5A_864/2022 25.10.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_864/2022  
 
 
Arrêt du 25 octobre 2023  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Schöbi et Bovey. 
Greffière : Mme Bouchat. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représentée par Me Marie Mouther, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
B.A.________, 
représenté par Me Claude Kalbfuss, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
divorce (contribution d'entretien), 
 
recours contre le jugement de la Cour civile I du Tribunal cantonal du canton du Valais du 7 octobre 2022 (C1 20 172). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 27 mai 2020, le Juge du district de Monthey (ci-après : le juge de district) a notamment prononcé le divorce de A.A.________, née en 1966, et B.A.________, né en 1967. 
Le 15 juin 2020, un dispositif rectifié du jugement a été notifié aux parties, par lequel B.A.________ a notamment été condamné à verser, d'avance, le premier de chaque mois, une contribution d'entretien à A.A.________, d'un montant de 1'285 fr. jusqu'à l'âge de la retraite celle-ci. 
 
B.  
Par mémoire du 6 juillet 2020, A.A.________ a interjeté un appel contre le jugement précité, en concluant à sa réforme en ce sens notamment que B.A.________ lui verse une pension d'un montant de 3'776 fr. par mois jusqu'à ce qu'elle atteigne l'âge de la retraite. 
 
Par jugement du 7 octobre 2022, la Cour civile I du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après : l'autorité cantonale) a partiellement réformé le jugement précité, en condamnant B.A.________ à verser une contribution d'entretien à A.A.________ d'un montant de 2'529 fr. par mois jusqu'au 31 mai 2023. 
 
C.  
Par acte du 7 novembre 2022, A.A.________ interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre le jugement cantonal, en concluant en substance à sa réforme en ce sens que la rente précitée lui soit versée jusqu'à sa retraite. 
Des observations n'ont pas été requises. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur recours par une autorité supérieure statuant en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) de nature pécuniaire, dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et al. 4 et 74 al. 1 let. b LTF). La recourante a pris part à la procédure devant l'autorité précédente, est particulièrement touchée par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou la modification de celle-ci; elle a ainsi qualité pour recourir (art. 76 al. 1 let. a et b LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 146 IV 297 consid. 1.2; 142 III 364 précité loc. cit.). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée par le recourant ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2; 142 III 364 précité loc. cit.).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 I 73 précité consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence), doit satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.1).  
 
2.3. Lorsque l'autorité cantonale jouit d'un pouvoir d'appréciation (art. 4 CC), le Tribunal fédéral n'en revoit l'exercice qu'avec retenue. Il n'intervient que si l'autorité cantonale a abusé de son pouvoir d'appréciation, en se référant à des critères dénués de pertinence ou en ne tenant pas compte d'éléments essentiels, ou lorsque la décision, dans son résultat, est manifestement inéquitable ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice (ATF 142 III 336 consid. 5.3.2; 141 V 51 consid. 9.2 et les références).  
 
 
2.4.  
 
2.4.1. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). Cette exception, dont il appartient au recourant de démontrer que les conditions sont remplies, vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée (ATF 148 V 174 consid. 2.2; 143 V 19 consid. 1.2 et la référence), par exemple concernant le déroulement de la procédure devant l'instance précédente afin d'en contester la régularité, ou encore des faits postérieurs à l'arrêt attaqué permettant d'établir la recevabilité du recours. En dehors de ces cas, les nova ne sont pas admissibles, qu'il s'agisse de faits ou moyens de preuve survenus postérieurement à la décision attaquée (ATF 148 V 174 précité loc. cit.; 144 V 35 consid. 5.2.4) ou d'éléments que les parties ont négligé de présenter aux autorités cantonales (ATF 143 V 19 précité loc. cit.; 136 III 123 consid. 4.4.3).  
 
2.4.2. En l'espèce, le certificat médical produit par la recourante est daté du 29 octobre 2022 et est donc postérieur au jugement querellé. Faute pour l'intéressée de démontrer que ce nouveau moyen de preuve remplirait les conditions de l'art. 99 LTF, il doit être déclaré irrecevable. En revanche, l'expertise du 10 avril 2018 réalisée dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale figure au dossier cantonal et est donc recevable (arrêt 5A_225/2022 du 21 juin 2023 consid. 1.2).  
 
3.  
La recourante se plaint de l'établissement inexact des faits, ainsi que de la violation du droit fédéral en lien avec l'imputation d'un revenu hypothétique en sa faveur, dès le 1er juin 2023. 
 
3.1. L'autorité cantonale a retenu que l'appelante travaillait en tant qu'assistante commerciale pour le même employeur depuis 1997. D'abord à plein temps, puis à mi-temps depuis le 1er janvier 2012, son salaire avait diminué au fil des années en raison de la situation financière de son employeur; selon elle, son emploi était menacé. Depuis le 1er juillet 2020, elle percevait un revenu net de 968 fr. 50 par mois.  
Examinant si les conditions pour lui imputer un revenu hypothétique étaient réalisées, l'autorité précédente a notamment relevé qu'âgée de 49 ans au moment de la séparation et de 56 ans lors de la reddition du jugement querellé, maîtrisant le français et l'allemand, et disposant d'un état de santé qualifié de bon, l'on pouvait raisonnablement exiger de l'intéressée qu'elle reprenne l'exercice d'une activité lucrative à plein temps. 
Quant à la possibilité effective d'augmenter son taux d'activité, les juges cantonaux ont retenu que son employeur actuel était dans l'impossibilité de lui offrir un travail à un taux plus élevé que 50 %. Ils ont ajouté que le dossier ne contenait par ailleurs aucun élément sur les possibilités de l'intéressée de trouver un emploi à plein temps chez un autre employeur. Or, travaillant depuis 25 ans pour le même employeur et ne maîtrisant pas l'informatique, il paraissait difficile d'exiger d'elle qu'elle complète son activité en travaillant comme employé de commerce. Elle était en revanche capable d'exercer une activité dans le commerce de détail où des emplois étaient toujours offerts. Ainsi, compte tenu des salaires minimums (4'100 fr. par mois versé 13 fois l'an) servis par Migros et Coop en 2022 par exemple, et de l'activité qu'elle exerçait, l'on pouvait attendre qu'elle travaille environ à 70 % dans ce domaine pour réaliser un revenu de 2'600 fr. net, lequel compléterait le salaire de 1'000 fr. par mois, soit de 968 fr. 05 net par mois, en incluant l'indemnisation pour les frais de 200 fr. qu'elle percevait actuellement. 
Enfin, un délai au 31 mai 2023 a été imparti à l'intéressée pour la prise d'une autre activité lucrative, compte tenu notamment de son âge, son manque de formation continue et son expérience professionnelle limitée, soit autant de circonstances devant conduire à ne pas se montrer trop exigeant en termes de délai. 
 
3.2. Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2).  
Lorsqu'il entend tenir compte d'un revenu hypothétique, le juge doit examiner deux conditions cumulatives. Il doit déterminer d'une part si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, son âge et son état de santé; il s'agit là d'une question de droit. Il doit d'autre part établir si la personne concernée a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail; ce faisant, il tranche une question de fait (ATF 147 III 308 consid. 4; 143 III 233 précité loc. cit.; 137 III 102 précité loc. cit.). Les circonstances concrètes de chaque cas sont déterminantes. Les critères dont il faut tenir compte sont notamment l'âge, l'état de santé, les connaissances linguistiques, la formation (passée et continue), l'expérience professionnelle, la flexibilité sur les plans personnel et géographique, la situation sur le marché du travail, etc. (ATF 147 III 308 précité consid. 5.6; arrêts 5A_88/2023 précité consid. 3.3.2; 5A_1065/2021 du 2 mai 2023 consid. 5.1; 5A_464/2022 du 31 janvier 2023 consid. 3.1.2; 5A_344/2022 du 31 août 2022 consid. 4.3.1 et les références). 
Si le juge entend exiger d'une partie la prise ou la reprise d'une activité lucrative, ou encore l'extension de celle-ci, il doit généralement lui accorder un délai approprié pour s'adapter à sa nouvelle situation; ce délai doit être fixé en fonction des circonstances du cas particulier (ATF 144 III 481 consid. 4.6; 129 III 417 consid. 2.2). Il faut notamment examiner si les changements étaient prévisibles pour la partie concernée (parmi plusieurs : arrêts 5A_88/2023 précité loc. cit.; 5A_768/2022 du 21 juin 2023 consid. 6.2). 
 
3.3.  
 
3.3.1. Contestant l'imputation d'un revenu hypothétique, la recourante expose dans un premier moyen que l'autorité cantonale n'aurait pas tenu compte de l'expertise réalisée dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, laquelle serait propre à infirmer le jugement entrepris s'agissant de son état de santé tant physique que psychique. Elle ajoute que son état se serait d'ailleurs péjoré au fil des années, dès lors qu'elle serait atteinte d'une polyarthrite érosive depuis 2022.  
Elle allègue également que le critère de l'âge serait déterminant dans son cas; quitter son employeur pour trouver un autre emploi constituerait pour elle une "nouvelle entrée dans la vie active". Âgée de 56 ans, elle relève ne plus trouver sa place sur le marché du travail. 
 
3.3.2. En l'occurrence, force est de constater que la recourante ne soulève pas de grief d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits (cf. supra consid. 2.2), de sorte que l'on ne peut pas entrer sur sa critique. A supposer recevable, elle devrait être rejetée par les motifs qui suivent. Le rapport précité n'est pas un moyen de preuve propre à modifier le jugement querellé. Outre le fait que cette expertise a été mise en oeuvre dans une procédure distincte dans le but de déterminer à quel parent la garde de l'enfant devait être attribuée, les déclarations orales de son médecin figurant dans le rapport et relatives à son arthrose des doigts déformante et son état psychique ne renseignent nullement sur l'état de santé actuel de l'intéressée, celles-ci datant de 2007, respectivement en novembre 2015. Par ailleurs, la recourante ne soutient pas que les constatations figurant dans cette pièce - qui plus est, émanant de son médecin généraliste, lequel peut être enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance nouée - devraient être assimilées à un rapport médical (cf. à ce sujet : ATF 125 V 351 consid 3; arrêts 5A_88/2023 précité consid. 3.3.3; 4A_318/2016 du 3 août 2016 consid. 6.2). Pour le surplus, la péjoration récente de sa santé repose sur une pièce qui a été déclarée irrecevable (cf. supra consid. 2.4.2).  
Quant aux reproches relatifs au critère de l'âge, la recourante ne soutient pas non plus que l'autorité cantonale aurait versé dans l'arbitraire (art. 9 Cst.; cf. supra consid. 2.2). Elle se livre tout au plus à une critique appellatoire en soutenant que quitter son employeur actuel constituerait "une nouvelle entrée dans la vie active". De cette manière, la recourante se contente en effet d'opposer sa propre appréciation de la cause, sans critiquer valablement la motivation cantonale. Il en va de même lorsqu'elle allègue être âgée de 56 ans et ne plus trouver sa place sur le marché du travail, étant encore relevé que selon la jurisprudence, il n'existe pas de limite d'âge absolue au-delà de laquelle un époux ne pourrait pas augmenter son activité; l'appréciation de chaque cas dépend des circonstances (arrêt 5A_801/2019 du 26 mai 2020 consid. 3.4).  
Partant, pour autant que recevable, les griefs doivent être rejetés. 
 
3.4.  
 
3.4.1. La recourante critique ensuite la durée du délai d'adaptation accordé par l'autorité précédente. Elle allègue que lui impartir un délai au 31 mai 2023 pour "obtenir un nouvel emploi" alors qu'elle est âgée de 56 ans et n'a connu qu'un seul emploi durant toute sa carrière, serait arbitraire. Le raisonnement de l'autorité précédente serait en outre contradictoire dans la mesure où elle aurait à la fois estimé qu'il ne fallait pas se montrer trop exigeant sur ce point, tout en lui impartissant en fin de compte un délai de seulement 6 mois et demi.  
 
3.4.2. Par sa critique, la recourante oppose là encore pour l'essentiel sa propre appréciation de la cause, sans parvenir à démontrer que l'autorité de deuxième instance aurait abusé de son pouvoir appréciation. Au demeurant, vu la retenue exercée par la Cour de céans (cf. supra consid. 2.3), cette solution n'apparaît pas contraire au droit fédéral, étant précisé que les critères cités par la recourante, en particulier son âge et son unique expérience professionnelle, ont été pris en compte par les juges cantonaux. Il s'ensuit qu'autant que recevable, le grief doit être rejeté.  
 
4.  
En définitive, le recours doit être rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimé, qui n'a pas été invité à répondre (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile I du Tribunal cantonal du canton du Valais. 
 
 
Lausanne, le 25 octobre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Bouchat