2P.107/2001 31.07.2001
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2P.107/2001 
2A.147/2001 
[AZA 0/2] 
 
IIe COUR DE DROIT PUBLIC 
************************************************ 
 
31 juillet 2001 
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Hungerbühler, juge 
présidant, Müller et Berthoud, juge suppléant. 
Greffière: Mme Dupraz. 
 
Statuant sur le recours de droit administratif 
et sur le recours de droit public 
formés par 
l'Association X.________ et Y.________ SA, toutes deux représentées par Me Pascal Pétroz, avocat à Genève, 
 
contre 
la décision prise le 9 mars 2001 par le Vice-Président du Tribunal administratif du canton de Genève, dans la cause qui oppose les recourantes au Département de justice et police et des transports du canton de G e n è v e; 
 
(art. 27 Cst. : autorisation d'exploiter des jeux; 
mesures provisionnelles) 
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Le 19 septembre 1995, le Département de justice et police et des transports du canton de Genève (ci-après: le Département cantonal) a autorisé à titre exceptionnel la Fondation internationale pour les personnes handicapées (ci-après: la Fondation) à exploiter les jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" dans le canton de Genève, moyennant le respect de différentes conditions. Cette autorisation provisoire d'une année a été accordée en raison du but de bienfaisance poursuivi et de l'affectation exclusive des recettes à la Fondation. 
Elle a été régulièrement renouvelée, toujours à titre exceptionnel, jusqu'au 31 décembre 2000, date à laquelle la Fondation a mis un terme à ses activités. 
 
En décembre 2000, la société propriétaire des automates "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" a vendu son parc de machines à Y.________ SA qui en a confié l'exploitation à l'Association X.________ (ci-après: l'Association) - dont le secrétaire est à la tête de Y.________ SA. 
 
Le 15 janvier 2001, Y.________ SA a demandé au Département cantonal une décision formelle au sujet de l'enlèvement des machines susmentionnées. Le 16 janvier 2001, l'Association a sollicité l'octroi de patentes pour exploiter les jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur". Le 1er février 2001, le Département cantonal a adressé à Y.________ SA et à l'Association une décision par laquelle il refusait de les autoriser à exploiter lesdits jeux et ordonnait que les machines en cause soient immédiatement mises hors service et enlevées des locaux dans lesquelles elles étaient exploitées illégalement. 
 
B.- L'Association et Y.________ SA ont recouru au Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif) contre la décision prise le 1er février 2001 par le Département cantonal. Elles ont demandé que cette décision soit annulée et que l'Association soit autorisée à exploiter les machines "Bonheur" et "Vidéo Bonheur". Elles ont requis la restitution de l'effet suspensif. Elles ont notamment fait valoir que les machines en cause étaient des jeux d'adresse autorisés et non pas des jeux de hasard prohibés. 
 
Par décision du 9 mars 2001, le Vice-Président du Tribunal administratif (ci-après: le Vice-Président) a rejeté la requête de mesures provisionnelles. Après avoir indiqué qu'il traiterait la demande de restitution de l'effet suspensif comme une requête de mesures provisionnelles, il a relevé que les intéressées n'étaient au bénéfice d'aucune autorisation d'exploiter les jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" et qu'elles ne pouvaient pas obtenir l'autorisation sollicitée par le biais d'une décision sur mesures provisionnelles. En effet, un tel octroi équivaudrait à l'admission du recours sur le fond. En outre, les intérêts publics protégés par la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeu (loi sur les maison de jeu; LMJ; RS 935. 52) l'emportaient sur l'intérêt de l'Association et de Y.________ SA à exploiter les appareils "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" sans être au bénéfice d'une autorisation ad hoc et sans que ces appareils aient été homologués conformément à la loi sur les maisons de jeu. 
 
C.- L'Association et Y.________ SA ont déposé au Tribunal fédéral un recours de droit administratif (n° 2A.147/2001) et un recours de droit public (n° 2P.107/2001) contre la décision prise le 9 mars 2001 par le Vice-Président. 
Dans les deux recours, elles concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision attaquée. Dans le recours de droit administratif, elles demandent en outre au Tribunal fédéral d'ordonner que les effets de la décision entreprise soient suspendus jusqu'à droit jugé par le Tribunal administratif sur le recours et, par conséquent, d'autoriser l'exploitation par l'Association des machines "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" jusqu'à droit jugé sur le fond par le Tribunal administratif. Dans le recours de droit public, elles demandent encore au Tribunal fédéral de renvoyer la cause "au Tribunal administratif" afin qu'il statue dans le sens des considérants. Dans le recours de droit administratif, les recourantes se plaignent de violation de la liberté économique ainsi que des principes de la proportionnalité et de l'égalité. 
Dans le recours de droit public, elles reprochent à l'autorité intimée d'avoir violé "la liberté du commerce et de l'industrie" ainsi que le principe de l'interdiction de l'arbitraire. 
 
Le Tribunal administratif a répondu hors délai au recours de droit administratif et a déclaré qu'il n'avait pas d'observations à formuler sur le recours de droit public. Le Département cantonal conclut, sous suite de frais, au rejet des recours dans la mesure où ils sont recevables. 
 
Au nom du Département fédéral de justice et police, la Commission fédérale des maisons de jeu (ci-après: la Commission fédérale) propose de rejeter le recours de droit administratif. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42; 126 II 506 consid. 1 p. 507). 
b) Les recourantes ont déposé un recours de droit administratif et un recours de droit public contre la même décision. Comme les deux recours reposent sur le même état de fait et développent des argumentations en grande partie semblables, il se justifie de joindre les causes par économie de procédure et de statuer sur les mérites des deux recours dans un seul et même arrêt. 
 
Vu le caractère subsidiaire du recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ), il convient d'examiner d'abord si la voie du recours de droit administratif est ouverte. Si tel est le cas, le recours de droit public est exclu. 
 
2.- La décision attaquée est une décision incidente prise en dernière instance cantonale et portant sur des mesures provisionnelles. 
 
a) Les décisions incidentes portant sur des mesures provisionnelles sont attaquables séparément par la voie du recours de droit administratif si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 97 OJ en relation avec les art. 5 et 45 al. 1 et 2 lettre g PA). Dans la procédure du recours de droit administratif, un pur intérêt de fait, en particulier économique, est suffisant pour qu'on admette un intérêt digne de protection, c'est-à-dire pour qu'on reconnaisse un risque de préjudice irréparable (ATF 127 II 132 consid. 2a p. 136). Cette condition est incontestablement remplie en l'espèce, puisque la décision entreprise refuse, durant la procédure de recours cantonal, l'exploitation par les intéressées des jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur", source de gains. 
 
b) Le recours de droit administratif n'est recevable contre des décisions incidentes que s'il est ouvert contre la décision finale (art. 101 lettre a OJ a contrario). Cette exigence est satisfaite dans le cas particulier. En effet, le recours de droit administratif serait en principe recevable contre la décision finale, dans la mesure où elle se fonderait sur la loi sur les maisons de jeu. 
 
c) Selon l'art. 97 al. 1 OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie du recours de droit administratif n'est ouverte que contre les décisions fondées sur le droit public fédéral - ou qui auraient dû l'être. Il faut donc que le droit public de la Confédération représente la base ou l'une des bases sur lesquelles repose la décision entreprise. En l'espèce, la décision attaquée a été prise sur la base du droit cantonal, plus particulièrement de l'art. 21 (et non pas 22, comme dit à la p. 6 de la décision entreprise) de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative. La loi fédérale sur la procédure administrative n'est applicable à la procédure devant les autorités cantonales de dernière instance, qui statuent sur la base du droit public fédéral, que pour autant que l'art. 1 al. 3 PA le prévoie expressément; l'art. 56 PA, qui traite des mesures provisionnelles, n'est pas mentionné à l'art. 1 al. 3 PA. Dès lors se pose la question de savoir si le recours de droit administratif est recevable à l'encontre de la décision attaquée, prise en application du droit genevois de procédure. 
 
 
D'après la jurisprudence, la voie du recours de droit administratif est exceptionnellement ouverte lorsqu'une décision fondée exclusivement sur le droit cantonal de procédure a été prise au cours d'une procédure portant sur un objet relevant du droit administratif fédéral. Il faut pour cela que l'application du droit cantonal complique à l'excès ou empêche l'application du droit fédéral matériel et viole en définitive le droit fédéral. Tel est par exemple le cas si, sur la base d'une disposition du droit cantonal de procédure, l'autorité cantonale n'entre pas en matière sur un recours et par conséquent n'examine pas une éventuelle violation du droit fédéral. Le moyen tiré de ce que l'application du droit cantonal de procédure aboutirait en quelque sorte à un déni de justice doit alors être soulevé par la voie du recours de droit administratif (ATF 123 I 275 consid. 2c p. 277). De même, le Tribunal fédéral entre en matière sur un recours de droit administratif qui s'en prend à la décision d'une autorité cantonale de dernière instance refusant l'effet suspensif si cela revient à préjuger notablement de la décision finale, c'est-à-dire si la décision incidente est en elle-même marquée par l'interprétation de la norme de droit fédéral déterminante pour la décision au fond (ATF 107 Ib 395 consid. 1a p. 397/398). Ainsi, le recours de droit administratif est toujours recevable s'il existe un rapport suffisamment étroit entre la décision de procédure fondée sur le droit cantonal et les questions, relevant du droit fédéral matériel, qui se posent sur le fond (ATF 123 I 275 consid. 2b p. 277). La décision attaquée empêche l'exploitation par les recourantes des jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur", objet de la procédure au fond, pendant la procédure de recours cantonal. Cela pourrait en définitive porter atteinte au droit fédéral. Il convient donc d'admettre en l'espèce la voie du recours de droit administratif. 
 
 
d) Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi, le recours de droit administratif est en principe recevable au regard des art. 97 ss OJ. En particulier, il ne tombe pas sous le coup des exceptions mentionnées à l'art. 99 al. 1 lettre e OJ qui exclut le recours de droit administratif notamment contre l'octroi ou le refus d'autorisations de mettre en service des installations techniques. 
Cette notion comprend les dispositifs servant à un but déterminé et dont la fabrication et l'usage exigent des connaissance spéciales; il peut s'agir d'appareils mobiles ou d'aménagements fixes de grandes dimensions (ATF 103 Ib 152 consid. 2 p. 153; arrêt non publié du 24 novembre 1999 en la cause X. SA et A. c. FR, Tribunal administratif et Service de la police du commerce et des établissements publics, consid. 1b). Il n'est pas nécessaire de rechercher si les appareils en cause ici entrent ou non dans cette catégorie. La restriction posée par l'art. 99 al. 1 lettre e OJ ne se rapporte en effet qu'au fonctionnement technique de l'installation (ATF 121 II 156 consid. 2d p. 157). Le recours de droit administratif est en revanche ouvert lorsque la décision est fondée sur des raisons qui ne sont pas principalement de nature technique (ATF 104 Ib 123 consid. 1a p. 124; arrêt précité du 24 novembre 1999, consid. 1b). En l'espèce, le litige porte sur l'exploitation d'appareils autorisés avant l'entrée en vigueur de la loi sur les maisons de jeu, question qui ne relève pas de la technique. 
 
 
Dès lors, le recours de droit public est irrecevable. 
 
Au demeurant, le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 104 lettre a OJ) et cette notion inclut, dans les domaines qui relèvent de la juridiction administrative fédérale, les droits constitutionnels des citoyens (ATF 124 II 132 consid. 2a p. 137). 
 
3.- Les intéressées ayant recouru au Tribunal administratif contre un refus d'autorisation, soit contre une décision négative, c'est à juste titre que l'autorité intimée a traité leur demande de restitution de l'effet suspensif comme une requête de mesures provisionnelles (ATF 117 V 185 consid. 
Ib p. 188; Fritz Gygi, L'effet suspensif et les mesures provisionnelles en procédure administrative, in RDAF 1976 p. 217 ss, p. 227; cf. aussi Blaise Knapp, Précis de droit administratif, 4e éd., Bâle 1991, n° 1079, p. 242, et n° 2081, p. 430). 
Il incombe à l'autorité qui doit statuer sur l'octroi ou le refus de mesures provisionnelles d'examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles qui justifient le report de son exécution. Elle doit donc respecter le principe de la proportionnalité. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, elle n'est pas tenue de procéder à des investigations complémentaires; elle peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b p. 191). Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. Elle ne doit pas préjuger de la décision finale ni la rendre inefficace (ATF 119 V 503 consid. 3 p. 506). L'issue probable de la procédure au fond n'entre en considération que si elle ne fait pas de doute (ATF 106 Ib 115 consid. 2a p. 116). Il en va de même pour le Tribunal fédéral qui se limite à un examen provisoire du dossier, lorsqu'il est saisi d'un recours de droit administratif contre une décision incidente concernant des mesures provisionnelles. 
Pour le surplus, le Tribunal fédéral examine seulement si l'autorité intimée a commis un excès ou un abus de son pouvoir d'appréciation et n'annule sa décision que si elle a omis de tenir compte d'intérêts importants ou les a appréciés de façon erronée (arrêt non publié du 11 novembre 1998 en la cause M. contre Commission de recours du Département fédéral de l'économie publique, consid. 2a). 
 
4.- Les recourantes soutiennent que la décision attaquée viole leur liberté économique ainsi que les principes de proportionnalité et d'égalité. 
 
Selon l'art. 27 al. 1 Cst. , la liberté économique est garantie; elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Berne 2000, n. 584, p. 307; Jörg Paul Müller, Grundrechte in der Schweiz, 3e éd., Berne 1999, p. 644). 
 
Par ailleurs, la décision prise le 1er février 2001 par le Département cantonal que les intéressées ont attaquée devant le Tribunal administratif se fonde notamment sur la loi sur les maisons de jeu, qui a pour but d'assurer une exploitation des jeux sûre et transparente (art. 2 al. 1 lettre a LMJ), d'empêcher la criminalité et le blanchiment d'argent dans les maisons de jeu ou par leur intermédiaire (art. 2 al. 1 lettre b LMJ) et de prévenir les conséquences socialement dommageables du jeu (art. 2 al. 1 lettre c LMJ). 
 
 
a) Les recourantes prétendent que les appareils "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" ne sont pas des jeux de hasard prohibés. Elles font valoir qu'ils ont été homologués comme jeux d'adresse les 5 avril et 19 juin 1995 sous l'empire de l'ancienne législation sur les maisons de jeu, que ces homologations sont encore valables et qu'aucune décision formelle n'a qualifié depuis lors ces jeux de jeux de hasard. 
 
Les recourantes ne sauraient se prévaloir d'une absence de décision qu'il leur incombe de solliciter. L'art. 58 al. 1 de l'ordonnance du 23 février 2000 sur les jeux de hasard et les maisons de jeu (ordonnance sur les maisons de jeu; OLMJ; RS 935. 521) dispose que toute personne qui entend exploiter un appareil à sous servant à des jeux d'adresse ou de hasard (appareil à sous) doit, avant sa mise en exploitation, le présenter à la Commission fédérale. Il faut rappeler ici que l'entrée en vigueur de la loi sur les maisons de jeu, le 1er avril 2000, a abrogé la loi fédérale du 5 octobre 1929 sur les maisons de jeu (RS 10 p. 270 ss) et l'ordonnance du 1er mars 1929 concernant l'exploitation des jeux dans les kursaals (RS 10 p. 273 ss) sur la base desquelles les jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" avaient été homologués comme jeux d'adresse. En outre, il ressort d'un communiqué du Département cantonal du 1er septembre 2000 sur les automates de jeu à points atypiques, publié dans la Feuille d'Avis Officielle du canton de Genève du 13 septembre 2000, que toute exploitation de machines à sous en dehors du casino est interdite dans le canton de Genève. Lorsque Y.________ SA a acquis les appareils litigieux, elle-même et l'Association n'avaient aucune autorisation de les exploiter; si les intéressées entendaient les exploiter en dehors du casino, elles devaient solliciter de la Commission fédérale leur homologation en tant que jeux d'adresse. L'absence de décision formelle de la Commission fédérale ne permet pas d'inférer que les jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" pourraient être encore considérés comme des jeux d'adresse sous l'empire de la nouvelle législation en matière de maisons de jeu. Il résulte en effet d'une lettre adressée à la Fondation le 10 août 2000 par la Commission fédérale que les jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" sont des jeux de hasard au sens de la loi sur les maisons de jeu. En outre, par courriers des 15 février et 5 mars 2001, la Commission fédérale a confirmé que les jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" étaient exploités illégalement et a précisé qu'une seule demande d'homologation pour un appareil servant aux jeux d'adresse avait été présentée, et d'ailleurs rejetée, et qu'aucun appareil servant aux jeux d'adresse au sens de l'art. 3 al. 3 LMJ n'existait en Suisse. 
 
Pour le surplus, c'est en vain que les recourantes invoquent la circulaire de la Commission fédérale du 29 mai 2000 relative notamment au changement de détenteur de l'autorisation d'exploiter des appareils à sous servant aux jeux d'argent. En effet, ladite circulaire subordonne la transmissibilité de l'autorisation d'exploiter de tels appareils à leur exploitation régulière sans interruption. Or, les intéressées n'ont jamais bénéficié d'une autorisation cantonale d'exploiter les automates en cause ici. Ces derniers n'ont donc plus été exploités régulièrement depuis le 1er janvier 2001. 
 
b) Les recourantes font également valoir que la poursuite de l'exploitation des jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" serait possible, à teneur de l'art. 60 LMJ, s'ils devaient être considérés comme des jeux de hasard. L'art. 60 LMJ dispose: 
 
"1Les appareils à sous servant à des jeux d'adresse 
homologués d'après la pratique en vigueur qui sont 
considérés comme des appareils servant à des jeux de 
hasard au sens de la nouvelle législation ne pourront 
désormais plus être exploités que dans les 
grands casinos et les casinos. 
 
2En dehors des établissements précités, les cantons 
pourront autoriser, dans un délai de cinq ans à 
compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, 
la continuation de l'exploitation d'un maximum de 
cinq des appareils mentionnés à l'al. 1 dans les 
restaurants et autres locaux pour autant que ces appareils 
aient été mis en exploitation avant le 1er 
novembre 1997. 
 
3Après l'expiration de ce délai, seuls les appareils 
à sous servant aux jeux d'adresse au sens de la présente 
loi pourront encore être exploités dans les 
restaurants et autres locaux.. " 
 
Comme l'art. 60 al. 2 LMJ le précise expressément, seuls les cantons sont compétents pour autoriser, dans certaines limites, la continuation de l'exploitation des appareils servant aux jeux de hasard en dehors des casinos. Or, il ressort du communiqué précité du 1er septembre 2000 que, dans le canton de Genève, l'exploitation de machines à sous en dehors du casino est interdite. Cette interdiction est conforme à l'art. 14 al. 1 lettre e de la loi genevoise du 27 octobre 1923 sur l'exercice des professions ou industries permanentes, ambulantes ou temporaires, selon lequel les distributeurs automatiques basés sur le jeu d'argent sont interdits. 
A cet égard, le canton de Genève a toujours eu une pratique restrictive. Il convient de rappeler que c'est à titre tout à fait exceptionnel et à la suite d'interventions de l'Office fédéral de la police que le Département cantonal avait fini par autoriser à titre temporaire et sous certaines conditions précises l'exploitation des jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" dans des établissements publics. Le refus d'accorder des autorisations cantonales d'exploiter des appareils servant aux jeux de hasard hors des casinos s'inscrit donc dans la ligne de la politique cantonale adoptée en la matière. 
D'ailleurs, cette politique ne peut qu'être confortée par le courrier que le Département de psychiatrie des Hôpitaux Universitaires de Genève a adressé le 1er décembre 2000 au Département cantonal et dans lequel il est indiqué que plus l'offre de jeu est grande, plus le nombre de personnes souffrant de la "maladie du jeu" est grand. 
 
c) aa) Dans la pesée des intérêts en présence à laquelle elle devait procéder, l'autorité intimée n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation ni violé le principe de la proportionnalité en retenant que l'intérêt public au refus d'une autorisation provisoire d'exploiter les jeux litigieux l'emportait sur l'intérêt privé des recourantes à l'exercice d'une activité économique. Compte tenu des objectifs poursuivis par la loi sur les maisons de jeu, de la politique restrictive du canton de Genève dans ce domaine et du caractère exceptionnel des autorisations temporaires délivrées intuitu personae à la Fondation, il se justifiait de refuser aux recourantes l'autorisation d'exploiter les appareils litigieux pendant la procédure de recours cantonal et d'éviter de perpétuer un régime d'exception qui n'est plus conforme au droit fédéral, ni au droit cantonal. 
 
bb) Les recourantes ne peuvent pas se prévaloir du principe de l'égalité pour poursuivre l'exploitation des jeux litigieux dans la mesure où le régime légal a été modifié. 
Les autorisations délivrées à titre exceptionnel à la Fondation ne peuvent plus être octroyées depuis l'entrée en vigueur de la loi sur les maisons de jeu; cinq appareils au maximum pourraient être laissés temporairement en exploitation, conformément à l'art. 60 al. 2 LMJ. Or, comme on l'a vu (cf. 
lettre b, ci-dessus), seuls les cantons sont compétents pour délivrer de telles autorisations et le canton de Genève a décidé de refuser toute exploitation de machines à sous en dehors du casino. Ce refus aurait assurément été opposé à la Fondation, si elle n'avait pas cessé ses activités, comme il l'a d'ailleurs été à une société qui avait sollicité le 14 décembre 2000 l'autorisation d'exploiter les jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur". 
 
d) Les moyens que les intéressées tirent de prétendues violations de la liberté économique ainsi que des principes de la proportionnalité et de l'égalité ne sont donc pas fondés. 
 
5.- Les recourantes reprochent à l'autorité intimée d'être tombée dans l'arbitraire, soit d'avoir excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation, en refusant à l'Association l'autorisation d'exploiter les appareils litigieux sans tenir compte du fait que les jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" avaient été régulièrement exploités depuis 1995. 
 
Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou qu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de l'autorité intimée apparaît concevable, voire préférable. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité intimée que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, pour qu'une décision soit annulée, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 125 I 166 consid. 2a p. 168). La nouvelle Constitution n'a pas amené de changement à cet égard (ATF 126 I 168 consid. 3a p. 170). 
 
Les recourantes se bornent à faire valoir que la décision litigieuse leur apparaît manifestement choquante, sans développer de motivation topique. Elles n'exposent pas en quoi cette décision serait insoutenable, ne se fonderait pas sur des motifs objectifs ou violerait un droit certain. A cet égard, le grief d'arbitraire paraît insuffisamment motivé. 
Même s'il était recevable, il serait infondé. En effet, la décision entreprise fait clairement état de l'absence en faveur des recourantes de toute autorisation d'exploiter les jeux litigieux, des modifications apportées par la loi sur les maisons de jeu dans le régime des autorisations et de la politique stricte du canton de Genève en la matière; de plus, elle expose de manière convaincante la prépondérance des intérêts publics en jeu sur les intérêts privés des recourantes. 
 
6.- Vu ce qui précède, le recours de droit administratif doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Le recours de droit public est irrecevable. 
 
Succombant, les recourantes doivent supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'ont pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Prononce la jonction des causes 2A.147/2001 et 2P.107/2001. 
 
2. Rejette le recours de droit administratif dans la mesure où il est recevable. 
 
3. Déclare le recours de droit public irrecevable. 
 
4. Met à la charge des recourantes un émolument judiciaire de 3'500 fr. 
 
5. Communique le présent arrêt en copie au mandataire des recourantes, au Département de justice et police et des transports et au Vice-Président du Tribunal administratif du canton de Genève, ainsi qu'au Département fédéral de justice et police. 
____________ 
Lausanne, le 31 juillet 2001 DAC/elo 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Juge présidant, 
 
La Greffière,