5A_841/2023 04.12.2023
Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_841/2023  
 
 
Arrêt du 4 décembre 2023  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
von Werdt et Bovey. 
Greffière : Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Sophie Beroud, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________, 
représentée par Me Sarah El-Abshihy, avocate, 
intimée, 
 
C.________ et D.________ 
représentés par Me David Métille, avocat, 
 
Objet 
demande de retour d'enfants, 
 
recours contre le jugement de la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 24 octobre 2023 (ME23.010431-230317 207). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ (1990) et B.________ (1991), tous deux de nationalités ukrainienne, sont les parents mariés de C.________ (2013) et D.________ (2015).  
Le couple diverge sur la date de sa séparation: dès l'automne 2021 selon l'épouse; en mars 2022, à savoir au moment où celle-ci a quitté l'Ukraine avec les enfants, selon l'époux. 
 
A.b. La Russie a envahi l'Ukraine le 24 février 2022.  
Le 13 mars 2022, soit avant que les troupes russes n'atteignent la région de Kiev, la mère et les enfants ont quitté l'Ukraine avec l'accord du père. Ils se sont rendus en Suisse, A.________ étant contraint de rester en Ukraine vu son âge et la mobilisation décidée par le gouvernement ukrainien. 
Après avoir d'abord été accueillis dans une famille le 18 mars 2023, B.________ et ses enfants ont ensuite emménagé dans un appartement à U.________ (VD). 
 
A.c. Le 11 août 2022, la précitée a déposé une demande en divorce auprès du Tribunal de district de Darnytskyi de Kiev, obtenant dans ce contexte une contribution d'entretien en faveur des enfants dès le 1er février 2023.  
 
B.  
Le 10 mars 2023, A.________ a saisi la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Chambre des curatelles ou la cour cantonale) d'une requête en retour d'enfants déplacés illicitement. Il concluait au retour immédiat des enfants en Ukraine, singulièrement à Kiev, et à ce qu'ordre soit donné à leur mère, sous la menace de la peine d'amende de l'art. 292 CP, de remettre les enfants prénommés à la Direction générale de l'enfance et de la jeunesse (ci-après: la DGEJ) afin que celle-ci se charge de leur rapatriement et de son exécution, cas échéant avec le concours de la force publique. 
A.________ a par ailleurs sollicité à titre superprovisionnel et provisionnel des mesures de protection immédiates tendant à aménager les relations personnelles entre lui-même et ses fils ainsi qu'à interdire à son épouse et à ses enfants de quitter le territoire suisse (ainsi: remise des documents d'identité de l'épouse et des enfants et interdiction d'en faire établir d'autres; interdiction de quitter le territoire suisse; signalement aux postes frontières et de gardes-frontières; enregistrement dans les base de données RIPOL et ISA). 
 
B.a. Par décision du 10 mars 2023, la Juge déléguée de la Chambre des curatelles (ci-après: la juge déléguée) a notamment ordonné à titre superprovisionnel à B.________ de déposer tous les documents d'identité des enfants et lui a fait interdiction, sous la menace de la peine d'amende de l'art. 292 CP, de quitter le territoire suisse avec eux.  
 
B.b. Il ressort d'un courrier adressé à l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'OFJ) le 12 mars 2023 par Me E.________, avocat à Zurich et médiateur, qu'une médiation préjudiciaire a été tentée entre les parties dès la fin de l'année 2022, sous l'égide de l'OFJ. Celles-ci étaient parvenues à un accord provisoire s'agissant des contacts entre A.________ et ses fils; aucune entente n'avait en revanche pu être trouvée quant au futur lieu de résidence.  
 
B.c. Dans sa réponse du 4 avril 2023 sur la requête en retour des enfants, B.________ a conclu au rejet de dite requête et à ce qu'il soit constaté que le déplacement des enfants, respectivement leur non-retour, était licite, précisant de surcroît les modalités d'exercice des relations personnelles.  
Me David Métille, curateur désigné des enfants, a conclu à la suspension de toute mesure de retour immédiat des enfants à Kiev et à ce que ceux-ci puissent rester auprès de leur mère en Suisse. 
 
B.d. Par ordonnance de mesures provisionnelles du 12 avril 2023, la juge déléguée a fait interdiction à B.________, sous la menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP, de quitter le territoire helvétique avec les enfants ainsi que d'établir ou tenter de faire établir de nouveaux papiers d'identité à leurs noms. Elle a par ailleurs fixé les modalités des relations personnelles entre les enfants et leur père.  
 
B.e. Une audience s'est tenue le 18 avril 2023 devant la Chambre des curatelles.  
 
La procédure a été suspendue pour une durée de deux mois, prolongeable sur requête commune, pour tenter une médiation. 
Dite suspension a par la suite été prolongée à deux reprises et finalement accordée jusqu'au 20 septembre 2023. 
 
B.f. Par correspondance du 16 août 2023, le médiateur a indiqué qu'aucune entente n'avait pu être trouvée entre les parties au sujet du retour des enfants en Ukraine, respectivement sur la poursuite de leur séjour en Suisse. Les parties demandaient en conséquence qu'une décision fût rendue sur ce point.  
 
B.g. Les parties ont déposé des plaidoiries écrites ainsi que des déterminations spontanées.  
 
B.h. Par jugement du 24 octobre 2023, la Chambre des curatelles a rejeté la demande de retour déposée par A.________, fixé précisément les relations personnelles entre celui-ci et ses enfants (par vidéo ou audio conférence) et rejeté toutes autres ou plus amples conclusions.  
 
C.  
Le 6 novembre 2023, A.________ (ci-après: le recourant) exerce contre cette décision un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il conclut principalement à l'annulation du jugement cantonal et à sa réforme en ce sens que sa demande de retour est admise, le retour immédiat de ses fils étant ordonné en Ukraine et B.________ (ci-après: l'intimée) devant ainsi remettre ceux-ci à la DGEJ, laquelle était chargée de l'exécution de leur rapatriement auprès de leur père en Ukraine, cas échéant avec le concours de la force publique. Subsidiairement, le recourant réclame le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision; en tout état de cause, il demande que soit constaté le caractère illicite du non-retour en Ukraine de ses enfants, l'intimée étant déboutée de toutes autres ou contraires conclusions. Le recourant sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire. 
Le curateur des enfants conclut au rejet du recours et demande pour ceux-ci le bénéfice de l'assistance judiciaire; l'intimée conclut au rejet du recours et requiert l'assistance judiciaire; la cour cantonale se réfère aux considérants de sa décision. 
 
Le recourant a répliqué. Vu l'issue du recours, l'intimée n'a pas été invitée à dupliquer; elle a spontanément indiqué renoncer à formuler des observations sur les écritures du curateur. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La décision statuant sur la requête en retour d'enfants à la suite d'un déplacement international est une décision finale (art. 90 LTF) prise en application de normes de droit public dans une matière connexe au droit civil, singulièrement en matière d'entraide administrative entre les États contractants pour la mise en oeuvre du droit civil étranger (art. 72 al. 2 let. b ch. 1 LTF; ATF 133 III 584 consid. 1.2; 120 II 222 consid. 2b). La Chambre des curatelles a statué en instance cantonale unique conformément à l'art. 7 al. 1 de la loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes du 21 décembre 2007 (LF-EEA; RS 211.222.32); il y a ainsi exception légale au principe du double degré de juridictions cantonales (art. 75 al. 2 let. a LTF). Le recourant, qui a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), a agi à temps (art. 100 al. 2 let. c LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 145 IV 228 consid. 2.1; 144 III 462 consid. 3.2.3). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2; 142 III 364 consid. 2.4).  
 
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 I 73 consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence), doit satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.2). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que si l'autorité cantonale n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte de preuves pertinentes ou a opéré, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1 et la référence).  
 
3.  
Le recours a pour objet le retour en Ukraine des enfants des parties au regard des dispositions de la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (ci-après: CLaH80; RS 0.211.230.02). La Suisse et l'Ukraine sont toutes deux parties à la CLaH80, la Suisse l'ayant ratifié le 11 octobre 1983 et l'Ukraine y ayant adhéré le 2 juin 2006. Selon l'art. 38 al. 4 CLaH80, l'adhésion n'a d'effet que dans les rapports entre l'État adhérant et les États contractants qui ont déclaré accepter cette adhésion. La Suisse a accepté l'adhésion de l'Ukraine le 18 octobre 2011; la convention est entrée en vigueur entre ces deux États le 1er janvier 2012. 
 
3.1.  
 
3.1.1. L'ordre de retour de l'enfant dans son pays de provenance suppose que son déplacement ou son non-retour soit illicite au sens de l'art. 3 CLaH80. Lorsqu'un enfant a été déplacé ou retenu illicitement, l'autorité saisie ordonne en principe son retour immédiat (art. 1 let. a, 3 et 12 al. 1 CLaH80), à moins que l'une des exceptions prévues à l'art. 13 CLaH80 ne soit réalisée.  
Le déplacement ou le non-retour de l'enfant est considéré comme illicite au sens de l'art. 3 CLaH80, lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l'État dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour (let. a), et que ce droit était exercé de façon effective, seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour (let. b). 
 
3.1.2. Selon la jurisprudence, l'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 135 I 6 consid. 2.1; 5A_895/2022 du 17 juillet 2023 consid. 6.2.1).  
 
3.2. La cour cantonale a jugé, en référence au code de la famille ukrainien, que les parties exerçaient l'autorité parentale conjointe sur leurs enfants et devaient prendre ensemble les décisions importantes les concernant, notamment celles relatives à un changement du lieu de leur résidence. L'intimée ne pouvait ainsi emmener ses fils en Suisse qu'avec l'accord préalable du recourant. Celui-ci l'avait initialement donné, en raison du danger imminent qui menaçait la région de Kiev au début de l'invasion russe, mais aucune date fixe de retour n'avait toutefois été prévue d'entente entre les parties. Or le père réclamait le retour de ses enfants au motif qu'il n'avait consenti à ce déplacement que de manière temporaire et la mère s'y opposait, invoquant que l'accord avait été donné pour la durée du conflit. Selon la cour cantonale, déterminer si le non-retour des enfants était illicite pouvait néanmoins rester indécis dès lors que les exceptions au retour prévues par l'art. 13 al. 1 let. a et b CLaH80 étaient ici réalisées.  
 
3.3. Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir laissé ouverte la question de l'illicéité du non-retour, qui relèverait à son sens du principe et de la sécurité du droit. Il y voit un déni de justice et une violation de l'art. 3 CLaH80.  
 
3.4. L'on ne saisit pas en l'occurrence l'intérêt que suscite ce grief pour l'issue de litige dans la mesure où la cour cantonale a examiné les conditions posées par l'art. 13 CLaH80 pour refuser le retour, examen qui suppose l'illicéité du déplacement, respectivement du non-retour (consid. 3.1 supra). La condition de l'illicéité s'examine de surcroît dans le contexte d'un cas particulier; prétendre qu'il serait nécessaire de trancher cette question ici en raison de la possibilité qu'une situation similaire se reproduise n'est ainsi nullement décisif. A défaut de toutes explications plus précises du recourant sur l'incidence concrète de sa critique, celle-ci doit être écartée.  
 
4.  
La cour cantonale a d'abord refusé le retour des enfants, estimant que l'exception au retour prévue par l'art. 13 al. 1 let. a CLaH80 était ici réalisée. Le recourant estime que tel n'est pas le cas. 
 
4.1. Selon l'art. 13 al. 1 let. a CLaH80, l'autorité judiciaire de l'État requis n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant lorsque le parent ravisseur qui s'oppose à son retour établit que l'autre parent qui avait le soin de la personne de l'enfant n'exerçait pas effectivement le droit de garde à l'époque du déplacement ou du non-retour, ou avait consenti ou a acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour.  
 
4.1.1. Seule la question du consentement ou de l'acquiescement postérieur au non-retour entre ici en considération dans la mesure où il n'est pas contesté que le recourant - qui exerçait effectivement son droit de garde avant le déplacement - a donné son accord au départ des enfants vers la Suisse (consid. 3.2 supra).  
 
4.1.2. La CLaH80 ne prévoit pas de présomption relative à l'accord au non-retour de l'enfant, mais exige la preuve de ce consentement (art. 13 al. 1 CLaH80), laquelle doit répondre à des exigences particulièrement élevées (arrêt 5A_709/2016 du 30 novembre 2016 consid. 5.3.1 et les nombreuses références citées); des déclarations conditionnelles ne suffisent pas (arrêt 5A_709/2016 précité ibid. et les références). Le consentement, respectivement, l'acquiescement (exprès ou par actes concluants) du parent qui avait la garde dans le pays d'origine doit ainsi être exprimé clairement (arrêts 5A_709/2016 précité ibid.; 5A_558/2016 du 13 septembre 2016 consid. 6.2.2; 5A_705/2014 du 15 octobre 2014 consid. 3.1); en cas de doute, il doit néanmoins être écarté (MAZENAUER, Internationale Kindesentführungen und Rückführungen - Eine Analyse im Lichte des Kindeswohls, 2012, n. 231; GLAWATZ, Die internationale Rechtsprechung zu Art. 13 Haager Kindesentführungsübereinkommen, 2008, p. 16).  
Le fardeau de la preuve incombe à la personne qui s'oppose au retour de l'enfant (arrêt 5A_1003/2015 du 14 janvier 2016 consid. 5.1.1 et les références citées); il appartient ainsi au parent ravisseur de rendre objectivement vraisemblable ("objektiv glaubhaft zu machen"), en présentant des éléments précis, le motif de refus qu'il invoque. Savoir si ces éléments sont rendus objectivement vraisemblables est une question de fait; en revanche, déterminer, sur la base de ceux-ci, s'il existe un motif de refus est une question de droit (arrêt 5A_1003/2015 précité ibid. avec les nombreuses références).  
 
4.2. Selon la cour cantonale, à supposer que le séjour des enfants eût initialement été envisagé pour une durée déterminée, à savoir l'offensive russe en Ukraine, il fallait considérer que le recourant avait consenti de fait à sa poursuite. Il n'avait en effet requis le retour des enfants que lorsque le délai de l'art. 12 al. 1 CLaH80 était proche de sa fin et ne précisait pas pour quelle durée limitée le séjour aurait été admis.  
 
4.3. Le recourant souligne avoir entamé des démarches dans le courant de l'année 2022, à tout le moins dès le mois de novembre, afin de tenter de trouver une solution amiable. Il souligne n'avoir jamais consenti, ne serait-ce que tacitement, à la poursuite du séjour des enfants en Suisse et sa demande de retour, même si déposée peu avant l'issue du délai d'une année prévu par l'art. 12 al. 1 CLaH80, l'avait néanmoins été dans les délais. L'intimée relève que le déplacement, effectué du consentement du recourant, avait pour but de protéger les enfants vu la situation en Ukraine. Il s'ensuivait que celui-ci avait consenti à leur non-retour tant et aussi longtemps que le conflit n'évoluait pas favorablement. Le curateur des enfants s'interroge pour sa part sur les motivations du recourant consistant à vouloir impérativement le retour des enfants dans un pays en guerre.  
 
4.4. En tant qu'il n'est pas contesté que le recourant a autorisé le départ des enfants en Suisse en raison de la situation liée à l'invasion russe de l'Ukraine, l'on peut ainsi présumer que, vu le maintien de l'offensive, le recourant consentait à la poursuite du séjour de sa famille en Suisse. C'est du moins l'avis que paraît formuler la cour cantonale et que soutient l'intimée. Il s'agit cependant d'une présomption, laquelle reste insuffisante pour établir sans doute possible l'accord du recourant au non-retour de ses enfants (consid. 4.1.2 supra). Ainsi que le relève le recourant, celui-ci a entrepris une médiation préjudiciaire avant de déposer sa demande de retour (let. B.b supra). Il n'a ainsi pas attendu la perspective de l'échéance du délai d'un an prévue par l'art. 12 CLaH80 pour manifester son désaccord, ainsi que le retient faussement la cour cantonale. Même si son intervention apparaît certes relativement tardive (fin 2022), fonder son acquiescement au non-retour des enfants sur cette seule circonstance se révèle délicat, aucun autre élément factuel permettant de l'appuyer ne ressortant des faits établis par la cour cantonale, si ce n'est la présomption susmentionnée. L'on relèvera par ailleurs que la juridiction cantonale a laissé indécise la question de l'illicéité du déplacement (consid. 3.2 supra), se trouvant manifestement confrontée aux seules déclarations divergentes des parties. Dans cette mesure, opposer au recourant qu'il aurait acquiescé au non-retour des enfants pour la durée de la guerre apparaît contradictoire dès lors que, vu l'enlisement du conflit, cette motivation revient ainsi implicitement à admettre la licéité du non-retour.  
Il s'ensuit que, dans le doute, la cour cantonale ne pouvait fonder le refus du retour sur l'art. 13 al. 1 let. a CLaH80. 
 
5.  
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir refusé le retour des enfants en référence à l'exception prévue par l'art. 13 al. 1 let. b CLaH80. Il invoque également dans cette perspective l'établissement arbitraire des faits. 
 
5.1. L'autorité judiciaire de l'État requis n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant lorsque la personne qui s'oppose à son retour établit qu'il existe un risque grave que celui-ci ne l'expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable (art. 13 al. 1 let. b CLaH80).  
La notion de risque grave doit être interprétée de manière restrictive; seuls les dangers réels et atteignant un certain niveau doivent être pris en considération. Quant à la portée du préjudice, elle doit correspondre à une "situation intolérable", autrement dit une situation telle que l'on ne peut raisonnablement s'attendre à ce qu'un enfant la tolère (arrêt 5A_954/2021 du 3 janvier 2022 consid. 5.2.2 et la référence). Selon la jurisprudence, sont notamment considérés comme graves les dangers tel qu'un retour dans une zone de guerre ou d'épidémie ou lorsqu'il est à craindre que l'enfant soit maltraité ou abusé après son retour sans que l'on puisse s'attendre à ce que les autorités interviennent à temps (arrêts 5A_531/2023 du 26 juillet 2023 consid. 7; 5A_635/2022 du 20 septembre 2022 consid. 4.1; 5A_954/2021 précité consid. 5.2.2; cf. également arrêt 5A_229/2015 du 30 avril 2015 consid. 6.1). 
 
5.2. La cour cantonale a relevé que l'évolution du conflit armé qui se déroulait en Ukraine était incertaine. Certes, les hostilités se concentraient plutôt à l'est du territoire et la situation n'était pas la même dans toutes les régions. La menace constante de frappes aériennes était néanmoins établie (cf. notamment: plans de situation établis par le Ministère français des armées; document de l'organe exécutif du conseil municipal de la ville de Kiev; recommandations du DFAE) et une série d'attaques de ce type, lancées le 21 septembre 2023 par la Russie, avaient fait des blessés, parmi lesquels une fillette dans le district où vivait le recourant. L'approche de l'automne faisait par ailleurs craindre aux autorités ukrainiennes que Moscou relance une campagne de frappes pour plonger la population civile dans le noir et le froid, comme à l'hiver 2022. La cour cantonale en a ainsi conclu que la situation sur place était extrêmement risquée et ferait courir un danger aux enfants en cas de retour. Relevant l'appréciation divergente - mais à son sens dépourvue de caractère décisif - de la Royal Court of Justice, la juridiction cantonale a souligné que la sécurité psychique des enfants recommandait de ne pas les déplacer au gré du développement du conflit, à tout le moins lorsque cela était évitable; or il était ici possible que les enfants dussent, à court ou moyen terme, à nouveau fuir le pays ou être déplacés à l'intérieur du territoire, avec toute l'instabilité et l'insécurité que cela comportait. A cela s'ajoutait enfin la mobilisation du recourant, qui n'était pas en mesure de prendre en charge personnellement ses fils. Ceux-ci seraient ainsi exposés à une instabilité potentielle de leurs conditions d'existence non seulement eu égard au développement du conflit armé, mais également en lien avec les personnes de référence sur place, ce qui était incompatible avec la notion de sécurité qui englobait une composante psychique.  
 
5.3. Le recourant soutient que la vie des civils continuait en Ukraine (notamment l'école), que les autorités du pays fonctionnaient et que de nombreux chefs d'État s'y rendaient régulièrement. L'appréciation de la cour cantonale reposait essentiellement sur des articles de journaux et des vidéos à caractère sensationnaliste, lesquels ne permettaient pas de dépeindre la situation en Ukraine, qui différait d'une région à l'autre. Vu la surface du territoire ukrainien, il souligne ainsi que le risque ne serait a fortiori pas le même partout, rien n'empêchant l'intimée de s'installer à proximité de la frontière polonaise dans un lieu préservé du conflit dès lors que le retour n'était pas ordonné à un endroit déterminé; il se réfère à cet égard à la jurisprudence rendue par la Royal Court of Justice, mentionnée par la cour cantonale, qui avait récemment ordonné le retour d'un enfant dans une ville de l'ouest de l'Ukraine, jugée sûre dès lors que proche des frontières de différents pays membres de l'OTAN. S'appuyant sur le guide de bonnes pratiques de la CLaH80, le recourant soutient que des allégations portant uniquement sur la situation politique, économique ou sécuritaire au sens de l'État de la résidence habituelle étaient généralement insuffisantes pour donner lieu à l'application de l'exception de risque grave. Affirmant enfin ne pas être mobilisé, il indique pouvoir prendre en charge les enfants, contrairement à ce que laissait entendre la cour cantonale.  
 
5.4. L'argumentation développée par le recourant consiste essentiellement à opposer sa propre analyse de la situation, insuffisante à démontrer l'arbitraire de l'appréciation des preuves à laquelle a procédé l'autorité cantonale ( supra consid. 2.2). Celle-ci a évalué la situation en Ukraine, singulièrement dans la région de Kiev où vit le recourant, en se fondant sur différents articles, essentiellement publiés sur internet (à savoir les sites France Info, Radio-télévision belge de la Communauté française, Euronews, RTL 5, BFMTV), ainsi que sur des informations de nature officielle (site du DFAE; Ministère français des armées). Bien qu'il l'invoque, le recourant ne démontre pas le caractère prétendument sensationnaliste de ces éléments de preuve, se limitant à de simples affirmations relativisant l'insécurité liée à la guerre. Il échoue ainsi à démontrer le caractère manifestement erroné des constatations qu'en tire la cour cantonale, à savoir une concentration du conflit certes à l'est du pays, avec néanmoins des frappes aériennes et des bombardements sur l'ensemble du territoire, sans aucune certitude sur l'évolution du conflit. Il convient de souligner qu'il ne s'agit pas ici de confronter les enfants à un retour dans un pays réputé dangereux, voire instable ou confronté à des événements de violence ponctuels sur une partie de son territoire (ainsi notamment: arrêts 5A_229/2015 précité consid. 6.3 [Mexique]; 5A_954/2021 précité consid. 5.2.4 [Honduras]), mais de les renvoyer dans un pays en état de guerre. Si, à lire le recourant, les enfants ne devaient encourir qu'un danger physique relatif vu la localisation du conflit à l'est, force est néanmoins de lui opposer que le risque d'une atteinte à leur stabilité psychique demeure évident et ne peut être ignoré. Dans cette perspective, la conclusion cantonale n'apparaît pas arbitraire.  
A supposer de surcroît que le retour s'effectue à Kiev - auprès du recourant -, une prise en charge personnelle des enfants - qui apparaîtrait ici essentielle vu la particularité des circonstances - se révélerait compromise: l'affirmation du recourant selon laquelle il travaillerait pour la police ukrainienne n'explique en effet nullement les raisons pour lesquelles il échapperait ainsi à la mobilisation; il ressort par ailleurs du jugement entrepris que, durant la phase de médiation préjudiciaire, il s'est révélé particulièrement difficile de prendre rendez-vous avec lui en raison de la disponibilité très restreinte que lui laissait son "service". 
Le recourant invoque également un possible retour de ses fils - avec l'intimée - dans une région actuellement peu exposée aux combats (ouest du territoire). Une telle éventualité ne permet cependant pas d'exclure la nécessité d'un déplacement ultérieur en raison de l'incertitude liée à l'évolution du conflit sur le territoire; or, ainsi que l'a considéré la cour cantonale sans contestation du recourant sur ce point, la sécurité psychique des enfant nécessite d'éviter de les déplacer au gré du développement du conflit. Il est enfin précisé que la décision anglaise que cite le recourant pour fonder son point de vue - rendue au demeurant dans un contexte de fait qui n'est pas tout à fait identique - ne lie aucunement les autorités suisses. 
Il s'ensuit que le refus d'ordonner le retour des enfants en référence à l'exception prévue par l'art. 13 al. 1 let. b CLaH80 est fondé. 
 
6.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Conformément aux art. 26 al. 2 CLaH80 et 14 LF-EEA, et dès lors qu'il faut constater que ni l'Ukraine, ni la Suisse n'ont formulé de réserves à ce sujet, il n'est pas perçu de frais judiciaires devant le Tribunal fédéral. Les conseils des parties et le curateur des enfants seront indemnisés par la Caisse du Tribunal fédéral (arrêts 5A_880/2013 du 16 janvier 2014 consid. 6; 5A_799/2013 du 2 décembre 2013 consid. 7 et 5A_716/2012 du 3 décembre 2012 consid. 4.2.1), en sorte que les requêtes d'assistance judiciaire des parties et des enfants sont sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire du recourant est sans objet. 
 
3.  
La requête d'assistance judiciaire de l'intimée est sans objet. 
 
4.  
La requête d'assistance judiciaire des enfants est sans objet. 
 
5.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
6.  
Une indemnité de 2'500 fr., payée par la Caisse du Tribunal fédéral, est allouée à titre d'honoraires à Me Sophie Beroud, avocate du recourant. 
 
7.  
Une indemnité de 2'000 fr., payée par la Caisse du Tribunal fédéral, est allouée à titre d'honoraires à Me Sarah El-Abshihy, avocate de l'intimée. 
 
8.  
Une indemnité de 2'000 fr., payée par la Caisse du Tribunal fédéral, est allouée à titre d'honoraires à Me David Métille, avocat et curateur des enfants. 
 
9.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à C.________ et D.________, à la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral de la justice, Autorité centrale en matière d'enlèvement international d'enfants. 
 
 
Lausanne, le 4 décembre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : de Poret Bortolaso