera que, pour les produits du tabac sans combustion, la directive 2014/40/UE prévoit que l'avertissement sanitaire apparaît sur "les deux surfaces les plus grandes de l'unité de conditionnement et de tout emballage extérieur" (art. 12 al. 1 et 2 let. a directive 2014/40/UE), ce qui va plus loin que le droit suisse applicable en l'espèce. 
 
7.7. Sur le vu de ce qui précède, le grief tiré de la violation du principe de la légalité est rejeté. Il convient de confirmer l'interprétation retenue par le Tribunal cantonal de l'art. 15 al. 1 let. a OTab d'après laquelle la surface la plus visible d'une unité de conditionnement est celle qui est la plus visible pour l'acheteur au moment de la vente, soit, en l'occurrence, la face bombée (recto) de l'emballage du produit vendu par la recourante.  
 
8.  
La recourante se plaint d'une violation du principe d'égalité de traitement, au motif que ses concurrents, qui apposeraient également la mise en garde au dos des emballages de tabac à priser, ne seraient pas sanctionnés. 
 
8.1. Le principe de la légalité l'emporte en principe sur celui de l'égalité de traitement. En conséquence, le justiciable ne peut pas, en règle générale, se prétendre victime d'une inégalité devant la loi lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas (ATF 146 I 105 consid. 5.3.1; 139 II 49 consid. 7.1). Cela présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question. Le justiciable ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi (ATF 146 I 105 consid. 5.3.1; 139 II 49 consid. 7.1; 127 I 1 consid. 3a.; 122 II 446 consid. 4a). Il faut encore que l'autorité n'ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant n'impose de donner la préférence au respect de la légalité (ATF 146 I 105 consid. 5.3.1; 139 II 49 consid. 7.1; 136 I 65 consid. 5.6). La pratique illégale constante doit être celle de l'autorité compétente (cf. ATF 134 V 34 consid. 9). Elle peut consister en une application erronée de la loi (cf. par ex. arrêt 1C_482/2010 du 14 avril 2011 consid. 5.2), mais aussi dans sa non-application (cf. par. ex. ATF 98 Ia 657 consid. 3). Dans ce dernier cas, il convient de tenir compte des moyens de contrôle et de sanction à disposition de l'autorité pour déterminer s'il y a une pratique illégale constante et la volonté de la perpétuer (cf. ATF 98 Ia 657 consid. 3c).  
 
8.2. En l'occurrence, une pratique illégale constante de la part du Service cantonal consistant à ne pas sanctionner les manquements à l'art. 15 al. 1 let. a OTab à la suite des contrôles ponctuels qu'il effectue n'est pas établie. Même si tel était le cas, cela ne permettrait pas à la recourante de prétendre à un traitement égal dans l'illégalité. En effet, le Tribunal cantonal a exposé que le Service cantonal avait expliqué avoir procédé à des contrôles et entamé plusieurs démarches depuis un courrier de l'Office fédéral de la santé publique de mars 2022 demandant une intensification des contrôles de bonnes pratiques vis-à-vis des exigences d'étiquetage des produits du tabac non destinés à être fumés. Le Tribunal cantonal en a déduit, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que le Service cantonal n'entendait pas "fermer les yeux" sur la manière d'étiqueter les produits du tabac non fumés et qu'il avait l'intention de faire respecter les prescriptions légales en la matière. Il n'y a donc pas lieu de prévoir que le Service cantonal observera à l'avenir une pratique illégale, si tant est qu'il en ait adopté une par le passé. Il convient aussi de souligner qu'il appartient en premier lieu aux entreprises, en application de leur obligation d'autocontrôle (art. 23 al. 1 aLDAI), de vérifier que leurs marchandises sont conformes aux exigences légales. Eu égard au système mis en place, la recourante ne saurait rien déduire en sa faveur de la pratique potentiellement illégale de ses concurrents s'agissant de l'étiquetage de leurs propres produits, car cette pratique ne pourrait être reprochée à l'autorité, qui, de par la loi, ne procède que par contrôles ponctuels et qui, à teneur de l'arrêt attaqué, sanctionne les manquements lorsqu'elle en constate.  
 
8.3. Enfin, en tout état, il existe un intérêt de santé publique important à une correcte application de la législation relative aux mises en garde sur les produits du tabac. Dans ses déterminations, l'Office fédéral de la santé publique souligne que la mise en garde a pour but d'informer le consommateur sur les effets de la consommation du produit en cause, avec pour objectif de l'encourager à arrêter sa consommation ou à ne pas commencer. Pour atteindre ce but, les entreprises doivent étiqueter leurs produits de sorte à ce que la mise en garde soit vue au moment de la vente, conformément à la législation applicable.  
 
8.4. Sur le vu de ce qui précède, le grief tiré de la violation du principe d'égalité de traitement est mal fondé et ne peut qu'être rejeté.  
 
9.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Service de la consommation et des affaires vétérinaires et au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative, ainsi qu'à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lausanne, le 1er mars 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : E. Kleber