1C_390/2023 25.01.2024
Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_390/2023  
 
 
Arrêt du 25 janvier 2024  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Müller et Merz. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
B.________, 
recourants, 
 
contre  
 
Département des institutions, du territoire et du sport du canton de Vaud, place du Château 1, 1014 Lausanne, 
Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, Service juridique, avenue de l'Université 5, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
Expropriation; déni de justice, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif 
et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 26 juillet 2023 (AC.2023.0234). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ et B.________ sont copropriétaires de la parcelle n o 6526 de la Commune de Bex située aux Plans-sur-Bex. Cette parcelle, colloquée partiellement en zone à bâtir, est intégrée dans la zone réservée adoptée par le Conseil communal de Bex en vue de la révision de la planification communale; l'affectation de cette parcelle dans une zone inconstructible est envisagée dans ce cadre.  
 
B.  
Le 20 mars 2023, A.________ et B.________ ont adressé au Département cantonal des institutions, du territoire et du sport (ci-après: DITS) ainsi qu'à la Direction générale du territoire et du logement (ci-après: DGTL) - qui dépend du DITS - une "demande d'indemnisation pour expropriation formelle", invoquant la perte de valeur de leur bien-fonds en lien avec la procédure de modification de la planification. 
Le 26 mai 2023, la DGTL a notamment exposé aux prénommés que leur demande d'indemnisation pour expropriation matérielle était prématurée dès lors que la révision de la planification communale était toujours en cours et qu'aucune nouvelle mesure d'aménagement n'était en vigueur. La DGTL a indiqué qu'elle entendait mettre un terme à la procédure ouverte par leur demande et leur a imparti un délai pour réagir. Par courrier du 30 mai 2023 à la Cheffe du DITS, A.________ et B.________ se sont opposés à ce qu'il soit mis un terme à la procédure. 
Par courrier du 29 juin 2023, la Cheffe du DITS a repris à l'attention des prénommés les explications déjà fournies par la DGTL, insistant notamment sur le fait que la révision de la planification communale n'était pas encore entrée en vigueur; elle a en outre indiqué transmettre les courriers de A.________ et B.________ à la DGTL qui poursuivait l'instruction de leur demande. 
Par acte du 11 juillet 2023, A.________ et B.________ se sont pourvus contre cette lettre à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Ils ont conclu à ce qu'il soit constaté que les conditions d'une expropriation sont remplies et à ce qu'il soit ordonné aux autorités de valider leur demande d'indemnisation. Par arrêt du 26 juillet 2023, déniant à la lettre du 29 juin 2023 de la Cheffe du DITS le caractère de décision, la cour cantonale a déclaré leur recours irrecevable. 
 
C.  
Le 14 août 2023, A.________ et B.________ déposent un mémoire de recours devant le Tribunal fédéral lui demandant d'annuler l'arrêt du 26 juillet 2023 et de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de son arrêt. La DGTL n'a pas d'observations à formuler; elle renvoie à l'arrêt attaqué et s'en remet à justice. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est partant ouverte. Le recours a en outre été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF). Les recourants, destinataires d'un arrêt d'irrecevabilité, ont qualité pour contester ce prononcé (art. 89 LTF). Il convient ainsi d'entrer en matière. 
 
2.  
Le mémoire de recours doit contenir les conclusions et les motifs à l'appui de celles-ci (art. 42 al. 1 LTF). Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit (art. 42 al. 2 LTF). Pour satisfaire à cette exigence, la partie recourante doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi elle estime que l'autorité précédente a méconnu le droit; il doit exister un lien entre la motivation du recours et la décision litigieuse (arrêt 1C_273/2012 du 7 novembre 2012 consid. 2.3 non publié in ATF 139 I 2; cf. FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 3 e éd. 2022, n. 38 ad art. 42 LTF). Il faut encore qu'à la lecture du recours on comprenne clairement quelles règles de droit auraient été transgressées par l'autorité cantonale (ATF 140 III 86 consid. 2 et les références). Les griefs de violation des droits fondamentaux et des dispositions de droit cantonal - que le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle de l'arbitraire (art. 9 Cst.; cf. ATF 137 V 143 consid. 1.2) - sont en outre soumis à des exigences de motivation accrues en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF. La partie recourante doit alors indiquer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés; de même, elle doit citer les dispositions du droit cantonal dont elle se prévaut et démontrer en quoi celles-ci auraient été appliquées arbitrairement ou d'une autre manière contraire au droit (cf. ATF 136 II 489 consid. 2.8; 133 IV 286 consid. 1.4).  
 
3.  
Les recourants estiment pour l'essentiel qu'en n'examinant pas en détail leur recours, respectivement en refusant d'entrer en matière, le Tribunal cantonal se serait rendu coupable d'un déni de justice au sens de l'art. 29 al. 1 Cst. 
 
3.1. Aux termes de l'art. 29 al. 1 Cst., toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Il y a déni de justice formel lorsqu'une autorité n'applique pas ou applique d'une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu'elle ferme l'accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit (ATF 144 II 184 consid. 3.1; arrêt 2C_178/2022 du 16 mars 2022 consid. 5.2).  
 
3.2. La cour cantonale a retenu que les prétentions des recourants ne relevaient manifestement pas de l'expropriation formelle, si bien que, sous cet angle, il n'y avait pas lieu de transmettre leur demande à l'autorité compétente en la matière. S'agissant de la procédure initiée par la demande d'indemnisation pour expropriation matérielle, l'acte attaqué n'y mettait pas fin: dans sa lettre du 29 juin 2023, la Cheffe du DITS avait expressément indiqué que la procédure d'instruction devant la DGTL se poursuivait, ce qui résultait également du courrier du 26 mai 2023 de cette dernière autorité. Le courrier du 29 juin 2023 ne constituait par conséquent pas une décision susceptible de recours; les recourants pourraient, le cas échéant, contester la décision qui serait rendue ultérieurement par la DGTL.  
 
3.3. Les recourants ne s'en prennent pas réellement à cette appréciation, au mépris des exigences de motivation du recours fédéral. Ils se contentent d'exposer les motifs pour lesquels, selon eux, un cas d'expropriation et le droit à une indemnisation auraient en l'occurrence dû être reconnus. Rien dans ces explications ne commande ainsi de revenir sur l'appréciation de la cour cantonale: sont notamment sans pertinence les redondances autour de l'art. 37 de la loi fédérale sur l'expropriation du 20 juin 1930 (LEx; RS 711), qui ne s'applique pas dans l'éventualité d'une expropriation matérielle résultant d'une mesure d'aménagement (cf. art. 5 LEx; voir également art. 5 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 [LAT; RS 700]; pour la distinction entre expropriation formelle et matérielle, cf. notamment ZEN-RUFFINEN/GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, n. 114 ss). Au surplus, ils ne démontrent pas que la Cour cantonale aurait arbitrairement dénié à la lettre du 29 juin 2023 de la Cheffe du DITS le caractère de décision sujette à recours au sens de l'art. 3 al. 1 de la loi vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA-VD; RS/VD 173.36), qui définit la décision sur le plan cantonal; celle-ci n'en revêt en tout état de cause pas les caractéristiques, spécialement sous l'angle matériel: elle ne règle pas de façon impérative et contraignante une situation concrète soumise au droit administratif, soit en créant des droits et des obligations, soit en en constatant l'existence ou l'inexistence (cf. ATF 141 II 233 consid. 3.1; arrêts 2C_495/2021 du 9 février 2022 consid. 3.2; 2C_777/2009 du 21 avril 2010 consid. 2.2, publié in SJ 2010 I p. 516; THIERRY TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2 e éd. 2018, n. 783 ss); il s'agit d'informations communiquées aux recourants (cf. TANQUEREL, op. cit., n. 804).  
La lettre du 29 juin 2023 ne met par ailleurs pas fin à la procédure de demande d'indemnisation ouverte par les recourants, la Cheffe du DITS y précise d'ailleurs expressément que la procédure d'instruction devant la DGTL se poursuit. Elle ne peut dès lors sous cet angle pas non plus être comprise comme une décision. Les mêmes considérations valent pour la correspondance subséquente du 14 juillet 2023 de la Cheffe du DITS - dont la recevabilité comme nouvel élément apparaît douteuse à la lumière de l'art. 99 LTF (cf. GRÉGORY BOVEY, in Commentaire de la LTF, 3 e éd. 2022, n. 22 ss ad art. 99 LTF) -, celle-ci se limitant à inviter les recourants à s'adresser à la DGTL.  
Dans ces conditions, on ne voit pas que la cour cantonale, et plus largement les autorités précédentes, se seraient rendues coupables d'un déni de justice. La procédure en lien avec la demande d'indemnisation des recourants n'a pas été formellement close et rien ne permet, à ce stade, de conclure que la DGTL refuserait de statuer, singulièrement de rendre une décision sujette à recours, si les recourants l'en requéraient formellement. 
 
3.4. Il n'appartient au demeurant pas au Tribunal fédéral, dans le cadre de la présente procédure de recours, de se prononcer sur la conformité des informations communiquées par les autorités administratives cantonales. Cependant, ces renseignements paraissent avoir été donnés dans un esprit d'économie de procédure et de pragmatisme, à des administrés non assistés d'un mandataire professionnel. En effet, en tant qu'elle se fonde sur la révision de la planification d'affectation communale - et comme l'ont expliqué tant la DGTL que la Cheffe du DITS -, la demande d'indemnisation paraît prématurée. Le plan d'affection n'a pour l'heure fait l'objet que d'un examen préalable au sens de l'art. 37 de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions du 4 décembre 1985 (LATC; RS/VD 700.11). Il devra encore être mis à l'enquête publique, procédure dans le cadre de laquelle les recourants pourront, le cas échéant, former opposition et exercer leur droit d'être entendus (cf. art. 38 LATC; art. 33 al. 1 LAT), si bien qu'un changement d'affectation de leur parcelle n'est pour l'heure pas définitif. Par ailleurs - et pour peu que leur demande d'indemnisation puisse être ainsi comprise -, l'instauration d'une zone réservée ne donne en principe pas droit à une indemnisation pour expropriation matérielle, dès lors qu'il s'agit d'une mesure provisoire ne portant pas, sauf cas exceptionnel, une atteinte au droit de la propriété pouvant être qualifiée de grave au sens de la jurisprudence (cf. arrêt 1C_510/2009 du 14 juillet 2010 consid. 4.1, publié in RDAF 2010 I p. 518; ALEXANDER RUCH, in Commentaire pratique LAT: Planifier l'affectation, 2016, n. 64 ss ad art. 27 LAT et les arrêts cités; voir également ZEN-RUFFINEN/GUY-ECABERT, op. cit., n. 1473 ss).  
 
4.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours apparaît mal fondé et doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, aux frais des recourants, qui succombent (art. 66 al. 1 et 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais de justice, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux recourants, au Département des institutions, du territoire et du sport du canton de Vaud, à la Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 25 janvier 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Alvarez