1B_99/2023 07.03.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_99/2023  
 
 
Arrêt du 7 mars 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Kölz. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Philippe Girod, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la Confédération, 
Guisanplatz 1, 3003 Berne. 
 
Objet 
Détention provisoire, 
 
recours contre la décision du Tribunal pénal fédéral, 
Cour des plaintes, du 19 janvier 2023 (BH.2023.1). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 17 décembre 2021, A.________, ressortissant italien et ivoirien, a été arrêté notamment pour lésions corporelles simples (art. 123 CP), menaces (art. 180 CP) et viol (art. 190 CP). B.________ et C.________ ont porté plainte contre lui. Le premier, en raison de faits survenus le 27 juillet 2021 à Onex: A.________ lui aurait asséné un coup de poing derrière la tête, le blessant; le plaignant serait tombé au sol puis aurait chuté dans les escaliers sous la force du coup; A.________ l'aurait également menacé en lui disant "la prochaine fois, je vous tue, comme les autres". La plainte de C.________ (ci-après: la plaignante) porte sur des faits survenus à Genève, à des dates indéterminées entre 2011 et mai 2021: à plusieurs reprises, alors qu'il la frappait régulièrement, le prénommé l'aurait contrainte à entretenir avec lui des relations sexuelles qu'elle ne voulait pas, cette dernière ne s'opposant pas, de crainte qu'il la frappe à nouveau. Il est aussi reproché à A.________ d'avoir infligé des violences psychologiques, physiques et à caractère sexuel à D.________ au cours de la relation qu'il entretenait avec elle. 
Par ordonnance du 19 décembre 2021, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Genève a prononcé la détention de A.________ pour une durée de trois mois, en raison des risques de fuite, collusion et réitération. Le Ministère public du canton de Genève a demandé au Ministère public de la Confédération (MPC) de reprendre la procédure, comme celui-ci avait déjà ouvert une instruction pénale en 1995 à l'encontre du prévenu des chefs de meurtre (art. 111 CP), subsidiairement assassinat (art. 112 CP). Dans le cadre de cette procédure, A.________ avait été arrêté le 30 octobre 2018 et placé en détention provisoire le 1 er novembre 2018 pour une durée de trois mois, plusieurs fois prolongée et confirmée par le Tribunal pénal fédéral, puis le Tribunal fédéral. A la suite de l'admission de son ultime recours par le Tribunal fédéral, le recourant a été remis en liberté le 19 mai 2020 (arrêt 1B_195/2020 du 18 mai 2020). Ce dernier arrêt relevait que les faits reprochés au prénommé et commis - à titre d'auteur principal ou accessoire - en 1995 étaient prescrits s'ils n'étaient pas qualifiés d'assassinat. Cet arrêt avait aussi relevé l'absence d'avancement de l'enquête.  
Par ordonnance du 18 janvier 2022, le MPC a rendu une ordonnance de jonction et d'extension et a repris la procédure ouverte à Genève. Le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Berne (Tmc) a régulièrement prolongé la détention provisoire, en dernier lieu par ordonnance du 23 décembre 2022 jusqu'au 17 mars 2023, vu l'existence d'un risque de fuite et de collusion. Par décision du 19 janvier 2023, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (ci-après: le TPF) a rejeté le recours déposé par A.________ contre l'ordonnance du 23 décembre 2022. En substance, l'instance précédente a considéré que les charges étaient suffisantes, que des risques de collusion et de fuite existaient et que le principe de la proportionnalité était respecté. 
 
B.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit pénal, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral de refuser la demande de prolongation de la détention provisoire et d'ordonner sa libération immédiate. Il conclut subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Il requiert aussi l'assistance judiciaire. 
Le Tribunal pénal fédéral renonce à se déterminer et le Ministère public de la Confédération conclut au rejet du recours. Le recourant a répliqué, par courrier du 2 mars 2023. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Selon l'art. 79 LTF, le recours en matière pénale est recevable contre les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral qui portent sur des mesures de contrainte au sens des art. 196 ss CPP, dont font partie les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté (ATF 143 IV 85 consid. 1.2). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant, prévenu détenu, a qualité pour recourir. Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et les conclusions qui y sont prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
A teneur de l'art. 99 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Le procès-verbal de l'audition de C.________ du 8 décembre 2022 reçu par l'avocat du recourant le 10 février 2023 a été notifié postérieurement au prononcé de l'arrêt attaqué. Il s'agit donc d'un vrai novum, qui échappe à la cognition du Tribunal fédéral (ATF 143 V 19 consid. 1.2). Il n'en sera par conséquent pas tenu compte. 
 
3.  
Une mesure de détention pour des motifs de sûreté n'est compatible avec la liberté personnelle garantie aux art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP). 
 
4.  
Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes s'agissant des infractions de viol. Il reproche au TPF de ne pas avoir pris en considération les nouveaux éléments importants résultant du contenu des téléphones portables du recourant ainsi que de l'évolution des constatations de la police judiciaire fédérale (PJF), notamment dans son rapport du 23 novembre 2022. Il se fonde aussi sur les auditions de E.________ et de F.________. 
 
4.1. Il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH). Il n'appartient pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).  
En d'autres termes, les soupçons doivent se renforcer plus l'instruction avance et plus l'issue du jugement au fond approche. Si des raisons plausibles de soupçonner une personne d'avoir commis une infraction suffisent au début de l'enquête, ces motifs objectifs doivent passer de plausibles à vraisemblables (arrêt 1B_572/2021 du 5 novembre 2021 consid. 2.1 et les arrêts cités). 
 
4.2. A l'instar du Tmc, le TPF a considéré, après examen des pièces mises à disposition par le MPC et en dépit des divers points d'incohérence soigneusement énumérés par la défense, que les arguments de celle-ci n'étaient pas aptes à renverser les forts soupçons existants. Vu les explications fournies le 14 septembre 2022 par C.________ - et malgré les écarts mis en avant par la défense - et au regard des résultats de l'analyse des téléphones portables du recourant, l'instance précédente a estimé que les actes d'enquête effectués depuis le 21 septembre 2022 venaient renforcer les déclarations de C.________ concernant les violences physiques et sexuelles endurées durant sa relation avec le recourant. Elle a jugé que, bien que les dépositions de F.________ et de E.________ n'aient pas apporté de nouveaux éléments relatifs à des violences perpétrées par le recourant, il était plausible, vu les constatations effectuées par la PJF dans son rapport du 7 décembre 2022, que certains aspects relatifs au comportement de celui-ci aient été minimisés, respectivement passés sous silence par celles-ci. Le TPF a ajouté qu'il ressortait de l'audition de F.________ de 2018 que, si leur relation avait perduré, le recourant ne l'aurait pas laissé partir: cette difficulté de se séparer du recourant ressortait aussi des dépositions de C.________, même si certains messages écrits à celui-ci amenaient la défense à penser que tel n'avait pas été le cas. Pour le TPF, l'analyse des téléphones portables du recourant avait permis de mettre en évidence, d'une part, des faits de violence survenus dans le cadre de plusieurs relations sentimentales et, d'autre part, le maintien d'une forme de domination permanente et durable envers ses partenaires.  
L'instance précédente a conclu, sur la base de ces constatations et contrairement à ce que soutient la défense de la manière suivante: aucun élément nouveau n'était venu dissiper de manière décisive les soupçons initiaux; dès lors, le recourant était toujours gravement soupçonné d'avoir commis les infractions reprochées, au sens des art. 123, 144, 177, 180 et 190 CP; cela valait indépendamment de l'interprétation de la défense, selon laquelle les initiatives relationnelles et intimes auraient été prises par C.________, ce qui démontrerait une ambivalence manifeste dans ses déclarations. Au contraire, le TPF a estimé que les charges s'étaient renforcées en particulier par les résultats de l'analyse des téléphones portables, dans la mesure où ceux-là corroboraient de façon tangible les explications fournies le 14 septembre 2022 par C.________; de leur côté, les déclarations de F.________ et de E.________ ne pouvaient être interprétées exclusivement en faveur, respectivement à décharge du recourant, mais avaient plutôt un effet neutre. A ce sujet, le TPF a rappelé, une fois de plus, qu'un examen et une appréciation approfondis des déclarations recueillies, tels qu'effectués, en l'état, de manière plus ou moins sélective par la défense sortaient du cadre des compétences du juge de la détention. 
 
4.3. Le recourant reproche au TPF de n'avoir pas suffisamment pris en compte certains éléments nouveaux du dossier.  
Il relève d'abord une incohérence en ce sens que, pour les faits qui lui sont reprochés, C.________ aurait été contrainte à entretenir des relations sexuelles avec lui "de crainte qu'il la frappe à nouveau", alors que le dernier rapport de la PJF ne mentionne plus la crainte mais une forme de dépendance. Il souligne que les rapports de la PJF ont évolué dans la description des faits reprochés: les notions de peur et d'emprise précédemment retenues auraient laissé la place à celle de dépendance de C.________ envers le recourant. 
Se référant au rapport de la PJF du 23 novembre 2022 relatif à l'examen des téléphones portables, le recourant expose le contenu des messages que C.________ lui a envoyés les 7 et 29 juillet 2018, et les 18, 19 et 20 octobre 2018 (voir infra consid. 4.4.5). A son sens, le fait - pour une personne se plaignant d'avoir été victime d'une série de viols sur 10 ans - de proposer une dernière soirée intime et de remercier ensuite son partenaire en exprimant avoir eu besoin de lui dire au revoir par une rencontre sexuelle est si singulier qu'il remet en cause l'existence de contraintes successives dont la victime dit avoir fait l'objet. Il reproche au TPF de ne pas dire en quoi ces éléments ne sont pas objectivement de nature à remettre en cause les soupçons. 
En d'autres termes, le recourant met en évidence la contradiction qui existe entre les affirmations de peur de la plaignante et les initiatives de rendez-vous sexuels qu'elle a prises à plusieurs reprises; il en déduit que l'élément de peur est altéré et que les forts soupçons sont dissipés. 
Enfin, le recourant reproche à l'instance précédente de ne pas avoir tenu compte des déclarations de G.________, ancienne collègue de la plaignante, lors de l'audition du 25 mars 2022, selon lesquelles C.________ lui aurait dit que "sexuellement [avec le recourant] ils étaient sur la même longueur d'onde, qu'elle n'avait jamais connu ça et que, finalement, ils ne se voyaient que pour ça". 
 
4.4. Il y a lieu d'examiner en détail les nouveaux actes d'enquête effectués depuis la dernière prolongation de détention en septembre 2022.  
 
4.4.1. D'abord, C.________ a été auditionnée le 14 septembre 2022: elle a décrit deux agressions supplémentaires, au cours desquelles des violences physiques, verbales et sexuelles auraient eu lieu, ainsi que deux évènements relatifs à des violences physiques et verbales. Elle a expliqué la progression du comportement du recourant lors de leurs disputes (insultes, bousculades et violence) et a confirmé avoir subi une forme de domination permanente et durable de sa part, découlant des diverses contraintes physiques et psychiques qu'il exerçait sur elle. Elle a contesté avoir infligé au recourant les lésions consécutives aux agressions qu'il lui reproche.  
 
4.4.2. Ensuite, F.________, amie intime du recourant depuis 30 ans, a été auditionnée en qualité de prévenue le 3 novembre 2022. La prévenue (dans le premier volet de la procédure) a en substance déclaré n'avoir subi ni pressions, ni menaces, ni violences physiques de la part du recourant et n'avoir jamais été témoin de tels actes de sa part. Elle a décrit celui-ci comme très autoritaire et nerveux mais a affirmé qu'il ne l'avait jamais forcée à effectuer quoi que ce soit contre son gré. Questionnée à ce sujet, elle a déclaré avoir, à une reprise, lorsqu'elle avait 21 ans, eu peur du recourant, alors qu'elle voulait se séparer de lui. Informée de la plainte déposée par C.________, elle a déclaré être étonnée, précisant que le recourant avait toujours été très doux avec elle. Au sujet de la plainte déposée par D.________, relative à l'épisode au cours duquel le recourant aurait endommagé sa porte palière et où elle aurait failli se défenestrer, F.________ a réaffirmé ne jamais avoir été frappée ou forcée par celui-ci, ajoutant ne pas savoir pourquoi "il avait une attitude différente avec [elle]", alors qu'elle n'est "pas soumise" et n'a "pas la langue dans [s]a poche".  
Dans son rapport du 7 décembre 2022, la PJF a relevé que les dernières déclarations de F.________ ne concordaient pas avec celles de son audition du 5 décembre 2018, lors de laquelle elle semblait savoir que le recourant avait un comportement générateur de peur chez autrui et avait évoqué un épisode de peur survenu à une période et dans un contexte différent de l'événement décrit lors de son audition du 3 novembre 2022. Lors de son audition du 5 décembre 2018, elle avait aussi décrit un épisode semblable à celui relaté par D.________, au cours duquel le recourant était énervé, derrière sa porte, et où elle n'avait pas ouvert, par peur; elle avait ajouté que "si [elle] n'[était] pas restée avec lui à l'époque, c'[était] parce qu'il ne [l'] aurait pas laissé partir". 
Cette déposition n'a pas apporté de nouveaux éléments relatifs à des violences perpétrées par le recourant. Il n'est toutefois pas exclu que certains aspects relatifs au comportement de celui-ci aient été minimisés ou passés sous silence (voir rapport PJF du 7 décembre 2022 p. 15). 
 
4.4.3. Le 4 novembre 2022, E.________, la femme du recourant (dont il est séparé), a été entendue comme témoin. Elle a déclaré n'avoir jamais été victime de violences sexuelles de la part du recourant et ne pas se souvenir de pressions ou de menaces de sa part. Elle a aussi indiqué n'avoir pas eu peur du recourant et n'avoir jamais vu ce dernier être violent envers un tiers ou entendu dire qu'il l'aurait été. S'agissant des lésions que le recourant reproche à C.________ de lui avoir infligées, en substance, elle ne se souvient ni de leur provenance ni de leur datation.  
Ce témoignage n'a pas non plus apporté de nouvel élément de violence émanant du recourant. E.________ a toutefois fait usage à trois reprises de son droit de refuser de témoigner (pour préserver son intimité, non pour cacher des faits); elle n'a pas répondu aux questions suivantes: "Avez-vous déjà été victime de violences physiques de la part du recourant?", "Qui était à l'initiative de vos rapports sexuels?" et "Le recourant vous a-t-il, à un quelconque moment, forcée à effectuer quelque chose pour lui contre votre gré?". On ne peut donc pas exclure que certains comportements du recourant aient été tus. 
 
4.4.4. Entendu le 30 novembre 2022, le recourant a contesté l'ensemble des agressions décrites par C.________ lors de son audition du 14 septembre 2022.  
 
4.4.5. Enfin, la police judiciaire fédérale a rendu trois rapports datés des 10 novembre 2022, 23 novembre 2022 et 7 décembre 2022 portant sur l'analyse des téléphones portables du recourant. Il en ressort que des faits de violence sont effectivement survenus dans le cadre des relations sentimentales entretenues entre celui-ci et ses différentes partenaires, en particulier C.________ (coups de pieds reçus parce qu'elle ne répondait pas à la question du recourant), H.________ (gifle et clé de bras, suivies d'un baiser) et D.________. Certains extraits de conversations montreraient aussi que C.________ a tenté à plusieurs reprises de prendre ses distances et de se séparer du recourant, sans y parvenir, revenant parfois vers lui. Le recourant met ainsi en évidence des messages que lui a adressés C.________, notamment celui du 19 octobre 2018 ("j'aimerais que tu viennes me faire l'amour pour une dernière fois" assorti d'une vidéo d'une femme en train de se masturber), ceux du 29 juillet 2018 ("je te laisse la porte ouverte au cas où" "je suis nue sur mon lit et je t'attends"), celui du 18 octobre 2018 comprenant une invitation à dîner et celui du 20 octobre 2018 ("Merci pour cette dernière soirée, j'avais besoin de te dire au revoir"). Le rapport de la PJF du 23 novembre 2022 relève en conclusion que "les données traitées mettent en lumière des agissements qui tendent à démontrer une forme de domination permanente et durable du recourant envers la gent féminine reposant sur diverses contraintes physiques et psychiques imposées par ce dernier" (p. 46).  
L'analyse des téléphones portables du recourant a ainsi permis de mettre en évidence des faits de violence survenus dans le cadre des relations sentimentales entretenues entre le recourant et plusieurs de ses partenaires sexuelles. Il en ressort aussi le maintien d'une forme de domination permanente et durable du recourant sur elles. On ne peut cependant pas ignorer dans ce contexte les messages de C.________ invitant le recourant à des rencontres sexuelles. 
 
4.4.6. Vu ces éléments, on ne peut pas suivre l'instance précédente lorsqu'elle retient que les soupçons de violence - en particulier sexuelle - se sont renforcés au cours des derniers mois de l'instruction. L'absence de renforcement des éléments à charge ne signifie cependant pas encore la suppression de tout indice de culpabilité. Or ces indices de violence de nature sexuelle à l'égard de plusieurs victimes demeurent. Vu leur cumul et la présence d'autres soupçons d'infractions, ces circonstances sont suffisantes pour maintenir encore le recourant en détention. Pour une meilleure appréciation des soupçons de culpabilité, il convient aussi d'attendre le résultat de l'expertise psychiatrique du recourant. Celle-ci - dont le délai de reddition avait été fixé au 30 décembre 2022 - est importante dans le cas particulier de plainte pour viols dans le cadre d'une relation de plus de 10 ans où "l'existence d'une proximité entre la violence et la tendresse semble établie" et où semble exister "une forme de dépendance de la plaignante envers le recourant" (rapport de la PJF du 23 novembre 2022 p. 45).  
Pour le reste, c'est au juge du fond et non à celui de la détention qu'il incombera, cas échéant, d'examiner en détail les considérations de fait (notamment les différents messages de C.________), d'évaluer la valeur probante des différentes déclarations, de faire une appréciation complète des éléments à charge et à décharge et d'en tirer les conséquences qui s'imposent en matière de culpabilité. 
Par conséquent, le TPF n'a pas violé l'art. 221 al. 1 CPP en considérant qu'il existait encore de forts soupçons à l'encontre du recourant. 
 
5.  
Le recourant fait encore valoir une violation du principe de la proportionnalité, au motif que la durée de la détention préventive serait excessive au regard de la peine qu'il encourt. 
 
5.1. Le principe de proportionnalité postule que toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale (art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH). Une durée excessive de la détention constitue une limitation disproportionnée du droit à la liberté personnelle, qui est notamment violé lorsque la durée de la détention préventive dépasse la durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre (art. 212 al. 3 CPP). Dans l'examen de la proportionnalité de la durée de la détention, il y a lieu de prendre en compte la gravité des infractions faisant l'objet de l'instruction. Le juge peut maintenir la détention préventive aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation (ATF 133 I 168 consid. 4.1 p. 170 et les références).  
Il convient d'accorder une attention particulière à cette limite, car il y a lieu de veiller à ce que les autorités de jugement ne prennent pas en considération dans la fixation de la peine la durée de la détention avant jugement à imputer selon l'art. 51 CP (ATF 145 IV 179 consid. 3.1 et les arrêts cités). 
 
5.2. En l'espèce, le recourant est prévenu de lésions corporelles simples et de menaces, infractions passibles d'une peine privative de liberté de trois ans au plus. Il est aussi prévenu de viol dont la peine-menace consiste en une peine privative de liberté comprise entre un an et dix ans.  
Il y a lieu de considérer que la durée de la détention préventive déjà subie (de 13 mois au moment de l'arrêt attaqué [et de 31 mois et demi si on prend en compte la détention subie entre le 1er novembre 2018 et le 19 mai 2020]) est encore compatible avec la peine privative de liberté à laquelle l'inculpé est exposé concrètement en cas de condamnation. Dès lors, le TPF pouvait encore écarter une violation du principe de la proportionnalité. Cela étant, afin d'échapper à toute critique, le MPC devra faire en sorte que le rapport d'expertise psychiatrique soit rapidement rendu. L'instruction devra alors toucher à sa fin sans tarder et la mise en accusation, cas échéant, intervenir rapidement. 
 
6.  
Le recourant conteste enfin l'existence d'un risque de fuite. 
 
6.1. Le risque de fuite au sens de l'art. 221 al. 1 let. a CPP doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2 et les arrêts cités).  
 
6.2. En l'espèce, le recourant est de nationalité étrangère (italienne et ivoirienne). Il a vécu en Côte d'Ivoire jusqu'à son adolescence et a de la famille dans ce pays. Bien qu'il soit titulaire d'un permis B (valable jusqu'au 31 juillet 2025), il n'a pas de domicile en Suisse et vit en France, chez sa compagne. Même s'il affirme ne plus avoir de contacts avec elles, son ex-femme et sa fille vivent aussi en France.  
Face à ces éléments, le recourant se contente d'avancer qu'il a fait face dans son passé judiciaire à toutes les échéances qui lui ont été imposées: il a comparu en audience d'instruction et de jugement; il n'a pas fui lors de sa libération provisoire prononcée le 18 mai 2020; il s'est présenté à la convocation de la police genevoise le 17 décembre 2021. Il ne conteste cependant pas que son audition n'a pu être réalisée qu'en exécution d'un mandat d'amener, émis le 14 décembre 2021. Par ailleurs, le fait qu'il n'ait jamais fui face à la justice pénale ne garantit pas qu'il ne le fera pas, s'il devait être libéré. Le risque que, pour se soustraire à la justice pénale, il disparaisse dans la clandestinité et/ou quitte la Suisse est réel, ce d'autant plus qu'il conteste les charges à son encontre. En cas de condamnation, il risque aussi une mesure d'expulsion du territoire suisse (art. 66a CP). 
Partant, le TPF pouvait, sans violer le droit fédéral, retenir l'existence d'un risque de fuite. 
 
6.3. Le maintien de la détention du recourant étant justifié par un risque de fuite, il n'y a pas lieu d'examiner si cette mesure s'impose aussi en raison d'un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP ou de collusion au sens de l'art. 221 al. 1 let. b CPP.  
 
7.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. 
Les conditions posées à l'art. 64 al. 1 LTF étant réunies, il convient de mettre le recourant au bénéfice de l'assistance judiciaire, de lui désigner Me Philippe Girod comme avocat d'office et d'allouer à celui-ci une indemnité à titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 et 2 LTF). 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : 
 
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Philippe Girod est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la Confédération et au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes. 
 
 
Lausanne, le 7 mars 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Tornay Schaller