5A_372/2023 26.10.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_372/2023  
 
 
Arrêt du 26 octobre 2023  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
von Werdt et Bovey. 
Greffière : Mme Hildbrand. 
 
Participants à la procédure 
A.G.________, 
représenté par Me Rémy Bucheler, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.G.________, 
représentée par Me Mathilde Ram-Zellweger, avocate, 
intimée. 
 
Objet 
mesures protectrices de l'union conjugale (contributions d'entretien), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Juge unique, du 8 mai 2023 (JS22.018661 - 221046 186). 
 
 
Faits :  
 
A.  
B.G.________ née en 1983, et A.G.________, né en 1956, se sont mariés en 2019 à U.________ (VS). 
Deux enfants sont issus de cette union: C.________, née en 2020, et D.________, né en 2021. 
B.G.________ est également la mère de E.________, née en 2005 d'une précédente union, qui vit actuellement avec elle. L'intimé est pour sa part le père de F.________, née en 1999, aujourd'hui majeure et indépendante, issue également d'une précédente union. 
 
B.  
 
B.a. Par ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale du 9 août 2022, la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte (ci-après: la présidente ou le premier juge) a, entre autres points, dit que A.G.________ contribuerait à l'entretien de C.________ par le régulier versement, d'avance le premier de chaque mois, en mains de sa mère, d'une contribution d'entretien de 1'685 fr., allocations familiales et rente AVS pour enfant non comprises et dues en sus, dès et y compris le 1er septembre 2022, dit que A.G.________ contribuerait à l'entretien de D.________, par le régulier versement, d'avance le premier de chaque mois, en mains de sa mère, d'une contribution d'entretien de 1'715 fr., allocations familiales et rente AVS pour enfant non comprises et dues en sus, dès et y compris le 1er septembre 2022, et dit que A.G.________ contribuerait à l'entretien de son épouse B.G.________, par le régulier versement, d'avance le premier de chaque mois, en mains de cette dernière, d'une contribution d'entretien de 35 fr., dès et y compris le 1er septembre 2022.  
 
B.b. Par arrêt du 8 mai 2023, statuant sur l'appel formé le 22 août 2022 par l'épouse, le Juge unique de la Cour d'appel civil du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a partiellement admis et a réformé l'ordonnance attaquée en ce sens que A.G.________ contribuera à l'entretien de C.________ par le régulier versement, d'avance le premier de chaque mois, en mains de sa mère, d'une contribution d'entretien de 2'480 fr. pour la période du 1er mai au 30 septembre 2022, puis de 2'310 fr. dès et y compris le 1er octobre 2022, allocations familiales et rente AVS non comprises et dues en sus, que A.G.________ contribuera à l'entretien de D.________ par le régulier versement, d'avance le premier de chaque mois, en mains de sa mère, d'une contribution d'entretien de 2'470 fr. pour la période du 1er mai au 30 septembre 2022, puis de 2'300 fr. dès et y compris le 1er octobre 2022, allocations familiales et rente AVS non comprises et dues en sus, et que A.G.________ contribuera à l'entretien de son épouse par le régulier versement, d'avance le premier de chaque mois, en mains de cette dernière, d'une contribution d'entretien de 500 fr. pour la période du 1er mai au 30 septembre 2022, puis de 160 fr. dès et y compris le 1er octobre 2022.  
 
C.  
Par acte transmis le 17 mai 2023 par la voie électronique, A.G.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 8 mai 2023. Il conclut à son annulation et à sa réforme en ce sens qu'il est condamné à participer à l'entretien de C.________ par le régulier versement, d'avance le premier de chaque mois, en mains de sa mère, d'une contribution d'entretien de 1'775 fr., allocations familiales et rente AVS pour enfant non comprises et dues en sus, et à l'entretien de D.________ par le régulier versement, d'avance le premier de chaque mois, en mains de sa mère, d'une contribution d'entretien de 1'760 fr., allocations familiales et rente AVS pour enfant non comprises et dues en sus, et qu'il est dit qu'aucune contribution à l'entretien de B.G.________ n'est due. 
Des déterminations n'ont pas été requises. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Déposé en temps utile (art. 48 al. 2 et 100 al. 1 LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF), le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 393 consid. 4) rendue sur recours par une autorité supérieure statuant en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) de nature pécuniaire. La valeur litigieuse atteint le seuil requis (art. 51 al. 1 let. a et al. 4; art. 74 al. 1 let. b LTF). Le recourant, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, a en outre qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). Le recours est donc en principe recevable. 
 
2.  
 
2.1. Comme la décision attaquée porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 133 III 393 consid. 5), la partie recourante ne peut dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant ("principe d'allégation"; art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2; 142 III 364 consid. 2.4). Le recourant qui se plaint de la violation d'un droit fondamental ne peut donc se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer ses allégations par une argumentation précise (ATF 134 II 349 consid. 3; 133 II 396 consid. 3.2). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; 140 III 264 consid. 2.3).  
Une décision ne peut être qualifiée d'arbitraire (art. 9 Cst.) que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat. Une décision cantonale est en outre arbitraire lorsqu'elle s'écarte de la jurisprudence du Tribunal fédéral sans motif pertinent (ATF 148 III 95 consid. 4.1; 147 I 241 consid. 6.2.1). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, le recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ne peut obtenir la rectification ou le complètement des constatations de fait de l'arrêt cantonal que s'il démontre la violation de droits constitutionnels, conformément au principe d'allégation susmentionné (cf. supra consid. 2.1). Il ne peut se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 I 73 consid. 2.2; 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3 et les références).  
 
3.  
Le recourant se plaint d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement de son revenu. Il reproche en substance au juge cantonal d'avoir considéré qu'une fois à la retraite, il continuerait à réaliser le même revenu tout en percevant une rente AVS. A cet égard, il invoque aussi une violation de l'art. 8 Cst. et de son " droit constitutionnel à la retraite (art. 112 Cst.) ". S'agissant de l'art. 8 Cst., il sera d'emblée constaté que, dès lors que cette garantie constitutionnelle s'adresse à l'État et ne produit pas d'effet horizontal direct dans les relations entre personnes privées, le recourant ne peut s'en prévaloir à l'appui d'un recours dirigé contre une décision rendue dans une affaire matrimoniale opposant deux particuliers (ATF 147 III 49 consid. 9.4; 137 III 59 consid. 4.1; 136 I 178 consid. 5.1; parmi plusieurs: arrêts 5A_6/2023 du 10 août 2023 consid. 5.3; 5A_800/2022 du 28 mars 2023 consid. 5.4.2 i.f.). Quant à la violation alléguée de l'art. 112 Cst., la motivation présentée à l'appui du présent recours ne respecte à l'évidence pas les réquisits de l'art. 106 al. 2 LTF, de sorte que cette critique est également d'emblée irrecevable. 
 
3.1. Le Juge unique a retenu que le revenu de l'époux se composait principalement du bénéfice de sa société indépendante et du salaire qu'il déclarait en faveur de son épouse dans la mesure où il percevait effectivement ces montants pour subvenir aux besoins de la famille. Pour l'arrêter, il convenait de se référer aux déclarations d'impôts du couple et de faire une moyenne des revenus totaux déclarés ces trois dernières années, en les diminuant des allocations familiales, avant d'y ajouter les rentes AVS de l'époux pour l'année 2021. Ainsi, il ressortait de la déclaration fiscale de l'année 2019 que l'époux avait perçu un revenu total de 118'600 fr. En 2020, il avait totalisé un revenu de 81'641 fr., dont à déduire le montant de 5'300 fr. perçu à titre d'allocations familiales, soit un revenu total net de 76'341 fr. En 2021, il avait perçu un revenu total de 129'347 fr., dont à déduire les montants de 8'050 fr. perçu à titre d'allocations familiales, de 1'566 fr. perçu à titre d'allocation paternité et de 17'208 fr. correspondant au service de sa rente AVS et de celles de ses enfants durant quatre mois, soit un revenu net de 102'523 fr. En faisant une moyenne de ces revenus, il convenait d'arrêter le revenu annuel de l'époux, pour son activité indépendante à 99'154 fr. 65 ([118'600 fr. + 76'341 fr. + 102'523 fr.] / 3), soit un revenu mensuel d'environ 8'260 fr. Il fallait ajouter à ce revenu la rente AVS perçue par l'époux, par 2'390 fr. En définitive, le revenu mensuel net de l'intimé doit être arrêté à 10'650 fr.  
 
3.2. Le recourant ne remet pas en cause la moyenne des revenus totaux des trois dernières années opérée par le Juge unique, partant le revenu mensuel de 8'260 fr. ainsi calculé. Il conteste en revanche que dit magistrat ait ajouté à ce montant de 8'260 fr. la rente AVS qu'il perçoit depuis qu'il a atteint l'âge de la retraite, soit 2'390 fr. par mois, pour arriver à un revenu mensuel total de 10'650 fr. Selon le recourant, soit le revenu est estimé par une moyenne du passé (approche rétrospective), soit il l'est par une estimation des revenus futurs (approche prospective). Il serait en revanche totalement contradictoire d'effectuer une moyenne du passé pour y ajouter ensuite des revenus futurs; cela reviendrait à mélanger arbitrairement deux périodes différentes. Le juge précédent s'était aussi contredit en refusant de tenir compte de la nécessaire baisse de ses revenus du fait qu'il avait atteint l'âge de la retraite tout en ajoutant à son revenu estimé le montant de la rente de vieillesse que celui-ci percevait précisément parce qu'il avait atteint l'âge de la retraite. Le résultat du raisonnement apparaissait également arbitraire: à suivre l'arrêt entrepris, non seulement son revenu, une fois atteint l'âge de la retraite, demeurait inchangé, mais s'y ajoutait encore la rente vieillesse. Il disposait donc d'un meilleur revenu à la retraite que lorsqu'il était pleinement en emploi, ce qui était insoutenable et arbitraire. Cela l'était d'autant plus que le revenu de 8'260 fr. correspondant à la moyenne de ses trois dernières années d'activité est suffisant pour assurer l'entretien de toute la famille selon la méthode du minimum vital. Il n'y avait donc aucun besoin ni motif d'exiger de lui qu'il augmente encore son revenu une fois atteint l'âge de la retraite.  
 
3.3.  
 
3.3.1. Le revenu déterminant pour la fixation de la contribution d'entretien est le revenu effectif ou effectivement réalisable, soit s'agissant des revenus du travail, le revenu net, cotisations sociales déduites. Le revenu comprend non seulement le revenu de l'emploi, mais aussi le revenu en remplacement de l'emploi (comme les prestations de l'assurance-chômage), les revenus de la fortune, les prestations de retraite (en particulier les rentes LPP) et les prestations d'assurances sociales (ATF 147 III 265 consid. 7.1; arrêt 5A_730/2020 du 21 juin 2021 consid. 5.1.3).  
 
3.3.2. En principe, un débiteur d'aliments ne peut pas être contraint de poursuivre son activité professionnelle au-delà de l'âge ordinaire de la retraite (ATF 100 Ia 12 consid. 4d; arrêt 5A_37/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2.1; STOUDMANN, Le divorce en pratique, 2021, p. 93). Cependant tant qu'une telle activité est exercée, il est tenu compte des revenus qui en sont retirés pour déterminer la capacité contributive du débirentier (arrêt 5A_37/2011 précité loc. cit.; STOUDMANN, op. cit., p. 94). Par ailleurs, selon les circonstances, notamment en l'absence de problèmes de santé ou d'un autre obstacle objectif, le seul fait d'avoir atteint l'âge de la retraite ne permet pas de faire automatiquement échec à l'imputation d'un revenu hypothétique, notamment afin de financer l'entretien d'un enfant mineur (arrêt 5A_806/2016 du 22 février 2017 consid. 4.2; STOUDMANN, loc. cit. et p. 53 s.; Le même, op. cit. 2e éd. 2023, p. 72).  
 
3.4. Sous l'angle de l'épuisement matériel des instances (ATF 146 III 203 consid. 3.3.4; 145 III 42 consid. 2.2.2; 143 III 290 consid. 1.1 et les références), - qui s'applique également lorsqu'une partie n'a, comme en l'espèce, pas soulevé de moyen de droit dans la procédure cantonale et était de ce fait uniquement partie intimée (parmi plusieurs: arrêt 5A_790/2022 du 2 juin 2023 consid. 1.2.1) -, on peut s'interroger sur la recevabilité du grief tant il est vrai que le premier juge avait déjà ajouté le montant de la rente AVS à celui du revenu estimé sur la base des comptes de pertes et profits et des déclarations d'impôt pour l'activité de comptable indépendant du recourant et qu'il n'apparaît pas que celui-ci s'en soit expressément plaint dans sa réponse à l'appel. Quoi qu'il en soit, sous l'angle de l'arbitraire, la motivation du juge cantonal résiste à l'examen. Le recourant perd de vue que les contributions d'entretien ont été fixées pour l'avenir et que la cour cantonale n'a pas exigé qu'il augmente son revenu après sa retraite. Elle s'est uniquement fondée sur les revenus effectifs perçus par le recourant. Or, celui-ci ne conteste pas le constat de la cour cantonale selon lequel il poursuit son activité de comptable indépendant après sa retraite ni - à juste titre - la manière dont le revenu issu de cette activité a été estimé. Il ne conteste pas non plus qu'il perçoit effectivement une rente AVS de 2'390 fr. par mois depuis qu'il a atteint l'âge légal de la retraite, soit, selon les constatations de l'arrêt attaqué (p. 10; art. 105 al. 1 LTF), depuis le 1er septembre 2021. Or, à l'aune de ces faits non contestés, la motivation du recourant ne fait pas apparaître comme arbitraire la façon dont la cour cantonale a en définitive interprété la notion de "revenu effectif" telle que rappelée ci-dessus.  
Autant que recevable, le grief est infondé. Un tel résultat dispense le Tribunal de céans d'examiner le nouveau calcul des contributions d'entretien proposé par le recourant en fonction notamment d'un revenu de 8'260 fr. 
 
4.  
En définitive, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Juge unique de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 26 octobre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Hildbrand