9C_406/2023 06.02.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_406/2023  
 
 
Arrêt du 6 février 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Cretton. 
 
Participants à la procédure 
Hoirie de feue A.A.________, soit: sa fille C.________, représentée par Me Philippe Nordmann, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Retraites Populaires Fondation de prévoyance, c/o Retraites populaires, rue Caroline 9, 1003 Lausanne, 
intimée. 
 
Objet 
Prévoyance professionnelle (prestation pour survivants), 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 9 mai 2023 (PP 35/22-16/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le mariage contracté en 1961 par A.A.________ et B.A.________ a été dissout par le divorce le 17 novembre 1992. Le jugement de divorce prévoyait le versement d'une contribution d'entretien en faveur de l'ex-épouse d'un montant mensuel de 7'500 fr. jusqu'en janvier 1998 puis de 3'500 fr. à vie. B.A.________ a pris une retraite anticipée et perçu une rente mensuelle de vieillesse de la prévoyance professionnelle de 8'862 fr. 25 dès le 1er février 1994. La rente a d'abord été servie par la Caisse complémentaire de retraite du personnel dirigeant du Groupe D.________ SA, puis par la CPP-Caisse de Pensions (ci-après: la CPP) dès 2006. La contribution d'entretien s'élevait à 3'900 fr. par mois en 2019. Elle était prélevée directement sur la rente de B.A.________ et versée par la CPP en mains de A.A.________. B.A.________ est décédé le 16 septembre 2021. Par lettre du 20 novembre 2021, A.A.________ a requis de Retraites Populaires Fondation de prévoyance (ci-après: la fondation; successeur en droit de la CPP depuis 2020) le versement d'une rente de veuve de la prévoyance professionnelle. L'institution de prévoyance l'a informée par courrier du 11 janvier 2022 que, selon les dispositions réglementaires applicables, elle avait droit à une rente de survivants pour conjoint divorcé de 96 fr. 95 par mois dès le 1er novembre 2021. A.A.________ a contesté le montant de la rente, qui devait être fixé à 3'900 fr. selon elle. La fondation n'a pas changé d'avis. 
 
B.  
Par acte du 7 décembre 2022, A.A.________ a ouvert action contre la fondation devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Elle a conclu à la condamnation de l'institution de prévoyance à lui verser une rente viagère mensuelle de 3'900 fr., éventuelle indexation réservée, dès et y compris le 1er octobre 2021, avec intérêts à 5% l'an dès chacune des échéances de paiement. 
Le tribunal cantonal a rejeté l'action par jugement du 9 mai 2023. 
 
C.  
A.A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement. A titre principal, elle en requiert la réforme en ce sens que la fondation est condamnée à lui verser une rente viagère mensuelle de 3'900 fr., éventuelle indexation réservée, dès et y compris le 1er octobre 2021, avec intérêts à 5% l'an dès chacune des échéances de paiement. A titre subsidiaire, elle en demande l'annulation. 
L'institution de prévoyance conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
A.A.________ est décédée le 19 juin 2023. La cause a été reprise par sa fille en sa qualité d'unique héritière de la défunte. Elle s'est déterminée sur la réponse de la fondation. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
 
2.  
Le litige porte en l'espèce sur le point de savoir si, à la suite du décès de son ex-époux, A.A.________ avait droit de la part de la fondation intimée à une rente de survivants pour conjoint divorcé allant au-delà des prestations minimales prévues par la LPP. Il s'agit particulièrement d'interpréter les art. 44 et 50 du règlement de prévoyance de la CPP (ci-après: le règlement) portant sur le droit du conjoint divorcé à des prestations de survivants. 
 
3.  
Le jugement attaqué expose les normes nécessaires à la résolution du cas, singulièrement celles concernant le droit du conjoint divorcé à des prestations pour survivants (art. 19 al. 3 LPP et 20 al. 1 OPP 2; art. 50 du règlement), les raisons qui peuvent conduire à la réduction de ces prestations (art. 20 al. 4 OPP 2) et la détermination du montant de la rente de conjoint survivant (art. 21 al. 2 LPP; art. 44 du règlement). Il cite encore la jurisprudence sur la notion d'institution de prévoyance "enveloppante", la liberté dont ces institutions disposent pour définir le régime de prestations qui leur convient et l'obligation que ces institutions ont de pouvoir contrôler le respect des exigences minimales de la LPP (ATF 136 V 313 consid. 4). Il rappelle finalement les principes régissant l'interprétation des règlements de prévoyance (ATF 140 V 145 consid. 3.3). Il suffit donc d'y renvoyer. 
On rappellera néanmoins que l'art. 50 du règlement prévoit notamment que le conjoint divorcé a droit à une rente de survivants déterminée selon les bases LPP si, au décès de son ex-conjoint, son mariage a duré dix ans au moins et si une rente lui a été accordée lors du divorce en vertu des art. 124e al. 1 ou 126 al. 1 CC. On rappellera encore que, si le conjoint survivant est le cadet de plus de dix ans du conjoint décédé, l'art. 44 al. 2 du règlement prévoit que sa rente (réglementaire) doit être réduite de 2% pour chaque année de la différence d'âge excédant dix ans, la rente déterminée selon les bases LPP étant garantie dans ces circonstances. 
 
4.  
Le tribunal cantonal a considéré que, contrairement à ce que soutenait la recourante, l'expression "selon les bases LPP", figurant à l'art. 50 al. 1 du règlement, excluait les prestations de la prévoyance plus étendue. Il a préalablement précisé qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte des arrêts du Tribunal fédéral cités par les parties dans la mesure où aucun ne portait sur l'interprétation du règlement de la CPP et que seules les circonstances du cas concret étaient déterminantes. Il a en outre retenu que le fait que la rente calculée "selon les bases LPP" soit expressément garantie dans le contexte de la réduction de la rente réglementaire prévue par l'art. 44 al. 2 signifiait que l'expression dont l'interprétation était en l'espèce litigieuse se référait incontestablement aux prestations minimales prévues par la LPP. Il a ajouté que, sous l'angle d'une approche systématique du règlement, il n'y avait pas lieu de donner un autre sens à cette expression employée également aux art. 44 al. 3 et 50 al. 1 du règlement. Il a enfin considéré que, contrairement à ce qui était prévu aux art. 44 al. 1 et 48 al. 1 du règlement, l'absence à l'art. 50 al. 1 du règlement d'un taux de réversibilité fixé en pourcentage de la rente réglementaire versée au conjoint décédé constituait un indice supplémentaire venant confirmer que l'expression "selon les bases LPP" se référait exclusivement aux prestations minimales prévues par la loi. Il a dès lors retenu que l'octroi à A.A.________ d'une rente de survivants pour conjoint divorcé déterminée sur la base des prestations minimales prévues par la LPP était conforme au règlement. Il a par ailleurs considéré que la recourante ne pouvait déduire des termes du jugement de divorce une obligation pour la fondation intimée de suppléer à l'obligation d'entretien assumée par l'ex-conjoint jusqu'à son décès dans la mesure où l'obligation d'entretien s'éteignait au décès du débiteur. Il a en conséquence rejeté l'action ouverte par A.A.________ contre l'institution de prévoyance. 
 
5.  
 
5.1. La recourante conteste d'une manière générale l'interprétation que la juridiction cantonale a faite de l'art. 50 du règlement. Elle soutient d'abord que l'expression "selon les bases LPP" ne renvoie pas nécessairement à un calcul de rente fondé sur la tranche obligatoire de la prévoyance professionnelle mais pourrait renvoyer à des dispositions telles que les art. 18, 19, 19a, 20a, 21 ou 22 LPP. Ce faisant, la recourante procède à sa propre interprétation de l'art. 50 al. 1 du règlement qui consiste seulement à adopter le point de vue contraire à celui retenu par l'autorité précédente sans démontrer en quoi l'interprétation de cette dernière serait erronée. On relèvera au demeurant que l'expression dont l'interprétation est en l'espèce litigieuse est utilisée dans le contexte du droit du conjoint divorcé à des prestations de survivants. La recourante n'explique pas et on ne voit pas en quoi le renvoi aux différents articles autres que celui relatif au montant de la rente serait pertinent dans ce contexte.  
 
5.2. Reprenant l'un de ses griefs, auquel il n'avait pas été répondu en première instance, la recourante prétend ensuite que, si l'interprétation de l'expression controversée en l'occurrence était aussi évidente que le laissaient entendre les premiers juges, la fondation intimée n'aurait pas eu besoin de modifier son règlement pour y préciser que "la rente de survivant divorcé n'excédera pas le montant de la rente minimale prévue par la LPP" (art. 18.3 al. 2 du règlement dans sa version du 1er janvier 2022). Elle soutient que cette modification, survenue postérieurement à la période litigieuse, démontrerait que l'interprétation contraire qu'elle défendait auparavant était possible et que, du point de vue procédural, l'absence de réponse à ce propos constituait un déni de justice.  
Son argumentation ne lui est toutefois d'aucune utilité. Une autorité se rend en effet coupable d'un déni de justice formel, prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst., lorsqu'elle omet de se prononcer sur des griefs présentant une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et des arguments importants pour la décision à rendre (ATF 142 II 154 consid. 4.2 et la référence). Or le grief de la recourante n'est en l'occurrence pas pertinent dans la mesure où l'art. 18.3 al. 2 du règlement de la fondation intimée ne constitue pas la version modifiée de l'art. 50 al. 1 du règlement de la CPP. Il s'agit concrètement de deux règlements indépendants l'un de l'autre, édictés par deux institutions de prévoyance différentes mais appliqués par une seule de ces institutions (à la suite de la reprise du patrimoine de l'autre institution en raison de sa dissolution) à des groupes de bénéficiaires différents. Dans ces circonstances, on ne saurait reprocher valablement au tribunal cantonal d'avoir commis un déni de justice. 
 
5.3. La recourante conteste encore le droit de la juridiction cantonale à se fonder sur l'art. 44 al. 2 du règlement pour interpréter l'art. 50 al. 1 du règlement au motif que le contexte de ces dispositions est différent. Cet argument n'est cependant pas pertinent. En effet, le seul fait d'invoquer des contextes différents ne suffit pas pour établir que, d'un point de vue systématique, l'interprétation - non contestée en soi - de l'expression "déterminée selon les bases LPP" figurant à l'art. 44 al. 2 du règlement ne peut pas être reprise pour la même expression utilisée à l'art. 50 al. 1 du règlement.  
 
5.4. La recourante ne saurait de surcroît être suivie lorsqu'elle soutient que le renvoi de l'art. 44 al. 2 du règlement aux bases LPP pourrait fort bien signifier que seul le 60% de la rente de vieillesse à laquelle aurait eu droit l'assuré était garanti au conjoint survivant divorcé par l'art. 21 al. 1 LPP (applicable par renvoi des art. 19 al. 3 LPP et 20 al. 1 OPP 2) au lieu du 70% prévu par l'art. 44 al. 1 du règlement. Son grief ne constitue effectivement qu'une hypothèse ne reposant sur aucun fondement objectif et qui, dès lors, n'est susceptible de remettre en question ni l'interprétation de cette disposition réglementaire par les premiers juges, ni leurs conclusions relatives au sens de l'expression litigieuse. On ajoutera que, contrairement à ce que la recourante paraît encore prétendre, l'absence d'un taux de réversibilité à l'art. 50 al. 1 du règlement ne constitue pas une lacune qu'il suffirait de combler en se fondant sur l'art. 44 al. 1 du règlement. En effet, en prévoyant le droit à une rente "déterminée sur les bases LPP" pour le conjoint divorcé qui bénéficiait d'une contribution d'entretien et dont le mariage avait duré au moins dix ans, l'auteur du règlement a clairement exclu la référence à d'autres dispositions réglementaires pour calculer le montant de sa rente, au contraire de ce qui est prévu aux art. 44 al. 1 et 48 al. 1 pour les conjoint survivants et les orphelins.  
 
5.5. On ne saurait enfin reprocher au tribunal cantonal d'avoir commis un déni de justice en refusant de s'exprimer sur la jurisprudence citée par les parties, singulièrement sur l'arrêt B 89/05 du 13 février 2006. Contrairement à ce que soutient la recourante, la juridiction cantonale a expliqué pourquoi elle n'avait pas jugé indispensable de se prononcer sur les arrêts invoqués. Elle a indiqué qu'aucun de ceux-ci ne concernait l'interprétation du règlement de la CPP, de sorte qu'ils n'étaient pas utiles pour résoudre le litige. En se limitant à affirmer de manière appellatoire que l'arrêt B 89/05 du 13 février 2006 porte sur une situation identique à la sienne, la recourante ne démontre pas que l'appréciation des premiers juges serait arbitraire ou autrement contraire au droit.  
 
6.  
Entièrement mal fondé, le recours doit être rejeté. 
 
7.  
Vu l'issue du litige, la recourante supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). La fondation intimée n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 6 février 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Cretton