1C_103/2022 20.10.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_103/2022  
 
 
Arrêt du 20 octobre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix, Jametti, Müller et Merz. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. Hoir s de feus B. B.________ et C.B.________, soit D.B.________, E.B.________, F.B.________, 
3. G.________, 
4. H.________, 
5. I.________, 
6. J.________, 
tous représentés par Me Gérald Page, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Chemins de fer fédéraux suisses CFF SA, représentés par Me Isabelle Romy, avocate, 
intimés, 
 
Commission fédérale d'estimation du 
1er arrondissement, c/o Cédric-Laurent Michel, 
Cour de justice de la République et canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
Expropriation formelle des droits de voisinage 
(voie de chemin de fer Genève - Genève-Aéroport), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 3 décembre 2021 (A-4663/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 31 mai 1987, les Chemins de fer fédéraux suisses CFF SA (les CFF ou les expropriants) ont mis en exploitation le raccordement ferroviaire Genève - Genève-Aéroport, qui avait été approuvé par décision du 9 février 1984 de l'Office fédéral des transports (OFT). 
A.________, les hoirs de feus B.B.________ et C.B.________ (soit D.B.________, E.B.________, F.B.________), G.________, H.________, I.________ et J.________ (ci-après: A.________ et consorts) sont propriétaires des parcelles n° 1392 (désormais n° 5785), 357 (désormais nos 5815 à 5823), 135, 133 et 130, situées au chemin de l'Etang à Châtelaine dans la commune de Vernier. Toutes ces parcelles jouxtent le tronçon ferroviaire qu'empruntent les trains desservant les lignes ferroviaires reliant Lausanne à Genève-Aéroport et reliant Genève à La Plaine. 
En août et septembre 1997, A.________ et consorts notamment ont formé, à l'encontre des CFF, des demandes tendant au versement d'indemnités représentant, sous réserve d'amplification, un total de 5'118'335.50 francs pour l'expropriation formelle de leurs droits de voisinage en raison des immissions de bruit provenant de l'exploitation du tronçon ferroviaire. Par requête du 31 mars 1998, les expropriants ont demandé à la Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement (la CFE) l'ouverture d'une procédure d'expropriation destinée à statuer sur les prétentions des requérants. 
La CFE a suspendu la procédure en vue de la procédure d'assainissement menée par les CFF. Par décision du 2 juillet 1999, la CFE a jugé que les prétentions formulées par A.________ et consorts n'étaient pas prescrites et a réservé la suite de la procédure. 
 
B.  
Le 30 juin 2010, les CFF ont déposé auprès de l'OFT une demande d'approbation ordinaire des plans concernant l'assainissement du bruit des chemins de fer dans la commune de Vernier. Compte tenu des légers dépassements des valeurs limites d'immission (les VLI) et du rapport coût-utilité (le RCU) désavantageux, ils ont renoncé à proposer la construction de parois ou de remblais antibruit mais ont demandé des allégements à l'OFT pour le secteur dans lequel se trouvent les parcelles des requérants. Ces allégements prévoyaient l'isolation acoustique des bâtiments existants par la pose de fenêtres antibruit et de ventilateurs silencieux dans les locaux à usage sensible au bruit. 
Par décision du 11 juillet 2012, l'OFT a approuvé les plans, admis la requête d'allégement des CFF et écarté les oppositions. Il a considéré en substance qu'en raison d'un RCU largement supérieur à 80, il ne pouvait ordonner aux CFF la construction d'une paroi antibruit et il a accordé les allégements demandés par ces derniers prévoyant l'installation de fenêtres antibruit et de ventilateurs silencieux. Par arrêt du 23 juillet 2014, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours déposé contre la décision du 11 juillet 2012. 
Le 13 juillet 2017, les CFF ont soumis à l'OFT une demande d'approbation des plans pour l'assainissement du pont métallique Jacques-Philibert-de-Sauvage, laquelle a été admise par décision de l'OFT du 22 juin 2018. En janvier 2019, le remplacement de ce pont métallique par un pont en béton s'est achevé. 
 
C.  
Par décision du 12 juin 2019, la CFE a condamné les CFF à ériger, à leurs frais et dans l'année suivant l'entrée en force de la décision, un mur antibruit en bordure des propriétés des expropriés, de la parcelle n° 362 à la parcelle n° 1392 du registre foncier de la commune de Vernier, afin de réduire de façon substantielle les nuisances occasionnées par la circulation des trains sur la ligne Genève - Genève-Aéroport. 
 
D.  
Les CFF ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF) contre la décision du 12 juin 2019. Ils ont notamment produit un rapport de mesurages du 15 avril 2020 établi par un bureau d'ingénieurs, duquel il ressort qu'à la suite de l'assainissement du pont Jacques-Philibert-de-Sauvage, les valeurs-limites d'exposition au bruit sont respectées pour les parcelles nos 130, 135 et 1392 en tenant compte des conditions de mesurages du 17 au 18 mars 2020, effectués in situ pendant 21 heures, et pour un trafic ferroviaire annuel basé sur les données extraites du cadastre des émissions sonores pour l'horizon 2015.  
Par ordonnance d'instruction du 16 août 2021, le TAF a soumis le rapport de mesurages du 15 avril 2020 à l'OFT et à l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), en tant qu'autorités spécialisées, en les invitant à se prononcer sur sa fiabilité et son objectivité. En particulier, il leur a demandé de se déterminer sur le fait que les passages de trains avec bruits perturbateurs et les passages de trains groupés n'avaient pas été retenus lors des mesurages, que les appareils de mesure avaient été apposés moins de 24 heures et que le trafic ferroviaire annuel de référence était celui ressortant du cadastre d'émission de 2015. Il a aussi demandé aux CFF de se déterminer sur ce dernier point. 
Le 6 septembre 2021, l'OFEV a répondu que les niveaux d'évaluation retenus pour les différents types de train étaient objectifs tant s'agissant des passages de trains retenus lors des mesurages que de la durée de ceux-ci. En outre, il était d'avis que le trafic de référence utilisé afin de déterminer les niveaux d'évaluation Lr pour les différents récepteurs considérés ne pouvait être le trafic annuel effectif 2015, le trafic ayant changé depuis. Il a considéré qu'il était toutefois plausible que les immissions soient maintenant inférieures à celles fixées en 2015, sans qu'il ne soit possible de quantifier leur diminution ni de déterminer des niveaux d'évaluation Lr suffisamment fiables. Il a estimé que le trafic effectif 2020 n'était pas représentatif en raison des restrictions engendrées par la pandémie du coronavirus et que l'évaluation devrait se baser sur un horizon plus réel, tel que 2025. 
Quant à l'OFT, par écriture du 6 septembre 2021, il a soutenu les réponses de l'OFEV concernant les passages de trains retenus, la durée d'apposition des appareils de mesure et le fait que le trafic 2020 avait été plus faible qu'en 2015 en raison de la pandémie. Au surplus, il a précisé que les niveaux d'évaluation Lr selon les mesures indiquées dans le rapport de mesures tenaient compte de l'interdiction des wagons de marchandises bruyants, ce qui avait réduit d'autant ces niveaux. 
Le 8 octobre 2021, les CFF ont notamment produit une analyse du 5 octobre 2021 complétant leur rapport de mesurages du 15 avril 2020 pour les prévisions à l'horizon 2030 ainsi qu'un tableau des mouvements de trains entre 2015 et 2020. 
Par arrêt du 3 décembre 2021, le TAF a admis partiellement le recours. Il a annulé le chiffre 1 de la décision du 19 juin 2019 selon lequel les CFF devaient ériger à leurs frais un mur antibruit en bordure des propriétés des expropriés, de la parcelle n° 362 à la parcelle n° 1392 et le chiffre 2 selon lequel le mur antibruit devra être construit dans l'année suivant l'entrée en force de la présente décision. Il a confirmé pour le surplus la décision attaquée, soit la condamnation des CFF aux frais de la procédure et au versement d'une indemnité réduite à 10'000 francs à verser aux expropriés à titre de participation aux honoraires de leur avocat. Il a considéré en substance que les conditions auxquelles sont subordonnées une indemnité d'expropriation ne sont pas remplies. 
 
E.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et consorts demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 3 décembre 2021 et de confirmer la décision du 12 juin 2019. Ils ont produit un courrier, le 16 février 2022. 
La commune de Vernier et le TAF renoncent à se déterminer. La CFE s'en rapporte à justice. L'Office fédéral de l'environnement renvoie à ses prises de décision devant le TAF. L'Office fédéral des transports et les CFF concluent au rejet du recours. Les recourants ont répliqué par courrier du 25 mai 2022. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) émanant du Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF) et rendue dans une cause en matière d'expropriation formelle des droits de voisinage (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune exception de l'art. 83 LTF n'étant réalisée (cf. arrêt 1C_177/2021 du 10 mars 2022 consid. 1.1). 
Les recourants, propriétaires des parcelles n° 1392 (désormais n° 5785), 135, 133 et 130 du registre foncier, sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué, en tant que propriétaires subissant une expropriation des droits de voisinage. Ils ont donc la qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
En revanche, la parcelle n° 357 (désormais remplacée par les parcelles n° 5815 à 5823) a été vendue au mois de juin 2019. Or, selon la jurisprudence, en cas de vente de l'immeuble sur lequel porte l'expropriation après l'ouverture de la procédure de première instance, le vendeur ne conserve la qualité d'exproprié ou la légitimation active que lorsqu'il a été convenu avec l'acquéreur que l'indemnité d'expropriation lui restait due. Il en va de même concernant l'expropriation de droits de voisinage (cf. ATF 122 I 168 consid. 1; arrêt 1C_894/2013 du 17 juillet 2014 consid. 2.1.1). L'instance précédente a retenu que les anciens propriétaires de la parcelle n° 357, D.B.________, E.B.________ et F.B.________, n'avaient pas démontré qu'il avait été convenu avec l'acquéreur de ce bien-fonds que l'indemnité d'expropriation restait due au vendeur. Le recours ne remet pas en cause cette constatation, de sorte que D.B.________, E.B.________ et F.B.________ ne disposent pas de la qualité pour recourir. 
Pour les autres recourants, les conditions de recevabilité restantes sont réalisées, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond. 
 
2.  
A teneur de l'art. 99 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. L'article de presse du 2 février 2022, dont se prévalent les recourants dans leur écriture du 16 février 2022, est postérieur au prononcé de l'arrêt attaqué. Il s'agit donc d'un vrai novum, qui échappe à la cognition du Tribunal fédéral (ATF 143 V 19 consid. 1.2). Il n'en sera par conséquent pas tenu compte.  
 
3.  
Dans des griefs d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, les recourants se plaignent d'une appréciation arbitraire des preuves et d'une violation de leur droit d'être entendus (art. 29 al. 1 Cst.). 
 
3.1. Ils font d'abord valoir que le TAF ne disposerait pas des mêmes connaissances techniques et économiques que la CFE et ne devrait pas s'écarter sans nécessité de l'avis de l'instance précédente.  
Le TAF en sa qualité d'autorité de recours dispose d'une pleine cognition. Il revoit librement l'application du droit par l'autorité inférieure, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 49 let. a de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 [PA; RS 172.021]), la constatation des faits pertinents (let. b) et l'opportunité de la décision attaquée (let. c), tous griefs que le recourant peut soulever à l'appui de son recours. Cependant, il fait preuve d'une certaine retenue dans l'exercice de son libre pouvoir d'examen lorsque la nature des questions litigieuses qui lui sont soumises l'exige, singulièrement lorsque leur analyse nécessite des connaissances spéciales ou encore lorsqu'il s'agit de circonstances locales ou techniques que l'autorité qui a rendu la décision connaît mieux (ATF 135 II 296 consid. 4.4.2). 
En l'occurrence, le TAF avait un plein pouvoir d'examen pour apprécier et se prononcer sur les conditions auxquelles est subordonnée une indemnité d'expropriation, qui est une question de droit. La CFE dispose certes d'un certain pouvoir d'appréciation pour fixer le montant de l'indemnité. Cela n'a cependant aucune pertinence en l'espèce car il s'agit ici de trancher la question de savoir si les conditions juridiques d'une telle indemnité sont remplies et non pas de déterminer le montant de celle-ci. 
Mal fondé, ce grief doit être écarté. 
 
3.2. Les recourants soutiennent ensuite qu'en refusant l'ensemble des moyens de preuves qu'ils avaient sollicités, l'instance précédente aurait violé leur droit d'être entendu et aurait excédé son pouvoir d'appréciation en se substituant à l'autorité inférieure.  
 
3.2.1. Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour le justiciable de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1). Le refus d'une mesure probatoire par appréciation anticipée des preuves ne peut être remis en cause devant le Tribunal fédéral qu'en invoquant l'arbitraire (art. 9 Cst.) de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 III 73 consid. 5.2.2).  
 
3.2.2. En l'espèce, le litige porte sur la question de savoir si les conditions d'une indemnité d'expropriation formelle des droits de voisinage sont réunies en lien avec les émissions de bruit provenant de l'exploitation de la voie de chemin de fer Genève - Genève-Aéroport. Dans ce contexte, le TAF a examiné si la condition de la spécialité était remplie, notamment en étudiant si les valeurs limites d'immission de bruit (VLI) posées par la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE; RS 814.01) et l'ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB; RS 814.41) étaient respectées (voir infra consid. 4.3). Pour ce faire, il s'est fondé sur des rapports produits par les CFF, à savoir le rapport de mesurages du 15 avril 2020 et l'analyse du 5 octobre 2021 ainsi que sur les avis de l'OFEV et de l'OFT.  
 
3.2.2.1. Les recourants reprochent d'abord à l'instance précédente d'avoir écarté l'audition d'un représentant de la commune de Vernier qui aurait pu s'exprimer sur l'exigence de la construction d'un mur antibruit au regard des nécessités de droit cantonal et communal. Ils se contentent toutefois de faire valoir que ce témoin aurait pu témoigner de l'efficacité d'un mur antibruit en raison des spécificités de la commune de Vernier, traversée par les voies de chemin de fer. Partant, ils ne remettent pas en cause l'argumentation de l'instance précédente et n'expliquent pas en quoi le TAF aurait procédé à une appréciation anticipée des preuves arbitraire en rejetant ce moyen de preuve. Le TAF a en effet écarté cette requête, au motif que la question de savoir si une indemnité d'expropriation était due et si elle pouvait prendre la forme d'un mur antibruit relevait du droit fédéral, de sorte que l'offre de preuve présentée par les recourants n'avait pas de rapport pertinent avec l'objet du litige.  
 
3.2.2.2. Les recourants font encore grief au TAF d'avoir refusé d'entendre un ingénieur des CFF et un représentant de la commune pour prouver la promesse faite par les CFF lors de la présentation du projet aux riverains de construire un mur antibruit.  
Le TAF a refusé cette réquisition de preuve au motif que, dans le cadre de la procédure de recours contre la décision de l'OFT du 11 juillet 2012 d'accorder des allègements, il avait déjà eu à se prononcer sur la production des plans présentés lors de la présentation publique: il avait alors jugé que les recourants n'étaient pas parvenus à rendre vraisemblables les premiers indices de l'existence d'un ferme engagement susceptible d'apparaître comme une assurance de la part des CFF qu'un écran antibruit serait construit dans le secteur (arrêt du TAF A-4790/2012 et A-4853/2012 du 23 juillet 2014). 
Les recourants ne répondent pas à l'argumentation du TAF et n'exposent pas en quoi son raisonnement serait arbitraire, de sorte que leur grief est irrecevable, faute de motivation (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF). 
 
3.2.3. Les recourants critiquent aussi le refus de l'instance précédente de procéder à une inspection locale qui aurait permis de constater les nuisances subies en raison des émissions du trafic ferroviaire et notamment la régularité des passages. A nouveau, les recourants ne répondent pas à l'argumentation du TAF qui a renoncé à une visite des lieux, le dossier comprenant les expertises techniques (rapports de mesurages du 15 avril 2020 et du 5 octobre 2021 ainsi que les déterminations de l'OFEV et de l'OFT) lui permettant de traiter les griefs portés devant lui et en particulier d'établir si les valeurs limites d'immission étaient respectées. Appellatoire et insuffisamment motivé, ce grief doit être rejeté.  
 
3.2.4. Les recourants affirment encore que l'objectivité et la fiabilité du rapport de mesurage du 15 avril 2020 peuvent être mises en doute. Ils soutiennent que le TAF ne pouvait simplement se référer aux analyses de l'OFEV et de l'OFT du 6 septembre 2021 qui n'ont pas eux-mêmes procédé à des mesures concrètes: ils estiment que le TAF ne pouvait refuser l'expertise de bruit demandée. Les recourants n'exposent cependant pas en quoi ces rapports et avis seraient erronés. Ils ne se prononcent pas non plus sur les motifs qui ont conduit l'instance précédente à rejeter leurs griefs de fond sur ces rapports (voir infra consid. 4.3). Dans ces conditions, ils ne démontrent pas en quoi le refus de cette requête serait arbitraire.  
 
3.2.5. Les recourants se plaignent aussi de ce que l'écriture des CFF du 8 octobre 2021 (comprenant en particulier l'analyse complétant le rapport de mesurage du 5 octobre 2021) a été portée à leur connaissance sans possibilité de se déterminer. Ce grief doit être d'emblée rejeté dans la mesure où les recourants avaient la possibilité de se déterminer sur ces documents, sans y avoir été expressément invités. Il est rappelé à cet égard que le droit de répliquer n'impose pas à l'autorité judiciaire l'obligation de toujours fixer un délai à la partie pour déposer d'éventuelles observations; elle doit seulement lui laisser un laps de temps suffisant, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision, pour qu'elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l'estime nécessaire (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1 et les arrêts cités) : cela a été manifestement le cas en l'espèce.  
 
3.2.6. Les recourants prétendent enfin que le TAF aurait dû examiner les conséquences d'un éventuel dépassement des VLI pendant la procédure d'assainissement sur une indemnisation d'expropriation. Les recourants perdent toutefois de vue qu'il s'agit en réalité d'une question de droit qui sera examinée ci-après avec le fond du litige (voir infra consid. 4.4.5).  
 
4.  
Sur le fond, l'objet du litige consiste à déterminer si les recourants ont droit à une indemnisation pour expropriation formelle des droits de voisinage en raison de l'exploitation du tronçon ferroviaire susmentionné. 
 
4.1. La révision de la loi fédérale sur l'expropriation (LEx; RS 711) du 19 juin 2020 est entrée en vigueur le 1 er janvier 2021 (RO 2020 4085; FF 2018 4817). Conformément à l'al. 1 des dispositions transitoires de la modification du 19 juin 2020, les procédures d'expropriation ouvertes avant l'entrée en vigueur de cette révision sont terminées sous le régime de l'ancien droit, sous réserve de modifications du règlement des émoluments pour la période suivant l'entrée en vigueur de la révision. La présente procédure a été ouverte avant le 1 er janvier 2021, de sorte que la LEx dans sa version avant l'entrée en vigueur de la modification du 19 juin 2020 est applicable en l'espèce.  
 
4.2. En se fondant sur les art. 684 ss CC, les propriétaires peuvent agir par le biais de l'action de l'art. 679 CC lorsque l'usage d'un fonds voisin provoque des immissions excessives sur leur bien-fonds. En revanche, lorsque les immissions proviennent d'un ouvrage d'intérêt public pour lequel le propriétaire ou le concessionnaire bénéficie du droit d'exproprier (art. 3 de la loi fédérale sur les chemins de fer du 20 décembre 1957 [LCdF; RS 742.101], art. 4 let. a LEx) et que ces immissions ne peuvent être évitées ou ne peuvent l'être qu'à des coûts disproportionnés, les droits de défense des voisins sont sacrifiés en faveur de l'intérêt public prépondérant de l'ouvrage: celui qui s'estime lésé peut faire valoir uniquement les droits que la LEx consacre comme objets d'expropriation, entre autre les droits qui résultent des dispositions sur la propriété foncière en matière de rapports de voisinage (art. 5 al. 1 LEx). Une telle expropriation n'est rien d'autre que la constitution forcée d'une servitude grevant le fonds voisin en faveur du fonds du propriétaire de l'ouvrage d'intérêt public; son objet consiste dans l'obligation de tolérer les immissions. Ainsi, en vertu de l'art. 20 LCdF, la législation fédérale sur l'expropriation régit l'obligation du chemin de fer de réparer le préjudice causé aux tiers par des atteintes à leurs droits lorsque ces atteintes ne doivent pas être tolérées en application des règles du droit de voisinage ou d'autres dispositions légales, et qu'elles sont une conséquence inévitable ou difficilement évitable de la construction ou de l'exploitation du chemin de fer (ATF 132 II 427 consid. 3 et les arrêts cités).  
La jurisprudence développée sur la base des art. 5 LEx et 684 CC considère en particulier comme excessives, et donc comme susceptibles d'entraîner le paiement d'une indemnité d'expropriation, les immissions qui proviennent du trafic routier, ferroviaire ou aérien lorsque, cumulativement, elles sont imprévisibles, touchent le propriétaire d'une façon particulière (principe de spécialité) et se révèlent graves; ce n'est que si ces trois conditions cumulatives sont remplies que l'immission est excessive (cf. ATF 145 I 250 consid. 5.2 et les références citées). 
La condition de la spécialité est remplie lorsque les immissions atteignent une intensité qui excède ce qui peut être considéré comme usuel et tolérable. Pour en juger, la jurisprudence se fonde sur les VLI édictées par le Conseil fédéral pour évaluer les atteintes nuisibles ou incommodantes (cf. art. 13 al. 1 et 15 LPE; ATF 145 I 250 consid. 5.2 et les références citées). Dans le cas d'immissions bruyantes provenant du trafic routier ou ferroviaire, la condition de la spécialité est ainsi remplie lorsque les immissions dépassent les niveaux sonores admissibles tels qu'ils sont fixés dans les annexes 3 et 4 OPB (cf. ATF 134 II 164 consid. 7 et les arrêts cités). Conformément au ch. 2 de l'annexe 4 OPB relative aux valeurs limites d'exposition au bruit des chemins de fer, les VLI s'élèvent à 60 Lr en dB (A) le jour et à 50 Lr en dB (A) la nuit lorsque, comme en l'espèce, la zone d'affectation considérée s'est vu attribuer un degré de sensibilité II au bruit (cf. art. 43 al. 1 OPB). 
 
4.3. En l'espèce, les recourants reprochent au TAF d'avoir jugé que la condition de la spécialité n'était pas remplie, après avoir étudié si les VLI étaient respectées sur les parcelles en question.  
S'agissant de la parcelle n° 133, l'OFT avait déjà constaté en 2012 que les VLI étaient respectées. Compte tenu des mesures d'assainissement complémentaires qui ont été mises en oeuvre, lesquelles consistent notamment dans l'introduction de valeurs limites d'émission pour les wagons existants (cf. Message sur la modification de la loi fédérale sur la réduction du bruit émis par les chemins de fer [LBCF], pp. 453 ss; écritures de l'OFEV et de l'OFT du 6 septembre 2021) et dans l'assainissement d'un pont métallique (cf. Message sur la modification de la LBCF, p. 462), l'instance précédente a retenu à bon droit qu'il ne faisait aucun doute que les VLI étaient toujours respectées à ce jour au niveau de la parcelle susmentionnée. Les recourants ne remettent pas en cause cette constatation. 
Quant aux parcelles n° 1392 (désormais n° 5785), 130 et 135, l'OFT avait constaté, en 2012, que les VLI étaient dépassées et il avait admis la requête d'allégements des CFF, étant donné qu'il ne pouvait leur ordonner de construire une paroi antibruit en raison du rapport coût-utilité désavantageux. Depuis lors, des mesures d'assainissement complémentaires ont été mises en oeuvre (cf. art. 7a de la loi fédérale sur la réduction du bruit émis par les chemins de fer du 24 mars 2000 [LBCF; RS 742.144]), lesquelles consistent notamment dans l'introduction de valeurs limites d'émission pour les wagons existants. En 2019, les CFF ont en outre procédé à l'assainissement du pont métallique Jacques-Philibert-de-Sauvage et à son remplacement par un pont en béton. Ces mesures d'assainissement ont eu pour conséquence que les VLI sont désormais respectées au niveau des parcelles nos 1392, 130 et 135, tant pour un trafic ferroviaire annuel basé sur les données extraites du cadastre des émissions sonores pour l'horizon 2015 (cf. rapport de mesurages du 15 avril 2020) que pour le pronostic de trafic à l'horizon 2030 (cf. analyse complémentaire du 5 octobre 2021). Les recourants ne parviennent pas à mettre en question cette constatation: ils se contentent d'affirmer péremptoirement qu'"il n'est pas attesté par une expertise impartiale, contrôlable et contradictoire que les VLI des parcelles n°s 130, 135 et 1392 soient respectées", sans exposer en quoi les expertises seraient erronées. Ils se bornent à relever qu'on ne sait pas comment les mesures ont été effectuées, quels sonomètres (avec quel étalonnage) ont été utilisés et dans quelle position; ils soulignent que le bruit des croisements de train et des travaux d'entretien nocturnes n'a pas été pris en compte. Partant, ils ne discutent pas les motifs avancés dans l'arrêt attaqué à cet égard. Le TAF a en effet exposé pourquoi les nuisances provenant de travaux de constructions ou d'entretien n'avaient pas été prises en compte pour déterminer si les VLI avaient été dépassées. Les recourants ne répondant pas à cette argumentation, il y a lieu d'y renvoyer (arrêt attaqué consid. 7.4.2.2 p. 28). De même, l'instance précédente a développé de manière très détaillée pourquoi ces mesurages pouvaient être retenus (arrêt attaqué consid. 7.4.2.4 p. 29 à 32), sans que les recourants n'exposent en quoi l'argumentation fouillée du TAF ne pourrait pas être suivie. Faute de motivation satisfaisant aux exigences des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF, cette critique doit être déclarée irrecevable. 
Il résulte de ce qui précède que contrairement à ce que prétendent les recourants, les VLI sont désormais respectées sur la parcelle n° 133 depuis 2012 et sur les parcelles n° 130, 135 et 1392 depuis 2019. Par conséquent, la condition de la spécialité de l'atteinte n'est pas remplie, ce qui suffit à exclure toute indemnité d'expropriation sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les conditions de la gravité et de l'imprévisibilité sont remplies. 
 
4.4. Dans un grief intitulé "violation de la base légale", les recourants formulent trois critiques, sans exposer quelle serait la base légale violée. Ils font d'abord valoir qu'ils auraient tout de même droit à une indemnité d'expropriation en nature, sous la forme d'un mur antibruit, car il n'y aurait pas de "perspectives concrètes de mesures d'assainissement" (infra consid. 4.4.4). Ils estiment ensuite que le dépassement actuel concret des VLI n'est pas déterminant et qu'un dépassement des VLI pendant de nombreuses années serait suffisant pour retenir que la condition de la spécialité est remplie (infra consid. 4.4.5). Les recourants soutiennent enfin que les prolongations de délai successives par les CFF conduisent à une violation des art. 29 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH, la cause n'ayant pas été traitée dans un délai raisonnable (infra consid. 4.4.6).  
Ces griefs se rapportent aux principes applicables à la coordination du droit de l'environnement et du droit de l'expropriation en matière de nuisances sonores provenant des installations ferroviaires, qu'il y a lieu d'exposer (consid. 4.4.1 à 4.4.3). 
 
4.4.1. Lorsque les trois conditions d'une indemnité d'expropriation sont remplies, les prétentions fondées sur le droit de l'expropriation sont subsidiaires lorsque le droit de l'environnement permet d'atteindre le but constitutionnel d'une protection efficace contre le bruit ancrée à l'art. 74 al. 2 Cst., aux art. 11 ss LPE et dans l'OPB.  
 
4.4.2. L'art. 16 al. 2 LPE donne la compétence au Conseil fédéral de fixer des délais pour l'assainissement des installations qui ne satisfont pas aux prescriptions de la LPE et aux prescriptions d'autres lois fédérales qui s'appliquent à la protection de l'environnement (cf. art. 16 al. 1 LPE).  
Aux termes de l'art. 17 al. 5 OPB, pour la réalisation des assainissements et des mesures d'isolation acoustique concernant les installations ferroviaires, les délais sont fixés dans la LBCF. Celle-ci prévoit que les mesures appliquées aux véhicules ferroviaires et aux bâtiments existants ainsi que sur le chemin de propagation du son doivent être réalisées d'ici au 31 décembre 2015 (cf. art. 3 al. 1 LBCF), alors que les mesures complémentaires visées à l'art. 7a LBCF doivent être réalisées d'ici au 31 décembre 2025 (cf. art. 3 al. 2 LBCF). Conformément à l'art. 7a LBCF, si des allégements ont été accordés parce que les mesures antibruit auraient entraîné des frais disproportionnés ou parce que des intérêts prépondérants, relevant notamment de la protection des sites, de la nature et du paysage, de la sécurité du trafic ou de l'exploitation s'opposaient aux mesures (cf. art. 7 al. 3 LBCF), l'OFT peut ordonner dès 2016 des mesures applicables à la voie et d'autres mesures à réaliser sur le chemin de propagation du son. 
 
4.4.3. Le droit de l'environnement et le droit de l'expropriation poursuivent en principe des objectifs différents même s'ils ont quelques points de convergence (cf. art. 1 al. 1 LPE et art. 1 LEx; ATF 130 II 394 consid. 8.2 et les arrêts cités). Appelé à se prononcer sur la coordination entre le droit de l'environnement et le droit de l'expropriation en lien avec les immissions causées par le trafic routier et aérien, le Tribunal fédéral a considéré que le contenu de la propriété était redéfini au fur et à mesure des modifications constitutionnelles et législatives dans les domaines de l'aménagement du territoire et de l'environnement, de sorte que les prétentions des voisins découlant de la propriété foncière, lesquelles sont susceptibles de faire l'objet d'une expropriation, sont désormais aussi en partie déterminées par le droit de l'environnement (cf. ATF 130 II 394 consid. 8.2; 123 II 560 consid. 3c).  
Par conséquent, lorsque des travaux d'assainissement sont en cours, grâce auxquels des immissions excessives devraient pouvoir être évitées à l'avenir, les prétentions découlant du droit de l'expropriation ne peuvent avoir qu'un caractère subsidiaire, dès lors que le paiement d'une indemnité pour la tolérance des nuisances sonores excessives ne permet pas d'atteindre l'objectif constitutionnel ultime d'une protection efficace contre le bruit (cf. art. 74 al. 2 Cst.; ATF 130 II 394 consid. 8.2; 123 II 560 consid. 4a). Ainsi, dans la mesure où le droit de l'environnement prévoit que les riverains d'une installation publique doivent tolérer les immissions dépassant les VLI pendant les délais d'assainissement définis par le Conseil fédéral, l'exploitant d'une installation publique qui provoque des immissions supérieures aux VLI ne peut en principe pas être condamné au versement d'une indemnité d'expropriation avant l'échéance des délais d'assainissement (cf. ATF 134 II 164 consid. 8.3 et les arrêts cités). 
Par analogie avec la jurisprudence relative aux nuisances provoquées par les travaux de construction, une indemnité d'expropriation n'est due pour la tolérance des immissions jusqu'à l'assainissement complet de l'installation que lorsque les nuisances sont exceptionnelles de par leur nature, leur intensité et leur durée. Or, la durée pendant laquelle le propriétaire qui subit les immissions excessives doit tolérer celles-ci sans avoir droit à une indemnité est déterminée par les dispositions de la LPE et de l'OPB relatives à l'assainissement, de sorte que, tant que court le délai d'assainissement, les nuisances ne sauraient en général être qualifiées d'extraordinaires quant à leur durée (cf. ATF 134 II 164 consid. 8.3; 130 II 394 consid. 8.2; 123 II 560 consid. 4b/bb). Le Tribunal fédéral a toutefois laissé indécise la question de savoir si une indemnité serait due si le délai d'assainissement était échu ou si seul un assainissement avec des allégements était possible (cf. ATF 130 II 394 consid. 8.2; 123 II 560 consid. 4c). Cependant, l'assainissement en cours ou à venir d'une installation ne suspend le droit à l'indemnisation fondé sur la LEx que s'il est certain ou hautement probable que les immissions excessives pourront être entièrement éliminées par des mesures à la source et qu'une suppression permanente des droits de défense du voisin pourra ainsi être évitée. En revanche, s'il est clair que, dans le cadre de la procédure d'assainissement, des allégements seront accordés et des mesures de protection passive contre le bruit seront ordonnées, les prétentions relevant du droit de l'expropriation ne sont pas suspendues (cf. ATF 134 II 164 consid. 8.3; 130 II 394 consid. 10). 
 
4.4.4. En l'espèce, on peine à comprendre le premier grief des recourants portant sur l'octroi d'une indemnité en nature avant la fin du délai d'assainissement en raison de "l'absence de perspectives concrètes de mesures d'assainissement". En effet, les mesures d'assainissement sont en place depuis janvier 2019, soit six ans avant l'échéance du délai d'assainissement fixé au 31 décembre 2025, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'octroyer d'indemnité en nature. Mal fondée, cette critique doit être écartée.  
 
4.4.5. Dans leur deuxième grief, les recourants font valoir que les prolongations successives du délai d'assainissement et le fait que les VLI aient été dépassées pendant une longue durée auraient pour conséquence que le principe de suspension du droit à une indemnité d'expropriation pendant le délai d'assainissement ne devrait pas s'appliquer. Ils dénoncent le fait qu'en raison de la prolongation des délais d'assainissement, les riverains des voies ferrées subissent des immissions excessives pendant une longue durée sans avoir droit à une indemnité (cf. PETER ETTLER, Folgen der Sanierungslosigkeit aus der Sicht der Betroffenen, Droit de l'environnement dans la pratique [DEP] 2003 p. 576 ss, p. 589 s.; Stephan H. Scheidegger, Finanzielle Konsequenzen für den Bund aus der "Sanierungslosigkeit" ?, DEP 2003 p. 601 ss, p. 619). Une partie de la doctrine considère que le principe selon lequel aucune indemnité n'est due tant que court le délai d'assainissement pourrait être remis en cause lorsque ce délai est prolongé à plusieurs reprises (cf. Adrian Gossweiler, Entschädigung für Lärm von öffentlichen Verkehrsanlagen : Elemente für eine Neuordnung durch den Gesetzgeber, 2014, no 475; SCHEIDEGGER, op. cit., p. 619). Ainsi, l'octroi d'une indemnité serait notamment justifié lorsque, sans aucun motif, l'exploitant n'entreprend rien pour assainir son installation et que la menace de l'obligation d'indemniser les riverains permettrait d'accélérer l'assainissement (cf. GOSSWEILER, op. cit., no 475; ETTLER, op. cit., p. 590; dans le même sens SCHEIDEGGER, op. cit., p. 619).  
En l'occurrence, les recourants soutiennent que les CFF n'auraient mis en oeuvre aucune mesure sérieuse pour la protection contre le bruit avant 2019. Tel n'est cependant pas le cas: en 2010, les CFF ont déposé une demande d'approbation ordinaire des plans concernant l'assainissement du bruit; après la décision d'approbation des plans du 11 juillet 2012 qui accordait des allégements pour les parcelles n°s 130, 135 et 1392, les CFF ont soumis, le 13 juin 2017, à l'OFT une demande d'approbation des plans pour l'assainissement du pont métallique Jacques-Philibert-de-Sauvage, laquelle a été admise par décision de l'OFT du 22 juin 2018. Il s'agit là d'une mesure complémentaire au sens de l'art. 7a LBCF, de sorte que le délai prolongé de l'art. 3 al. 2 LBCF est applicable. Par conséquent, le délai d'assainissement pour le tronçon litigieux court jusqu'au 31 décembre 2025. L'assainissement du pont, exécuté en 2019, soit plus de 6 ans avant l'échéance du délai d'assainissement a permis de respecter les VLI sur ces parcelles. 
Quant au délai d'assainissement, conformément à l'art. 17 al. 3 OPB, l'assainissement et les mesures d'isolation acoustique auraient dû être exécutés au plus tard dans les quinze ans suivant l'entrée en vigueur de l'ordonnance, soit avant le 31 mars 2002. A la suite de l'entrée en vigueur de la LBCF, le 1er octobre 2000, ce délai a été prolongé une première fois jusqu'au 31 décembre 2009 pour les mesures techniques appliquées aux véhicules ferroviaires et jusqu'au 31 décembre 2015 pour les mesures antibruit et l'isolation acoustique des bâtiments existants (cf. anc. art. 3 LBCF, RO 2000 2206; FF 1999 4530). Cette prolongation était alors justifiée car, faute de possibilités de financement, l'objectif fixé par l'OPB ne pouvait pas être atteint s'agissant du bruit des chemins de fer (cf. Message du 1er mars 1999 sur la réduction du bruit émis par les chemins de fer, FF 1999 4530, pp. 4533 et 4535). Avec l'introduction de l'art. 7a LBCF, entré en vigueur le 1er mars 2014, le délai d'assainissement a été prolongé une seconde fois jusqu'au 31 décembre 2025 pour les mesures applicables à la voie et les autres mesures à réaliser sur le chemin de propagation du son. Cette modification de la LBCF avait pour but de dépasser l'objectif minimal d'assainissement phonique visant à protéger au moins deux tiers des riverains du rail des immissions dépassant les VLI (cf. art. 2 al. 3 LBCF) et d'empêcher une recrudescence des nuisances sonores occasionnées par le surcroît de trafic prévu (cf. Message sur la modification de la LBCF, pp. 444 et 452). 
Par conséquent, en dépit des prolongations du délai d'assainissement, il n'y a pas lieu de s'écarter de la jurisprudence selon laquelle l'exploitant d'une installation publique qui provoque des immissions supérieures aux valeurs limites d'immission ne peut pas être condamné au versement d'une indemnité d'expropriation avant l'échéance du délai d'assainissement prévu par le droit de l'environnement. Contrairement à ce que soutiennent les recourants, on ne saurait reprocher aux CFF d'avoir été inactifs et d'avoir tardé à procéder à l'assainissement de l'installation litigieuse. Ils ont exécuté de manière diligente les mesures d'assainissement du matériel roulant et le remplacement du pont, six ans avant l'échéance de l'actuel délai légal. 
Au demeurant, un dépassement des VLI pendant de nombreuses années ne permet pas de retenir que la condition de la spécialité est remplie. En effet, il est sans importance que les VLI aient été dépassées pendant une longue période avant l'assainissement de l'installation publique à l'origine des immissions. Lorsqu'une installation est assainie et que les mesures d'assainissement permettent de respecter les VLI, il n'existe aucun droit à une indemnité d'expropriation, dès lors que la condition de la spécialité fait défaut, cela même si les immissions excessives ont duré longtemps (cf. GOSSWEILER, op. cit., no 466). 
Les recourants soutiennent encore que les nuisances qu'ils ont dû tolérer étaient exceptionnelles de par leur nature, leur intensité et leur durée. Ils affirment avoir droit à une indemnisation pour expropriation temporaire des droits de voisinage en raison d'une durée d'assainissement exceptionnellement longue. Selon la jurisprudence, tant que court le délai d'assainissement, les nuisances ne sauraient en principe être qualifiées d'extraordinaires quant à leur durée (cf. supra consid. 4.4.3). En l'espèce, la prolongation du délai d'assainissement a permis d'utiliser les moyens financiers à disposition de manière ciblée pour des mesures concrètes d'assainissement du tronçon considéré et a ainsi contribué à l'objectif principal du droit de l'environnement qui vise à réduire les immissions provenant d'installations publiques à un seuil tolérable. Les recourants ne peuvent donc prétendre à une indemnisation pour expropriation temporaire. 
 
4.4.6. Dans leur troisième grief, les recourants soutiennent que la cause n'a pas été traitée dans un délai raisonnable, ce qui serait constitutif d'une violation des art. 29 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH: ce serait à tort que l'arrêt attaqué appliquerait sans discernement le principe de suspension du droit à l'indemnité pendant le délai d'assainissement.  
Selon la jurisprudence exposée précédemment (supra consid. 4.4.3), il se justifie de donner la priorité aux mesures d'assainissement du droit de l'environnement, qui permettent d'assurer une véritable protection contre le bruit. Cette priorité donnée au droit de l'environnement a pour conséquence que la procédure d'expropriation doit être suspendue pendant le délai d'assainissement. Les recourants prétendent que cette suspension ne serait pas justifiée parce que les CFF n'auraient eu aucune activité d'assainissement avant 2018. Ils perdent cependant de vue, comme exposé précédemment (supra consid. 4.4.5), que les CFF ont entamé une procédure d'approbation des plans pour les mesures d'assainissement en juin 2010. Les recourants ont pu faire valoir leurs droits dans cette procédure. La décision de l'OFT a ensuite été confirmée par le TAF en juillet 2014. Les CFF ont enfin mis en oeuvre plusieurs mesures d'assainissement qui ont permis de respecter les VLI sur les parcelles en question en janvier 2019, plusieurs années avant la fin du nouveau délai d'assainissement. En outre, il est notoire que les mesures prises sur le tronçon ferroviaire concerné, d'une grande ampleur, nécessitent un examen technique et juridique approfondi et ne peuvent ainsi que s'étendre sur plusieurs années. 
Dans ces conditions, mal fondé, le grief de violation des art. 29 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH doit être écarté. 
 
4.5. En définitive, le délai d'assainissement court jusqu'au 31 décembre 2025 et les CFF ont entrepris des travaux d'assainissement qui se sont achevés avant l'échéance de ce délai et qui permettent d'éviter des immissions excessives. S'ajoute à cela que les travaux d'assainissement ont objectivement nécessité du temps. Pour ces motifs, le TAF n'a pas violé le droit fédéral en jugeant que les recourants n'avaient pas droit à une indemnité d'expropriation, les nuisances subies n'étant ni exceptionnelles ni excessives puisque les VLI sont désormais respectées sur toutes les parcelles en cause.  
Pour les mêmes motifs, le grief des recourants relatif à la "violation du principe de l'indemnisation" doit aussi être écarté. 
 
5.  
Les recourants se prévalent encore d'une violation du principe de la proportionnalité en lien avec la longueur des procédures d'assainissement et l'absence de travaux d'assainissement pendant plus de trente ans. Ce grief se confond avec ceux examinés ci-dessus. 
Pour les motifs exposés aux considérants 4.4.5 et 4.4.6, la prolongation des délais d'assainissement du bruit ferroviaire décidée par le législateur était justifiée par des motifs d'ordre technique et financier et ne viole pas le principe de la proportionnalité. 
Le grief doit donc être rejeté. 
 
6.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais judiciaires (art. 116 al. 3 LEx, art. 66 al. 1 LTF). Les intimés, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat, ont droit à des dépens, à la charge des recourants (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 francs, sont mis à la charge des recourants. 
 
3.  
Une indemnité de dépens de 4'000 francs est allouée aux intimés, à la charge des recourants. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Commission fédérale d'estimation du 1 er arrondissement, à la Cour I du Tribunal administratif fédéral, à l'Office fédéral des transports, à l'Office fédéral de l'environnement et à la commune de Vernier.  
 
 
Lausanne, le 20 octobre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Tornay Schaller