7B_29/2022 09.10.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_29/2022  
 
 
Arrêt du 9 octobre 2023  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Hurni et Hofmann. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Julien Gafner, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, 
passage de la Bonne-Fontaine 41, 2300 La Chaux-de-Fonds, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de classement, indemnités en réparation du préjudice économique et du tort moral, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Autorité de recours en matière pénale, du 11 août 2022 (ARMP.2022.63/sk). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, ressortissant tunisien né en 1982, s'est marié le 13 juillet 2013, en Tunisie, avec une ressortissante brésilienne au bénéfice d'une autorisation de séjour en Suisse.  
Les époux, installés en Suisse à la suite de leur mariage, se sont séparés après quelques années. A.________ a vécu depuis lors dans un appartement qu'il louait à U.________ (VD). 
 
A.b. Depuis le 1er avril 2017, A.________ a travaillé pour la société B.________ AG en qualité de chef de sécurité pour des chantiers sur les voies CFF.  
Par décision du 5 juillet 2018, le Service de la population du canton de Vaud a révoqué l'autorisation de séjour de A.________. 
Les recours que ce dernier a successivement déposés contre cette décision ont été rejetés par le Tribunal cantonal vaudois (arrêt du 12 septembre 2019), puis par le Tribunal fédéral (arrêt du 18 novembre 2019 [cause 2C_861/2019]). 
 
A.c. Par jugement du 17 février 2020, le Tribunal de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a prononcé le divorce de A.________ et de son épouse. Ce jugement est définitif et exécutoire, les époux ayant expressément renoncé à tout recours.  
Les rapports de travail de A.________ avec B.________ AG ont pris fin le 28 février 2020. 
 
A.d. Le 18 juin 2020, A.________ et C.________, ressortissante suisse née le 11 septembre 1963 et domiciliée à V.________, ont déposé une demande de mariage.  
Le 27 juillet 2020, le Service de la population du canton de Vaud a relevé, à l'attention de A.________, que son séjour en Suisse n'était pas légal, mais qu'il était toléré pour une durée de 6 mois, soit jusqu'au 27 janvier 2021, du fait de la demande de mariage; cette tolérance ne donnait toutefois pas à l'intéressé le droit de travailler en Suisse. 
C.________ et A.________ se sont mariés le 21 octobre 2020 à U.________. 
 
B.  
 
B.a. A une date indéterminée, la police neuchâteloise a reçu une lettre anonyme indiquant en substance que, depuis 8 mois, A.________ était hébergé à V.________ par C.________, avec qui il entendait contracter un mariage blanc, cela alors qu'il avait été "expulsé officiellement" vers la Tunisie par les autorités du canton de Vaud.  
Après avoir entendu C.________ aux fins de renseignements, la police a adressé, le 11 septembre 2020, un rapport au Ministère public de la République et canton de Neuchâtel dans lequel elle a indiqué laisser le soin à ce dernier de déterminer les suites à donner à cette dénonciation anonyme. Une copie de ce rapport a été adressée au Service des migrations du canton de Neuchâtel. 
 
B.b. Le 26 octobre 2020, le Ministère public a ouvert une procédure pénale contre A.________ et C.________, tous deux pour infraction à l'art. 118 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20). Il leur était reproché d'avoir entrepris des démarches afin de contracter mariage dans l'optique que A.________ obtienne une autorisation de séjour en Suisse.  
Dans ce cadre, des mandats d'investigation ont été décernés à la police, laquelle a notamment procédé aux interrogatoires de A.________ et de C.________ ainsi qu'à la perquisition de leur lieu de vie. 
 
B.c. A teneur d'un rapport que la police a adressé le 24 février 2021 au Ministère public - avec copie au Service des migrations -, l'existence d'un arrangement financier pour le mariage devait être exclue, la police ayant constaté que A.________ et C.________, tous deux au bénéfice de l'aide sociale, faisaient bien ménage commun. Aussi, au vu du comportement de la petite-fille de C.________ envers A.________, qu'elle considérait comme son grand-père, il semblait que ce dernier avait été présent dans le cercle familial depuis un certain temps. Cependant, A.________ ne paraissait pas s'investir pleinement dans le mariage et recherchait d'autres relations féminines qu'avec son épouse; aucune photographie de lui n'avait notamment été retrouvée dans l'appartement.  
Diverses autres mesures d'instruction ont été menées jusqu'en janvier 2022, soit notamment, le 25 mai 2021, une perquisition du logement de U.________. Des demandes de renseignements ont par ailleurs été adressées au Guichet social régional de Neuchâtel ainsi qu'à l'État civil du canton de Vaud. 
 
B.d. Dans l'intervalle, à la suite de son mariage, le 10 novembre 2020, A.________ avait annoncé au Service des migrations son arrivée dans le canton de Neuchâtel et avait demandé une autorisation de séjour pour regroupement familial.  
Le 11 janvier 2021, le Service des migrations a informé A.________ qu'au vu de la procédure actuellement en cours auprès du Ministère public, sa demande était "[mise] en suspens et ce jusqu'à l'issue de ladite procédure". 
Par des décisions successivement rendues à compter du 22 janvier 2022, le Service des migrations a prolongé la tolérance du séjour, sans autorisation de travailler. 
 
B.e. Par avis du 22 février 2022, le Ministère public a annoncé aux parties son intention de classer la procédure.  
Le 22 mars 2022, A.________ a requis, en lien avec le prononcé du classement de la procédure, l'allocation d'indemnités, à hauteur de 2'386 fr. 40 pour ses frais de défense (art. 429 al. 1 let. a CPP), de 129'902 fr. 55 pour son préjudice économique (soit 124'980 fr. 60 en capital pour la perte de salaire subie entre le 1er novembre 2020 et le 1er avril 2022, 4'166 fr. pour les intérêts échus sur le montant requis à titre de perte de salaire et 755 fr. 95 pour des intérêts et frais de poursuites que, du fait de son absence de revenus, il avait dû supporter en rapport avec une dette auprès d'une banque; art. 429 al. 1 let. b CPP) ainsi que de 3'700 fr. pour son tort moral (2'000 fr. en capital et 1'700 fr. pour les intérêts échus; art. 429 al. 1 let. c CPP). 
 
B.f. Par ordonnance du 6 juillet 2022, le Ministère public a classé la procédure pénale dirigée contre A.________ et C.________ pour infractions à l'art. 118 LEI. Il a estimé que le parcours migratoire du premier nommé depuis 2018 et le timing du dépôt de la demande en mariage laissaient subsister un doute sur la motivation des prévenus, de sorte qu'il n'était pas possible d'envisager une condamnation pénale.  
Les frais de procédure ont été laissés à la charge de l'État. Une indemnité de 1'381 fr. 15 a été allouée à A.________ pour ses frais de défense avant la nomination de son défenseur d'office (art. 429 al. 1 let. a CPP), lequel a par ailleurs été indemnisé à ce titre pour un montant de 2'294 fr. 55. 
Le Ministère public a par ailleurs rejeté les demandes d'indemnités que A.________ avait formulées au titre de l'art. 429 al. 1 let. a et b CPP
 
B.g. Par arrêt du 11 août 2022, l'Autorité de recours en matière pénale a rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance de classement du 6 juillet 2022.  
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 11 août 2022. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que des indemnités de 121'152 fr. 20 et de 2'801 fr. 25 lui soient versées au titre de réparation de son préjudice économique (art. 429 al. 1 let. b CPP), respectivement de son tort moral (art. 429 al. 1 let. c CPP). A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Il demande en outre l'octroi de l'assistance judiciaire. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière pénale au Tribunal fédéral au sens de l'art. 78 LTF est recevable contre les décisions finales (art. 90 LTF), les décisions partielles (art. 91 LTF) et les décisions préjudicielles ou incidentes aux conditions prévues par les art. 92 et 93 LTF. En l'occurrence, le classement de la procédure dirigée contre le recourant en tant que prévenu n'a pas été remis en cause devant l'instance précédente. Le recours cantonal ne portait en effet que sur le refus du Ministère public de lui allouer des indemnités en réparation du dommage économique et du tort moral prétendument subis. Il apparaît ainsi que l'arrêt attaqué met un terme à la procédure et constitue donc une décision finale au sens de l'art. 90 LTF. Le recourant dispose en outre d'un intérêt juridique à obtenir l'annulation ou la modification de la décision attaquée (cf. art. 81 al. 1 let. a et b LTF), laquelle confirme le refus d'indemnisation. 
Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité - dont le dépôt en temps utile du recours (cf. art. 100 al. 1 LTF) - étant réunies, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 429 al. 1 let. b CPP en rejetant ses prétentions en indemnisation de son dommage économique. Il invoque également à cet égard un établissement arbitraire des faits. 
 
2.1.  
 
2.1.1. Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. b CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale.  
Cette disposition instaure une responsabilité causale de l'État, qui est tenu de réparer l'intégralité du dommage en rapport de causalité adéquate avec la procédure pénale (ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1 et les références citées). Elle vise essentiellement des pertes de salaires et de gains liées à l'impossibilité de réaliser une activité lucrative en raison du temps consacré à la participation aux audiences ou d'une mise en détention avant jugement. Elle concerne également l'éventuelle atteinte à l'avenir économique consécutif à la procédure, de même que les autres frais liés à la procédure, comme les frais de déplacement ou de logement (arrêts 6B_853/2021 du 16 novembre 2022 consid. 5.1.1; 6B_691/2021 du 5 avril 2022 consid. 3.1.1; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.1.1, non publié aux ATF 142 IV 163, et les références citées). L'évaluation du dommage économique se fait en application des règles générales en matière de responsabilité civile (art. 41 ss CO; ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1; arrêts 6B_691/2021 du 5 avril 2022 consid. 3.1.1; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.1.2, non publié aux ATF 142 IV 163). Le droit à des dommages-intérêts fondés sur l'art. 429 al. 1 let. b CPP suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre le dommage subi et la procédure pénale (arrêts 6B_853/2021 du 16 novembre 2022 consid. 5.1.1; 6B_691/2021 du 5 avril 2022 consid. 3.1.1; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.1.2, non publié aux ATF 142 IV 163). 
 
2.1.2. Un fait est la cause naturelle d'un résultat dommageable s'il en constitue l'une des conditions sine qua non; il n'est pas nécessaire que l'événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat. Le constat d'un lien de causalité naturelle relève du fait. Il y a causalité adéquate lorsque le comportement incriminé était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 143 III 242 consid. 3.7 et les références citées). Pour procéder à cette appréciation de la probabilité objective, le juge se met en règle générale à la place d'un "tiers neutre". La jurisprudence a précisé que, pour qu'une cause soit adéquate, il n'est pas nécessaire que le résultat se produise régulièrement ou fréquemment. Une telle conséquence doit demeurer dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles (ATF 143 III 242 consid. 3.7; cf. également arrêt 4A_337/2018 du 9 mai 2019 consid. 4.1.1). La causalité adéquate peut être interrompue par un événement extraordinaire ou exceptionnel auquel on ne pouvait s'attendre - force naturelle, fait du lésé ou d'un tiers - et qui revêt une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus immédiate du dommage et relègue à l'arrière-plan les autres facteurs ayant contribué à le provoquer - y compris le fait imputable à la partie recherchée (ATF 143 III 242 consid. 3.7; arrêt 4A_342/2020 du 29 juin 2021 consid. 7.1.2). La causalité adéquate est une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 143 III 242 consid. 3.7).  
 
2.2.  
 
2.2.1. Les juges cantonaux ont, en substance, tenu pour établi qu'à la suite de son mariage avec C.________, célébré le 21 octobre 2020, le recourant aurait pu bénéficier, s'il n'avait pas fait l'objet de la présente procédure pénale, d'une autorisation de séjour à titre de regroupement familial (cf. art. 42 al. 1 LEI), qui aurait été délivrée par le Service des migrations, à tout le moins dès le 1er février 2021, soit après les vérifications d'usage que les circonstances auraient commandé d'effectuer. Le recourant aurait dès lors pu reprendre, dès cette dernière date, le poste de travail qu'il avait déjà occupé entre avril 2017 et février 2020 auprès de B.________ AG, ce dernier fait ayant été attesté par les promesses d'embauche que cette société avait établies à l'attention du Service des migrations dès le début de l'année 2021 (cf. arrêt attaqué, consid. 3d p. 13 s.).  
 
2.2.2. Selon la cour cantonale, c'était en effet bien en raison de la procédure pénale en cours, dont le Service des migrations avait eu connaissance à réception du rapport de police du 11 septembre 2020, que cette autorité avait suspendu, le 11 janvier 2021, le traitement de la demande d'autorisation de séjour que le recourant avait déposée le 10 novembre 2020, estimant alors que la demande n'emportait en l'état qu'une simple tolérance de séjour, sans autorisation de travailler.  
Cela étant, la suspension ordonnée relevait d'une appréciation souveraine du Service des migrations, opérée en opportunité. Il aurait ainsi été possible pour cette autorité, si tel avait été son choix, de procéder différemment, en accordant au recourant une autorisation de séjour, par exemple à réception du rapport de police du 24 février 2021, moyennant éventuellement sa révocation ultérieure si les éléments ressortant la procédure pénale devaient tendre à démontrer que son mariage relevait d'une démarche abusive. Le recourant n'avait pour sa part pas allégué avoir tenté d'obtenir du Service des migrations qu'il lui accorde, sous une forme ou sous une autre, une autorisation provisoire de travailler (cf. arrêt attaqué, consid. 3d p. 15). 
 
2.2.3. Il fallait donc en déduire, en substance, que, dans la mesure où les prétentions du recourant au titre de l'art. 429 al. 1 let. b CPP se rapportaient exclusivement à la non-délivrance d'une autorisation de séjour par le Service des migrations, elles ne se trouvaient pas en lien de causalité adéquate avec la procédure pénale ouverte contre lui (cf. arrêt attaqué, ibidem).  
 
2.3. Cette approche doit être suivie, au bénéfice des explications qui suivent.  
 
2.3.1. Le recourant entend en particulier se prévaloir des directives établies par le Secrétariat d'État aux migrations (SEM) en rapport avec l'application de la LEI (SEM, Directives et commentaires, I. Domaine des étrangers, octobre 2013 [état au 1er juillet 2022], ci-après: Directives LEI), en soutenant que celles-ci imposeraient à l'autorité administrative de suspendre la décision d'autorisation dans le cas où une procédure pénale est en cours, si bien que, contrairement à ce que les juges cantonaux ont retenu, le Service des migrations n'aurait en réalité disposé d'aucune marge de manoeuvre et n'aurait ainsi notamment pas eu la latitude de lui délivrer provisoirement une autorisation de travailler.  
Il apparaît néanmoins que le passage des Directives LEI cité par le recourant (cf. Directives LEI, ch. 1 p. 41 [p. 46, dans leur état au 1er septembre 2023]: "si une procédure pénale est en cours, la décision d'autorisation est suspendue jusqu'à l'entrée en force du jugement pénal") a trait à l'application des critères d'intégration décrits à l'art. 58a LEI, en particulier en lien avec le respect de la sécurité et de l'ordre publics (cf. art. 58a al. 1 let. a LEI). Or ces critères ne sont pas déterminants dans le cadre d'une demande d'autorisation de séjour à titre de regroupement familial pour les membres étrangers de la famille d'un ressortissant suisse (cf. art. 42 al. 1 et 2 LEI), telle que formulée par le recourant, les critères de l'art. 58a LEI n'entrant en considération dans ce contexte que lors de l'octroi d'une autorisation d'établissement, après un séjour légal ininterrompu de cinq ans (cf. art. 42 al. 3 LEI). 
S'agissant spécifiquement de la situation prévalant pour une demande de regroupement familial concernant le conjoint étranger d'un ressortissant suisse, le SEM n'exige, en présence de soupçons en lien avec un motif d'extinction du droit au regroupement familial (cf. art. 51 al. 1 LEI), la suspension de la procédure administrative que dans l'hypothèse où l'étranger a fait l'objet d'un jugement, non entré en force, prononçant son expulsion pénale obligatoire, la demande de regroupement familial devant être rejetée dans l'éventualité de l'entrée en force du jugement en question, après épuisement des voies de recours (cf. Directives LEI, ch. 6.1.6 p. 105 [p. 114 dans leur état au 1er septembre 2023]). Aussi, dans le contexte des art. 42 et 51 al. 1 LEI, à teneur des Directives LEI, la suspension de la procédure administrative, avant le prononcé d'un jugement pénal, ne relève que d'une faculté dont dispose l'autorité administrative (Directives LEI, ibidem; "La suspension peut avoir lieu dès que les autorités migratoires compétentes ont connaissance du fait qu'une infraction donnera probablement lieu à une expulsion pénale [cela peut résulter par ex. du rapport de police ou de l'ouverture d'une enquête pénale]").  
 
2.3.2. On observera en outre qu'en matière de regroupement familial, et en présence de soupçons de mariage de complaisance, la LEI n'impose la suspension de la procédure que lorsque l'autorité administrative a informé l'autorité visée à l'art. 106 CC de l'existence d'indices d'une cause absolue d'annulation du mariage au sens de l'art. 105 ch. 5 ou 6 CC (cf. art. 45a LEI). Or il ne ressort pas de l'arrêt attaqué qu'une telle procédure civile en annulation du mariage aurait été engagée en l'espèce.  
 
2.3.3. Cela étant, la cour cantonale pouvait estimer à bon droit que le Service des migrations n'avait aucune obligation de suspendre la procédure administrative dans l'attente du résultat de la procédure pénale. Il est par ailleurs constant que ni le recourant ni son potentiel employeur n'ont cherché, d'une manière ou d'une autre, à obtenir du Service des migrations la levée de la suspension de la procédure administrative, alors qu'il n'était en soi pas exclu que la procédure pût être menée à terme et qu'à son issue, une autorisation de séjour fût délivrée au recourant compte tenu des perspectives concrètes d'emploi qu'il présentait, quitte à ce que cette autorisation fût par la suite révoquée en cas de condamnation pénale. Le recourant ne pouvait en particulier pas se satisfaire de relancer le Ministère public et lui demander d'accélérer la conduite de la procédure, attendu que cette autorité ne disposait à l'évidence d'aucune compétence matérielle en matière de séjour des étrangers.  
 
2.3.4. Dès lors, dans la mesure où la suspension de la procédure de regroupement familial par le Service des migrations, et par extension la non-délivrance au recourant d'une autorisation de séjour, relevait bien d'une appréciation en opportunité de cette autorité, la cour cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral, dénier tout lien de causalité adéquate entre la procédure pénale et le préjudice économique allégué au titre de l'art. 429 al. 1 let. b CPP (cf. également pour une approche similaire: arrêts 6B_691/2021 du 5 avril 2022 consid. 3.3.1; 6B_280/2019 du 19 mai 2020 consid. 2.6), la cause la plus immédiate de celui-ci étant en l'occurrence bien à chercher dans les démarches qu'il aurait appartenu au recourant d'entreprendre en vue d'éviter la survenance du préjudice en question.  
Le grief doit dès lors être rejeté. 
 
3.  
Le recourant se plaint en outre du rejet de ses prétentions en réparation du tort moral. 
 
3.1. Selon l'art. 429 al. 1 let. c CPP, le prévenu a droit à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté.  
Afin d'ouvrir le droit à l'indemnité visée par l'art. 429 al. 1 let. c CPP, l'intensité de l'atteinte à la personnalité doit être analogue à celle requise dans le contexte de l'art. 49 CO. L'indemnité pour tort moral sera régulièrement allouée si le prévenu s'est trouvé en détention provisoire ou en détention pour des motifs de sûreté. Outre la détention, peut constituer une grave atteinte à la personnalité, par exemple, une arrestation ou une perquisition menée en public ou avec un fort retentissement médiatique, une durée très longue de la procédure ou une importante exposition dans les médias, ainsi que les conséquences familiales, professionnelles ou politiques d'une procédure pénale, de même que les assertions attentatoires aux droits de la personnalité qui pourraient être diffusées par les autorités pénales en cours d'enquête. En revanche, il n'y a pas lieu de prendre en compte les désagréments inhérents à toute poursuite pénale comme la charge psychique que celle-ci est censée entraîner normalement chez une personne mise en cause (ATF 143 IV 339 consid. 3.1; arrêt 6B_1374/2021 du 18 janvier 2023 consid. 3.1). 
La fixation de l'indemnité pour tort moral est une question d'application du droit fédéral, que le Tribunal fédéral examine donc librement. Dans la mesure toutefois où celle-ci relève pour une part importante de l'appréciation des circonstances, il intervient avec retenue. Il le fait notamment si l'autorité précédente a mésusé de son pouvoir d'appréciation en se fondant sur des considérations étrangères à la disposition applicable, en omettant de tenir compte d'éléments pertinents ou encore en fixant une indemnité inéquitable parce que manifestement trop faible ou trop élevée (ATF 143 IV 339 consid. 3.1 et les références citées; arrêts 6B_1374/2021 du 18 janvier 2023 consid. 3.1; 6B_53/2013 du 8 juillet 2013, consid. 3.2 non publié in ATF 139 IV 243). 
 
3.2. En l'espèce, la cour cantonale a estimé en substance que les désagréments que le recourant avait subis du fait de la procédure ne constituaient pas des atteintes graves à sa personnalité, les actes d'enquête effectués n'ayant pas été disproportionnés.  
Il fallait prendre en considération que la situation du recourant relativement à son mariage, telle qu'elle ressortait des renseignements obtenus par la police, était propre à susciter des interrogations et à faire naître des soupçons s'agissant d'une possible infraction au sens de l'art. 118 al. 2 LEI, de sorte qu'il était justifié de procéder à des vérifications, et en particulier d'entreprendre une perquisition au domicile des époux. Il était à cet égard normal que les lieux fussent fouillés afin de déterminer si le recourant y séjournait réellement. De même, il n'y avait rien à redire au fait que le recourant avait été invité à laisser la police examiner le contenu de son téléphone portable, ses contacts pouvant fournir des indices quant à ses relations avec son épouse et avec d'éventuels tiers. Compte tenu de la nature de la cause, il était également inévitable que des questions d'ordre intime lui fussent posées, alors que le menottage subi lors de son transfert au poste de police faisait partie des mesures de sécurité usuelles. 
Certes, pour appuyer l'existence d'une atteinte particulièrement grave à son état psychique, le recourant avait produit l'attestation d'une psychiatre démontrant qu'il avait été suivi médicalement. Cette attestation portait toutefois sur une période antérieure à la procédure pénale - soit du 20 décembre 2019 au 4 août 2020, dans le contexte de la perte de son emploi -, de sorte qu'elle était impropre à démontrer l'existence d'une charge psychique supérieure à celle que toute personne est susceptible de ressentir à la suite des actes d'enquête décrits ci-avant. 
Certes également, la procédure n'avait pas été menée de manière rapide, alors qu'elle aurait pu l'être dans la mesure où les actes d'enquête essentiels avaient pu être mis en oeuvre sans difficultés particulières. Aussi, si le Ministère public pouvait avoir donné l'impression d'avoir eu de la peine à se résoudre à prononcer un classement, en ordonnant par la suite des mesures d'instruction qui n'étaient guère susceptibles d'apporter des éléments pertinents pour l'enquête, la durée de la procédure n'apparaissait toutefois pas si longue au point de justifier en elle-même une indemnité pour tort moral, le recourant n'ayant d'ailleurs jamais déposé de recours pour déni de justice ou retard injustifié. 
Enfin, la pression que le recourant expliquait avoir ressentie du fait de l'absence de la possibilité d'exercer une activité lucrative devait être relativisée, attendu qu'il ne travaillait déjà plus depuis la fin du mois de février 2020, cela sans lien avec la procédure pénale (cf. arrêt attaqué, consid. 4d p. 18 ss). 
 
3.3. Par les développements présentés dans son mémoire de recours, le recourant tente principalement de substituer son appréciation à celle opérée par la cour cantonale.  
Il en va ainsi notamment en tant qu'il se plaint d'avoir été traité comme un "véritable criminel", en insistant à cet égard essentiellement sur les circonstances de son mariage, sur celles de la perquisition - qui aurait été effectuée "de manière musclée", en présence de la petite-fille de C.________ -, sur les questions "intrusives" posées lors de ses interrogatoires ainsi que sur la durée de la procédure pénale, qu'il tient pour "particulièrement excessive". Ce faisant, le recourant s'abstient toutefois de mettre en lumière des éléments d'appréciation que la cour cantonale aurait arbitrairement omis de prendre en considération, pas plus qu'il ne démontre qu'elle se serait fondée sur des critères non pertinents sous l'angle de l'art. 429 al. 1 let. c CPP, de sorte qu'il se limite en définitive à présenter une argumentation appellatoire, irrecevable dans le recours en matière pénale. 
 
4.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
Il était d'emblée dénué de chances de succès, de sorte que l'assistance judiciaire doit être refusée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant supportera par conséquent les frais de la cause, qui seront fixés en tenant compte de sa situation économique, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Autorité de recours en matière pénale. 
 
 
Lausanne, le 9 octobre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
Le Greffier : Tinguely