1C_149/2022 28.10.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_149/2022  
 
 
Arrêt du 28 octobre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Merz et Weber, Juge suppléant. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Cyril Aellen, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Département du territoire d u canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
Ordre de remise en état; amende administrative, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève, du 25 janvier 2022 (ATA/70/2022 - A/790/2021-LCI). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ est propriétaire de la parcelle n° 6672 de la commune de Satigny (GE), sise en zone agricole et comprise en partie dans le cadastre viticole, en zone viticole protégée. Il y exploite avec son épouse le domaine viticole et agricole du Clos du Château. 
 
Le 29 avril 2010, une autorisation de construire sur cette parcelle un hangar agricole avec salle de dégustation, installation de sondes géothermiques et de panneaux solaires en toiture a été délivrée. Plusieurs irrégularités ont été constatées par la suite et, sur demande, ont été régularisées par des autorisations complémentaires.  
 
Le 2 décembre 2016, le Service de géologie, sols et déchets de l'Office cantonal de l'environnement du canton de Genève (ci-après: le GESDEC) s'est rendu sur place afin de vérifier la protection des sols dans le cadre de travaux de décapage, remblayage et aménagement de matériaux terreux. Il a alors constaté que ces travaux ne concernaient pas le périmètre en lien avec l'autorisation de construire prévu dans le cadre de l'aménagement de finition qui justifiait un apport de matériaux terreux; en outre, lesdits travaux nécessitaient l'utilisation de camions à pneus, dont le passage tassait le sol de catégorie « silt argileux sensible à la compaction » et altérait à long terme sa fertilité. 
 
Invité à se déterminer, A.________ a expliqué que la zone de remblayage concernait tout le périmètre en lien avec l'autorisation de construire. Il s'était permis de « venir faire mourir » le talus jusqu'au chemin sous son hangar, dépassant ainsi d'environ 40 m la zone comprise dans l'autorisation, afin d'obtenir une pente douce permettant de replanter et de cultiver la vigne sur un maximum de surface; la façon dont le remblai était effectué n'altérait pas la fertilité du sol. 
 
Par courrier du 19 décembre 2016, le Département cantonal de l'aménagement, du logement et de l'énergie (devenu le Département du territoire; ci-après: le Département) a ordonné à A.________ l'arrêt immédiat du chantier jusqu'à la régularisation de la situation. Il était saisi d'une plainte du GESDEC, accompagnée d'un reportage photographique, duquel il ressortait qu'un décapage et remblayage importants du terrain avaient été effectués sans autorisation. Un délai de dix jours lui était imparti pour faire part de ses observations. 
Par décision du 16 janvier 2017, en l'absence de réponse au courrier précité, le Département a ordonné à A.________ de requérir, dans un délai de trente jours, une autorisation de construire afin de tenter de régulariser la situation. 
 
Par jugement du 15 juin 2017, le Tribunal administratif de première instance du canton de Genève (ci-après: le TAPI) a déclaré irrecevable le recours formé par A.________ contre la décision incidente du 19 décembre 2016, jugement confirmé par arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après : la Cour de justice) du 14 novembre 2017. 
 
B.  
Le 4 février 2019, une inspectrice de la construction a procédé à un nouveau constat, avec prise de six photographies des alentours du hangar sous tous les angles. Le hangar était bordé d'une vaste surface goudronnée sur l'une de ses longueurs et sur le reste du pourtour par une étendue de prairie et de terre. 
 
Par décision du 6 juin 2019, le Département a ordonné une nouvelle fois à A.________ de déposer une demande d'autorisation de construire complémentaire dans un délai de trente jours. 
 
Le 16 août 2019, constatant que son ordre n'avait pas été suivi d'effet, il a infligé une amende de 500 francs à A.________ et a ordonné le dépôt d'une demande d'autorisation de construire complémentaire dans un délai de trente jours; à défaut d'exécution de cet ordre dans le délai imparti, A.________ s'exposait à toutes nouvelles mesures et/ou sanctions justifiées par la situation. 
 
En l'absence de réaction et de volonté de se conformer aux ordres, le Département a, par décision du 4 octobre 2019, amendé A.________ à hauteur de 1'000 francs et a ordonné à nouveau le dépôt d'une demande d'autorisation de construire complémentaire dans un délai de trente jours. 
 
Le 21 novembre 2019, faute encore de réaction de A.________, le Département l'a amendé à hauteur de 1'500 francs et a derechef ordonné le dépôt d'une demande d'autorisation de construire complémentaire dans un délai de trente jours. 
A la suite de l'octroi de plusieurs délais supplémentaires, cette demande complémentaire pour régulariser les travaux de décapage/remblayage réalisés a été déposée par A.________ en février 2020. Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'Office cantonal de l'agriculture (ci-après: l'OCAN), a délivré un préavis défavorable; la prétendue nécessité d'accès au vignoble et la mise en place d'un projet d'agroforesterie n'étaient pas recevables; la parcelle était en effet parfaitement accessible par les deux chemins viticoles situés de part et d'autre du périmètre considéré; la mise en place d'un système agroforestier ne nécessitait pas de revoir la topographie initiale du terrain; une zone bétonnée était déjà visible sur les orthophotos, de sorte qu'il n'y avait pas de nécessité d'aplanir le terrain pour la circulation des tracteurs; dans la mesure où A.________ avait choisi, lors de la construction récente de son hangar, les niveaux et emplacement, il ne pouvait ensuite invoquer des problèmes sur la parcelle cultivée. 
 
L'Office cantonal de l'urbanisme a aussi émis un préavis défavorable dans la mesure où il n'était pas démontré que le remodelage topographique réalisé était nécessaire à l'exploitation agricole au sens de l'art. 16a LAT
 
Le GESDEC a aussi rendu un préavis défavorable, au motif qu'aucun défaut pédologique d'origine anthropique nécessitant obligatoirement la modification de la configuration du terrain pour être réparé n'avait été constaté; par conséquent aucun remodelage ne se justifiait et n'était admissible au regard du risque de porter durablement atteinte à la fertilité du sol au sens de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE; RS 814.01) et de l'ordonnance fédérale sur les atteintes portées aux sols du 1er juillet 1998 (OSol; RS 814.12); dans ce contexte, l'apport de matériaux d'excavation devait être considéré comme un stockage définitif de déchets sans autorisation (art. 38 al. 1 de l'ordonnance fédérale sur la limitation et l'élimination des déchets du 4 décembre 2015 [OLED; RS 814.600]). 
Par décision du 27 janvier 2021, le Département a refusé de délivrer l'autorisation de construire sollicitée (DD 103'133/4). Il a fait siens les préavis émis par le GESDEC, l'OCAN et l'Office de l'urbanisme. Le projet n'était pas conforme à la zone d'affectation considérée et était de nature à porter atteinte à la fertilité du sol. 
 
Par décision du même jour, le Département a ordonné à A.________ la remise en état, dans un délai de 90 jours, du terrain naturel - soit notamment le décapage et l'entreposage temporaire de la couche supérieure du sol, l'élimination en fonction de leurs teneurs en polluants des matériaux déposés en 2016, le décomptage de la surface sur laquelle serait remise la couche supérieure du sol, la reconstitution de la couche supérieure du sol, la production d'attestations de la reconstitution conforme du sol par un rapport d'étude pédologique et de la remise en état de la topographie antérieure par un relevé de géomètre, et la culture de la surface concernée pendant minimum trois ans par une prairie de fauche. Une amende de 5'000 francs lui a aussi été infligée, prenant notamment en considération, comme circonstances aggravantes la récidive, la zone concernée de même que la mise du Département devant le fait accompli. 
 
Le 27 janvier 2021 encore, le Département a adressé à A.________ un bordereau de taxation relatif au dossier DD 103'133/4, d'un montant de 345 francs. 
 
C.  
Par acte du 1 er mars 2021, A.________ a recouru contre ces trois décisions auprès du TAPI, qui, par jugement du 2 septembre 2021, a rejeté le recours.  
 
Par arrêt du 25 janvier 2022, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours interjeté par A.________ contre le jugement du 2 septembre 2021. 
 
D.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 25 janvier 2022 et les trois décisions du 27 janvier 2021 ainsi que d'ordonner à l'Office des autorisations de construire du Département du territoire de délivrer l'autorisation de construire. Il conclut subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance précédente pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants. 
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département et l'Office fédéral du développement territorial concluent au rejet du recours. Le recourant a répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recourant a pris part à la procédure de recours devant la Cour de justice. En tant que destinataire du refus d'autorisation de construire et de l'ordre de remise en état relatif à la parcelle dont il est propriétaire, il peut se prévaloir d'un intérêt personnel et digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué. Il a dès lors qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant se plaint d'abord d'une constatation manifestement inexacte des faits. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), hormis dans les cas visés à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 145 V 188 consid. 2). Le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (cf. art. 106 al. 2 LTF). Les faits et les critiques invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (ATF 145 I 26 consid. 1.3).  
 
2.2. En l'espèce, le recourant reproche à la Cour de justice d'avoir constaté de manière erronée des faits relatifs au dépôt de l'autorisation de construire (et au caractère autorisable de la construction) et à la qualité du sol. Ces éléments ne sont toutefois pas susceptibles d'avoir une incidence sur l'issue du litige notamment dans la mesure où ils ne démontrent pas en quoi le remblayage litigieux serait nécessaire à l'exploitation agricole du recourant (cf. infra consid. 4.3).  
 
Le recourant se plaint aussi de la constatation incomplète de faits en lien avec les coûts et les difficultés de l'ordre de remise en état. A nouveau ces éléments ne sont pas déterminants pour le sort de la cause (cf. infra consid. 5.2). 
Mal fondé, le grief doit être rejeté. 
 
3.  
Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir refusé deux mesures d'instruction, un transport sur place et un rapport pédologique qui aurait permis de constater que du substrat avait été utilisé pour le remblayage litigieux, que la terre était bel et bien fertile (preuve en était le développement de la flore de manière significative) et qu'aucune atteinte au paysage n'existait. 
 
Il se plaint d'une appréciation arbitraire des preuves. 
 
3.1. Garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l'administration des preuves essentielles lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, l'autorité tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1). Dans ce contexte, le recourant est soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 146 I 62 consid. 3).  
 
3.2. En l'espèce, la cour cantonale a considéré que le dossier contenait les plans produits, des photographies au moment du remblayage litigieux, ainsi qu'au début du mois de février 2019 et en mars 2021, ces dernières étant produites par le recourant, de même que les divers préavis des instances spécialisées: ces éléments lui permettaient de trancher le litige sans qu'un rapport sur la nature actuelle du sol et sa fertilité, après remblayage, soit nécessaire; le recourant avait par la suite pu s'exprimer par écrit notamment sur la teneur des photos du 4 février 2019, en particulier devant le TAPI et devant elle.  
 
Le recourant n'explique pas en quoi le refus de la cour cantonale serait constitutif d'arbitraire. Il se contente d'affirmer que les plans et photographies ne permettent en rien de témoigner de la qualité actuelle de la terre. Il perd cependant de vue que les autorités spécialisées, le GESDEC et l'OCAN, se sont prononcées sur la fertilité du sol. La Cour de justice pouvait donc, sans violer le droit d'être entendu du recourant, renoncer à procéder à une inspection locale et à ordonner un rapport pédologique, ce d'autant plus que le recourant n'a jamais produit aucune étude ou aucune preuve qui aurait permis de retenir comme il le soutient que la terre serait, malgré les modifications importantes qu'il a effectuées, aucunement atteinte dans ses qualités. 
 
Mal fondé, le grief doit être écarté. 
 
4.  
Le recourant fait grief à la Cour de justice de ne pas avoir traité son grief sur le caractère autorisable de la construction et d'avoir examiné uniquement si le remblayage litigieux était soumis à autorisation, alors qu'il n'avait jamais contesté le fait que le remblayage litigieux nécessitait une autorisation. Il soutient en revanche que le remblayage autour du hangar doit être autorisé puisqu'il remplit toutes les conditions des art. 16a et 22 LAT ainsi que de l'art. 34 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT; RS 700.1). Il fait valoir un déni de justice. 
 
4.1. Selon la jurisprudence, l'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 145 V 557 consid. 3.2.1 et les arrêts cités).  
 
4.2. Selon l'art. 22 al. 2 let. a LAT, une autorisation de construire ne peut être délivrée que si la construction ou l'installation projetée est conforme à l'affectation de la zone. Hors de la zone à bâtir, de façon générale, la conformité est liée à la nécessité: la construction doit être adaptée, par ses dimensions et son implantation, aux besoins objectifs du propriétaire ou de l'exploitant (ATF 132 II 10 consid. 2.4). Cette clause du besoin est clairement exprimée en ce qui concerne les zones agricoles aux art. 16a al. 1 LAT et 34 al. 4 let. a OAT. Aux termes de cette dernière disposition, l'autorisation ne peut être délivrée que si la construction ou l'installation est nécessaire à l'exploitation en question (let. a), si aucun intérêt prépondérant ne s'oppose à l'implantation de la construction ou de l'installation à l'endroit prévu (let. b), et s'il est prévisible que l'exploitation pourra subsister à long terme (let. c).  
 
En introduisant ces exigences, le législateur fédéral entend limiter les constructions nouvelles à celles qui sont réellement indispensables à l'exploitation agricole afin de garantir que la zone agricole demeure une zone non constructible (ATF 133 II 370 consid. 4.2; 129 II 413 consid. 3.2). Le critère de la nécessité implique aussi que les intérêts en présence soient appréciés et mis en balance. L'implantation et la conception architecturale de la construction ne doivent contrevenir à aucun intérêt prépondérant (cf. art. 34 al. 4 let. b OAT). La pesée des intérêts exigée à l'art. 34 al. 4 let. b OAT doit se faire à l'aune des buts et principes de l'aménagement du territoire énoncés aux art. 1 et 3 LAT (arrêt 1C_96/2018 du 11 octobre 2018 consid. 3.3.1). 
 
En droit genevois, la zone agricole est destinée à l'exploitation agricole ou horticole. Ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui sont destinées durablement à cette activité et aux personnes l'exerçant à titre principal (let. a), respectent la nature et le paysage (let. b) et respectent les conditions fixées par les art. 34 ss OAT (let. c) (art. 20 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 [LaLAT; RS/GE L 1 30]). 
 
4.3. En l'occurrence, la cour cantonale a d'abord considéré que le remblayage réalisé sur la parcelle litigieuse répondait à la notion de construction ou d'installation définie à l'art. 22 al. 1 LAT et nécessitait une autorisation au sens de cette disposition, ce que le recourant n'avait pas contesté. S'il n'était certes pas nécessaire d'étudier dans le détail cet élément (dans la mesure où le recourant ne remet plus en cause l'obligation de déposer une demande d'autorisation complémentaire pour le remblayage litigieux), il ne peut être reproché à la cour cantonale d'avoir analysé cette condition.  
 
La Cour de justice n'a ensuite pas traité explicitement de la question de savoir si les conditions pour octroyer l'autorisation de construire le remblayage litigieux étaient remplies. Il ressort cependant des considérants de l'arrêt attaqué que cette question a été examinée implicitement. Il s'agissait en effet d'étudier si le remblayage litigieux était nécessaire à l'exploitation agricole du recourant, conformément aux art. 16a LAT, 34 OAT et 20 LaLAT. La cour cantonale a d'ailleurs exposé ces dispositions légales, même s'il est vrai qu'elle aurait pu détailler le contenu de l'art. 34 OAT. Elle a ensuite repris les doubles préavis des trois autorités spécialisées. 
 
D'abord, elle a rappelé que l'OCAN avait, le 16 avril puis le 16 septembre 2020, retenu que ce remblayage n'était pas conforme à la zone au sens des art. 16a LAT, 34 OAT et 20 LaLAT pour les motifs suivants: l'apport de matériaux terreux ou d'excavation en grande quantité n'était pas justifié et ne permettait pas de corriger un problème agricole initial, puisque la parcelle n'en présentait pas à l'origine; quant aux justifications avancées par le recourant (soit la nécessité de pouvoir accéder au vignoble et la mise en place d'un projet d'agroforesterie) la parcelle était parfaitement accessible par les deux chemins viticoles situés de part et d'autre du périmètre considéré et la mise en place d'un système agroforestier ne nécessitait pas de revoir la topographie initiale du terrain; une zone bétonnée était visible sur les orthophotos, de sorte qu'il n'y avait pas de nécessité d'aplanir le terrain pour circuler; un apport exclusif de terre végétale de faible épaisseur aurait pu être considéré comme un amendement, ce qui n'était pas le cas ici, les épaisseurs de matériaux terreux se cumulant à certains endroits à près de 2 m de hauteur (1.67 m selon le recourant), soit une hauteur ne pouvant être considérée comme minime. L'instance précédente a relevé à cet égard que le recourant n'avait pas même offert de démontrer sur quelle (s) partie (s) de sa parcelle il aurait prélevé les m³ de terre fertile qu'il indique avoir utilisée à l'exception de tout autre matériau d'excavation. 
Ensuite, la cour cantonale a cité le GESDEC qui a considéré l'apport de matériaux d'excavation comme un stockage définitif de déchets sans autorisation et portant une atteinte à la structure et aux couches du sol originel. 
 
Enfin, l'instance précédente a souligné que l'Office de l'urbanisme avait retenu dans ses deux préavis que le recourant n'avait pas démontré que le remodelage effectué était nécessaire à l'exploitation agricole et à sa pérennité. 
 
Il résulte de ce qui précède que, même si l'instance précédente ne l'a pas formulé explicitement, elle a déduit de ces préavis que le remblayage litigieux n'était pas conforme à la zone agricole, car il n'était pas nécessaire à l'exploitation agricole, la surface en cause n'étant plus vouée à la culture de la vigne depuis au plus tard le 5 décembre 2016 et étant recouverte de pâturage. Elle a aussi retenu le fait que le remblayage avait eu une incidence sur la fertilité du sol à long terme, ce que constatait le GESDEC le 6 décembre 2016. 
 
Le recourant n'ex pose d'ailleurs pas en quoi ce remblayage serait nécessaire à son exploitation agricole. S'il met en avant une volonté d'exploiter ces terres, il ne démontre pas que ces travaux seraient nécessaires à l'exploitation agricole et à sa pérennité. Il ne répond pas non plus à l'argumentation de la cour cantonale fondée sur les préavis des trois autorités cantonales spécialisées. Il se contente d'affirmer sommairement qu'il "ne s'agit pas d'une construction ou d'une installation qui réduirait la parcelle viticole mais d'un remblayage de terrain nécessaire permettant d'optimiser la surface cultivable de la vigne", que "la construction est destinée durablement à la viticulture", qu'il exerce l'exploitation des vignes à titre principal et qu'aucun intérêt prépondérant ne s'oppose à l'implantation du talus. Ce faisant, il ne répond pas aux arguments des autorités spécialisées repris par la cour cantonale. Il affirme encore que le lissage des talus aurait été effectué avec de la terre fertile pour accroître la surface cultivable et que le sol devrait être considéré comme étant aujourd'hui fertile, au motif que la végétation naturelle s'y développe actuellement. Or, le fait que de la végétation a poussé ne démontre pas que les propriétés du terrain n'auraient pas été impactées. Comme l'a relevé la cour cantonale, il n'apporte aucune preuve de son affirmation. 
 
Partant, le recourant ne parvient pas à démontrer que l'instance précédente n'aurait pas traité de la question du caractère autorisable du remblayage et aurait de ce fait commis un déni de justice. 
 
4.4. Il s'ensuit que le grief de déni de justice doit être rejeté.  
 
5.  
S'agissant de l'ordre de remise en état, le recourant soutient uniquement qu'il viole le principe de la proportionnalité. 
 
5.1. Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel; il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. (ATF 147 II 309 consid 5.5; cf. Message du Conseil fédéral du 20 janvier 2010 relatif à une révision partielle de la LAT, FF 2010 964 ch. 1.2.1 et 973 ch. 2.1; cf. art. 14 al. 2, 16 al. 1, 22 al. 2 let. a et 24 ss LAT). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte. Si des constructions illégales, contraires au droit de l'aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non-bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s'en trouve récompensé. S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole (ATF 132 II 21 consid. 6.4) ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi (arrêt 1C_418/2021 du 10 mars 2022 consid. 3.1).  
 
L'autorité peut renoncer à un ordre de démolition, conformément au principe de la proportionnalité, si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (ATF 132 II 21 consid. 6; 123 II 248 consid. 3a/bb). Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a). 
 
5.2. En l'espèce, la cour cantonale a considéré que l'intérêt privé du recourant à maintenir le remblayage litigieux ne l'emportait pas sur l'intérêt public au rétablissement à une situation conforme au droit, en tant qu'il porte sur la préservation des terres agricoles en zone viticole protégée. Elle a pris en compte différents éléments dont l'impact du remblayage effectué sur 40 m entre le hangar et le début de la vigne, sur l'environnement et la fertilité du sol (qui ne saurait être remis en question dans la mesure où nulle vigne n'y pousse); il apparaissait en outre que le recourant n'entendait à l'avenir plus vouer cette partie de la parcelle à la viticulture, mais à l'agriculture biologique; s'ajoutait à cela que ce remblayage nuisait à la fertilité de la terre, ce qu'avait constaté le GESDEC; le passage des camions en décembre 2016 (ce qui était bien illustré par les photos versées à la procédure) avait par ailleurs indéniablement entraîné un compactage du sol, nuisible à sa culture; par ailleurs, le recourant avait mis le Département devant le fait accompli. La Cour de justice a jugé que dans ces circonstances, l'intérêt de préserver la zone viticole était important, étant rappelé qu'une partie de la parcelle se trouvait en zone viticole protégée. Elle a ajouté que pour autant que la question du coût de la remise en état entrait dans la pesée des intérêts, il était difficile d'accorder du crédit aux dires du recourant, certes devis à l'appui, qui chiffrait les travaux à plus de 370'000 francs, alors même qu'il ne démontrait pas quel montant aurait été nécessaire pour procéder au remblayage litigieux; le devis produit interpelait par ailleurs s'agissant de devoir évacuer "en décharge type B 1000 m³ de terre de vigne", alors même que ladite terre était censée provenir de la parcelle du recourant; la question demeurait de savoir en quel endroit de sa parcelle le recourant aurait prélevé cette terre en décembre 2016, ce qu'il échouait, comme déjà relevé, à démontrer.  
 
Face à ces arguments, le recourant se borne à affirmer que le remblayage n'aurait pas porté atteinte au sol: la démonstration proviendrait du fait que de la végétation se développe actuellement sur les talus litigieux, preuve que le terrain serait fertile. Or comme déjà relevé, le simple fait que de la végétation pousse ne démontre pas que les propriétés du sol n'ont pas été impactées. 
 
Le recourant soutient ensuite que la remise en état serait disproportionnée car elle aurait été ordonnée sans même savoir s'il y avait réellement une atteinte au sol. Il perd toutefois de vue que le GESDEC et l'OCAN ont relevé que l'intervention réalisée portait une atteinte non négligeable au sol, notamment en ce qui concerne sa structure et donc la succession naturelle des couches pédologiques et la fertilité de la terre. 
Le recourant avance aussi que la mesure ne serait pas apte à produire les résultats escomptés, car procéder à la remise en état du terrain constituerait un risque concret pour la fertilité de la terre et une atteinte au sol. Cet élément manque de pertinence puisqu'il lui appartiendra de prendre toutes les précautions utiles (cas échéant avec le soutien du GESDEC) pour éviter une nouvelle atteinte au sol et lui restituer ses propriétés originelles. 
 
Quant aux coûts de la remise en état, le montant important n'est pas à lui seul décisif (arrêts 1C_29/2016 du 18 janvier 2017 consid. 7.2 qui concernait une remise en état pour un montant de l'ordre de 200'000 francs; 1C_136/2009 du 4 novembre 2009 qui concernait une remise en état pour un montant estimé à 300'000 francs). L'intérêt purement économique du recourant ne saurait dès lors avoir le pas sur l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit, les règles relatives à la séparation entre les zones bâties et non bâties répondant à une préoccupation centrale de l'aménagement du territoire. 
 
5.3. La Cour de justice n'a donc pas violé le principe de la proportionnalité en confirmant l'ordre de remise en état litigieux.  
 
6.  
Le recourant soutient que l'amende de 5'000 francs qui lui a été infligée par le Département le 27 janvier 2021 violerait le principe ne bis in idem.  
 
6.1. Aux termes de l'art. 137 de la loi genevoise sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI; RS/GE L 5 05), est passible d'une amende administrative de 100 francs à 150'000 francs tout contrevenant à la LCI (let. a), aux règlements et aux arrêtés édictés en vertu de ladite loi (let. b), ainsi qu'aux ordres donnés par le département dans les limites desdits loi, règlements et arrêtés (let. c; al. 1); le montant maximum de l'amende est de 20'000 francs lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (al. 2).  
 
6.2. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. Ce droit, exprimé par l'adage " ne bis in idem ", est garanti par l'art. 4 ch. 1 du Protocole additionnel n° 7 à la CEDH, entré en vigueur pour la Suisse le 1 er novembre 1988 (RS 0.101.07), ainsi que par l'art. 14 par. 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, entré en vigueur pour la Suisse le 18 septembre 1992 (Pacte ONU II; RS 0.103.2). La règle "ne bis in idem" découle en outre implicitement de la Constitution fédérale (ATF 137 I 363 consid. 2.1 et les arrêts cités). Enfin, sous la note marginale "Interdiction de la double poursuite", l'art. 11 al. 1 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP; RS 312.0) prévoit aussi qu'aucune personne condamnée ou acquittée en Suisse par un jugement entré en force ne peut être poursuivie une nouvelle fois pour la même infraction.  
 
Ce principe, qui est un corollaire de l'autorité de chose jugée, interdit qu'une personne soit pénalement poursuivie deux fois pour les mêmes faits. L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem supposent qu'il y ait identité de l'objet de la procédure, de la personne visée et des faits retenus (ATF 123 II 464 consid. 2b et les arrêts cités).  
 
6.3. En l'espèce, à l'instar du Département et du TAPI, la cour cantonale a retenu que l'amende du 21 novembre 2019 de 1'500 francs sanctionnait le fait de ne pas avoir respecté l'ordre de déposer une demande d'autorisation pour le remblayage litigieux, alors que celle du 27 janvier 2021 sanctionnait, après instruction de cette demande, l'infraction constatée, à savoir les travaux de remblayage effectués sans autorisation. Pour contrer cette explication, le recourant se contente d'affirmer que les deux sanctions sont basées sur le même état de fait. Il perd cependant de vue que les deux sanctions qui ont été prononcées ne sanctionnent pas le même comportement, de sorte que c'est à bon droit que la Cour de justice a jugé que le principe ne bis in idem n'était pas violé.  
 
Par conséquent, le grief doit être écarté, dans la mesure de sa recevabilité. 
 
7.  
Le recourant demande enfin que la décision de taxation du 27 janvier 2021 relative au dossier DD 103'133/4, d'un montant de 345 francs, soit suspendue jusqu'à droit jugé sur le fond du dossier. Vu les considérants qui précèdent, cette requête doit être rejetée dans la mesure où le refus d'autorisation et la remise en état sont confirmés. 
 
Au demeurant, le recourant ne fait valoir aucun grief spécifique au sujet de ce montant. 
 
8.  
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, aux frais du recourant qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 francs, sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Département du territoire, à la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève, et à l'Office fédéral du développement territorial. 
 
 
Lausanne, le 28 octobre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Tornay Schaller