5A_756/2023 10.11.2023
Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_756/2023  
 
 
Arrêt du 10 novembre 2023  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
von Werdt et Bovey. 
Greffière : Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Daniel Trajilovic, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Denise Wettstein, avocate, 
intimé, 
 
1. C.________, 
représenté par Me Philippe Leuba, avocat, 
2. D.________, 
représentée par Me Philippe Leuba, avocat, 
 
Objet 
demande de retour d'enfants, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, IIe Cour d'appel civil, du 22 septembre 2023 (102 2023 78). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________ et A.________ sont les parents de C.________ (né en novembre 2019) et D.________ (née en avril 2022).  
Les époux A.________ et B.________ ont leur résidence habituelle en Israël. 
 
A.b. En juillet 2022, la famille A.________ et B.________ s'est rendue en Suisse pour rendre visite aux parents de A.________, domiciliés à U.________ (FR).  
Il était prévu que le père rentrerait en Israël avant la mère et les enfants, dont le retour était prévu en août 2022. 
La veille du départ de son mari, A.________ l'a informé qu'elle n'avait pas l'intention de retourner en Israël avec les enfants. 
 
B.  
Le 18 janvier 2023, B.________ a déposé une demande en vue du retour des mineurs en Israël, avec requête de mesures superprovisionnelles devant la II e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg (ci-après: cour cantonale).  
Le 19 janvier 2023, la Présidente de la cour cantonale a partiellement admis la requête de mesures superprovisionnelles (ainsi: curateur en faveur des enfants; interdiction de quitter le territoire/modifier le lieu de résidence des enfants; dépôt des papiers d'identité des enfants; signalement dans le RIPOL du risque d'enlèvement international des enfants). 
Statuant le 9 mars 2023, la cour cantonale a rejeté la demande formée par B.________ tendant au retour des enfants en Israël (ch. I); elle a en outre révoqué le signalement du risque d'enlèvement des enfants dans le RIPOL ou tout autre système d'information à disposition de la police cantonale dès l'entrée en force de son arrêt (II); ordonné la remise des passeports israéliens des enfants à leur mère A.________ (III) et levé les mesures provisionnelles imposant des restrictions quant au lieu de résidence des enfants et à leur interdiction de déplacement (IV). 
 
C.  
Le 26 avril 2023, après avoir accordé l'effet suspensif au recours formé par B.________, le Tribunal fédéral l'a admis dans la mesure de sa recevabilité. L'arrêt cantonal a été annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle détermine, en collaboration avec les autorités locales et centrales suisse et israélienne si un retour de A.________ et des enfants était envisageable sur le territoire israélien, dans un endroit neutre. 
 
C.a. La cour cantonale a entendu les parties et poursuivi l'instruction par l'intermédiaire de l'autorité centrale suisse en matière d'enlèvement international d'enfants et son homologue israélienne.  
Le curateur des enfants a indiqué qu'à première vue, les informations et assurances fournies par les autorités centrales lui paraissaient suffisantes pour assurer à la mère et aux enfants un lieu d'accueil sûr et financièrement supportable. 
B.________ a conclu principalement à ce que le lieu de résidence des enfants soit fixé dans la commune de Gedera - où il avait entrepris des démarches afin de trouver un appartement meublé pour son épouse -; subsidiairement, il a laissé le choix de ce lieu à l'appréciation de l'autorité cantonale. B.________ a par ailleurs demandé que son épouse soit astreinte à lui rembourser la totalité des coûts générés par le déplacement illicite. 
A.________ a estimé insatisfaisantes les réponses données par les autorités centrales. Son retour en Israël ne pouvait en conséquence être ordonné en tant qu'aucun lieu d'accueil sûr et financièrement supportable ne lui était garanti. Elle a requis une nouvelle interpellation de l'autorité centrale israélienne au sujet de son logement, du montant exact des aides financières qui pourraient lui être allouées, des possibilités de son époux de déposer une plainte pénale à son encontre et des conséquences juridiques civiles et pénales auxquelles elle s'exposait en Israël en raison de l'enlèvement. 
Les parties ont renoncé à la tenue d'une audience. 
 
C.b. Par arrêt du 22 septembre 2023, la cour cantonale a admis la demande formée par B.________ (ch. I) et ordonné le retour en Israël des enfants, accompagnés de leur mère (II). L'autorité cantonale a précisé que ce retour devait s'effectuer au lieu de résidence en Israël laissé à la discrétion de la mère (II.a), celle-ci devant faire ouvrir par ses avocats en Israël un compte fiduciaire en sa faveur auprès d'un établissement bancaire israélien, ce dans un délai de dix jours dès l'entrée en force de l'arrêt (II.b), compte sur lequel B.________ était astreint à verser la somme de ILS 55'000 fr. (II.c); un délai de dix jours dès la confirmation de ce versement était alors imparti à A.________ pour retourner en Israël avec les enfants, dans le lieu de résidence choisi (II.d), les injonctions précitées étant assorties de la menace des sanctions de l'art. 292 CP en cas d'inexécution (II.e). La cour cantonale a par ailleurs indiqué les modalités concrètes du retour, le Service de l'enfance et de la jeunesse (SEJ) recevant un mandat d'accompagnement (III), levé dès l'entrée en force de l'arrêt le signalement du risque d'enlèvement international des enfants dans le RIPOL et tout autre système d'information, de même que les mesures provisionnelles imposant des restrictions quant au lieu de résidence de ceux-ci et leur interdiction de déplacement (IV et V) et réglé le sort des frais et dépens (VI à VIII).  
 
D.  
 
D.a. Le 5 octobre 2023, A.________ (ci-après: la recourante) exerce contre cette décision un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et, principalement, au rejet de la demande formée par B.________ (ci-après: l'intimé), à la révocation du signalement du risque d'enlèvement international des enfants dans le RIPOL ou tout autre système d'information à disposition de la police cantonale fribourgeoise, à la restitution à elle-même des passeports israéliens de ses enfants et à la mise à la charge de l'intimé de l'intégralité des frais et dépens des instances cantonale et fédérale. Subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.  
La recourante sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
D.b. L'effet suspensif a été accordé au recours à titre superprovisoire.  
 
D.c. Le 7 octobre 2023, soit deux jours après le dépôt de l'acte de recours, des tirs massifs de roquettes ont été effectués sur Israël depuis la bande de Gaza. Israël a mis ses forces armées en état de guerre.  
 
D.d. Dans ses déterminations à la Cour de céans, l'intimé conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité; vu l'évènement susmentionné, il indique néanmoins s'en remettre au bon jugement de la Cour s'agissant de l'exécution immédiate de ce retour.  
Indiquant devant tendre à assurer la réalisation de l'intérêt objectif des enfants qu'il représente et finalement à les protéger, le curateur des enfants estime que la situation actuelle en Israël ne permet pas d'exécuter l'arrêt entrepris. 
La cour cantonale n'a pas formulé d'observations. 
La recourante a répliqué. L'intimé a dupliqué sans y être invité; la recourante et le curateur des enfants n'ont pas réagi à cette écriture complémentaire dans le délai imparti. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), prise en application de normes de droit public dans une matière connexe au droit civil, singulièrement en matière d'entraide administrative entre les États contractants pour la mise en oeuvre du droit civil étranger (art. 72 al. 2 let. b ch. 1 LTF; ATF 133 III 584 consid. 1.2; 120 II 222 consid. 2b) par la II e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, statuant en instance cantonale unique (art. 7 al. 1 de la Loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes [LF-EEA; RS 211.222.32]), après arrêt de renvoi du Tribunal fédéral (arrêt 5A_228/2023 du 26 avril 2023). La recourante, qui a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 let. a et b LTF), a agi à temps (art. 100 al. 2 let. c LTF).  
 
2.  
 
2.1. Dans les limites tracées par l'arrêt de renvoi (cf. infra consid. 3.1), le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 145 IV 228 consid. 2.1; 144 III 462 consid. 3.2.3). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2; 142 III 364 consid. 2.4).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 I 73 consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence), doit satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.2). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que si l'autorité cantonale n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte de preuves pertinentes ou a opéré, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1 et la référence).  
 
3.  
Conformément au principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi, l'autorité cantonale à laquelle une affaire est renvoyée est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral; sa cognition est limitée par les motifs de l'arrêt de renvoi, en ce sens qu'elle est liée par ce qui a déjà été tranché définitivement par le Tribunal fédéral, ainsi que par les constatations de fait qui n'ont pas été critiquées devant lui. Saisi d'un recours contre la nouvelle décision, le Tribunal fédéral est aussi lié par son arrêt de renvoi (ATF 143 IV 214 consid. 5.2.1; 135 III 334 consid. 2; arrêt 5A_225/2022 du 21 juin 2023 consid. 2.1). 
 
3.1. Dans un premier temps, l'autorité cantonale fribourgeoise a rejeté la demande de retour formée par l'intimé en se fondant sur le caractère intolérable de celui-là (art. 13 al. 1 let. b de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants [CLaH80; RS 0.211.230.02]). Appelée à statuer sur le recours de l'intimé contre cette première décision, la Cour de céans a rappelé que l'ordre de retour de l'enfant et du parent qui l'accompagne ne s'entendait pas à un endroit précis de l'État de la résidence habituelle. A supposer ainsi qu'un lieu d'accueil sûr et financièrement supportable, en dehors du logement de l'intimé, pût être assuré à la recourante, les éléments sur lesquels la cour cantonale s'était fondée pour considérer que raccompagner sa fille - respectivement son fils (arrêt 5A_228/2023 du 26 avril 2023 consid. 5.2) - en Israël ne pouvait être exigé d'elle n'apparaissaient plus déterminants, en tant que ceux-ci étaient exclusivement liés au contexte religieux et familial dans lequel l'intéressée avait vécu jusqu'alors, soit à la personne, voire à l'entourage du recourant. La possibilité pour la recourante de retourner avec ses enfants en Israël dans un endroit neutre nécessitait un éclaircissement de la part des autorités cantonales, en collaboration avec les autorités locales et les autorités centrales, en sorte que la cause a été retournée au tribunal cantonal (arrêt 5A_228/2023 précité consid. 5.1.3.2).  
 
3.2. Examinant dans quelle mesure et à quelles conditions les informations obtenues et les assurances données permettaient d'exiger de la recourante qu'elle retourne en Israël avec ses enfants, la cour cantonale a d'abord souligné que la recourante n'était pas dénuée de ressources en tant qu'elle avait été en mesure de mandater des avocats en Israël afin d'assurer sa défense dans le cadre de la procédure de divorce en cours. Ceux-ci pourraient la soutenir à différents égards (ainsi: obtention d'un logement ainsi que des allocations familiales et autres aides gouvernementales auxquelles l'intéressée pourrait prétendre, requêtes liées à d'éventuelles mesures de protection auprès des autorités compétentes). La cour cantonale a ensuite relevé que la recourante n'encourait pas de risque concret de nature pénale en cas de retour en Israël: l'autorité centrale israélienne avait confirmé, le 19 juin 2023 et le 3 septembre 2023, que l'intimé n'avait déposé contre elle aucune plainte pénale pour enlèvement d'enfants; cette autorité avait par ailleurs indiqué que, dans l'hypothèse d'un retour volontaire ou en exécution d'un arrêt rendu en application de la CLaH80, les autorités pénales israéliennes renonceraient sans doute à toute poursuite. Enfin, au sujet des moyens financiers nécessaires à la recourante pour subvenir à ses besoins, les juges cantonaux ont considéré que l'offre de l'intimé, consistant à financer le séjour de son épouse sur une durée de trois à quatre mois et de lui louer un appartement ne constituait pas une situation sûre pour celle-ci, qui dépendrait du versement des montants nécessaires par son mari. Tenant compte du fait que le versement des différentes aides gouvernementales auxquelles l'intéressée pourrait prétendre sur place n'interviendrait pas avec effet immédiat, l'autorité cantonale a estimé ses besoins financiers à 12'000 nouveaux shékel (ILS) par mois en référence au site internet numbeo.com (entretien courant et loyer mensuel); compte tenu de la situation précaire de la recourante, le prix du transport aérien (6'500 ILS) a été ajouté à ce montant. La cour cantonale a ainsi astreint l'intimé à verser d'avance un montant de 55'000 ILS sur un compte fiduciaire que la recourante devait faire ouvrir par l'intermédiaire de ses avocats auprès d'un établissement bancaire israélien. Ce montant devait permettre de couvrir les frais susmentionnés sur quatre mois, intervalle devant suffire aux autorités israéliennes saisies pour statuer sur la garde et l'entretien des enfants des parties, à tout le moins à titre de mesures provisionnelles.  
Sous respect des conditions précitées, la cour cantonale en a conclu que la recourante était assurée de pouvoir trouver en Israël un lieu d'accueil sûr et financièrement supportable pour elle, en dehors du logement de l'intimé, afin d'y vivre avec ses enfants dans l'attente d'une décision de justice relative à la garde et à l'entretien de ceux-ci. Elle a en conséquence ordonné le retour accompagné des enfants en Israël. 
 
4.  
La recourante estime que la cour cantonale aurait violé le principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi. Elle se prévaut également dans cette perspective de l'établissement arbitraire des faits et de la violation de son droit d'être entendue. 
 
4.1. La recourante reproche d'abord à l'autorité cantonale d'avoir arbitrairement évalué sa situation financière en affirmant d'une part qu'elle disposait de ressources suffisantes en Israël, tout en relevant qu'elle percevait l'aide sociale en Suisse, puis en prétendant d'autre part qu'elle pourrait percevoir des aides financières à son retour en Israël.  
 
4.1.1. La décision cantonale indique que l'intéressée ne serait pas dénuée de "ressources" dès lors qu'elle aurait été en mesure de mandater des avocats en Israël afin d'assurer sa défense dans le cadre de la procédure de divorce en cours; elle relève ultérieurement la situation précaire de la recourante, au bénéfice de l'aide sociale en Suisse. Il faut en déduire que le terme "ressources" s'entend à l'évidence non pas dans son sens financier - qualificatif dont la cour cantonale n'a d'ailleurs pas fait usage -, mais dans celui des "facultés d'action" dont dispose manifestement encore la recourante, malgré l'hostilité du contexte israélien dont elle se prévaut.  
 
4.1.2. S'agissant des aides sociales, l'autorité cantonale a expressément indiqué que celles-ci ne seraient pas versées immédiatement, circonstance l'amenant à fixer les besoins de la recourante en cas de retour et à les mettre initialement à la charge de l'intimé. Que le bénéfice de ces aides soit avéré ou non n'est donc pas décisif en tant que leur versement n'a pour l'instant clairement pas été pris en considération par les juges cantonaux.  
 
4.2. La recourante se plaint ensuite de la manière dont la cour cantonale a évalué le coût de la vie en Israël. Elle soutient que l'autorité cantonale ne pouvait déterminer le coût de la vie et le montant de son loyer sur la seule base de renseignements obtenus sur internet, sans même indiquer la source des informations ni interpeller les autorités locales et l'autorité centrale, alors même qu'elle avait pourtant expressément requis cette mesure d'instruction. Les renseignements sur lesquels s'appuyait la cour cantonale ne bénéficiaient de surcroît d'aucune emprunte officielle, ne constituaient pas des faits notoires et la recourante n'avait par ailleurs pas été entendue sur ce point.  
 
4.2.1. Il ressort de l'arrêt entrepris que la cour cantonale a déterminé le coût de la vie en Israël - y compris le montant du loyer de la recourante - en se fondant sur un comparateur en ligne (à savoir: numbeo.com), en sorte que la source de ces informations a clairement été indiquée. Certes, les indications figurant sur le site internet susmentionné ne satisfont pas à la définition de faits notoires (sur cette notion: ATF 143 IV 380 consid. 1.1.1). La recourante se limite néanmoins à se prévaloir du fait de ne pas avoir pu s'exprimer sur ce point précis, sans exposer concrètement l'influence de la violation éventuelle de la garantie de son droit d'être entendue sur la procédure: elle ne prétend ainsi nullement que les coûts arrêtés par les juges cantonaux seraient erronés ou ne correspondraient pas à la réalité, circonstance nécessitant une instruction supplémentaire et un renvoi de la cause à l'autorité cantonale. Sa critique se révèle ainsi vaine (arrêts 5A_70/2021 du 18 octobre 2021 consid. 3.1 et les références; 4A_593/2020 du 23 juin 2021 consid. 7.2).  
 
4.2.2. Il est vrai qu'il ressort des différents courriers adressés à l'autorité cantonale par la recourante qu'elle souhaitait des renseignements de la part de l'autorité centrale au sujet du coût moyen de la vie (y compris loyer et crèche) en Israël. Le tribunal cantonal a certes effectué cette estimation lui-même ( supra consid. 4.2.1), sans donner suite à l'instruction requise à cet égard par la recourante. Comme il l'a été souligné dans le contexte du grief relatif à la violation du droit d'être entendue de la recourante, celle-ci ne démontre toutefois pas que le mode de procéder de la cour cantonale conduirait à un résultat arbitraire, en sorte que sa critique apparaît ici également dépourvue de toute portée.  
 
4.3. Au sujet de la violation même du principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi, la recourante reproche à la cour cantonale de lui faire supporter la charge de trouver un lieu d'accueil sûr et financièrement supportable alors que l'arrêt de renvoi de la Cour de céans spécifiait pourtant qu'une solution sur ce point devait lui être assurée, signifiant un comportement actif des autorités locales et centrales, qui n'avaient pourtant fourni aucune réponse satisfaisante. La recourante souligne dans ce contexte qu'Israël n'est pas partie à la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique du 7 avril 2011 (convention d'Istanbul, RS 0.311.35), convention qui oblige les États parties à octroyer aux femmes victimes de violence une aide au logement ainsi des hébergements. Ces circonstances impliquaient qu'il ne pouvait être exigé d'elle qu'elle raccompagne ses enfants en Israël aux fins d'y attendre une décision définitive sur les droits parentaux. L'art. 5 let. b LF-EEA était violé.  
 
4.3.1. Selon l'art. 7 al. 1 CLaH80, les autorités centrales doivent coopérer entre elles et promouvoir une collaboration entre les autorités compétentes dans leurs États respectifs afin d'assurer le retour immédiat des enfants. L'art. 7 al. 2 CLaH80 donne, sans exhaustivité, les grandes lignes de leurs possibilités d'intervention. Une fonction importante de l'autorité centrale consiste à prendre toutes les mesures appropriées pour faciliter l'introduction de procédures judiciaires ou administratives en vue d'obtenir le retour sans danger de l'enfant (art. 7 al. 2 let. f et h CLaH80), que ce soit directement ou avec le concours d'intermédiaire (art. 7 al. 2 CLaH80, phrase introductive), les États contractants disposant ainsi d'une certaine marge de manoeuvre en fonction de leur droit interne (PEREZ-VERA, Rapport explicatif, in Conférence de La Haye de droit international privé, Actes et documents de la Quatorzième session, tome III, § 88 ss). En revanche, le rôle de l'autorité centrale ne consiste pas à examiner les allégations présentées au titre de l'art. 13 al. 1 let. b CLaH80, ni à agir en fonction de ces allégations (Conférence de La Haye de droit international privé, Convention Enlèvement d'enfants de 1980, Guide de bonnes pratiques, Partie VI Article 13 [1] [b], § 96).  
 
4.3.2. La recourante requiert ici des autorités centrales une action qui, à certains égards, dépasse leur rôle. Ainsi que l'a à juste titre relevé l'autorité centrale suisse dans son courrier du 19 juin 2023, il n'appartient pas aux compétences des autorités centrales de lui rechercher activement un logement. L'autorité centrale suisse a en revanche indiqué que son homologue israélienne l'avait assurée qu'elle prendrait contact avec les autorités locales compétentes dès que la recourante aurait indiqué dans quelle région elle s'établirait avec les enfants; si la mère le souhaitait, l'autorité israélienne la contacterait elle ou l'aiderait à contacter les autorités susceptibles de lui octroyer les aides gouvernementales auxquelles elle pouvait prétendre. Les mesures protectrices devaient en revanche être sollicitées par le biais de la représentation légale de la recourante en Israël. L'on ignore ici si la recourante a pris l'initiative d'indiquer l'endroit où elle souhaitait se rendre; l'arrêt querellé laisse celui-ci à sa discrétion, relevant d'ailleurs expressément que le logement que l'intimé offrait de louer et les moyens que celui-ci proposait de lui mettre à disposition ne lui garantissait pas une situation sûre. Selon les déclarations de l'autorité centrale suisse, la recourante bénéficie ainsi de la garantie d'une aide administrative des autorités locales, une fois indiqué son lieu de résidence. Il est de surcroît établi que la recourante est représentée par des avocats en Israël; elle ne conteste nullement que ceux-ci pourront l'assister juridiquement et solliciter les mesures de protection qui pourraient s'avérer nécessaires une fois connu son lieu de destination.  
L'arrêt attaqué conditionne le retour de la recourante et des enfants au versement, par l'intimé, d'un montant de 55'000 ILS, somme permettant d'assurer la couverture de leurs besoins financiers sur quatre mois. Or la recourante ne prétend pas que le montant des besoins mensuels tel que fixé par la cour cantonale serait insuffisant ( supra consid. 4.2.1 et 4.2.2), ni ne conteste efficacement qu'un délai de quatre mois ne suffirait pas à obtenir une décision statuant à tout le moins à titre provisionnelles sur sa situation. Elle se limite à ce dernier égard à affirmer ne pas être assurée d'obtenir des aides gouvernementales à l'épuisement du montant versé par son époux.  
Vu les considérations qui précèdent, il faut admettre qu'un lieu d'accueil neutre, sécurisé et financièrement supportable, est assuré à la recourante et ses enfants en Israël. 
 
5.  
La recourante invoque ensuite la violation de l'art. 13 al. 1 let. b CLaH80 et de l'art. 5 let. b LF-EEA fondant le caractère intolérable du retour sur un risque concret de poursuites pénales à son encontre et d'emprisonnement à son retour en Israël. 
 
5.1. Lorsque, comme en l'occurrence, le retour des enfants s'envisage exclusivement avec le parent ravisseur (arrêt 5A_228/2023 du 26 avril 2023 consid. 5.1.1 et 5.2), il est admis que, lorsque celui-ci s'expose à une mise en détention dans le pays d'origine, le retour ne peut y être exigé au sens de l'art. 5 let. b LF-EEA (arrêt 5A_228/2023 précité consid. 4.2.3 et les références citées).  
 
5.2. La cour cantonale a relevé sur ce point que l'autorité centrale israélienne avait confirmé à deux reprises le fait que l'intimé n'avait déposé aucune plainte pénale contre son épouse suite à l'enlèvement des enfants. L'autorité centrale israélienne avait par ailleurs indiqué que, dans l'hypothèse d'un retour volontaire ou en exécution d'un arrêt rendu en application de la CLaH80, les autorité pénales israélienne renonceraient sans doute à toute poursuite. La recourante n'encourait ainsi pas de risque concret de nature pénale en cas de retour en Israël.  
 
5.3. La recourante soutient pour sa part qu'en droit israélien, l'infraction qu'elle avait commise se poursuivait d'office. Bien qu'en ayant évoqué la possibilité, l'intimé n'avait pas produit une déclaration s'engageant à ne pas demander l'arrestation de son épouse, son interdiction d'entrée ou d'autres sanctions liées à l'enlèvement. Il pourrait ainsi à tout moment déposer une plainte pénale. Se référant à l'affaire Neulinger et Shuruk c. Suisse (CourEDH no 41615/07 du 6 juillet 2010), la recourante affirme que le risque d'emprisonnement n'était par ailleurs pas totalement exclu dès lors que le classement de la procédure répondait à des conditions liées à son comportement ainsi qu'à l'absence d'un intérêt public à la poursuivre.  
 
5.4.  
 
5.4.1. L'on relèvera avant tout que cette question ne faisait pas l'objet du renvoi de la cause à l'autorité cantonale, la recourante n'ayant pas rendu vraisemblable le risque concret d'un emprisonnement au stade de la procédure conduisant à l'arrêt de renvoi (arrêt 5A_228/2023 précité consid. 5.1.3.2). Il est ainsi douteux que cette question puisse être réévaluée à ce stade de la procédure (consid. 3 supra).  
 
5.4.2. Le caractère concret de ce risque n'est de toute manière pas plus établi actuellement en tant qu'il est même désormais officiellement attesté que l'intimé n'a pas déposé plainte pénale à l'encontre de la recourante et expressément mis en doute qu'une poursuite soit initiée d'office en cas de retour lié à l'exécution d'un arrêt rendu en application de la CLaH80. Le risque invoqué par la recourante se fonde ainsi sur des conjectures.  
 
6.  
Dans un dernier grief, la recourante invoque la violation de l'art. 8 CEDH
Son argumentation doit cependant d'emblée être écartée en tant qu'elle se fonde sur des éléments qui ne sont pas décisifs (à savoir: sa nationalité suisse, son logement en Suisse, son engagement dans une nouvelle relation sentimentale et l'isolement dans lequel elle se trouverait si elle devait retourner en Israël) ou sur le risque d'une éventuelle incarcération en Israël, dont le caractère concret vient d'être écarté (consid. 5.4.2 supra).  
 
7.  
En définitive, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Le retour en Israël des enfants, accompagnés de leur mère est ainsi ordonné selon les modalités arrêtées par la décision entreprise. 
 
7.1. Il est néanmoins évident que, vu la situation de conflit existant actuellement en Israël (let. D.c supra), ce retour ne peut être immédiatement exécuté. Il appartiendra à l'autorité d'exécution, à savoir ici le Service de l'enfance et de la jeunesse du canton de Fribourg, d'organiser ce retour en collaboration avec les autorités centrale suisse et israélienne, respectivement avec les autorités locales israéliennes, dès que la situation sur place permettra un renvoi sécurisé des intéressés.  
Il est entendu que les mesures de protection urgentes, levées par les chiffres IV et V du dispositif de l'arrêt entrepris (à savoir: signalement du risque d'enlèvement international des enfants; restrictions quant à leur lieu de résidence et interdiction de déplacement), sont dans l'intervalle maintenues. 
La requête d'effet suspensif est sans objet. 
 
7.2. Les art. 26 CLaH80 et 14 LF-EEA prévoient la gratuité de la procédure; toutefois, conformément aux dispositions de l'art. 42 CLaH80 et par application de l'art. 26 al. 3 CLaH80, Israël a déclaré qu'elle ne prendra en charge les frais visés à l'art. 26 al. 2 CLaH80 que dans la mesure où ces frais sont couverts par son système d'aide judiciaire. La Suisse applique dans ce cas le principe de la réciprocité (art. 21 al. 1 let. b de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités [RS 0.111]), si bien que la procédure devant le Tribunal fédéral n'est pas gratuite (arrêts 5A_990/2019 du 21 janvier 2020 consid. 8; 5A_701/2019 du 23 octobre 2019 consid. 8). La requête d'assistance judiciaire de la recourante, qui succombe, peut ici être admise (art. 64 al. 1 LTF), en sorte que les frais judiciaires, dont font partie les frais de représentation des enfants (arrêts 5A_346/2012 du 12 juin 2012 consid. 6; 5A_840/2011 du 13 janvier 2012 consid. 6), seront provisoirement supportés par la Caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 4 LTF). L'octroi de l'assistance judiciaire ne la dispense cependant pas du paiement de dépens (ATF 122 I 322 consid. 2c; arrêt 5C.5/2005 du 23 juin 2005 consid. 4, non publié aux ATF 131 III 542); en l'espèce, il y a lieu de considérer que l'intimé ne sera pas en mesure de recouvrer ceux-ci, compte tenu de la situation financière de la recourante. L'avocate de l'intimé sera dès lors également directement indemnisée par la Caisse du Tribunal fédéral. La recourante est rendue attentive au fait qu'elle est tenue de rembourser ultérieurement la Caisse du Tribunal fédéral si elle est en mesure de le faire (art. 64 al. 4 LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
Il appartiendra à l'autorité d'exécution, à savoir ici le Service de l'enfance et de la jeunesse du canton de Fribourg, d'organiser le retour en Israël des enfants, accompagnés de leur mère, en collaboration avec les autorités centrale suisse et israélienne, respectivement avec les autorités locales israéliennes, dès que la situation sur place permettra un renvoi sécurisé des intéressés. 
 
2.  
La requête d'effet suspensif est sans objet. 
 
3.  
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est admise et Me Daniel Trajilovic lui est désigné comme avocat d'office. 
 
4.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. Ils sont provisoirement supportés par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
5.  
Une indemnité de 2'000 fr., supportée par la Caisse du Tribunal fédéral, est allouée à Me Daniel Trajilovic à titre d'honoraires d'avocat d'office. 
 
6.  
Une indemnité de 2'000 fr., à verser à l'intimé à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante et est provisoirement supportée par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
7.  
Une indemnité de 1'500 fr. est allouée à titre d'honoraires à Me Philippe Leuba, curateur des enfants, qui lui sera versée par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
8.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à C.________, à D.________, au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, II e Cour d'appel civil, et à l'Office fédéral de la justice, autorité centrale en matière d'enlèvement international d'enfants.  
 
 
Lausanne, le 10 novembre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : de Poret Bortolaso