9C_472/2023 29.11.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_472/2023  
 
 
Arrêt du 29 novembre 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffière : Mme Perrenoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
 
représenté par Me Alexandre Lehmann, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève (CPEG), Esplanade de Pont-Rouge 5, 1212 Grand-Lancy, 
intimée. 
 
Objet 
Prévoyance professionnelle, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 27 juin 2023 (A/1973/2022 ATAS/512/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1984, a exercé différentes activités professionnelles à temps partiel, notamment pour le compte de l'Ecole-Club B.________ (ci-après: l'Ecole-Club) à compter du 1 er février 2012 et de l'Institut C.________ Sàrl dès le 1 er septembre 2012. Dans le cadre de ces emplois, il a été affilié depuis le 1 er janvier 2013 pour la prévoyance professionnelle respectivement auprès de la Caisse de pensions Migros (ci-après: la CPM) et de la Caisse Inter-Entreprises de Prévoyance Professionnelle (ci-après: la CIEPP). A.________ a également travaillé en tant qu'avocat collaborateur à 60% auprès d'une étude d'avocats, du 1 er février au 31 juillet 2013. A ce titre, il a été assuré pour la prévoyance professionnelle auprès d'AXA Fondation LPP Suisse romande, Winterthur (ci-après: AXA), à compter du 1 er février 2013.  
A.________ a par ailleurs travaillé en qualité d'enseignant vacataire HES auprès de la Haute école D.________, durant l'année académique 2017-2018. En raison de cette activité, il a été assuré pour la prévoyance professionnelle auprès de la Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève (ci-après: la CPEG ou la Caisse de pensions), du 1 er février au 31 août 2018.  
Entre-temps, depuis le 1er décembre 2014, l'assuré a bénéficié d'une rente de l'assurance-invalidité, d'abord une demi-rente, puis trois quarts de rente dès le 1er avril 2017; en raison d'une aggravation de son état de santé, une rente entière lui a été allouée à compter du 1 er octobre 2018 (décisions de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève [ci-après: l'office AI] des 8 janvier 2016, 26 juin 2018 et 18 janvier 2019). A.________ a également perçu une rente entière d'invalidité de la prévoyance professionnelle d'AXA, dès le 1er avril 2015, et de la CIEPP, depuis le 1er octobre 2018.  
 
A.b. En janvier et février 2019, A.________ s'est adressé à la CPM et à la CPEG afin de solliciter le versement d'une rente entière d'invalidité. Le 14 mars 2019, la CPM a nié toute obligation de prester. La CPEG en a fait de même le 27 mars 2019. Elle a confirmé son refus le 10 mai 2019.  
Statuant le 8 décembre 2020 sur l'action ouverte par le prénommé le 18 avril 2019 contre la CPM, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, l'a admise et a condamné la CPM à verser à l'assuré une rente entière d'invalidité de la prévoyance professionnelle. Saisi d'un recours de l'assuré et d'un recours de la CPM, le Tribunal fédéral a rejeté le premier et admis le second, par arrêt 9C_61/2021 et 9C_197/2021 du 1er mars 2022. Il a annulé l'arrêt cantonal et rejeté la demande du 18 avril 2019. Statuant le 18 mai 2022 sur une demande de révision de l'arrêt précité déposée par l'assuré, qui lui reprochait d'avoir omis de prendre en compte certains faits, le Tribunal fédéral l'a rejetée (arrêt 9F_4/2022 et 9F_5/2022). 
 
A.c. Dans l'intervalle, le 6 mars 2022, A.________ a réitéré sa demande de prestations auprès de la CPEG, qui a nié toute obligation de prester le 12 avril 2022.  
 
B.  
Le 15 juin 2022, l'assuré a ouvert action devant la Cour de justice genevoise, en concluant, en substance, à ce que la CPEG soit condamnée à lui allouer une rente d'invalidité de 50% à compter du 1er octobre 2018, avec intérêts à 5% dès la date de dépôt de la demande. Il a ensuite amplifié ses conclusions, en demandant désormais que la CPEG soit condamnée à lui verser une rente d'invalidité de 100% à compter du 1er octobre 2018, avec intérêts à 5% dès la date de dépôt de la demande (réplique du 5 septembre 2022). Statuant le 27 juin 2023, la juridiction cantonale a rejeté la demande. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Il conclut en substance à sa réforme en ce sens que la CPEG est condamnée à lui verser une rente entière d'invalidité, subsidiairement une rente partielle, à compter du 1er octobre 2018. Plus subsidiairement, l'assuré requiert le renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération. 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si la CPEG est tenue de verser une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire au recourant à compter du 1er octobre 2018.  
 
2.2. L'arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment au droit à des prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire (art. 23 LPP) et à la notion de survenance de l'incapacité de travail, en relation avec la double condition de la connexité matérielle et temporelle nécessaire pour fonder l'obligation de prester d'une institution de prévoyance (ATF 138 V 409 consid. 6.2; 134 V 20 consid. 3.2 et 5.3 et les références), ainsi qu'aux conditions dans lesquelles les décisions de l'assurance-invalidité lient l'institution de prévoyance compétente (ATF 144 V 72 consid. 4.1; 138 V 409 consid. 3.1 et les arrêts cités). Il suffit d'y renvoyer.  
 
3.  
La juridiction cantonale a d'abord admis qu'il était incontesté - et incontestable - que A.________ avait été affilié à titre obligatoire auprès de la Caisse de pensions du fait de l'emploi qu'il avait exercé auprès de la Haute école D.________ durant l'année académique 2017-2018; cet emploi ne pouvait en effet pas être considéré comme une activité accessoire au sens de l'art. 1j al. 1 let. c OPP 2. Elle a également considéré qu'en vertu de l'art. 33 du règlement général de la CPEG du 23 mars 2013, la Caisse de pensions appliquait la notion d'invalidité, le degré d'invalidité et le dies a quo du droit à la rente tels que prévus par la LAI et qu'elle ne s'était en l'espèce pas écartée des décisions et appréciations de l'office AI. Les premiers juges ont ensuite examiné si la CPEG avait l'obligation de verser une rente d'invalidité au recourant à la suite de l'"aggravation" de son incapacité de travail dès le 1er juillet 2018, ce qu'ils ont nié. En se fondant sur les différentes pièces médicales versées au dossier, ils ont à cet égard constaté que l'augmentation de l'incapacité de travail en été 2018 - de 50% dès avril 2013, respectivement 60% depuis janvier 2017, à 100% à partir de juillet 2018 - n'avait pas été le fait d'une atteinte à la santé indépendante de celle qui avait été à l'origine de l'invalidité (partielle) qui avait débuté en avril 2013. En effet, l'aggravation de l'invalidité du recourant survenue à l'été 2018, soit durant sa période d'affiliation à la CPEG (du 1er février au 31 août 2018), était due à une poussée de sclérose en plaques, soit à l'affection qui avait principalement occasionné l'incapacité de travail (partielle) survenue dès le 1er avril 2013. En conséquence, l'instance précédente a nié le droit de l'assuré à des prestations d'invalidité de la part de l'intimée. 
 
4.  
 
4.1. Dans une première argumentation, le recourant se prévaut d'une violation de l'autorité de chose jugée des arrêts du Tribunal fédéral (art. 61 LTF), ainsi que de l'interdiction de la contradiction de jurisprudence (art. 6 CEDH) en lien avec l'art. 23 LPP. Il reproche à la juridiction de première instance d'avoir admis une "relation d'étroite connexité matérielle" entre la sclérose en plaques qui a occasionné l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de son invalidité (partielle) depuis 2013 et l'aggravation ultérieure de son invalidité en 2018, alors même que le Tribunal fédéral aurait exclu ce lien de connexité dans les arrêts qu'il a rendus les 1er mars 2022 (arrêt 9C_61/2021 et 9C_197/2021) et 18 mai 2022 (arrêt 9F_4/2022 et 9F_5/2022). L'assuré y voit également un déni de justice, subsidiairement une violation de son droit d'être entendu.  
 
4.2. Contrairement à ce qu'allègue d'abord le recourant, pour nier l'obligation de prester de la CPEG, la juridiction cantonale ne s'est pas fondée sur des motifs que le Tribunal fédéral avait "expressément ou implicitement" rejetés dans l'arrêt 9C_61/2021 et 9C_197/2021 du 1er mars 2022, en contrevenant ainsi "aux garanties de procédure les plus essentielles et à l'[E]tat de droit". En ce qu'il affirme de manière péremptoire que dans l'arrêt précité, la Cour de céans "a déjà jugé que l'invalidité de 2018 n'est pas en lien de causalité avec celle de 2013" et aurait ainsi exclu explicitement la connexité matérielle entre l'invalidité survenue en 2013 et l'aggravation ultérieure de celle-ci en 2018, le recourant procède à une interprétation personnelle et erronée de cet arrêt. Dans celui-ci, ainsi que dans l'arrêt 9F_4/2022 et 9F_5/2022 du 18 mai 2022, le Tribunal fédéral s'est en effet prononcé essentiellement sur l'absence d'incapacité de travail déterminante de l'assuré dans son emploi pour le compte de l'Ecole-Club pendant la durée de son affiliation à la CPM au sens de l'art. 23 let. a LPP, à la suite de l'atteinte à la santé qui s'est manifestée en 2013 (cf. arrêt 9C_61/2021 et 9C_197/2021 précité consid. 7.2 in fine et 7.3; arrêt 9F_4/2022 et 9F_5/2022 précité consid. 4.1), comme l'ont du reste dûment exposé les premiers juges (cf. consid. 8.6 de l'arrêt entrepris). Quoi qu'en dise l'assuré, le Tribunal fédéral n'a en particulier pas admis que son invalidité "pour son emploi d'enseignant" trouve sa cause dans une (nouvelle) atteinte à la santé survenue en 2018. Dans la mesure où le recourant n'était plus affilié à la CPM en 2018, soit au moment où l'aggravation de son état de santé, qui trouvait sa cause dans la sclérose en plaques ayant occasionné une incapacité de travail en avril 2013, était survenue, la Cour de céans a en effet considéré qu'une obligation de prester de la CPM n'aurait pu être reconnue que si l'incapacité de travail initiale avait eu une incidence sur l'emploi pour lequel le recourant était assuré auprès d'elle, conformément à l'art. 23 let. a LPP, ce qu'elle a toutefois précisément nié (cf. arrêt 9C_61/2021 et 9C_197/2021 précité consid. 7.2 in fine et 7.3; arrêt 9F_4/2022 et 9F_5/2022 précité consid. 4.1). Le recours est mal fondé sur ce point.  
 
4.3. L'argumentation de l'assuré selon laquelle l'instance précédente n'aurait pas "discuté [...] la jurisprudence en force du Tribunal fédéral le concernant", commettant ainsi un déni de justice, subsidiairement une violation de son droit d'être entendu, n'est pas davantage fondée. Quoi qu'il en dise, les premiers juges ont retenu que la connexité matérielle entre l'incapacité de travail survenue dès le 1er avril 2013 en raison - principalement - de la sclérose en plaques et l'aggravation de l'invalidité à la suite d'une poussée de la sclérose en plaques durant l'été 2018 n'avait pas été remise en cause par le Tribunal fédéral (cf. consid. 8.6 de l'arrêt entrepris). A cet égard, il ressort en effet de l'arrêt rendu par la Cour de céans le 1er mars 2022, que l'aggravation de l'état de santé de l'assuré, qui est survenue en 2018, trouve sa cause dans la sclérose en plaques ayant occasionné une incapacité de travail en avril 2013 (cf. arrêt 9C_61/2021 et 9C_197/2021 précité consid. 7.2 in fine et 7.3; cf. aussi arrêt 9F_4/2022 et 9F_5/2022 du 18 mai 2022 consid. 4.1).  
 
5.  
 
5.1. Dans un second grief, le recourant invoque une violation de l'art. 23 LPP en lien avec un établissement manifestement inexact des faits. Il fait valoir que la juridiction cantonale n'aurait pas tenu compte, en contradiction avec les pièces du dossier claires et explicites à ce sujet, de deux nouvelles atteintes à la santé (à savoir des complications liées au diabète et un trouble de l'humeur), qui seraient survenues à partir de 2018 et qui seraient indépendantes de la précédente (soit la sclérose en plaques).  
 
5.2. A la suite des premiers juges, on rappellera que lorsqu'un travailleur partiellement invalide bénéficie, postérieurement à la survenance de cette invalidité partielle, de la prévoyance professionnelle obligatoire - comme c'est le cas du recourant en l'espèce -, il a droit aux prestations d'invalidité (de la nouvelle institution de prévoyance) que si la part restante de sa capacité de gain disparaît en raison d'une atteinte à la santé indépendante de celle qui est à l'origine de la première invalidité partielle. La simple aggravation d'une atteinte préexistante ne suffit pas (ATF 123 V 262 consid. 3c; arrêt B 90/04 du 27 avril 2005 consid. 4.3).  
 
5.3. En l'occurrence, la juridiction de première instance a constaté que le diabète, la maladie thyroïdienne, les problèmes visuels (diplopie) et le trouble de l'humeur (symptômes dépressifs) n'avaient, sous l'angle de la connexité matérielle, à tout le moins en juillet 2018 et ensuite, pas entraîné d'effets incapacitants propres et distinguables de ceux de la sclérose en plaques, qui constitue l'affection principale et centrale. En ce qu'il se limite à affirmer que l'aggravation de son invalidité en 2018 est "au moins pour partie due à une nouvelle cause d'invalidité, qui n'avait pas causé d'incapacité de travail significative et durable jusqu'à maintenant" et à en déduire que la Caisse de pensions doit lui verser des prestations d'invalidité, le recourant ne démontre pas que et en quoi les constatations de l'instance précédente seraient arbitraires ou autrement contraires au droit. Or les premiers juges ont expliqué de manière circonstanciée, en se référant aux avis médicaux versés au dossier (cf. rapports des docteurs E.________, spécialiste en médecine interne générale et en endocrinologie-diabétologie, du 2 avril 2022, et F.________, expert auprès de la Cour d'Appel de U.________, du 18 mars 2020), que le diabète, la maladie thyroïdienne, la sclérose en plaques (y compris la diplopie) et le trouble de l'humeur forment ensemble un tableau - clinique - polypathologique et que même si chaque maladie a un retentissement particulier, leurs conséquences s'additionnent et s'entremêlent entre elles. En particulier, le diabète du recourant s'était décompensé et aggravé en été 2018, non pas de manière autonome, mais dans le sillage et comme conséquence d'une poussée de la sclérose en plaques. A cet égard, il ressort effectivement du rapport du docteur E.________, que l'assuré est atteint d'un diabète de type 1 depuis 2002, très instable, qui s'est décompensé à la suite de la poussée de sclérose en plaques survenue en été 2018 (rapport du 24 octobre 2018). Dans ces circonstances, le recourant ne saurait rien tirer en sa faveur de l'absence d'incapacité de travail "significative et durable" occasionnée par son diabète avant l'été 2018. Pour le surplus, il ne conteste pas les constatations cantonales, selon lesquelles son trouble de l'humeur n'a pas fait l'objet d'un diagnostic précis et selon lesquelles le dossier ne contenait pas d'éléments qui auraient mis en évidence une nature et une intensité des symptômes dépressifs éventuellement susceptibles d'entraîner une incapacité de travail propre. Le recours est mal fondé sur ce point également.  
 
6.  
En définitive, il n'y a pas lieu de s'écarter de la conclusion de la juridiction cantonale selon laquelle la condition de la connexité matérielle n'est pas remplie concernant la période d'affiliation du recourant à la Caisse de pensions, ce qui exclut l'obligation de celle-ci de verser des prestations du fait de l'invalidité. 
 
7.  
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires seront supportés par le recourant (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 29 novembre 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
La Greffière : Perrenoud