6F_46/2023 02.04.2024
Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6F_46/2023  
 
 
Arrêt du 2 avril 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, 
van de Graaf et von Felten. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par 
Maîtres Florian Baier et Giorgio Campá, avocats, 
demandeur en révision, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé, 
 
Cour de justice de la République 
et canton de Genève, 
Chambre pénale de recours, 
case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
Demande de révision de l'arrêt du Tribunal fédéral 
suisse du 9 mai 2023 (6B_140/2022 et 6B_841/2022 [Arrêts P/17396/2012 ACPR/881/2021 
et P/6746/2018 ACPR/383/2022]). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par arrêt du 27 avril 2018, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a reconnu A.________ coupable de complicité d'assassinats pour les chefs d'accusation visés sous point I.1 de l'acte d'accusation du 10 janvier 2014, acquitté A.________ des chefs d'accusation II.2 et III.3 et a condamné l'intéressé à 15 ans de privation de liberté sous déduction de 1852 jours de détention subie avant jugement et de 71 jours imputés au titre des mesures de substitution subies au jour du prononcé. A.________ a été condamné à payer la somme de 30'000 fr. plus intérêts à B.________ en réparation du tort moral. Cet arrêt statue, par ailleurs, sur les frais et l'indemnité du conseil d'office de A.________.  
 
A.b. Saisi par ce dernier d'un recours en matière pénale, par arrêt 6B_865/2018 du 14 novembre 2019, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours. L'arrêt entrepris a été annulé en tant qu'il refusait au demandeur en révision toute indemnité à raison de son acquittement partiel et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle statue à nouveau sur cette question. Le recours a été rejeté, pour le surplus, dans la mesure où il était recevable.  
 
A.c. Le 27 mai 2020, A.________ a saisi la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH; requête n° 22060/20), invoquant le non-respect des art. 3 et 5 par. 3 CEDH ainsi que de multiples violations de l'art. 6 de cette convention.  
 
B.  
 
B.a. Par ordonnance du 5 août 2021, le Ministère public genevois a classé la procédure pénale qu'il avait ouverte à la suite de la plainte pénale déposée en décembre 2012 par A.________ contre C.________ pour faux témoignage et dénonciation calomnieuse.  
La Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté, par arrêt du 15 décembre 2021, le recours formé par A.________ contre cette ordonnance. 
 
B.b. Par ordonnance du 22 novembre 2021, le Ministère public de la République et canton de Genève a en outre classé la procédure pénale qu'il avait ouverte à la suite de la plainte pénale déposée en avril 2018 par A.________ contre D.________ pour faux témoignage.  
La Chambre pénale de recours a rejeté, par arrêt du 31 mai 2022, le recours formé par A.________ contre cette ordonnance. 
 
B.c. Par arrêt 6B_140/2022 du 9 mai 2023, rendu dans les causes 6B_140/2022 et 6B_841/2022, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure de leur recevabilité, les recours que A.________ avait formés contre les arrêts du 15 décembre 2021 (cause 6B_140/2022) et du 31 mai 2022 (cause 6B_841/2022).  
 
C.  
Par arrêt du 13 juin 2023, statuant sur la requête déposée le 27 mai 2020 par A.________, la CourEDH a déclaré recevable le grief formulé sur le terrain de l'art. 6 par. 1 CEDH relativement à un manque d'impartialité de la Présidente de la Chambre pénale d'appel et de révision - soit la juge cantonale E.________ - découlant des termes employés dans les observations que cette dernière avait formulées le 3 octobre 2017 dans le cadre d'une procédure de récusation la visant (ch. 1), a déclaré irrecevables les griefs fondés sur les art. 3 et 5 CEDH ainsi que celui fondé sur l'art. 6 par. 1 CEDH relativement à un défaut d'impartialité de la magistrate cantonale précitée découlant des termes utilisés dans son ordonnance du 18 juillet 2017 (ch. 2) et a dit qu'il y avait eu violation de l'art. 6 par. 1 CEDH en tant qu'il garantit le droit à un tribunal impartial (ch. 3). La Cour européenne a encore relevé qu'il n'y avait pas lieu d'examiner séparément la recevabilité et le fond du restant des griefs fondés sur l'art. 6 de la convention (ch. 4). Quant à l'indemnisation, le constat de violation de l'art. 6 par. 1 CEDH constituait en lui-même une satisfaction équitable suffisante pour tout dommage moral subi par le demandeur en révision (ch. 5); l'État défendeur devait verser à ce dernier la somme de 15'000 euros, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur cette somme, pour frais et dépens, avec intérêt à compter d'un délai de trois mois dès la date à laquelle l'arrêt deviendrait définitif (ch. 6); enfin, la demande de satisfaction équitable a été rejetée pour le surplus (ch. 7). 
 
D.  
Par arrêt 6F_33/2023 du 18 octobre 2023, le Tribunal fédéral a admis la demande de révision formée par A.________ à la suite de l'arrêt de la CourEDH du 13 juin 2023 en tant qu'elle portait sur les arrêts 1B_512/2017 et 6B_865/2018; le Tribunal fédéral a en revanche rejeté la demande de révision, dans la mesure où elle était recevable, en tant qu'elle portait sur d'autres décisions, soit en particulier sur les arrêts 6B_947/2015 et 6F_2/2020. 
En conséquence, l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision du 27 avril 2018 et l'arrêt 6B_865/2018 du 14 novembre 2019 ont été annulés. L'arrêt 1B_512/2017 du 30 janvier 2018 a pour sa part été réformé comme suit: "1. Le recours est admis partiellement. L'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 31 octobre 2017 est réformé en ce sens que la demande de récusation du 9 octobre 2017 (ndr: visant la juge cantonale E.________) est admise. Le recours est rejeté pour le surplus. 2. Il est statué sans frais et l'avance effectuée est restituée au recourant. 3. Le canton de Genève versera en mains des conseils du recourant la somme de 1'500 fr. à titre de dépens pour la procédure fédérale". 
La cause a été renvoyée à la Chambre pénale d'appel et de révision afin qu'elle reprenne l'instruction de l'appel interjeté par A.________ au stade où se trouvait la procédure le 3 octobre 2017. 
 
E.  
Par acte du 12 décembre 2023, A.________ demande la révision de l'arrêt 6B_140/2022 du 9 mai 2023. Requérant à titre préalable l'octroi de l'assistance judiciaire ainsi que la récusation de la Présidente de la I re Cour de droit pénal, il conclut principalement à l'annulation de l'arrêt 6B_140/2022 ainsi qu'à celle des arrêts rendus les 15 décembre 2021 et 31 mai 2022 par la Chambre pénale de recours ainsi qu'à celle des ordonnances de classement rendues les 5 août 2021 et 22 novembre 2021 par le Ministère public genevois, celui-ci étant enjoint de renvoyer en jugement C.________ des chefs de dénonciation calomnieuse et de faux témoignage ainsi que D.________ du chef de faux témoignage. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt 6B_140/2022 et au renvoi de la cause à l'instance cantonale pour nouvelles décisions. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
En tant que le demandeur en révision requiert à titre préalable la récusation de la Présidente de la I re Cour de droit pénal, cette question est sans objet vu la composition dans laquelle statue la I re Cour de droit pénal sur la demande de révision. 
Au demeurant, le demandeur en révision expose les mêmes motifs de récusation que ceux qui ont déjà été examinés dans l'arrêt 6F_2/2020 du 23 avril 2020 - dont la demande de révision a été rejetée par arrêt 6F_33/2023 du 18 octobre 2023 -, étant rappelé que les motifs de récusation y avaient été jugés irrecevables parce qu'ils avaient été soulevés tardivement et de manière abusive et qui, même supposés recevables, auraient de toute manière dû être rejetés (cf. arrêt 6F_2/2020 précité consid. 3 et 4). 
 
2.  
Que ce soit quant au contexte dans lequel s'inscrit la présente demande de révision ou quant aux conditions auxquelles la révision d'un arrêt du Tribunal fédéral peut être demandée, il peut être renvoyé aux considérants en fait et en droit exposés dans les arrêts 6B_140/2022 du 9 mai 2023 et 6F_33/2023 du 18 octobre 2023. 
 
3.  
Le demandeur en révision fonde en premier lieu sa demande de révision sur l'art. 122 LTF, se prévalant à cet égard de l'arrêt de la CourEDH du 13 juin 2023. 
 
3.1. Conformément à l'art. 122 LTF, la révision d'un arrêt du Tribunal fédéral pour violation de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) peut être demandée à condition que la Cour européenne des droits de l'homme ait constaté, dans un arrêt définitif (art. 44 CEDH), une violation de la CEDH ou de ses protocoles, ou ait conclu le cas par un règlement amiable (art. 39 CEDH; let. a), qu'une indemnité ne soit pas de nature à remédier aux effets de la violation (let. b) et que la révision soit nécessaire pour remédier aux effets de la violation (let. c).  
La révision doit être nécessaire pour remédier aux effets de la violation. Cette condition est donnée lorsque la procédure devant le Tribunal fédéral aurait eu ou aurait pu avoir une issue différente sans la violation de la Convention et que par conséquent les effets préjudiciables de la décision initiale persistent (cf. ATF 144 I 214 consid. 4.3; 143 I 50 consid. 2.3; 142 I 42 consid. 2.3; 137 I 86 consid. 3.2.3 et 7.3.1). 
 
3.2. Par son arrêt rendu le 13 juin 2023, la CourEDH a constaté une violation de l'art. 6 par. 1 CEDH, en tant que cette disposition garantissait le droit du demandeur en révision à un tribunal impartial.  
A teneur de l'arrêt européen, cette violation était à mettre en lien avec le défaut d'impartialité de la juge cantonale E.________, Présidente de la Chambre pénale d'appel et de révision, découlant des termes qu'elle avait utilisés dans les observations du 3 octobre 2017. Ces observations avaient été présentées ensuite de la demande de la récusation de cette magistrate fondée sur les termes dont elle avait fait usage dans son ordonnance du 18 juillet 2017. 
 
3.3.  
 
3.3.1. Comme cela a été relevé dans l'arrêt 6F_33/2023, la révision des arrêts 1B_512/2017 et 6B_865/2018 était nécessaire pour remédier aux effets de la violation du droit du demandeur en révision à un tribunal impartial. Il apparaissait en effet que l'issue de la cause 1B_512/2017 aurait été différente si cette violation avait été constatée par le Tribunal fédéral, ce qui aurait conduit la Chambre pénale d'appel et de révision à devoir statuer dans une autre composition, à savoir sans la juge cantonale E.________. On ne pouvait donc exclure que l'issue de la cause 6B_865/2018 aurait, elle aussi, été autre (cf. arrêt 6F_33/2023 du 18 octobre 2023 consid. 3.3.1).  
 
3.3.2. En l'espèce, le demandeur en révision ne prétend toutefois pas que la juge cantonale E.________ serait intervenue à un quelconque titre dans le cadre des procédures préliminaires qui avaient été ouvertes contre C.________ et D.________ à la suite des plaintes qu'il avait déposées contre ces derniers pour faux témoignage notamment.  
On ne voit pas dans ce contexte que la révision de l'arrêt 6B_140/2022 soit nécessaire pour remédier à la violation de l'art. 6 par. 1 CEDH, en lien avec le droit du demandeur en révision à un tribunal impartial, telle que constatée par la CourEDH dans son arrêt du 13 juin 2023. La condition de l'art. 122 let. c LTF n'est donc pas réalisée. 
 
4.  
 
4.1. Le demandeur en révision entend par ailleurs fonder sa demande sur le motif décrit à l'art. 123 al. 2 let. b LTF, aux termes duquel la révision peut être demandée, dans les affaires pénales, si les conditions des art. 410 al. 1 let. a et b et al. 2 CPP sont remplies. Il soutient à cet égard que l'annulation de sa condamnation, prononcée par l'arrêt 6F_33/2023, constituait un fait nouveau au sens de l'art. 410 al. 1 let. a CPP justifiant l'annulation, à son tour, de l'arrêt 6B_140/2022. Il prétend également, en référence à l'art. 410 al. 1 let. b CPP, que l'arrêt 6B_140/2022 serait en contradiction flagrante avec l'arrêt 6F_33/2023.  
 
4.2. Alors que le motif de révision de l'art. 123 al. 2 let. b LTF suppose en toute logique l'existence d'une décision sujette à révision au sens de l'art. 410 al. 1 CPP - à savoir, à teneur de cette disposition, un jugement entré en force, une ordonnance pénale, une décision judiciaire ultérieure ou une décision rendue dans une procédure indépendante en matière de mesures -, les arrêts contestés dans les causes 6B_140/2022 et 6B_841/2022 se rapportaient en l'occurrence à des ordonnances de classement, lesquelles peuvent être revues aux conditions prévues par l'art. 323 CPP et non à celles des art. 410 ss CPP (arrêt 6B_614/2015 du 14 mars 2016 consid. 2.2.2; cf. également ATF 141 IV 194 consid. 2.3; LAURA JACQUEMOUD-ROSSARI, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, n° 17 ad art. 410 CPP). Le demandeur en révision ne saurait dès lors se prévaloir du motif de révision de l'art. 123 al. 2 let. b LTF.  
Cela étant, on ne voit pas que, si le demandeur en révision estime que les conditions de l'art. 323 CPP sont réalisées, il soit empêché de solliciter du ministère public la reprise des procédures préliminaires qui avaient été dirigées contre C.________ et D.________. 
 
5.  
Il résulte de ce qui précède que la demande de révision doit être rejetée dans la mesure où elle est recevable. 
Le demandeur en révision a sollicité l'octroi de l'assistance judiciaire. Vu les considérations précédentes, sa démarche était vouée à l'échec (art. 64 al. 1 LTF) et cette requête doit être rejetée. Il supportera donc les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), qui seront cependant fixés en tenant compte de sa situation financière. Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
La demande de révision est rejetée dans la mesure où elle est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du demandeur en révision. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 2 avril 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
Le Greffier : Tinguely