7B_740/2023 11.12.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_740/2023  
 
 
Arrêt du 11 décembre 2023  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux, Abrecht, Président, 
Koch et Hofmann, 
Greffière : Mme Paris. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Pierre-Bernard Petitat, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République 
et canton de Genève, 
2. B.________, 
représentée par Me Uzma Khamis Vannini, avocate, 
intimés. 
 
Objet 
Lésions corporelles simples, empêchement d'accomplir un acte officiel; présomption d'innocence, etc. 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 27 février 2023 
(P/15668/2017 - AARP/65/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 28 mars 2022, le Tribunal de police de la République et canton de Genève (ci-après: le tribunal de police) a reconnu A.________ coupable de lésions corporelles simples (art. 123 CP) et d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP). Il l'a condamné à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à 20 fr. le jour, sous déduction des 17 jours-amende correspondant aux 17 jours de détention avant jugement et des 25 jours correspondant à l'imputation des mesures de substitution. Il a assorti la peine du sursis avec un délai d'épreuve de 3 ans. Le tribunal de police a en outre condamné A.________ à verser à B.________ le montant de 1'275 fr. à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure. Il a rejeté les conclusions en indemnisation du prénommé, tout en le condamnant aux frais de la procédure. 
 
B.  
Par arrêt du 27 février 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté l'appel formé par A.________ contre ce jugement. 
En bref, il ressort de cet arrêt les faits suivants. 
 
B.a. Le 10 janvier 2018, A.________, qui se trouvait en U.________ depuis le mois de mai 2017, est rentré à son domicile à Genève, rue ________. Son épouse B.________ - qui avait déposé une demande de divorce et ne souhaitait pas reprendre la vie commune - ne s'attendait pas à la présence de son époux à leur domicile car elle le croyait installé durablement en Afrique. Au moment où elle a tenté de joindre la police par téléphone, A.________ l'a saisie fortement par le bras gauche, lui provoquant un hématome, qui a été objectivé dans un certificat médical daté du 12 janvier 2018.  
A raison de ces faits, A.________ a été reconnu coupable de lésions corporelles simples (art. 123 CP). 
 
B.b. Le même jour, alors que les agents de police alertés par B.________ entraient au domicile des époux, A.________ leur a résisté. Il les a empêchés d'accomplir un acte entrant dans leurs fonctions alors qu'ils souhaitaient procéder à une palpation de sécurité, les contraignant ainsi à recourir à la force pour le maîtriser.  
Le rapport d'interpellation émis par les agents de police le 10 janvier 2018 indiquait que leur présence avait été requise à l'adresse des époux par B.________ pleurant au téléphone. La porte de l'appartement avait été ouverte par A.________, lequel était resté calme jusqu'à ce que le gendarme C.________ lui demande de sortir les mains de ses poches, ce à quoi il s'était farouchement opposé malgré des injonctions répétées. Au moment où le gendarme tentait une palpation des poches avant du pantalon de A.________, celui-ci, dans une colère incompréhensible, avait posé sa main sur la poitrine de l'agent afin de le maintenir à distance et s'était opposé à la palpation de sécurité. L'intervention de force de deux collègues avait été nécessaire. 
A raison de ces faits, A.________ a été reconnu coupable d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP). 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 27 février 2023. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à son acquittement. Subsidiairement, il demande à être exempté de toute peine. Il demande en outre "à ce que la cause soit retournée à la juridiction cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants, en particulier à ce qu'il soit statué sur l'indemnisation qui lui est due, dans le sens des considérants". Il sollicite par ailleurs l'octroi de l'effet suspensif au recours et le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF) dans une cause pénale, le recours est recevable comme recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF. Le recourant, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, a la qualité pour agir au sens de l'art. 81 al. 1 LTF. Le recours a pour le surplus été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant invoque l'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves et se plaint d'une violation de la présomption d'innocence et du principe in dubio pro reo.  
 
2.1.  
 
2.1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1). Le Tribunal fédéral n'examine la violation des droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 et les références citées). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 114 consid. 2.1 et les références citées).  
 
2.1.2. Lorsque l'autorité cantonale a forgé sa conviction quant aux faits sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit en effet être examinée dans son ensemble. Il n'y a ainsi pas d'arbitraire si l'état de fait retenu pouvait être déduit de manière soutenable du rapprochement de divers éléments ou indices. De même, il n'y a pas d'arbitraire du seul fait qu'un ou plusieurs arguments corroboratifs apparaissent fragiles, si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (arrêts 6B_334/2023 du 16 août 2023 consid. 3.1; 6B_924/2022 du 13 juillet 2023 consid. 2.1; 6B_314/2023 du 10 juillet 2023 consid. 4.1; 6B_848/2022 du 21 juin 2023 consid. 2.1.2).  
 
2.1.3. La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 145 IV 154 consid. 1.1; 144 IV 345 consid. 2.2.3.1; 127 I 38 consid. 2a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant pas être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe in dubio pro reo, celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 et les références citées).  
 
2.1.4. Les déclarations de la victime constituent un élément de preuve. Le juge doit, dans l'évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires rassemblés au dossier, les apprécier librement (arrêts 6B_265/2023 du 20 septembre 2023 consid. 2.1; 6B_924/2022 précité consid. 2.1; 6B_894/2021 du 28 mars 2022 consid. 2.3 non publié in ATF 148 IV 234), sous réserve des cas particuliers où une expertise de la crédibilité des déclarations de la victime s'impose (cf. ATF 129 IV 179 consid. 2.4). Les cas de " déclarations contre déclarations ", dans lesquels les déclarations de la victime en tant que principal élément à charge et les déclarations contradictoires de la personne accusée s'opposent, ne doivent pas nécessairement, sur la base du principe in dubio pro reo, conduire à un acquittement. L'appréciation définitive des déclarations des participants incombe au tribunal du fond (ATF 137 IV 122 consid. 3.3; arrêts 6B_265/2023 précité consid. 2.1; 6B_924/2022 précité consid. 2.1).  
 
2.2. Le recourant admet avoir saisi le bras de son épouse afin de la dissuader d'appeler la police, le 10 janvier 2018, à leur domicile. Il reproche néanmoins à la cour cantonale d'avoir arbitrairement retenu que ce geste avait provoqué un hématome.  
 
2.2.1. Les juges cantonaux ont acquis la conviction que l'hématome constaté sur le bras de l'intimée provenait du geste perpétré par le recourant, en se fondant essentiellement sur les déclarations de celle-ci, qu'ils ont tenues pour crédibles. L'intimée avait été constante lorsqu'elle avait expliqué que, tout en lui parlant avec agressivité, le recourant lui avait tordu le bras pour s'emparer de son téléphone, ce qui lui avait provoqué l'hématome objectivé médicalement deux jours plus tard. Une partie des événements décrits était en outre confirmée par le rapport de police. D'un autre côté, les déclarations du recourant étaient fluctuantes. Tout au long de l'instruction préliminaire, il avait indiqué qu'il n'avait pas pris le bras de son épouse, que "rien ne s'était passé", qu'il avait trouvé sa femme en pleurs "sans autre explication", avant que la police soit appelée "sans qu'il n'en comprenne la raison". Puis, devant le tribunal de police, il avait finalement reconnu l'existence d'un contact physique et avoir tenté de prendre le téléphone des mains de son épouse, sans y parvenir. Ces dernières déclarations corroboraient le récit de l'intimée et permettaient d'éclaircir la situation.  
 
2.2.2. Le recourant conteste cette appréciation. Selon lui, rien ne prouverait qu'il a causé l'hématome sur le bras de son épouse. Toutefois, le recourant perd de vue que les déclarations de la victime constituent un élément de preuve (cf. consid. 2.1.4 supra) et que la juridiction cantonale peut, comme en l'espèce, forger sa conviction quant aux faits sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents (cf. consid. 2.1.2 supra). Or le recourant ne démontre pas que la cour cantonale aurait retenu de manière insoutenable que l'intimée était crédible lorsqu'elle avait expliqué comment l'hématome était survenu. Il ne démontre pas non plus qu'elle aurait versé dans l'arbitraire en retenant que les dénégations du recourant à ce propos étaient en revanche peu crédibles vu ses déclarations fluctuantes concernant l'enchaînement des événements. Son affirmation - largement appellatoire - selon laquelle les informations qu'il a données devant le tribunal de police constituaient en réalité "des précisions", ne lui est d'aucun secours. En effet, elle ne permet pas de démontrer que les juges cantonaux auraient fait preuve d'arbitraire en considérant que l'attitude du recourant - consistant à être peu loquace durant la procédure préliminaire pour finalement reconnaître certains faits devant le tribunal de police - mettait à mal sa crédibilité. Elle ne permet pas davantage de remettre en cause leur appréciation selon laquelle ces nouvelles informations corroboraient la version de l'intimée et leur permettaient d'acquérir une conviction. Mal fondé, le grief du recourant doit être rejeté, dans la faible mesure de sa recevabilité.  
 
2.3. Le recourant conteste avoir résisté aux policiers qui tentaient de procéder à une palpation de sécurité à son domicile, le 10 janvier 2018.  
 
2.3.1. La cour cantonale a considéré qu'il n'y avait pas de motifs de douter de la teneur du rapport de police selon lequel les gendarmes avaient dû recourir à la force pour assurer la sécurité de l'interpellation. Et ce, malgré le fait que l'agent C.________, auteur du rapport de police, ne se souvenait plus des faits, élément qui s'expliquait aisément par les quatre années écoulées et par le très grand nombre d'interventions auxquelles il avait participé depuis lors. Le fait que le recourant soit resté calme à l'arrivée de la police ne rendait pas moins crédible l'enchaînement des événements ultérieurs, lequel était d'une certaine manière corroboré par les déclarations du recourant qui avait initialement exposé à la police s'être opposé au contrôle car il était chez lui et s'était senti "comme violé" dans sa sphère privée, alors qu'il se trouvait devant sa femme et son fils. La thèse d'une action raciste délibérée soutenue par le recourant ne trouvait pas d'assise dans le rapport de police.  
 
2.3.2. Le recourant se borne à rediscuter la motivation cantonale en présentant sa propre version des faits et en livrant une appréciation personnelle de la situation. Une telle démarche, purement appellatoire, ne répond pas aux exigences de motivation déduites de l'art. 106 al. 2 LTF; elle est irrecevable.  
 
3.  
Pour le surplus, en tant que le recourant conteste la réalisation des infractions découlant des art. 123 CP et 286 CP, outre que ses griefs ne répondent manifestement pas aux exigences de motivation découlant de l'art. 42 al. 2 LTF, ils sont irrecevables faute d'épuisement des instances cantonales (cf. art. 80 al. 1 LTF). En effet, dans son appel, traité en procédure écrite, le recourant n'a pas critiqué la réalisation des infractions reprochées, de sorte que la cour cantonale n'a pas examiné cette question, sans que le recourant se plaigne d'un déni de justice à cet égard. 
 
4.  
 
4.1. Le recourant s'en prend enfin à la peine infligée. Il reproche en particulier à la cour cantonale de ne pas l'avoir exempté de toute peine s'agissant de l'infraction de lésions corporelles simples. Ce faisant, il semble invoquer l'art. 52 CP, faisant valoir qu'il s'agissait d'un "geste léger" issu d'une "négligence légère non punissable" ayant provoqué des "lésions minimes".  
 
4.2. Il ne ressort pas de l'arrêt attaqué qu'un tel grief aurait été soulevé devant l'autorité précédente, de sorte qu'il est irrecevable faute d'épuisement des instances cantonales (cf. art. 80 al. 1 LTF). Il sied en tout état de cause de relever que l'art. 52 CP ne saurait trouver application dans la présente occurrence. La culpabilité du recourant et les conséquences de son acte ne peuvent pas être qualifiées de peu importantes, sous peine de vider l'art. 123 CP de son sens. En effet, cette condition doit être évaluée par comparaison avec des cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification; il ne s'agit pas d'annuler, par une disposition générale, toutes les peines mineures prévues par la loi pénale (cf. arrêt 6B_187/2015 du 28 avril 2015 consid. 4).  
 
5.  
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Étant donné qu'il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant supportera les frais de la cause, qui seront fixés en tenant compte de sa situation économique, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). La cause étant jugée, la requête d'effet suspensif est sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
La requête d'effet suspensif est sans objet. 
 
4.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 11 décembre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
La Greffière : Paris