2C_196/2023 07.02.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_196/2023  
 
 
Arrêt du 7 février 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, 
Hänni, Hartmann et Ryter. 
Greffier : M. Jeannerat. 
 
Participants à la procédure 
1. Association patronale A.________, 
2. Association B.________ - Section Vaud, 
toutes les deux représentées par Maîtres Luc Pittet et Agnès Dubey, avocats, 
recourantes, 
contre  
1. C.________ Sàrl, 
2. D.________ SA,  
3. E.________ SA, 
4. F.________ SA, 
5. G.________ SA, 
toutes les cinq représentées par 
Me Bertrand Reich, avocat, 
intimées, 
Direction générale des immeubles et du patrimoine du canton de Vaud, Direction de l'architecture et de, l'ingénierie, place de la Riponne 10, 1014 Lausanne, 
autorité intimée. 
 
Objet 
Marchés publics, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton 
de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 24 février 2023 (MPU.2023.0002). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 27 août 2020, la Direction générale des immeubles et du patrimoine de l'Etat de Vaud (DGIP; ci-après: la Direction générale) a publié sur la plate-forme "simap" un concours de projets pour le Gymnase du Chablais à Aigle. Elle précisait chercher un système constructif en bois présentant un caractère prototypique, étant précisé que celui-ci serait appliqué dans un premier temps au Gymnase du Chablais, mais destiné par la suite à plusieurs établissements d'enseignement obligatoire. A une date indéterminée, les lauréats du concours ont été désignés. 
 
B.  
Le 9 janvier 2023, la Direction générale a publié sur la plate-forme "simap" les décisions d'adjudication de gré à gré suivantes, lesquelles avaient été rendues le 19 décembre 2022 en lien avec la construction d'un autre gymnase, à savoir le Gymnase d'Echallens: 
 
- adjudication de gré à gré de prestations d'architecte à C.________ Sàrl à U.________ (GE) pour un prix total de 4'736'400 fr. avec 7,7% de TVA; 
- adjudication de gré à gré de prestations d'ingénieur à D.________ SA au V.________ (VD) pour un prix total de 738'800 fr. avec 7,7% de TVA; 
- adjudication de gré à gré d'autres prestations d'ingénieur dites CVCS-MCR-Sméo à E.________ SA à W.________ (VD) pour un prix total de 1'186'500 fr. avec 7,7% de TVA; 
- adjudication de gré à gré de prestations d'ingénieur civil à F.________ SA à X.________ (GE) pour un prix total de 1'051'500 fr. avec 7,7% de TVA; 
- adjudication de gré à gré de prestations d'ingénieur à G.________ SA à Y.________ (VD) pour un prix total de 883'110 fr. avec 7,7% de TVA. 
 
La Direction générale exposait dans ses différentes publications que les adjudicataires susmentionnés étaient les lauréats du concours du Gymnase du Chablais, concours dans le cadre duquel ils avaient rendu un dossier en décembre 2022, tout en remettant à la même période un dossier d'avant-projet pour le Gymnase d'Echallens reposant sur des exigences identiques. L'offre d'honoraires des adjudicataires pour ce second gymnase tenait compte des conditions contractuelles négociées pour le premier bâtiment, des synergies identifiées entre les deux projets et d'une réduction substantielle des heures à prestations égales. Le fait que la réalisation des deux projets soit assurée par les mêmes mandataires renforcerait en outre la probabilité que les deux ouvrages soient livrés à temps en fonction des oppositions rencontrées. 
Par acte du 19 janvier 2023, l'Association B.________ - Section Vaud et l'Association patronale A.________ ont déposé auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal de l'Etat de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) un recours commun contre les cinq décisions d'adjudication de gré à gré du 19 décembre 2022 susmentionnées. Les deux associations concluaient à l'annulation desdites décisions et demandaient que les prestations de service adjugées de gré à gré en lien avec la construction du Gymnase d'Echallens fassent l'objet de procédures conformes à la législation en matière de marchés publics. 
Par arrêt du 24 février 2023, le Tribunal cantonal a déclaré irrecevable le recours précité pour défaut de qualité pour recourir. 
 
C.  
Par acte du 29 mars 2023, l'Association patronale A.________ (ci-après: la recourante 1) et l'Association B.________ - Section Vaud (ci-après: la recourante 2), agissant par l'intermédiaire de leurs mandataires communs, déposent devant le Tribunal fédéral à la fois un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 24 février 2023. Prenant les mêmes conclusions pour les deux recours, les deux associations recourantes demandent tout d'abord, à titre préalable, l'octroi de l'effet suspensif à leur recours, de même que l'interdiction provisoire, pour l'Etat de Vaud, de conclure tout contrat avec les sociétés adjudicataires des prestations de service liées à la construction du Gymnase d'Echallens. Sur le fond, elles concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour examen sur le fond de leur recours formé contre les cinq décisions d'adjudication de gré à gré rendues par la Direction générale. 
Par ordonnance du 21 avril 2023, la Présidente de la Cour de céans a rejeté la demande d'effet suspensif formulée par les recourantes. 
Le Tribunal cantonal a déposé des observations sur les deux recours déposés. Il en va de même des sociétés intimées et de la Direction générale, lesquelles concluent à l'irrecevabilité du recours en matière de droit public et au rejet du recours constitutionnel subsidiaire. 
Les recourantes ont répliqué. 
Par courriers des 2 et 11 août 2023, les sociétés intimées et la Direction générale ont informé la Cour de céans de la conclusion des contrats découlant des adjudications de gré à gré contestées devant le Tribunal fédéral. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement et avec une pleine cognition la recevabilité des recours portés devant lui (ATF 141 II 113 consid. 1; 140 I 252 consid. 1). 
 
1.1. Les recourantes ont déposé, dans la même écriture (cf. art. 119 al. 1 LTF), un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire contre l'arrêt d'irrecevabilité du Tribunal cantonal du 24 février 2023 leur déniant la qualité pour recourir contre cinq décisions d'adjudication de gré à gré rendues par la Direction générale en date du 19 décembre 2022. Dans la mesure où la voie du recours constitutionnel subsidiaire n'est ouverte que si la décision attaquée ne peut faire l'objet d'aucun recours ordinaire au Tribunal fédéral (cf. art. 113 LTF), il convient d'examiner en premier lieu si le recours en matière de droit public est recevable en la cause, étant précisé que l'arrêt attaqué, qui concerne une problématique de marchés publics, a été rendu dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF).  
 
1.2. En vertu de l'art. 83 let. f LTF, le recours en matière de droit public n'est recevable, dans le domaine des marchés publics, qu'à la double condition que la décision attaquée soulève une question juridique de principe (ch. 1) et que la valeur estimée du marché à adjuger ne soit pas inférieure à la valeur seuil déterminante visée à l'art. 52 al. 1 de la loi fédérale du 21 juin 2019 sur les marchés publics (LMP; RS 172.056.1) et fixée à l'annexe 4 ch. 2 de cette même loi (ch. 2). Ces deux conditions, qui sont cumulatives (ATF 141 II 14 consid. 1.2), valent également pour les décisions d'irrecevabilité rendues par les autorités précédentes (cf. ATF 137 I 371 consid. 1.1).  
En l'occurrence, les cinq adjudications de gré à gré litigieuses sur le fond, contre lesquelles les recourantes ont recouru devant le Tribunal cantonal, portent sur des prestations de service d'architecte ou d'ingénieur en lien avec la construction d'un gymnase pour un montant se situant à chaque fois entre 738'800 fr. et 4'736'400 fr. Ces montants dépassent donc largement les valeurs seuils de 150'000 fr. et 230'000 fr. fixées à l'art. 52 al. 1 et à l'annexe 4 ch. 2 LMP applicables, respectivement, aux marchés sur invitation et aux procédures ouvertes ou sélectives en lien avec la fourniture de services. 
 
1.3. Reste à examiner si les recourantes soulèvent une question juridique de principe devant le Tribunal fédéral au sens de l'art. 83 let. f ch. 1 LTF.  
 
1.3.1. La jurisprudence se montre restrictive pour admettre l'existence d'une question juridique de principe (ATF 141 II 113 consid. 1.4; 138 I 143 consid 1.1.2), étant précisé qu'il appartient en premier à la partie recourante de démontrer en quoi son affaire porte sur une telle question, sous peine d'irrecevabilité (cf. art. 42 al. 2 LTF; ATF 141 II 14 consid. 1.2), à moins que ce point ne s'impose avec évidence (cf. ATF 140 I 285 consid. 1.1.2). L'existence d'une question juridique de principe s'apprécie en fonction de l'objet du litige soumis au Tribunal fédéral. Ainsi, la question juridique formulée par la partie recourante doit être en lien avec les motifs qui ont fondé la décision attaquée (ATF 146 II 276 consid. 1.2.1). Pour que l'existence d'une question juridique de principe soit admise, il ne suffit pas que celle-ci n'ait encore jamais été tranchée par le Tribunal fédéral. Il faut encore qu'il soit nécessaire, pour résoudre le cas d'espèce, de trancher une question juridique qui donne lieu à une incertitude caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral, en tant qu'autorité judiciaire suprême chargée de dégager une interprétation uniforme du droit fédéral. Ainsi, lorsque le litige soulevé ne concerne que l'application de principes jurisprudentiels à un cas particulier, il ne peut être qualifié de question juridique de principe (cf. ATF 146 II 276 consid. 1.2.1; 145 I 239 consid. 4.3; 143 II 425 consid. 1.2; 141 II 113 consid. 1.4.1). S'agissant spécifiquement de l'art. 83 let. f ch. 2 LTF, il faut en outre que la question juridique en cause présente un lien avec le domaine des marchés publics (ATF 141 II 113 consid. 1.4.1; arrêt 2C_951/2019 du 16 juillet 2020 consid. 1.3.2).  
 
1.3.2. En l'occurrence, l'arrêt attaqué déclare irrecevable le recours que les recourantes ont formé devant le Tribunal cantonal contre cinq décisions d'adjudication de gré à gré rendues par la Direction générale en lien avec la construction d'un bâtiment scolaire. L'autorité précédente a estimé que ces associations professionnelles, qui prétendaient recourir dans l'intérêt de leurs membres, n'avaient pas qualité pour recourir en la cause. Elle leur reproche de n'avoir pas rendu vraisemblable qu'une majorité ou, du moins, une grande partie des ingénieurs et architectes qui les composent aurait non seulement été capable, mais également disposée à déposer des offres pour les marchés en cause, dans l'hypothèse où des procédures de soumission ouvertes auraient été organisées, et de n'avoir ainsi pas démontré que les membres en question auraient eu eux-mêmes qualité pour recourir individuellement contre les cinq adjudications contestées. Ce faisant, le Tribunal cantonal a combiné deux jurisprudences fédérales: une première qui fixe le principe selon lequel une association ne peut recourir contre une décision dans l'intérêt de ses membres - soit déposer un "recours corporatif égoïste" - que si, entre autres conditions, une majorité ou, du moins, un grand nombre de ceux-ci auraient eu eux-mêmes qualité pour recourir contre la décision attaquée (cf. ATF 145 V 128 consid. 2.2; 142 II 80 consid. 1.4.2), et une autre d'après laquelle une entreprise ne peut contester une adjudication de gré à gré que pour autant qu'elle soit apte à déposer une offre pour le marché en question et qu'elle envisage véritablement d'en déposer une en cas d'admission de son recours (cf. ATF 137 II 313 consid. 3.3.2, confirmé, sur ce point récemment, par l'arrêt 2C_50/2022 du 6 novembre 2023 consid. 5.3, destiné à publication; infra aussi consid. 4.2). Il n'en reste pas moins que, comme le relèvent les recourantes, le Tribunal fédéral ne s'est encore jamais prononcé sur la possibilité ou non des associations professionnelles de recourir contre des décisions d'attribution de marchés publics et, en particulier, contre des adjudications de gré à gré; dans ce domaine, il n'a été saisi que de recours corporatifs égoïstes dirigés directement contre des actes normatifs cantonaux (cf. p. ex. arrêt 2C_661/2019 du 17 mars 2021 consid. 1.4.1). Quant aux diverses autorités judiciaires précédant le Tribunal fédéral, elles ne suivent apparemment pas de pratique uniforme à ce sujet (cf. les différentes jurisprudences cantonales citées dans MANUEL JAQUIER, Le "gré à gré exceptionnel" dans les marchés publics, 2018, n. 813 ss), étant précisé que le Tribunal cantonal reconnaît lui-même avoir, par le passé, admis la qualité pour recourir des associations professionnelles recourantes contre des adjudications de gré à gré, contrairement à ce qu'il a fait dans l'arrêt attaqué (cf. arrêt attaqué consid. 2b). Cette situation d'insécurité juridique, du reste relevée par la doctrine (cf. en particulier ETIENNE POLTIER, Droit des marchés publics, 2023, n. 840), représente un risque pour l'interprétation uniforme du droit en Suisse et justifie d'admettre que la présente cause soulève un problème juridique de principe au sens de l'art. 83 let. f ch. 1 LTF.  
 
1.4. Pour le surplus, l'arrêt attaqué, en tant qu'il refuse d'entrer en matière sur un recours que les recourantes ont interjeté contre cinq décisions d'adjudication de gré à gré rendues par la Direction générale, met fin auxdites procédures d'adjudication, qui n'ont été contestées par aucun autre tiers. Il s'agit donc d'une décision finale rendue en dernière instance cantonale par une autorité judiciaire supérieure susceptible d'être attaquée par la voie du recours en matière de droit public au Tribunal fédéral (cf. art. 86 al. 1 let. d et al. 2 et 90 LTF). Par ailleurs, le présent recours a été interjeté par les deux associations professionnelles destinataires de l'arrêt attaqué, qui disposent d'un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (cf. art. 89 al. 1 LTF), dans la mesure où il s'agit de déterminer si c'est à juste titre que l'instance précédente a déclaré leur recours irrecevable (cf. arrêt 2C_752/2022 du 16 mais 2023 consid. 1.1 et la jurisprudence citée). Le fait que les marchés litigieux aient finalement déjà conduit à la conclusion de contrats après le dépôt du présent recours, pour lequel aucun effet suspensif n'a été accordé, n'y change rien. Il est admis que les parties recourantes conservent, dans de telles situations, un intérêt actuel à faire constater l'illicéité des adjudications qu'elles contestent, pour autant qu'elles aient initialement eu la qualité pour recourir contre celles-ci, ce qu'il convient précisément d'examiner en la cause (cf. notamment art. 9 al. 3 de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché intérieur [LMI; RS 943.02]; aussi ATF 137 II 313 consid. 1.2.2; 131 I 153 consid. 1.2; 125 II 86 consid. 5b).  
 
1.5. Sur le vu de ce qui précède, le recours en matière de droit public, qui a été déposé en temps utile (cf. art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF), est recevable, ce qui entraîne l'irrecevabilité du recours constitutionnel subsidiaire déposé parallèlement par les recourantes (cf. art. 113 LTF a contrario).  
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, il n'examine la violation de droits fondamentaux, ainsi que celle de droits constitutionnels cantonaux ou du droit intercantonal, que si de tels griefs ont été invoqués et motivés par la partie recourante, c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de façon claire et détaillée (ATF 142 III 364 consid. 2.4; 141 I 36 consid. 1.3; 135 III 232 consid. 1.2). Quant à un éventuel grief de violation du droit cantonal - non constitutif d'un droit constitutionnel -, il ne peut en principe pas être soulevé dans un recours devant le Tribunal fédéral. En revanche, il est toujours possible de faire valoir que l'application du droit cantonal est arbitraire ou qu'elle constitue une violation du droit fédéral (cf. ATF 142 II 369 consid. 2.1; 140 III 385 consid. 2.3).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 142 II 355 consid. 6; 139 II 373 consid. 1.6).  
 
3.  
En l'occurrence, le Tribunal cantonal a déclaré irrecevable le recours des associations recourantes pour défaut de qualité pour recourir en application de l'art. 75 let. a de la loi vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA-VD; RS/VD 173.36), qu'il a interprété en combinaison avec l'art. 89 al. 1 LTF. Il a retenu que, selon la jurisprudence rendue en lien avec ces dispositions, les associations de droit privé n'étaient en principe pas autorisées à former un recours contre des décisions qui, comme en l'espèce, ne les touchaient pas directement. Une exception à ce principe n'était admise que lorsque l'association recourante avait pour but statutaire la défense des intérêts dignes de protection de ses membres, que ces intérêts étaient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre desdits membres et, enfin, que ces derniers auraient eux-mêmes joui de la qualité pour s'en prévaloir à titre individuel et, partant, auraient disposé de la qualité pour recourir contre l'acte attaqué. Selon le Tribunal cantonal, cette toute dernière condition ne serait pas remplie en l'espèce, car rien ne permettrait de retenir que la majorité des membres des associations professionnelles recourantes - ou du moins une grande partie d'entre eux - auraient eu qualité pour recourir à titre individuel en la cause. En effet, les associations intéressées n'avaient pas allégué, ni à plus forte raison démontré que la majorité ou au moins une grande partie de leurs membres auraient pu et voulu participer aux marchés concernés dans l'hypothèse ou des procédures d'appel d'offres auraient été ouvertes. 
 
4.  
Les recourantes prétendent en premier lieu qu'en déclarant leur recours irrecevable, l'arrêt attaqué violerait l'art. 89 al. 1 LTF et la jurisprudence fédérale y relative. 
 
4.1. Aux termes de l'art. 111 al. 1 LTF, la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. Dès le premier échelon et à tous les niveaux de la procédure cantonale, les conditions pour être partie ne peuvent ainsi pas être appliquées de manière plus restrictive qu'elles ne le sont pour recourir devant le Tribunal fédéral, étant précisé que les cantons demeurent libres de concevoir cette qualité de manière plus large (ATF 144 I 43 consid. 2.1; 138 II 162 consid. 2.1.1). Or, en vertu de l'art. 89 al. 1 LTF, tout particulier a qualité pour former un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral lorsqu'il a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision attaquée (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). Pour satisfaire aux critères de l'art. 89 al. 1 LTF, la partie recourante doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation. Elle doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'elle est touchée dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général, de manière à exclure l'action populaire (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1; 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3; 133 II 249 consid. 1.3.1). Il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits propres à fonder sa qualité pour agir lorsqu'ils ne ressortent pas à l'évidence de la décision attaquée ou du dossier de la cause (ATF 139 II 499 consid. 2.2; 133 II 249 consid. 1.1).  
 
4.2. Appliquée au domaine des marchés publics, cette réglementation implique que le cercle des entreprises ayant qualité pour recourir contre une décision d'adjudication se limite en principe à celles qui ont encore une chance d'obtenir le marché contesté en cas d'admission du recours, respectivement qui auraient eu une chance de l'obtenir dans l'hypothèse où un contrat aurait déjà été conclu avec le soumissionnaire retenu (cf. ATF 141 II 14 consid. 4.1 et 4.6; 141 II 307 consid. 6.3; aussi arrêt 2C_585/2021 du 29 novembre 2022 consid. 1.3.2). Il en découle que, lors d'une adjudication de gré à gré, la qualité pour recourir n'appartient en règle générale qu'aux entreprises qui démontrent être des soumissionnaires potentiels pour le marché public en question, en rendant plausible non seulement qu'elles auraient la capacité réelle de réaliser les prestations demandées par le pouvoir adjudicateur, mais aussi qu'elles auraient déposé une offre si un appel d'offres avait été publié en procédure ordinaire. Ce principe a été posé une première fois dans l'arrêt dit Microsoft publié à l'ATF 137 II 313 (cf. consid. 3.3.2). Celui-ci a été récemment confirmé sur ce point précis par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 2C_50/2022 du 6 novembre 2023 (cf. consid. 5.3, destiné à publication, qui s'écarte de l'arrêt Microsoft, mais sur d'autres aspects). Ces exigences ont en outre été codifiées dans le nouveau droit sur les marchés publics - entré en vigueur pour le canton de Vaud après le prononcé des décisions d'adjudication contestées et, partant, non directement applicable en la cause (cf. art. 64 al. 1 de l'accord intercantonal du 15 novembre 2019 sur les marchés publics [AIMP 2019; RS/VD 726.91]) - qui prévoit désormais clairement que seules les personnes qui rendent vraisemblable qu'elles "peuvent et veulent fournir les prestations demandées ou des prestations équivalentes" jouissent de la faculté de recourir contre les adjudications de gré à gré (cf. art. 56 al. 5 AIMP 2019; aussi art. 56 al. 4 LMP; arrêt 2C_50/2022 précité consid. 5.9.2 et Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de la loi fédérale sur les marchés publics [ci-après: Message LMP], FF 2017 1695, p. 1829; POLTIER, op. cit., n. 836 s.; YASMINE SÖZERMAN, Procédure de gré à gré - Fardeau de la preuve et autres questions choisies, in: Aktuelles Vergaberecht 2022, p. 269 ss., n. 78; TRUËB/CLAUSEN, in: Matthias Oesch et al. [éd.], Wettbewerbsrecht II - Kommentar, 2e éd. 2021, n. 10 et 14 ad art. 56 LMP; FLORIAN ROTH, in: Hans Rudolf Trüeb [éd.], Handkommentar zum Schweizerischen Beschaffungsrecht, 2020, n. 31 ss ad art. 56 LMP).  
 
4.3. En l'occurrence, les recourantes, qui sont des associations professionnelles, n'ont elles-mêmes pas pour objectif de déposer des offres dans le cadre de procédures de soumission. Elles ne prétendent d'ailleurs nullement le contraire. Il est ainsi incontesté qu'elles n'entendaient pas recourir pour elles-mêmes contre les cinq décisions d'adjudication de gré à gré litigieuses. Reste à savoir si, comme elles l'affirment, l'autorité précédente aurait dû leur reconnaître la faculté d'agir dans l'intérêt de leurs membres, lesquels seraient, d'après elles, en tant qu'architectes et ingénieurs diplômés, forcément aptes à fournir les prestations demandées aux entreprises adjudicataires choisies par le canton ou, du moins, des prestations équivalentes et, partant, constitueraient par définition des soumissionnaires potentiels en la cause.  
 
4.4. Selon une jurisprudence désormais ancienne (cf. en premier lieu ATF 28 I 235 consid. 1; récemment ATF 145 V 128 consid. 2.2), une association, sans être elle-même touchée par la décision entreprise, ni pouvoir se prévaloir d'un droit de recours légal, peut être admise à agir par la voie du recours en matière de droit public (nommé alors recours corporatif égoïste) pour autant qu'elle ait pour but statutaire la défense des intérêts dignes de protection de ses membres, que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d'entre eux et, enfin, que chacun de ceux-ci ait qualité pour s'en prévaloir à titre individuel. En revanche, elle ne peut prendre fait et cause pour l'un de ses membres ou pour une minorité d'entre eux (cf. ATF 142 II 80 consid. 1.4.2; 137 II 40 consid. 2.6.4; 133 V 239 consid. 6.4). La possibilité d'un recours corporatif égoïste répond avant tout à un objectif d'économie et de simplification de la procédure, dès lors qu'il est plus rationnel de traiter un recours émanant d'une association plutôt que de nombreux recours formés individuellement par de multiples parties. Cette solution tend également, dans une certaine mesure, à rétablir un certain équilibre dans l'accès à la justice, en faveur de parties qui, prises individuellement, craindraient d'engager une telle démarche. Ces objectifs ne sauraient toutefois être invoqués pour suppléer au défaut des conditions de recevabilité requises par la jurisprudence précitée (cf. arrêts 8C_91/2015 du 16 décembre 2015 consid. 6.4.2 et 1A.364/1999 du 12 avril 2002 consid. 2; aussi MOOR/POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd. 2011, p. 751, et ISABELLE HÄNER, Die Stellung von Verbänden in der Gerichtsverfassung - unter besonderer Berücksichtigung der Ausübung des Verbandsbeschwerderechts, in: Schindler/Sutter [édit.], Akteure der Gerichtsbarkeit, 2007, p. 297 ss., spéc. 315).  
 
4.5. En matière de marchés publics, il a toujours été admis que les associations professionnelles devaient satisfaire aux conditions qui précèdent dans la mesure où elles entendraient recourir dans l'intérêt de leurs membres et, notamment, contester l'attribution d'un marché public opérée sans procédure d'appel d'offres (cf. Message concernant la loi fédérale sur le marché intérieur du 23 novembre 1994, FF 1995 I 1193, p. 1253; aussi JAQUIER, op. cit., n. 813 s.). On relèvera à cet égard que, lors de la procédure de consultation portant sur la révision de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché intérieur (LMI; RS 943.02) adoptée en 2005, l'Union suisse des arts et métiers (USAM), l'Union suisse des professions libérales (USPL) et la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA) ont proposé d'introduire un droit de recours légal en faveur des diverses organisations professionnelles en cas de décision restreignant indûment l'accès au marché. Cette proposition a néanmoins été rejetée aux motifs que ces organisations n'étaient pas directement concernées par de telles restrictions et qu'elles ne pouvaient pas se prévaloir de l'intérêt public au bon fonctionnement du marché intérieur. Il a alors été rappelé qu'elles pouvaient toujours faire appel à la procédure du recours corporatif égoïste pour se défendre contre d'éventuelles ingérences inadmissibles dans la liberté économique d'une majorité de leurs membres (cf. Message relatif à la révision de la loi sur le marché intérieur du 24 novembre 2004 [Message LMI 2005], FF 2005 421, p. 437). Le législateur s'en est ainsi tenu à conférer un droit de recours légal uniquement à la Commission fédérale de la concurrence (COMCO), qui peut donc faire constater qu'une décision (cantonale ou communale), relevant le cas échéant des marchés publics, restreint indûment l'accès au marché (cf. art. 9 al. 2bis LMI; Message LMI 2005, FF 2005 421, p. 445).  
 
4.6. Il en découle que les associations professionnelles qui souhaitent recourir contre des décisions d'adjudication de gré à gré ne peuvent le faire qu'en rendant plausible que la majorité ou à tout le moins un grand nombre de leurs membres seraient à la fois aptes et disposés à soumissionner pour les marchés concernés, comme le souligne d'ailleurs la doctrine la plus récente, quoi qu'en disent les recourantes (cf. POLTIER, op. cit., n. 840). Il s'agit là non seulement d'une application combinée des règles régissant, d'un côté, la qualité pour recourir des associations et, de l'autre, la qualité pour recourir en matière de marché public (cf. supra consid. 4.2 et 4.4), mais aussi d'une concrétisation du choix conscient du législateur de ne pas accorder inconditionnellement la qualité pour recourir aux associations professionnelles et patronales dans ce dernier domaine (cf. supra consid. 4.5). Or, en l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que les associations professionnelles recourantes n'ont jamais déclaré en cours de procédure, ni a fortiori rendu vraisemblable qu'une majorité ou du moins une grande portion de leurs membres aurait été concrètement intéressée par les marchés publics qu'elles contestent. Elles n'ont par exemple jamais fourni à l'autorité précédente une liste de membres leur ayant fait part de leur intérêt réel à soumissionner pour les prestations adjugées en cas d'admission du recours et ayant pu disposer de la qualité pour recourir à titre individuel contre les décisions contestées. Il leur appartenait pourtant d'alléguer les faits propres à fonder leur qualité pour agir, ce d'autant plus que, selon l'arrêt attaqué, plusieurs des marchés litigieux avaient en l'occurrence été attribués à certains de leurs membres et qu'il n'était pas évident qu'une grande partie de ceux-ci aurait véritablement été prête à soumissionner en la cause. Le seul fait que les associations intéressées se composent d'architectes, d'ingénieurs et d'entrepreneurs ne suffit pas à cet égard. Il n'était dès lors pas contraire au droit fédéral de déclarer le recours des associations recourantes irrecevable pour défaut de qualité pour recourir à l'aune de l'art. 75 let. a LPA/VD, appliqué en combinaison avec les art. 89 al. 1 let. b et 111 LTF.  
 
4.7. Les critiques formulées dans le recours ne convainquent pas du contraire. Les associations recourantes reprochent essentiellement au Tribunal cantonal d'avoir considéré à tort que la majorité de leurs membres n'étaient pas aptes à soumettre une offre dans les marchés litigieux; elles soulignent que, dans la mesure où ces derniers sont tous architectes, ingénieurs ou ingénieurs spécialisés diplômés, ils étaient forcément tous capables de déposer un dossier en vue de la réalisation des prestations adjugées de gré à gré en l'espèce. Ce faisant, les recourantes perdent de vue qu'indépendamment de savoir si leurs membres auraient pu, sur le principe, soumissionner pour les marchés en question, elles n'ont de toute façon jamais allégué, ni a fortiori rendu plausible qu'ils auraient concrètement été aptes et prêts à participer auxdits marchés et à déposer une offre à cette fin en cas de procédure de soumission ordinaire, ce qui autorisait, comme on l'a vu, le Tribunal cantonal à déclarer leur recours irrecevable sans violer le droit fédéral. La Cour de céans reconnaît à cet égard qu'il est certes compliqué - sans pour autant être impossible - pour des associations professionnelles de rendre vraisemblable qu'un grand nombre de leurs membres auraient voulu et pu obtenir un marché public précédemment adjugé de gré à gré avant de pouvoir le contester au fond, et que cette exigence peut avoir pour effet pratique de poser à la recevabilité du recours corporatif concret des conditions assez difficiles à remplir (voir, pour un tel constat, ETIENNE POLTIER, Droit des marchés publics, 2e éd. 2023, n. 840). Une telle conséquence, que les recourantes déclarent admettre s'agissant d'autres décisions relevant des marchés publics (p. ex. décisions d'adjudication après appel d'offres), ne justifie toutefois pas de déroger aux conditions habituelles de recevabilité du recours corporatif dans le cas d'espèce, ni à celles de la qualité pour recourir contre une décision de gré à gré, d'autant moins que ces dernières sont désormais codifiées par la loi (cf. supra consid. 4.2).  
Relevons pour le reste que les décisions d'adjudication de gré à gré litigieuses au fond pouvaient être attaquées de manière individuelle par les membres des associations recourantes véritablement intéressées par les marchés adjugés. Comme on l'a dit, il suffisait à ces dernières de rendre vraisemblable qu'elles étaient aptes à fournir les prestations demandées et qu'elles auraient eu l'intention de soumissionner en cas de procédure d'appel d'offres. Le simple fait qu'elles aient pu renoncer à contester les décisions litigieuses au fond par crainte de perdre toute chance d'obtenir le marché auprès de l'adjudicateur concerné, comme l'invoquent les recourantes, ne permet pas de fonder la recevabilité du recours corporatif égoïste, dès lors que, selon la jurisprudence, le droit de recours des associations n'a pas pour vocation première de permettre à leurs membres de conserver l'anonymat (cf. supra consid. 4.4). A cela s'ajoute que, comme l'a relevé le Tribunal cantonal, les associations professionnelles ne sont elles-mêmes pas dénuées de moyens d'action contre d'éventuelles adjudications de gré à gré non conformes au droit, dans la mesure où elles peuvent dénoncer le cas à la Commission de la concurrence, qui, elle, a le droit de recourir en matière de marchés publics pour en faire constater l'illégalité (cf. art. 9 al. 2bis LMI; cf. supra consid. 4.5). En matière de marchés publics, le rôle d'une association professionnelle consiste enfin moins à s'en prendre à des adjudications individuelles qu'à contester les éventuelles nouvelles normes légales adoptées en amont qui seraient susceptibles de porter atteinte aux intérêts de ses membres. Or, à ce dernier égard, il convient de rappeler que le recours abstrait devant le Tribunal fédéral est soumis à des exigences de recevabilité moins strictes que le recours concret, comme l'existence d'un simple intérêt virtuel au recours (cf. notamment ATF 138 I 435 consid. 1.6), de sorte que la qualité pour recourir des associations professionnelles est plus largement reconnue dans le cadre d'un recours corporatif dirigé directement contre une norme cantonale relevant du domaine des marchés publics (cf. p. ex. arrêt 2C_661/2019 du 17 mars 2021 consid. 1.4.1).  
 
4.8. Il s'ensuit qu'il ne peut être reproché au Tribunal cantonal d'avoir violé les art. 89 al. 1 et 111 LTF en refusant d'entrer en matière sur le recours des recourantes, étant précisé que celles-ci ne prétendent pas qu'un tel résultat procéderait le cas échéant d'une application arbitraire de la LPA-VD, qui se montrerait plus généreuse s'agissant de la qualité pour recourir des associations professionnelles.  
 
5.  
Les associations recourantes affirment ensuite que l'arrêt attaqué violerait leur droit au juge garanti à l'art. 29a Cst. en posant des conditions de recevabilité impossibles à remplir s'agissant d'éventuels recours corporatif dirigés, comme en l'espèce, contre des décisions d'adjudication de gré à gré. 
 
5.1. L'art. 29a Cst. donne à toute personne le droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire, étant précisé que la Confédération et les cantons peuvent, par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels. Cette norme étend donc le contrôle judiciaire à toutes les matières en établissant une garantie générale de l'accès au juge, ce qui la distingue de l'art. 6 CEDH qui limite le droit au juge aux contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil et aux accusations en matière pénale (cf. ATF 136 I 323 consid. 4.2; 133 IV 278 consid. 2.2; 130 I 312 consid. 4.2 et les références). La jurisprudence a néanmoins eu l'occasion de préciser qu'il n'existait de droit au juge au sens de l'art. 29a Cst. que si le litige était en rapport avec une position juridique individuelle digne de protection (cf. ATF 144 I 181 consid. 5.3.2.1; 143 I 336 consid. 4.1); cette condition a pour but d'éviter les recours populaires (ATF 141 II 233 consid. 4.2.1; 140 II 315 consid. 4.3 et 4.4), que l'art. 6 CEDH ne protège pas non plus (cf. arrêts de la Cour EDH no 62543/00 du 27 avril 2004, Gorraiz Lizarraga et autres c. Espagne, § 45 ss, respectivement no 49230/07 du 24 mai 2009, L'Érablière A.S.B.L. c. Belgique, § 25 ss). Le droit au contrôle judiciaire garanti par l'art. 29a Cst., comme d'ailleurs celui garanti par l'art. 6 CEDH, n'existe par ailleurs que dans le cadre des règles de procédure en vigueur, de sorte qu'il n'interdit pas de faire dépendre la question de l'entrée en matière sur un recours ou sur une action du respect des conditions habituelles de recevabilité (ATF 143 I 344 consid. 8.2; 141 I 172 consid. 4.4; 137 II 409 consid. 4.2; arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme [ci-après: Cour EDH] no 7198/07 du 3 septembre 2019, Bakker contre Suisse, § 30), comme, évidemment, l'existence d'un intérêt digne de protection à procéder (cf. arrêts 4A_93/2021 du 1er octobre 2021 consid. 6.1 et 5A_2/2019 du 1er juillet 2019 consid. 3.2), ou le devoir de motiver suffisamment son recours (arrêt 8C_660/2021 du 28 juin 2022 consid. 5.2). Ce n'est que lorsque ces conditions de recevabilité entravent excessivement l'accès effectif au juge que l'art. 29a Cst. s'avère être violé (cf. notamment ATF 143 I 344 consid. 8.3 et 143 I 227 consid. 5.1; 5A_1002/2017 du 12 mars 2019 consid. 4.2.3; 5A_2/2019 du 1er juillet 2019).  
 
5.2. En l'occurrence, le Tribunal cantonal a refusé d'entrer en matière sur le recours corporatif des associations recourantes en considérant que les intéressées n'avaient pas rendu vraisemblable que la majorité de leurs membres - ou du moins une grande partie d'entre eux - auraient été à la fois aptes et disposés à déposer une offre pour les marchés publics litigieux et qu'ils auraient dès lors eu qualité pour recourir à titre individuel contre leurs adjudications de gré à gré. Or, on ne voit pas en quoi une telle décision, qui procède d'une juste application des règles ordinaires de recevabilité des recours dirigés contre des décisions relevant du droit public (cf. supra consid. 4), violerait l'art. 29a Cst. En effet, comme on vient de le dire, cette disposition n'interdit pas de faire dépendre l'entrée en matière sur un recours du respect de certaines conditions de recevabilité et, partant, de déclarer un recours corporatif irrecevable lorsque toutes les exigences de recevabilité relatives à ce type particulier de moyen de droit ne sont, comme en l'espèce, pas remplies. Il faut au demeurant relever que le droit au juge garanti par l'art. 29a Cst. ne vise pas à protéger les associations professionnelles qui, comme les recourantes, déclarent certes interjeter un recours corporatif dans l'intérêt de la majorité, voire seulement d'un grand nombre de leurs membres, mais qui s'avèrent en pratique être incapables de le démontrer, voire seulement de le rendre plausible, de sorte qu'il convient de retenir qu'elles agissent avant tout afin d'assurer la bonne application du droit, à l'instar d'un recours populaire, qui n'est pas admis.  
 
5.3. Sur le vu de ce qui précède, le Tribunal cantonal n'a pas violé le droit au juge garanti par l'art. 29a Cst. en déclarant le recours des recourantes irrecevable.  
 
6.  
Les recourantes invoquent enfin une violation de leur droit d'être entendues consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. Elles se plaignent du fait que le Tribunal cantonal aurait précédemment toujours admis la qualité pour recourir des associations professionnelles s'agissant de décisions d'adjudication de gré à gré. Elles estiment que le Tribunal cantonal aurait dès lors dû les interpeler spécifiquement sur cette question avant de rendre son arrêt, qui constituerait un changement de jurisprudence inattendu. 
 
 
6.1. Le droit d'être entendu consacré par l'art. 29 al. 2 Cst. ne garantit aux parties qu'un droit restreint à être interpellées sur des questions juridiques. Un tel droit existe uniquement lorsque l'autorité entend se fonder sur des normes légales dont la prise en compte ne pouvait pas être raisonnablement prévue par les parties, lorsque la situation juridique a changé ou lorsque l'autorité jouit d'un pouvoir d'appréciation particulièrement large (cf. ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées). Or, on ne se trouve dans aucune de ces situations, dès lors que, comme on l'a vu, le Tribunal cantonal a décidé de déclarer le recours des recourantes irrecevable en application combinée de diverses jurisprudences fédérales largement connues et, du reste, publiées (cf. supra consid. 4.2. et 4.4). Il ressort de surcroît de l'arrêt attaqué qu'en date du 23 janvier 2023, le juge instructeur a envoyé un courrier aux recourantes dans lequel il annonçait son intention d'examiner à titre préjudiciel la question de leur qualité pour recourir, ce à quoi les intéressées ont répondu en produisant la liste de leurs membres et en se référant à une jurisprudence cantonale. Les recourantes ont par la suite encore défendu leur qualité pour recourir dans d'autres déterminations spontanées visant à répliquer à la réponse de la Direction générale, laquelle concluait à l'irrecevabilité de leur recours. Les associations recourantes ont donc non seulement été rendues attentives au problème prévisible de leur qualité pour recourir, mais elles ont également pu s'exprimer sur cette dernière.  
 
6.2. Il découle de ce qui précède que le Tribunal cantonal n'a assurément pas violé le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. en déclarant le recours des recourantes irrecevable. Dans la mesure où celles-ci entendaient se prévaloir du fait que le Tribunal cantonal était par le passé toujours entré en matière sur les recours d'associations professionnelles dirigés contre des décisions d'adjudications de gré à gré et se plaindre ainsi du fait qu'elles ne pouvaient pas anticiper ce qu'elles estiment être un "changement de jurisprudence", il leur appartenait plutôt d'invoquer une violation de leur droit à la protection de leur bonne foi au sens de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 146 I 105 consid. 5.2.1; 142 V 551 consid. 4), ce qu'elles ne font toutefois pas et ce que la Cour de céans n'a pas à examiner d'office (cf. supra consid. 2.1).  
 
7.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours en matière de droit public et à l'irrecevabilité du recours constitutionnel subsidiaire. 
 
8.  
Les recourantes, qui succombent, doivent supporter les frais de justice fixés en fonction de la valeur litigieuse (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). Elle verseront des dépens aux sociétés intimées, créancières solidaires (cf. art. 68 al. 1 et 5 LTF). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer une indemnité de dépens à l'Etat de Vaud, qui obtient gain de cause dans l'exercice de ses attributions officielles (cf. art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.  
Le recours en matière de droit public est rejeté. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 12'000 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
4.  
Une indemnité de dépens de 15'000 fr., à charge des recourantes, débitrices solidaires, est allouée aux intimées, créancières solidaires. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Direction générale des immeubles et du patrimoine de l'Etat de Vaud, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à la Commission de la concurrence COMCO. 
 
 
Lausanne, le 7 février 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : E. Jeannerat